Le regard de la baronne s'emplit d'une profonde compassion pour la jeune femme et son protégé.

« Je suis vraiment navrée de vous l'avoir appris ainsi. Ainsi que pour ce qui est arrivé à votre village... »

Comme rassurée par la révélation de Célia, Tara compléta son récit : « Avant de quitter la cité, nous avons eu une conversation avec des êtres qui se sont présentés comme les "dragons primordiaux", ou quelque chose comme ça. Ce sont eux qui nous ont chargé de mettre un terme aux agissement de la sorcière. Même certains d'entre nous, à commencer par Alessa, avaient déjà cette tâche à cœur. »

« Nous ne savons que peu de choses sur elle à part ça. Des traces de son existence remontent à plus de mille ans, elle se servirait de répliques de son corps pour se ré-incarner. Notre Alessa était l'une de ses "copies" mais a pu se libérer et se couper de l'original.
Elle est aussi à l'origine de la catastrophe de Krysma et a probablement des liens avec de puissants démons. Du genre à ne rien envier aux dieux eux-mêmes... Et elle a des pouvoirs d'une nature étrange. Différents de la magie classique j'ai l'impression. Bref, ce n'est pas un adversaire à prendre à la légère. »

Elle appuya sur ses derniers mots, cherchant à faire comprendre au jeune dragon et à Célia qu'une éventuelle vengeance était hors de propos sans en savoir plus sur cette femme.

« Navré pour mon... "éclat" de tout à l'heure. Je ne tenais pas à réagir ainsi mais vos propos m'ont décontenancé... »

Le jeune homme se pencha derrière Célia pour ajouter quelques mots discrets avant de retourner s'asseoir avec les deux hommes, toujours attablés, qui discutaient paisiblement du beau-temps et de la pluie.

N'écoutant que d'une oreille la conversation entre les humains Béryl s'approcha de Minaithnir.

Maintenant qu'il connaissait la nature du garçon il comprit pourquoi il avait eu ce sentiment de devoir lui obéir avant.

Il s'inclina respectueusement devant lui : « Bonjour, Ô Ancien. Puis-je vous être utile de quelque manière que ce soit ? »

La petite réapparu brusquement au milieu de tout ce petit monde, en ayant pris soin de n'interrompre personne en le faisant, l'air un peu gênée par son annonce.

« En sortant, vous ne deviez être dérangés que par les volets qui claquent. Les rues sont désertes et les gens sont terrés chez eux, terrifiés... je n'ai pas eu le détail de ce que s'est passé mais ça serait bien de ne pas partir comme des voleurs, ça n'est pas le genre d'histoire qu'on aime à se raconter au coin du feu. Au pire, mettez ça sur le dos d'Aenyr, pour une fois qu'un de ses méfaits sera fictif, ça le changera. C'est le seul à être parti en plus, c'est pratique.
Ah, et pour le reste Tara, le château familial, tu sais à quelle distance et dans quel direction il se trouve? »

Jetant des regards un peu perdus à droite à gauche, Alessa n'avait visiblement aucune idée de la réponse.

Au moins une "bonne" nouvelle !

« Nous allons faire ça alors. Et pour ce qui est d'Ebelern... » elle s'approcha d'une fenêtre, et pointa une direction du doigt pour la fillette : « Par là bas. A environ une trentaine de kilomètres je dirais. »

Elle se tourna ensuite vers Sania : « Camalle, tu serais prête pour un spectacle de rue avec moi ? Quitte à avoir été reconnus, autant faire les choses bien. Et te blanchir par la même occasion. Est-ce que tu penses que tu arriverais à convaincre les gens que c'est Aenyr qui a fait ça ? » elle désigna la bouillie près de l'entrée. « Quant à moi, j'annoncerai le retour de Tara Auraniël et la fin de la tyrannie orque. Au mieux, ça nous fera un maigre soutien, au pire, les gens resteront chez eux tant que tout ça ne sera pas terminé. »

Elle s'adressa à l'assemblée présente dans la salle : « Qu'en dites-vous ? Orianne, Braid, je ne sais pas ce que vous avez décidé vis-à-vis de nous, mais votre aide serait la bienvenue. Et je crois que nous avons plus de points communs qu'il n'y paraît. Brent, je peux toujours compter sur toi pour sauver une demoiselle en détresse ? »

Sania fut tirée de sa contemplation -le mot n'est pas trop fort- du jeune dragon. Doré en plus ? Fascinant.
Mais Tara lui parla.

