AE : Arcanes Exhumées
CA : Codex Aventureux
CC : Complete Champion
CM : Codex Martial
CP : Codex Profane
CS : Complete Scoundrel
ChapS : Chapitres Sacrés
Drac : Draconomicon
Dung : DungeonScape
MdJF : Manuel des Joueurs de Faerun
MIC : Magic Item Compendium
PHB II : Player's Handbook II
Sand : Sandstorm
SS : Shining South

¤ Valen vit le jour en tant qu'être de pure lumière et c'est parmi un groupe de dévas astraux qu'il reçut son éducation en Arboré. Ces derniers étant au service de la cour de Corellon Larethian, il eut plusieurs fois l'occasion de se rendre aux manoirs de la Seladrine. De magnifiques demeures créées à même les arbres et agrémentées de cristal et de marbre blanc. Néanmoins, jamais il ne prit part aux festivités qu'ils abritaient.
¤ Ils vivaient dans le niveau d'Arvandor, niveau directement contrôlé par la divinité tutélaire des elfes. C'est donc au milieu d'arbres gigantesques, d'une flore verdoyante et d'une faune riche qu'il apprit à différencier le Bien du Mal et à reconnaître la neutralité. Ayant des difficultés à comprendre ces enseignements, ses pairs lui conseillèrent de commencer par faire le vide dans son esprit, d'oublier chaque chose qu'il connaissait et de le découvrir de nouveau non pas en le jugeant, mais en le ressentant. C'est ainsi qu'il débuta la méditation. Alors que la musique omniprésente dans la forêt lui apportait d'abord une aide précieuse pour se trouver, elle devint rapidement une source de distraction, occupant toujours en partie son esprit. C'est alors qu'il décida d'arpenter le niveau d'Aquallor. Plongé dans cet immense océan, il trouva une nouvelle forme de quiètée. L'eau qui recouvrait tout son être rendait son corps imperméable à tout son, grâce à la bonté de Sashalas, il put rester des jours entiers plongé dans l'eau, les jambes croisées comme s'il était assis à même le sol et se laissant guider par les courants. Lorsqu'il revint de son premier voyage à Aquallor, les dévas estimèrent qu'il était fin prêt à apprendre à se battre, qu'il avait le recul nécessaire pour comprendre leurs actions, sa position dans l'univers complexe des plans et les raisons de posséder une telle puissance.
¤ A l'image des bêtes célestes qui peuplent le plan d'Arboré, il choisit de se battre avec pour seule arme son corps. Très vite il maîtrisa l'art du combat à mains nues, étant même capable de frapper plus vite que ce que son adversaire ne pouvait le discerner, et il fut alors rattaché à une escouade intervenant dans le plan matériel chaque fois qu'un mal puissant s'y rendait. C'est à ce moment qu'il fit la connaissance de Teriel, un Élu d'Arvandor. Cet elfe avait suffisamment brillé par sa bonté pour être rappelé pour servir Corellon Larethian, et il avait été affecté à la protection du plan matériel plusieurs décennies avant lui. Sous sa tutelle, il se perfectionna au combat notamment en apprenant les différentes stratégies et tactiques d'attaques en groupe, il apprit également à aimer les races bonnes du plan matériel mais aussi à se méfier voir haïr de nombreuses autres.
¤ Chaque intervention dans le plan matériel était un succès. Partout où on les envoyait, le mal disparaissait. Si bien que les autochtones allaient régulièrement jusqu'à leur faire des offrandes alors même qu'ils n'avaient bien souvent pas assez pour eux-mêmes. Cette époque dura pendant cent trente-six longues années pour s'achever d'un coup.
¤ Cette fois-ci, ils avaient été envoyés non loin du Royaume des Grands-Vents, royaume dirigé par une famille à qui l'on prête une parenté directe avec des céleste. Alors qu'un groupe d'aventuriers s'efforçait d'éviter la disparition du royaume, contrant du mieux possible les sombres desseins de quelques-uns de leur pairs. Le véritable problème résidait dans le fait qu'un archidiable avait décidé de se joindre au combat pour faire main mise sur une partie du monde matériel. Face à un tel adversaire, les humains n'auraient eu aucune chance, surtout sans avoir le temps de s'y préparer. C'est pourquoi on les envoya sur place pour s'assurer qu'aucun fiélon ne resterait corrompre cette terre.
