« Rien qui ne soit important, mademoiselle. Tout est lié de près ou de loin au clergé, dans ce pays, vous le savez bien... »

L'homme retourna s'asseoir à table pendant que Brent prenait la parole:

« J'imagine qu'ils font référence à la tentative de meurtre sur Linéa... Il faut dire que, te connaissant, elle a du prendre cher mais tu ne l'as pas tué pour autant... »

Le jeune homme se tourna vers Alessa:

« Dis-moi, tu es allé à Sanctuaire récemment? Est-ce que tu l'as vu? Comment va-t'elle? »

Pendant ce temps, le père Auraniel se tourna vers sa plus jeune fille:

« Comment ça, la baronnie a été rattaché au royaume? »

Alessa s’apprêtait à répondre à Tara avant d'être prise de court par l'inconnu qui accompagnait Aenyr.

« Linéa? Elle n'est plus à Sanctuaire, elle accompagne les armées de la cité malgré sa "convalescence". Mais rassurez-vous, je suis certaine qu'elle va bien, surtout que sa tentative de meurtre relève du phantasme. »

Aravilan retint un frisson à l'écoute du langage orque et hésita un moment avant de répondre, surtout dans cette langue.
(en orque) « Je dirais pas Orianne. Je l'ai déjà croisée, et elle a dit que c'était Ellöé qui l'envoyait, mais pour les autres... »

Afin d'éclaircir au moins un point de vue, l'elfe demanda à Orianne si elle pouvait discuter un peu à l'écart, n'ayant pas toute confiance envers le reste des inconnus.

Tara hocha la tête en guise de réponse à l'elfe. Elle se tourna ensuite vers son père pour essayer d'expliquer comment la baronnie en était arrivée à cet état là.

« Je ne pouvais pas faire grand chose pour l'aider à conserver sa neutralité. A l'époque j'avais à peine 9 ans, et j'étais loin d'ici, à l'académie de l'Archonte où Phelam avait acceptée de m'envoyer après l'attaque de Marlak. Phelam a du négocier le rattachement, et ne m'en a pas parlé ensuite... Même s'il est vrai que j'aurais pu me préoccuper un peu plus de nos affaires quand je revenais, je ne restais en général que quelques jours. J'étais obnubilée par la traque de Marlak de toutes façons. »

Et à cause de ça, combien de gens ont souffert pendant que tu n'étais pas là ? Pourquoi fallait-il que ce soit Duke qui réussisse à porter le dernier coup à cet elfe de malheur ?

Plus ça allait, et moins Oriane comprenait ce qui se passait. Se retenant de faire une remarque bien sentie à l'égard de la rousse qui venait de proposer rien moins que de propulser l'ensemble du territoire contesté en l'air - était-ce seulement possible ?, elle répondit favorablement à la demande de l'elfe qui voulait lui parler à part, et attendit sagement de voir ce que cette dernière voulait lui demander.

Aravilan accompagna l'humaine un peu en retrait, pour parler calmement.

La fillette laissa échapper un soupir dépité en ramassant son compagnon de tissu en piètre état lui aussi.

« Que la baronnie ait été rattachée au royaume de Vigil n'a pas beaucoup d'importance si les orques occupent en ce moment même le château familial et les autres fortifications de la région. Même en rassemblant assez d'hommes encore en état de se battre pour le reprendre et le défendre, il retomberait certainement dans les mains des forces de Goruntha en présence.

Peut-être que le mieux à faire est de profiter de l'arrivée des renforts du sud dans les prochains jours. Ils devraient fixer le gros des forces des orques et permettre à un groupe plus réduit et bien préparé d'investir la place forte, et de priver l'envahisseur des réserves et ravitaillement laissés à l'arrière... enfin quelque chose comme ça. La guerre, ce n'est pas vraiment ma tasse de thé je dois dire.

Dans tous les cas, il va falloir être discrets après ce qui est arrivé aux gardes là dehors. Si la nouvelle de ta présence et de celle de ta famille arrive aux mauvaises personnes, ça ne va pas faciliter la suite. D'ailleurs, on devrait pas trop traîner ici, la garde ne va pas tarder à débarquer et en nombre cette fois. »

« Non mais ça c'est bon hein, ils sont morts. C'est eux dans la porte. »
Manifestement, la rousse Camalle, Sania donc, n'avait pas compris le problème.

De son côté, Oriane continuait à discuter avec Aravilan.

La petite haussa les épaules mollement.

« Ne t'en fais pas pour ça, je vais faire de mon mieux pour ne pas vous retarder. Mais ça risque d'être le moindre de nos soucis si tu veux te diriger vers le château tout de suite. Je pourrais aller jeter un œil là-bas discrètement si vous voulez, ça ne devrait pas prendre trop longtemps. »

Célia avait été pris de court par la vitesse à laquelle les choses avaient dégénérées. Un instant, elle s'efforçait d'apaiser Minaithnir, dont le désarroi était clairement visible. Le suivant, des miliciens étaient mis en pièces par un sort apparemment mal dosé. La paladine avait dû se retenir de tirer l'épée à cette vue, se rappelant qu'elle même avait été responsable de plusieurs morts, parfois uniquement coupables d'avoir suivi les ordres de mauvaises personnes.