« Je vois pas comment, vu que bon, tout le monde dans l'auberge m'a vu leur lancer un sort. Je n'avais pas pensé qu'il serait aussi puissant. Voilà ce que ça fait de sauver le monde à plusieurs reprises, on ne connait plus sa force quand on revient dans le monde réel.
Je veux bien essayer, mais ayons un plan avant, veux-tu ? Pour une fois. »

La fillette s'avança pour voir par la fenêtre la direction désignée par Tara, avant de se retourner vers l'assemblée.

« Ce n'est pas une version si invraisemblable, je trouve. L'échange s'est envenimé entre moi et Aenyr, ensuite il a répondu en me faisant violemment tomber à la renverse. Aux yeux des gens le lien entre lui et ma chute n'est pas évident, mais à son attitude et à sa réaction après tout le monde sait que c'était lui. Si c'est si difficile à croire, il suffit de prétexter un coup de pied de sa part dans mon tabouret de sous la table et comme ça, ça a du sens pour ceux qui ne sont pas trop habitué au surnaturel.

Ensuite je crois avoir entendu que la garde avait débarqué suite à l'incident, pour moi... enfin je crois, j'avais la tête un peu ailleurs sur le moment. Là vous avez d'un côté les hommes d'armes qui viennent arrêter le fauteur de trouble qui s'attaque à une enfant et la disparition brutale d'Aenyr. Tout le désigne. Le seul qui a un intérêt à se débarrasser d'eux c'est lui. Sania a pincé quelques cordes sur son instrument après avoir répondu de manière un peu potache, ça ne fait pas d'elle une sorcière pour autant. »

De toute évidence, Alessa était rompue à cet exercice. Couvrir ses traces en déguisant la vérité pour avoir la paix était devenu naturel, au fil des années.

« Après de là où j'étais, je n'ai pas tout bien vu je dois l'admettre. J'ai pu rater des détails. »

La paladine hocha la tête en direction de Minaithnir, indiquant qu'ils en discuteraient plus tard, avant de reporter son attention sur l'échange en silence, gênée à l'idée de les entendre mettre sans scrupules leur bavure sur le dos quelqu'un d'autre (qui, d'après leur description, ne saurait être considéré comme innocent, mais tout de même!) et se demandant si ils réalisaient que depuis qu'ils en discutaient, il y avait eu sans doute assez de temps écoulé pour opérer une retraite hâtive.

« Euh... si je puis me permettre... Le seigneur Minaithnir et moi-même avons la possibilité de nous téléporter hors d'ici avec plusieurs personnes. Je... ce n'est pas dans mes habitudes de suggérer de nous dérober à la justice, mais compte tenu des circonstances, ça me semble être une solution plus simple qu'un récit décousu qui ne résisterait sans doute pas au premier interrogatoire venu? »

La fin de sa phrase avait été prononcée en regardant le sol ; Célia était embarrassée à l'idée d'avoir pu se montrer trop directive envers des personnes expérimentées qui n'avaient aucune raison de lui faire confiance ; surtout, tout dans cette situation lui déplaisait au plus haut point. Le simple fait de devoir choisir un moindre mal (ou du moins, ce qui semblait être un moindre mal) était la preuve de l'échec de ses efforts.

La petite leva aussitôt les mains pour se dédouaner.

« Je proposais juste de ramener un semblant de quiétude dans la bourgade et de ne pas quitter ses habitants apeurés de la sorte. Tara et sa famille sont revenus remettre de l'ordre sur leur terre après tout. Dans l'esprit des gens ça associerait le nom des Auraniël à un massacre d'innocents, et des représentants de l'ordre de surcroît. Maintenant, si vous préférez filer à l'halfeline, je me rangerai à l'avis des autres, mais je trouvais que les gens d'ici méritaient mieux que ça. »

Célia fronça les sourcils.

« Les gens d'ici méritent effectivement mieux. Mais une tranquillité bâtie sur un mensonge ne saurait satisfaire qui que ce soit. »

La paladine avait évité de croiser le regard de quiconque, mais sa mâchoire crispée indiquait clairement son état d'esprit, ne serais-ce que parce que la dernière accusation touchait un point particulièrement sensible. De plus, la manière dont la justification était formulée rendait la manœuvre un peu trop calculatrice à son goût. Elle voulait croire que Tara et ses compagnons pouvaient effectivement apporter un progrès sur ses terres... mais le peu qu'elle ait vu laissait subsister de nombreux doutes.

Une réalisation la frappa ; dans la confusion des dernière révélations, elle avait été incapable de garder la tête froide, et de se rendre compte que le simple fait d'éprouver autant de honte quant au cours des évènements était le signe qu'elle même était en train de s'écarter du chemin qu'elle s'était fixée. Peut être... peut être y-avait-il encore un moyen d'arranger - en partie - les choses.