¤ Lorsqu'ils arrivèrent, ils trouvèrent l'archidiable qui s'apprêtait à maudire un temple dédié à Lathandre. Apercevant des survivants, une partie des céleste se chargea de leur évacuation pendant que l'autre affrontait une créature tout aussi puissante que mauvaise. Alors qu'une bataille acharnée faisait rage entre les deux camps, un groupe d'humains décida de prendre les armes pour combattre aux côtés des célestes, ignorant ainsi l'ordre qui leur avait été donné de se mettre à l'abri. La stupéfaction de les voir ainsi perturba Valen qui laissa sa concentration s'échapper quelques secondes. Au même moment, l'archidiable incanta une boule de feu d'une puissance inouïe vers les nouveaux arrivants et Valen récupéra ses esprits juste à temps pour voir Teriel s'interposer entre l'attaque et les humains. Absorbant la déflagration de plein fouet, une partie du corps de l'elfe se consuma instantanément laissant un cadavre calciné. Devant ce qu'il restait de son ami, Valen entra dans une colère noire et se mit à massacrer les assaillants qui ne semblaient plus avoir la moindre chance contre l'ange. Les aventuriers semblant venir à bout de leur problème et ses rangs se faisant décimer, l'archidiable décida de quitter le plan matériel, laissant alors Valen avec le sentiment de ne pas avoir réussi à venger son ami.
¤ Une fois le dernier fiélon tombé, il entendit les trois humains se vanter d'avoir pris part à un combat titanesque et être assuré d'être accueillit en héros à leur village. Ses choses n'avaient même pas l'once d'un remord alors qu'un être céleste s'était sacrifié injustement pour sauver leur inutile vie. S'en était trop pour lui, il ramassa délicatement les restes de son ami et les ramena en Arboré afin qu'il puisse rejoindre une dernière fois le royaume de Corellon dans le respect des traditions des elfes d'Arvandor.
¤ Après quoi, il se passa un long moment avant que Valen ressente autre chose que de la tristesse. Mais toutes ce temps à pleurer la mort de son ami ne lui laissa qu'un sentiment de dégoût voir de haine envers ce peuple qu'on lui avait appris à aimer. Ils sont faibles et insignifiant, leur existence ne change et ne changera rien à l'univers qui les entoure, ce n'est même pas sûr qu'ils sachent qu'il existe d'autres plans que le leur. Alors pourquoi ? Pourquoi devrait-il se sacrifier pour ces gens incapables de faire preuve du moindre égard à une vie qui a été échangée contre la leur ?
¤ Valen entreprit alors de se rendre au niveau de Mithardir. Le troisième niveau d'Arboré renfermait une étendue de sable blanc infinie où avait jadis vécu une civilisation qu'on associe à des divinités ou à des géants tout du moins. C'était la première fois qu'il s'y rendait et le climat extrêmement changeant de la zone eu tôt fait de l'affaiblir. Il s'assit sur le sol derrière une immense tour pour se cacher du vent le mieux possible et il entreprit de méditer. Il fallut plusieurs jours pour qu'il parvienne enfin à faire le vide dans son esprit. A ce moment là, il s'éveilla à une autre pensée, de la même façon qu'il avait obtenu toutes les autres mais celle-ci était différente. Il n'arrivait pas à pardonner un comportement aussi égoïste, et pour cause, cela était d'habitude l'apanage du mal que de causer du tort à cause de la convoitise. Plus cette idée lui traversait l'esprit, plus sa colère montait, mais étrangement, elle n'éclata pas. Il réussit à la canaliser et à s'en servir pour contrer la force du vent et rentrer en Arvandor malgré la tempête.