« La garde... doit être en grande partie réduite. Je vous prierais néanmoins de vous abstenir de faire couler davantage le sang. Cet endroit n'en a que trop vu ces derniers jours. »

Prenant une grande inspiration, elle poursuivit.

« Il semblerait que vos intentions soient de porter secours aux habitants de cette baronnie. C'est également pour cela que je me trouve ici. Si vous avez besoin d'une lame supplémentaire, je serais honorée de me joindre à vous... sous réserve que ce genre de massacre inutile ne se reproduise pas. »

Retournant voir les compagnons, l'elfe se rapprocha de Sania mais parla à l'attention de ses compagnons.
« Dites moi, si je ne me trompes pas nous avons toutes conservé ce que nous avions trouvé lors de notre périple avec Marlak non ? Ne pensez vous pas qu'un ou plusieurs de ces objets pourraient nous être utiles ? Maintenant ou plus tard, mais je pense qu'il serait préférable de le savoir au plus vite, quitte à se cacher ailleurs le temps de l'investigation.

Je pense être en mesure d'analyser les objets, tout du moins je peux essayer. »

Tara répondit d'abord à Célia : « Je vous le promets, mademoiselle Starkhaven, il ne se reproduira pas de notre fait. »

Comment assurer cependant que le camp adverse n'aurait pas recours à des méthodes moins nobles qu'eux ? La baronne se doutait que la paladine saurait toutefois faire la différence entre amis et ennemis.

Elle se tourna ensuite vers Alessa : « Si tu peux éviter d'être repérée, oui, ce serait un avantage pour nous de savoir quelles sont les forces en présence dans Ebelern, qui tient les rênes du château et à quel point les accès à la citadelle sont surveillés. Nous devrions pouvoir attendre ton retour ici pendant ce temps, et aviser d'un plan. » elle réfléchit un moment « J'ai bien une idée, mais elle ne va pas plaire à tout le monde... Si l'autorité d'Orianne et Braid est reconnue, nous pourrions nous constituer prisonniers pour infiltrer la place. A condition de trouver un moyen de faire passer notre équipement en douce sans se le faire confisquer. Mais on doit pouvoir trouver une solution à ça, non ? »

Ils n'avaient probablement pas mieux, du moins s'ils voulaient éviter une bataille rangée en cherchant à quitter l'auberge. « J'y pense ! Commence peut-être par jeter un oeil dehors. Que l'on sache si nous pouvons tenter une sortie sans trop de problèmes. » Si la garde du village était désorganisée, peut-être qu'ils pourraient le quitter discrètement après tout.

Enfin elle se tourna vers Aravilan :
« Aucune idée... J'étais trop occupée à porter le corps de Chapelain. Je crois que Sania a récupéré une ou deux bricoles. Il y avait un cristal aussi, mais il a été détruit. »

La fillette croisa les bras l'air résolue, avant de relever le menton avec assurance.

« C'est comme si c'était fait! »

Et pouf! L'instant d'après, l'enfant avait disparu, s'arrachant successivement au regard d'autrui, à la gravité et pliant l'espace à sa volonté dans l'espoir d'avoir un aperçu des ruelles adjacentes, de l'agitation globale du quartier, et les mouvements d'éventuels hommes en armes.

Célia se frotta le menton, visiblement trop préoccupée pour être surprise par la disparition soudaine de l'enfant.

« Dame Tara, si vous me permettez de revenir sur un point... Vous aviez évoqué une sorcière responsable des... évènements de Kazad Kirn. Puis-je vous demander ce qu'elle est devenue? »

« Vous pouvez m'appeler Tara. »

La baronne s'assit sur le rebord du lit qu'avait quitté l'enfant et commença à raconter les récents évènements de Kazad-Kirn.

« C'est difficile à expliquer. Même quand on est habitué à la sorcellerie. Il faut d'abord que vous sachiez que cette femme a la même apparence que notre amie, Alessa, quand elle ne cache pas sa forme adulte sous les traits d'un enfant. Je préfère vous prévenir, au cas où vous seriez amenée à la croiser un jour. Leur aura diffère cependant suffisamment pour ne pas y faire erreur...

A propos de la cité naine... Nous étions partis, mes amis et moi, en direction de Kazad-Kirn pour y demander de l'aide aux dragons dans cette guerre. Et les apaiser en leur prouvant que le nouveau-né qu'ils nous avaient demandé de retrouver plus tôt était bien sain et sauf. Et qu'il s'était même pris d'affection pour Sania. » dit la baronne en souriant devant l'étrangeté de la chose.