« ... Vous... vous avez en partie raison. Les gens d'ici méritent mieux. Je vous encouragerai tout de même à vous replier pour l'instant. Je... moi et Minaithnir allons rester ici. »

Elle se tourna vers le seul visage un tant soit peu familier du groupe, tout en retirant une pierre cristalline fixée à son arme.
« Oriane... je sais que nous nous connaissons à peine, mais j'aimerais vous charger d'une tâche. J'aimerais vous confier ce cristal pour qu'il soit revendu ; je doute que cette bourgade cache un joailler ou un temple, mais si vous pouviez revendre cette pierre contre autant de diamants que vous pourrez trouver, je vous en serais infiniment reconnaissante. Ce n'est qu'à cette condition qu'il sera possible de faire amende honorable. »

Enfin, elle se tourna vers Minaithnir, une expression désolée sur le visage.

« En temps normal, je vous aurais demandé de prendre la fuite avec eux, mais j'ai peur d'avoir besoin de vos cmpétences pour préserver les corps... Si les autorités acceptent de nous laisser opérer. »

Un sourire mêlé de tristesse se peint de nouveau sur le visage de Tara. Elle était passée par là elle aussi au moment de quitter les troupes de l'Archonte. Et elle aussi avait du mal à supporter l'erreur qu'avait commise son alliée.

L'espace d'un instant, l'idée lui était venue de rendre justice aux victimes, en soumettant Sania a un jugement équitable qui aurait sans doute mené, au mieux à une peine de prison à vie et au pire - plus probable - à une exécution en place publique. Cette idée était inacceptable pour Tara. Était-ce là un signe de faiblesse de sa part ? Elle voulait croire que pardonner à Sania une erreur faite "dans le feu de l'action" était la bonne décision à prendre.

La baronne poussa un soupir de lassitude. Avoir vécu pendant longtemps sans attaches, avoir su respecter pendant tout ce temps, sinon la loi, une forme de code moral, avoir mené une vendetta personnelle sans s'inquiéter du lendemain : la vie était alors plus facile que celle qu'elle entrevoyait en réclamant son titre à la baronnie. Aussi forte que soient ses bonnes intentions, il viendrait forcément un jour où des décisions politiques s'imposeraient à elle. Où sa seule morale devrait céder le pas au pragmatisme.

« Célia, je vous comprends, croyez-moi. Et c'est pour cette raison que nous ne quitterons pas... que Je ne quitterai pas ce village sans avoir parlé à ses habitants ni avoir offert une sépulture décente à ces gens. »

Elle releva la tête et fixa son regard sur la paladine. Ses yeux reflétaient la maîtrise qu'elle avait sur ses propres pensées. Honte, tristesse, colère et compassion s'y mêlaient sans jamais poindre plus d'une seconde à la surface.

« Vous êtes libre de votre choix, le seigneur Minaithnir et vous. Comme chacun de nous ici. Comme vous l'avez dit, ces gens méritent mieux qu'un beau discours et un peu d'or. Nous sommes venus pour leur rendre leur liberté. Une lame comme vous serait utile dans ce combat... Ne cherchez pas à porter seule un fardeau qui n'est pas le votre. Que ferez-vous si vous restez ici seuls ici ? Peut-être que vous réussirez à éviter que la guerre ne vienne détruire ce village. Mais que ferez-vous pour tous les autres ? »

L'expression de Célia marqua une légère surprise, avant qu'un éclair de compréhension n'illumine son regard.

« Ah... Non, je ne voulais pas simplement dédommager les familles... Mais si nous parvenons à rassembler assez de diamants, le seigneur Minaithnir serait en mesure de les rappeler à la vie... »

Elle marqua une pause.

« Avec un peu de chance, il sera possible de régler cette histoire avant que l'armée orque n'arrive sur place. »

Oriane, de son côté, avait continué à discuter avec Aravilan, visiblement avec plaisir de la retrouver.

Indécise, elle avait ensuite écouté la suite de la conversation, non sans jeter de fréquents coups d’œil vers Braid. Elle n'appréciait pas vraiment Aenyr et beaucoup restait à éclaircir au sujet de cet homme, mais la possibilité de rejeter sur lui la responsabilité de ce qu'avait fait la dénommée Camalle la mettait mal à l'aise. Aussi accueillit-elle la suggestion de Célia avec soulagement. Prenant le cristal tendu, elle le mit dans sa bourse.