¤ Lorsqu'il revint de son voyage, personne ne le questionna et il reprit naturellement son rôle au sein de son escouade. Mais tous purent constater qu'il avait changé pendant ces quelques mois. Loin de s'occuper des habitants du plan matériel en premier, il se jetait directement dans la bataille et se battait avec une fureur que personne ne lui connaissait. Déléguant tout le travail de sauvetage à ceux qui l'accompagnait, ses exploits au combat ne faisaient que s'accroître ainsi que sa renommée bien que son comportement s'éloignait de plus en plus de ce qu'il avait appris jadis.
¤ Il fallut moins de deux années pour que le pire arrive. Il avait été envoyé non loin des Marches d'Argent cette fois-ci avec plusieurs autres célestes afin de secourir un groupe de natifs pris pour cible par des fiélons. Tout se passait pour le mieux, comme d'habitude il pourfendait ses ennemis en laissant à ses compagnons le rôle de protecteur mais vint un moment où il se retrouva seul entre ce qui semblait être le chef du groupe de fiélons et les natifs de ce plan. Voyant qu'elle ne pourrait gagner, la créature décida d'attaquer les humains pour pouvoir se sauver par la suite. Elle créa une orbe d'une noirceur opaque et la lança en direction du groupe. Valen savait qu'il pouvait endurer une attaque aussi minime, mais lorsqu'il comprit le but de son opposant, il esquiva la boule d'énergie négative pour se jeter sur la créature et la pourfendre avant qu'elle n'ait réussi à lancer le sort de rappel, causant ainsi la mort de personnes du plan matériel.
¤ Un tel acte fut jugé indigne par ses coéquipiers qui le livrèrent à la justice d'Arvandor. Ils proclamèrent que son acte, délibéré de surcroît, était une insulte et une atteinte au code de conduite des célestes d'Arboré. De plus, il fut décidé que l'ange Valen serait déchu, entraînant la perte de ses pouvoirs de céleste et son exil sur le plan matériel. Il fut aussi décidé en dehors du tribunal qu'il ne pourrait retrouver son statut et sa place en Arboré uniquement s'il s'acquittait d'un acte de rédemption. La cour de Corellon et les dévas espérant sincèrement qu'il finisse par s'en rendre compte seul et qu'il réussisse à retourner sur la voie qui était la sienne à l'époque.

¤ Après son jugement, Valen ne se souvint de rien avant de reprendre connaissance. Il se trouvait allongé dans de la mousse. Le creux qui s'était formé en son centre témoignait où d'un long repos, ou d'une chute vertigineuse. Lorsqu'il jeta un oeil à ce qui l'entourait, l'ange opta pour la seconde option. En effet, il n'y avait autour de lui que des arbres immenses masquant le ciel pour ne laisser filtrer que quelques rares rayons de lumière formant un étrange ballet, les feuilles bougeant au gré du vent. Essayant de se remémoré les évènements récents, il se rappela qu'il avait été jugé par ses pairs et compris qu'il devait être dans le plan matériel. La géographie de ce monde lui étant peu familière, il était incapable de savoir avec précision dans quelle partie du plan il se trouvait mais il jugea d'après la grandeur des arbres et le caractère profond et sauvage de la forêt qu'il se trouvait soit dans la Haute Forêt, auquel cas il n'aurait qu'à se diriger vers le nord pour tomber sur des tribus orques, ou vers le Nord Est pour affronter des tieffelins et des fiélons. Soit en Cormanthor, où il tomberait certainement sur des Drow. Dans les deux cas, il pourrait continuer à affronter le mal et il n'aurait pas à côtoyer ces sous races, cause de son bannissement.
¤ Les premiers jours furent les plus difficiles. Valen constata que même s'il s'en souvenait, il était incapable de prononcer clairement son nom. A chaque fois qu'il essayait, seul un son difforme sortait de sa bouche, comme si les voyelles et parfois les syllabes se faisaient happées par une force invisible. Dans sa solitude, il eut tout le temps de repenser aux causes qui l'ont poussé ici, et à chaque fois il ne peut se résoudre à pardonner à ceux qui ont assassiné son ami. Étendant son mépris à toutes les créatures du plan et renforçant sa haine envers le mal.