« En chemin, nous sommes tombés sur un refuge dans les montagnes. Les gens qui y vivaient avaient été attaqués quelques temps auparavant et souffraient tous d'un étrange mal. Une maladie magique créée par cette femme, que nous ne parvenions pas à soigner, malgré tous nos efforts. Ce mal drainait la vie hors de leur corps et les ramenait sous la forme de zombies qui se relevaient à chacune de nos attaques. »

La guerrière fit une pause, pour s'assurer qu'elle ne perdait pas la jeune femme. Elle n'était pas très douée pour raconter les histoires. Mais elle ne voulait pas non plus omettre de détails. Et c'était également l'occasion de raconter à Brent ce qu'elle avait vécu ces dernières semaines. Elle reprit son récit.

« Alors que nous étions occupés à chercher un moyen de détruire les zombies et de guérir les malades, nous avons étés attaqués par un dragon vert. Il était complètement enragé et ne répondait pas à nos paroles... nous avons dû fuir par magie et nous sommes réfugiés à Kazad Kirn, non sans un mauvais pressentiment. »

« Arrivés là bas, nous y avons découvert une cité ravagée par la maladie : les dragons semblaient avoir succombé en grande partie au mal et attaqué leurs protecteurs nains, qui eux y sont immunisés. Le seul dragon qui restait en vie et conscient de ses actes était lui aussi souffrant. Il s'appelait Ormen. Il protégeait un orbe. Quelque chose pour contrôler les dragons, dont l'autre Alessa voulait s'emparer. C'est à peu près au moment où nous avons rencontré Ormen qu'elle a débarqué, avec trois autres dragons sous son contrôle. La bataille qui s'en est suivie a tourné à sa faveur... Nous ne pouvions absolument rien faire contre elle. De simples jouets entre ses mains. »

Les jointures des mains de Tara blanchirent, alors qu'elle serait les poings en se rappelant l'humiliation qu'ils avaient subie.

« Nous avons pris la fuite alors qu'elle venait de tuer les dragons sous ses ordres, comme si elle en avait assez de jouer. Elle... a tué Ormen j'imagine, avant de disparaître elle aussi. Avec l'orbe, j'imagine. »

« Voilà c'est tout ce que nous savons de ses derniers agissements. Grâce à un nain survivant de la garde de la citadelle, et grâce à la magie de la couveuse, nous avons pu soigner les malades. Nous avons ensuite traqué et tué les rares dragons enragés qui restaient... un cadeau de départ que nous avait laissé cette sorcière. Les rescapés du refuge, le capitaine des gardes de la cité ainsi que deux de nos amis sont restés là bas pour redonner vie à la cité, et protéger les oeufs de la couveuse. »

Tara sembla hésiter un moment, plongeant son regard dans celui de la paladine, avant de reprendre, lentement.

« De notre côté, nous nous sommes jurés de la retrouver et lui faire payer ses crimes. Mais malheureusement nous ne savons pas ce qu'elle cherche à faire, et encore moins où elle se trouve à présent. Vu les liens qu'elle semble entretenir avec la guerre en cours, j'espère trouver des réponses ici. »

Visiblement, elle avait laissé de côté certaines informations, et l'avait fait de manière à ce que la paladine sache qu'elle ne lui avait pas tout dit. Pour le moment.

Elle marqua une pause.

« C'est une histoire assez longue... A moi de poser une question d'ailleurs : Qui est le jeune homme avec vous ? Et votre nom... Starkhaven, il ne me dit rien, pourtant il me semblait connaître à peu près les familles de chevaliers de la région. » elle désigna du regard Minaithnir, qui semblait être resté en retrait jusqu'à présent.

« ... je vois. »

La guerrière avait donné à Célia matière à réflexion.

« Il n'est pas surprenant que le nom de Starkhaven ne vous dise rien. Il s'agit... s'agissait d'un petit village de montagne, à proximité des terres naines. J'ai pris ce nom pour perpétuer le souvenir de mon lieu de naissance. Et je ne suis techniquement pas chevalier ; juste quelqu'un ayant appris sur le tas et essayant de faire une différence », offrit t-elle avec un pâle sourire. « Quant à Minaithnir... »

La jeune femme hésita un instant ; elle avait pris l'habitude de conserver son secret ses derniers mois, en raison du manque de popularité de sa race par les temps qui couraient. Mais ce groupe hétéroclite, de par leur histoire, ne partageait probablement pas les préjugés les plus communs à leur encontre.

« Vous avez été honnête avec moi, je me dois de vous rendre la pareille. Permettez moi de vous présenter officiellement Minaithnir, fils d'Indraugnir, dragon d'or de Kazad Kirn. Je... j'étais une connaissance de son père. Il y a quelques temps, ce dernier a ét frappé d'un mal mystérieux, et m'a confié son fils avant de rendre l'âme. »

Les yeux de la paladine se firent distant.

« A l'époque, je ne m'étais pas interrogé sur l'origine de cette maladie, mais après ce que vous venez de m'apprendre... »