« Je dois avoir quelques fonds pour compléter et je les mettrai volontiers à disposition... Mais je ne sais pas si ça suffira à faire quelque chose de significatif, ni, surtout, où nous pourrons trouver des diamants dans ce pays déjà ravagé par la guerre... »

Son regard parcourut l'assemblée, et elle proposa:

« Si nous commencions par rentrer les corps de ces malheureux dans l'auberge pour les disposer de façon décente ? »

« Je n'avais pas pensé à cette solution je dois dire... »

Elle se tourna vers Alessa : « Tu crois que tu pourrais faire une course avant d'aller du côté d'Ebelern ? »

Avant de revenir vers Orianne : « Vous avez raison. Commençons par ça. » et de joindre le geste à la parole en allant ouvrir la porte principale pour chercher à ramener les cadavres - du moins ceux qui étaient encore en état d'être déplacés - vers l'intérieur de l'auberge.
Morbide besogne pour une journée qui se poursuivait décidément bien mal.

La petite hocha la tête avant de répondre.

« Je veux bien, mais pas avant d'avoir fait un brin de toilette. Sans quoi, je vais effrayer tout le monde en ville et ça va encore faire des histoires. Je vais aller voir à l'étage si je peux trouver le nécessaire, je vous retrouve un peu plus tard. »

Saluant l'assemblée de la main, Alessa prit congé avant d'emprunter l'escalier.

L'elfe partagea son idée sur les trésors à récolter.
« Pour les diamants... j'y pense... Que ce soit par le biais de Phelam ou ces immondes peaux vertes qui stockeraient le butin de leurs rapts... Nous trouverons peut être quelque chose au chateau ? »

Puis se mis en tête de se préparer pour un potentiel assaut, elle vérifia son arc, et tenta de recontacter sa mère en s'écartant un peu pour ne pas déranger le groupe.
« Excusez moi un instant...

Ney ram kaluth Yr Vajoul Da Saeruth hyrm belfraxeondtagth ! »
(en elfique) « Je vais venir te chercher bientôt, maman. Tu connais des noms de gradés dans ton campement ? Sois discrète ! Je t'aime. »

Aravilan espérait au plus profond d'elle même avoir un retour comme la fois précédente...

Alessa disparut donc, laissant le groupe dans la salle principale de l'auberge. Braid se porta aux cotés d'Oriane pour lui lâcher quelques mots avant de se diriger vers l'extérieur.

Minaithnir opina du chef aux propos de Célia avant d'ajouter:

« Ce n'est pas non plus quelque chose de pressé... tant que leurs corps restent au même endroit, nous pourrions bien revenir dans un mois pour nous en occuper. Enfin, on peut s'en occuper tout de suite également... »

Brent enchaîna:

« Et même si j'aime pas ça, on pourrait déloger une ou deux personnes du cru pour leur poser des questions sur ce qu'il s'est passé dans le coin depuis ton départ, Tara. »

Proposition retenu par Héléna:

« Oui, tout à fait. Mais il vaudrait mieux éviter d'y aller à beaucoup, voir sans armes. Et de les déloger par la force... »

L'elfe se concentra sur la réponse et hésita un instant.
Je ne pourrais le faire qu'une fois encore...

Elle réenchaina cependant, voulant rassurer sa mère, avec ses paroles mystiques avant de redire en elfique.
(en elfique) « Cela peut aller et ça ira mieux quand je te reverrai, Sar aussi va bien. Je te recontacte demain, nous te sauverons ! »
Autant lui garder des ... surprises... ça vaut mieux.

C'est avec un engouement nouveau qu'Aravilan revint vers le groupe.
« Je sais pas quand vous comptez partir, mais le plus tôt sera le mieux. Je viens d'avoir ma mère et il me faut plus de détails pour la trouver... J'ai cependant des noms d'orques et je compte "interroger" ceux du chateau. Bien que nous soyons loin des terres du Gor et du Tha, peut être y trouverais-je une piste. Je vais me préparer et nous pouvons y aller quand vous serez prêts. »

Comme pour joindre le geste à la parole, elle ajusta son sac, et vérifia la corde de son arc et son carquois avant de se concentrer.

Tara acquiesça à la proposition de Brent : « Bonne idée. Finissons de rassembler les corps et allons leur parler. Quand nous en saurons plus sur ce que nous aurons pu ramener ces gens à la vie, nous partirons pour Ebelern. »

Encore un peu de patience.

Toute à sa besogne, Tara ne pouvait s'empêcher de penser à ce qu'il s'était passé moins d'une heure auparavant. Sa propre réaction surtout l'étonnait. Protéger une amie en mentant faisait-il d'elle une meurtrière ? La solution du rappel à la vie était sans doute bien commode pour se racheter une conscience, mais les faits étaient là et la hanteraient longtemps avant qu'elle ne se pardonne ce qui s'était passé.