¤ La faiblesse qui était maintenant sienne, combinée à la solitude dans un lieu aussi boisé, le poussèrent à vivre comme un prédateur et en harmonie totale avec la nature. Il apprit à se repérer efficacement malgré la densité de la flore et les conditions climatiques défavorables, à construire ou trouver des abris le protégeant de divers dangers comme les prédateurs carnivores ou les pluies torrentielles ainsi qu'à se faire le plus discret possible pour fondre sur ses proies. Néanmoins, il n'était pas complètement dépourvu de son ancienne puissance car il pouvait toujours discerner ce qui l'entourait malgré la noirceur de la nuit.
¤ Il lui fallut trois semaines à arpenter la forêt en direction du Nord pour tomber sur des Orcs. Certains signes lui avaient déjà indiqué qu'il devait se trouver dans la Haute Forêt mais maintenant il en était sûr. Il suivit un groupe qui rentrait visiblement de la chasse jusqu'à leur camp, attendit la nuit et fondit sur le campement comme un fauve. Heureusement pour lui, sa nouvelle dextérité lui avait permis d'éviter une attaque mortelle au dernier moment à tuer le dernier des orcs présents. Le plus dur fut de constater son état après une bataille contre des adversaires si faibles. Il saignait, et de façon plutôt abondante, sa respiration était difficile, ses muscles le faisaient souffrir et ses forces l'abandonnaient peu à peu. Bouillant de rage en se voyant si démunit, il se dépêcha de rejoindre la cime d'un arbre afin d'y récupérer des forces.
¤ Il passa trois jours sans bouger de l'arbre lorsqu'il fut finalement réveillé par le bruit de l'acier frappant l'acier et constata que le soleil était déjà haut dans le ciel. Il reconnut bien vite les sons des batailles et lorsqu'il se pencha, il vit des elfes se battre avec des orcs. Ces derniers paraissaient plus hargneux par rapport à ce qu'on lui avait décrit jadis et il comprit vite qu'il devait y être pour quelque chose. Cette pensée le fit enfin sourire. Ayant retrouvé le principal de sa forme, il sauta de l'arbre pour s'abattre directement au milieu des rangs orcs en en écrasant littéralement un sous son poids. Il se releva au milieu des peaux vertes, et dévoila une paire de griffes ensanglantées qui se retiraient peu à peu du corps qui gisait à ses pieds. A peine les combattants eurent-ils le temps de comprendre ce qui était en train de se passer que Valen chargeait déjà en direction d'un autre orc. Ses poings s'enfoncèrent avec une facilité déconcertante dans la chair et se retira pour ne laisser qu'un cadavre. A présent, l'ange se déplaçait à quatre pattes. Fonçant sur ses adversaires avec une vitesse incroyable, il ne laissait aucune chance à aucun d'entre eux. Alors que les elfes tiraient avantage de la situation pour repousser les orcs plus aisément, ils restèrent tous à une distance raisonnable de Valen de peur d'être pris dans sa rage destructrice. Désormais, il ne partageait plus rien avec un humain : son corps était recouvert de poils et d'une peau si épaisse que les lames ricochées à son contact, les griffes qui étaient apparues plus tôt avaient doublées de taille et son visage avait pris la forme de celui d'un ours. Son pelage brun ne tarda pas à être maculé de sang, plus les secondes passaient plus le nombre de ses ennemis diminuait jusqu’à ce qu’il ne reste plus que quelques rares âmes fuyant dans les profondeurs de la forêt dans l’espoir de ne pas être rattrapées.
