Sothor vit une image de loin de ce qu'il avait demandé au palantir au prix d'un gros effort. Il interrompit au bout d'une heure d'observation qui ne lui avait rien vraiment révélé de probant. Il grogna. En conséquence, il lui fallait faire à l'ancienne et laissa choir le palantir au sol. Il rebondit et s'arrêta. Faëromen le leur avait bien dit, ce genre de chose ne se casserait pas facilement.

Il prit donc une carte et des rouleaux de parchemins, de l'encre et une plume pour y coucher sur le papier ce dont il avait besoin. Un compas, une règle, des pelotes de laines, des aiguilles et il était paré à sa réflexion qui mènerait les Edains jusqu'au lac Evendim. La pression sur ses épaules était terrible; au-delà même des deux mille vies qu'il aurait entre ses mains, il s'agissait de la destinée de tout un peuple, qui pouvait potentiellement s'éteindre en cas d'une malheureuse attaque d'orques. Et ils n'avaient plus que quelques jours pour quitter leurs hôtes elfiques.

Le premier point qu'il avait besoin de définir était le trajet qu'ils allaient devoir suivre. Il commençait par placer sa première ficelle avec une aiguille sur la carte, à Mithlond, là où ils étaient tous. Plusieurs itinéraires étaient possibles, mais l'un d'eux se dégagea très rapidement car il présentait le moins de risques pour ses concitoyens tout en alliant une bonne facilité de déplacement : La grande Route de l'Est. Ainsi ils éviteraient les déplacements dans des milieux compliqués à appréhender, surtout avec les convois qu'ils représenteront. Environ 75 lars sur une route et 36 lars en longeant la rivière.

Compte tenu des difficulté inhérentes à un tel voyage, Sothor estima à 5 lars par jour la vitesse de déplacement d'un convoi, qui ne serait qu'une partie de la population, mais à partir de cette vitesse moyenne, il pourrait définir la stratégie générale de déplacement. Mais il faudrait environ 20 à 25 jours de marche... Cette déduction lui mina le moral. Un nouvel exode, mais au moins celui-ci serait terrestre.

La première difficulté serait donc d'évaluer la quantité de nourriture qu'ils pourront prendre et transporter pour nourrir deux mille âmes, à réduire en fonction de ce qu'ils seraient capable de fourrager durant le trajet. Car en effet, plus de nourriture à transporter signifiait plus de logistique alors que profiter des bienfaits de la nature au fur et à mesure de l'avancée ne surchargeraient pas les migrants avec de la nourriture.

Cependant, il lui faudrait déléguer une tâche d'exploration en amont avec un double objectif : repérer d'éventuels dangers ou agresseurs et les zones permettant de fournir de quoi se sustenter aux vagues qui arriveraient ensuite. Pour cela, il pensait envoyer une équipe de dix hommes en avance d'un ou deux jours. La moitié avancerait, la seconde s'occuperait du repérage et dépasserait la première qui se chargerait d'explorer la deuxième zone. Ainsi, il créerait un roulement qui permettrait de garder contact entre eux, trouver la nourriture et si besoin faire retraite en cas de danger pour prévenir les groupes plus importants qui suivraient. Cette tâche devrait être assez facile tant qu'ils resteraient sur la route de l'Est mais se gâterait dès qu'ils la quitteraient. Pour communiquer avec les groupes suivants, les éclaireurs devraient laisser des marques remarquables pour indiquer les dangers et les zones de nourriture.

Cette solution n'était pas la meilleure, et ne garantissait en rien la réussite de l'opération mais elle était nécessaire et devrait assurer la sécurité de son peuple. Sothor fit une petite pause pour boire un verre d'eau, se frottait les yeux et s’attaquer à la suite des opérations. La répartition des groupes et leurs différentes fonctions.

Tout d'abord la première équipe, la plus importante et celle à laquelle Sothor pensait se joindre : ceux-là seraient en charge de déblayer les chemins un peu délicats, éliminer les menaces éventuelles et amener les premières structures qui devraient être prêtes lorsque les derniers ou suivants arriveraient. Il fallait donc que ce premier convoi soit composé de suffisamment de soldats et d'artisans. Surement que cent soldats et deux cents travailleurs et chasseurs-cueilleurs permettrait d'accomplir ces tâches efficacement.

Ensuite, le second convoi. Lui devrait s'occuper de ceux qui ne pourront pas fermer la marche et apporteront une aide mineure aux premiers qui auront déjà accompli une grosse partie du travail. Surement des femmes, des enfants et les plus anciens. Bien sûr, une partie des soldats les accompagneront pour les défendre et des "récupérateurs de nourriture". Elendil pourrait être le responsable de ce convoi, le plus à l'abri d'une attaque par l'avant qui serait passé au travers de la première équipe ou de l'arrière après s'être défait de l'arrière garde. Le roi était le cœur de ce peuple, il devait donc être protégé. Et sa présence galvaniserait les plus faibles des Edains. Sothor estima que ce convoi représenterait environ un millier d'hommes et de femmes.

Enfin, le dernier convoi avec les matériaux les plus précieux, les derniers soldats et tous ceux qui ne seraient pas dans le premier ou second cas. Sept cent cinquante personnes qui bénéficieront de l'ouverture du trajet par les deux autres et termineront d'amener les victuailles et objets de finitions. Pour que ce dernier tiers soit sous bonne garde, Faëromen, Lilith et Khelekril pourraient les accompagner et les diriger : un représentant du peuple et les héritiers devraient réussir à maintenir l'autorité parmi tous ces homes et femmes.

Dans cette configuration, Erika et Linféa accompagneraient certainement Elendil pour assurer la cohésion de l'important second groupe. Son regard se perdit dans le vague une seconde, le temps qu'il reprenne ses esprits à nouveau après cette réflexion. Ses yeux parvinrent jusqu'au palantiri. Il y vit une bonne opportunité de les utiliser : en effet, même s'ils ne leur permettraient pas forcément de communiquer efficacement ils devraient autoriser à vérifier que les autres convois avançaient normalement.

En partant avec un ou deux jours d'écarts, il ne devraient pas y avoir de gros temps mort, ni de mauvaises surprises puisqu'en cas de problème, un groupe repartirait en arrière pour en rejoindre un autre, ce qui arriverait en moins de deux jours.

Fort de ses réflexions, le général en profita pour rejoindre lle roi, sa fille et Faëromen et leur indiquer les différents détails de son plan de voyage. Avec ses éléments, ils devraient pouvoir aviser auprès de Gil-Galad lors de leur entrevue pour savoir ce que le peuple des elfes pouvait une nouvelle fois offrir aux Hommes pour accomplir cette tâche. Puis il se tint prêt à leur retour afin qu'ils n'aient pas laissé de points d'ombre et qu'ils puissent en parler sereinement au roi des elfes.