¤ Alors que les elfes relevaient leurs camarades blessés, celui qui portait les plus fins atours lui adressa ses remerciements pour l’aide dont il avait fait preuve. Valen ne répondit pas de suite ce qui laissa un silence gênant pour son interlocuteur. Après quelques instants, il finit par lui dire que ce n’était pas la peine de le remercier, qu’il avait pris par au combat uniquement à cause de la nature mauvaise des orcs et que si des créatures comme les loups ou les tigres s’en étaient pris à eux, il n’aurait certainement même pas daigner leur porter un regard. L’elfe, d’abord choqué, souris à ses propos. Il est vrai que ses créatures sont pleines de sagesse et celui-ci a de suite compris qu’il devait y avoir une raison aux paroles véhémentes qui venaient d’être prononcées. On ne chasse pas le mal sans être bien payé ou d’une nature profondément bonne. Hors, il n’y a pas beaucoup de richesses assez grandes pour faire intervenir un mercenaire dans la Haute Forêt, et les rares qui le puissent ne l’enverrait certainement pas châtier quelques orcs. Après avoir finalement réussi à échanger quelques mots avec Valen, ce dernier en appris plus sur la région, sur son pouvoir mais surtout on lui donna de nombreuses informations sur le fort de la Porte des Enfers.
¤ Apparemment il y avait de plus en plus de démons qui rôdaient dans la forêt, forçant parfois des tribus entières à migrer pour prendre la mer en direction d'Éternelle-Rencontre comme la première fois où le fort d’Ascalhorn acquis le nom qu’on lui connaît aujourd’hui. Valen savait exactement où il allait se rendre maintenant, et ou la région serait définitivement plus sûre après son passage, ou il serait mort.

¤ Deux gosses virent leur mère tomber malade alors que cette dernière les élevait seule depuis la mort de leur père. Voulant à tout prix la sauver, ils se rendirent à la ville voisine afin de chercher quelqu'un qui pourra la soigner. Les médecins, qu'ils fussent charlatans ou non, n'étaient pas rares mais la vue de deux enfants dont les haillons ne suffisaient pas à cacher leur maigreur ne n'incitait pas les hommes à faire preuve d'altruisme. Au mieux, ils écopèrent de remontrances et du mépris de leur interlocuteur. Au pire, on les chassa à coup de bâton. Chaque jour ils retournaient en ville, et chaque jour pas un ne leur vint en aide si bien qu'un soir, ils rentrèrent pour la découvrir morte dans son lit.
¤ A peine eurent-ils le temps de pleurer la perte de leur mère que la faim les tirailla de nouveau. Sans argent, ils ne pouvaient rester plus longtemps à faire leur deuil, et leur récente expérience de la bonté humaine les découragea de recourir à la charité des gens. Gildas, l'aîné alors âgé de quatorze ans, décida de retourner en ville et de se servir dans les poches qu'il trouverait ouverte. Après tout, si tout le monde est d'accord que ce qui compte le plus c'est soi-même, comment pourraient-ils lui en vouloir d'agir comme eux. Leurs échoppes regorgent de ressources, s'il arrivait à en prendre quelques-unes sans se faire voir, personne ne le remarquerait et ils pourraient avoir de quoi manger tous les jours. Ethan, le benjamin avait deux ans de moins. Plus jeune et plus sensible, il ne voulait pas retourner à la ville. La vue des gens lui rappelait trop leur mépris et il se sentait étouffer face à tous ces visages. Demandant mainte fois à son frère de ne pas l'abandonner en lui faisant promettre des dizaines de fois de revenir au plus tard le soir, il se terrait sur le lit où était allongé sa mère pendant des heures, attendant que Gildas revienne. Au début il ne s'aperçut de rien, mais plus les jours passaient et plus le corps de son frère était marqué de bleus. Lorsqu'il posa la question, Gildas l'éluda aussitôt en lui disant de ne pas s'inquiéter. La vérité c'est qu'il s'était déjà fait attraper plusieurs fois. Devant son jeune âge la plupart des marchands ne faisaient que le corriger légèrement, mais lorsque la garde intervenait, les simples tapes se transformaient en véritables coups. Il lui fallait pourtant supporter tout cela, Ethan comptait sur lui et faire la manche ne leur permettrait jamais de survivre tous les deux. Les jours passèrent d'une façon relativement calme pour eux. Bien décidé à soulager le poids que son frère portait sur ses épaules, Ethan commença à sortir de la maison et se rendit dans la forêt proche pour cueillir différents fruits et chasser le petit gibier. Il passait d'ailleurs parfois des journées entières à essayer de fondre sur sa proie tout en lui assenant le coup fatal d'une seule attaque à la fois rapide et mortelle.
¤ Gildas fut rassuré de voir que son frère pouvait se débrouiller sans lui, voir même se débrouiller pour eux deux. Mais au lieu d'y voir une occasion de freiner ses chapardages, une rivalité enfantine se créa entre les deux frères, chacun voulant inconsciemment prouver à l'autre qu'il valait aussi bien que lui. N'ayant plus besoin de voler de la nourriture pour le survie, l'ainé décida de se tourner vers une autre denrée : l'or. Les gens ne se contentaient pas de survivre, pourquoi lui le devrait-il, même s'il savait très bien que cela serait bien plus difficile et dangereux que le vol d'une ou deux pommes. Alors qu'Ethan travaillait à améliorer ses techniques de chasse, Gildas passa plusieurs jours à comparer les gens qui passaient se pressaient sur les boulevards. Après avoir essayé de voler plusieurs bourses, il se rendit vite compte que les plus remplies étaient aussi les mieux surveillées et aussi que si les gens acceptaient facilement le fait de perdre un bout de pain, leur bourse avait une importance bien plus grande et la moindre pièce était un trésor qu'il fallait absolument protéger. Il apprit d'ailleurs cette leçon à ses dépends lorsqu'il tenta de voler un noble. Ce dernier, en plus de lui laisser une marque rouge sur la joue se moqua ouvertement de ses aptitudes. Lorsqu'il rentra, son frère ne put retenir un rire en voyant le visage de Gildas ainsi marqué. Que ce soit à cause de leur rivalité ou par fierté, ce dernier se jura de revenir le lendemain avec une bourse bien remplie, et son erreur fut de penser qu'une arme le rendrait plus convainquant. Alors qu'il suivait sa cible au milieu d'une allée sombre, se croyant à l'abri des regards, il sortit sa dague et s’apprêta à menacer l'homme en face de lui lorsqu'une voix retentit, prévenant le malheureux du danger imminent. Voyant la lame, l'inconnu se rua sur Gildas si violemment qu'il lécha échapper son arme. Le groupe qui avait prévenu le badaud n'était autre que la milice de la ville, en ronde dans le quartier. Il leur fallut peu de temps pour lui passer les fers et le mener à la prison.
¤ C'était la première fois depuis longtemps qu'Ethan ne voyait pas son frère en rentrant de sa chasse. Pourtant il avait hâte de lui montrer sa prise de la journée, un beau lièvre de cinq kilos. Ne se posant pas plus de questions, il commença à le dépecer et à le vider avant de le passer à la broche. Il attendit jusqu'à tard dans la nuit que son frère rentre pour partager le repas avec lui mais il ne se présenta pas devant lui. Inquiet, mais faisant confiance à son frère, il partit simplement se coucher en laissant le lièvre au-dessus des braises éteintes. Il partit le lendemain comme tous les jours, pressé de rentrer pour retrouver son frère. Il passa la journée à rater tout ce qu'il entreprenait, la seule qui occupait son esprit était la dispute qu'ils avaient eu deux jours avant. Était-ce sa faute si son frère ne rentrait pas, lui reprochait-il tant le fait qu'il se soit un peu moqué pour ne plus se présenter à lui ? Alors qu'il sentait sa colère et sa peur monter, il préféra rentrer pour se glisser de nouveau à l'endroit où s'était éteint sa mère. Malgré l'heure, il finit par s'endormir et se réveilla au beau milieu de la nuit. D'un bond il se jeta hors du lit et arpenta toute la maison pour trouver une trace de son frère. Plein d'espoir et persuadé qu'il allait se tenir debout quelque part dans le bâtiment, le félicitant pour le lièvre, sa chute n'en fut que plus grande lorsqu'il se rendit à l'évidence. Gildas n'était pas rentré ce soir non plus et ne reviendrait peut-être jamais. Laissant parler sa colère, il renversa presque tous les meubles de la maison et courut se réfugier dans la forêt pour s'endormir dans les branches d'un arbre.
¤ De son côté Gildas maudissait son infortune. Il s'en voulait de savoir Ethan seul par sa faute, d'autant qu'il regrettait amèrement les derniers mots qu'il lui avait adressés. Il partageait sa cellule avec un homme plutôt étrange, ce dernier ne parlait tout simplement pas et des chaînes reliaient ses membres au mur, ne lui laissant faire qu'un ou deux mètres mais il ne bougeait de toute façon pas non plus, restant assis adossé contre la paroi toute la journée. Alors que les jours étaient tous les mêmes pour Gildas, Ethan avait fini par accepter le fait que son frère ne voulait peut-être tout simplement plus de lui et il finit par rentrer dormir chez lui le soir. Il ne comprendrait sûrement jamais pourquoi, mais il avait bien conscience que cette fois-ci personne ne serait là pour couvrir ses arrières. Au moins avait-il réussi à ne pas se laisser submerger par le chagrin et la colère mais il s'éloigna encore un peu plus des hommes adoptant un comportement à la limite du bestial, notamment lorsqu'il partait en chasse, parfois pendant des jours, traquant des bêtes toujours plus grosses et plus dangereuses les unes que les autres. Pendant ce temps, Gildas avait eu le temps d'échanger ses premiers mots avec son compagnon d'infortune. L'homme restait un mystère mais, à force de dialogue, il finit par accepter de l'entrainer à se servir convenablement d'une dague. A l'instant même où Gildas acquiesça, l'inconnu se leva et le frappa au ventre avec une barre en métal à l’estomac. « Premièrement, être rapide. » Il retira la pression qu'il exerçait sur le bas ventre et donna une succession de coups légers à différents endroits du corps. A chaque impact Gildas se sentait vaciller, pourtant il était sûr que les coups n'étaient pas puissants. La voix de l'homme retentit de nouveau : « Deuxièmement, être précis. » Il ne s'était pas écoulé dix secondes que déjà ses jambes ne supportaient plus son poids. Il entendit cette fois-ci les paroles de l'homme avant de subir une nouvelle attaque. « Troisièmement, finir sa cible rapidement. » Un coup sec s'abattit sur son crâne et il s'écroula, inconscient. « Retiens bien mes paroles. Quand tu te réveilleras ton entrainement commencera. » Et sur ces mots l'homme se rassit contre le mur.
¤ Il se passa environ deux ans pendant lesquels les deux frères ne se virent pas. Au bout de ce laps de temps, Ethan parvint à imiter plus ou moins le style des plus grands prédateurs. Il était à présent capable de fondre sur sa proie tout en lui assénant un terrible enchainement de coup. En plus de cela il était maintenant capable de faire preuve d'un tas de prouesses que ce soit par sa capacité à dissimuler sa présence ou son sens de l'observation. Gildas lui parvint à maîtriser l'art du maniement de la dague, frappant à présent avec une rapidité et une précision rare. En plus de compétences martiales, l'homme dont il ne connaissait toujours pas le nom lui avait aussi appris que les mots peuvent parfois causer plus de dommages qu'une dague et que l'information peut permettre de gagner un combat avant même qu'il ait débuté. Il l'avait notamment initié à la tromperie et à l'art oratoire.
¤ « Je commence à me languir de cette geôle. Si tu veux sortir c'est par ici. » A peine avait-il fini de prononcer ces mots que Gildas le vit disparaître dans le mur de pierre. Touchant le mur à son tour, il constata qu'il pouvait traverser la matière qui se présentait devant lui comme si elle n'avait jamais été là. Sans comprendre ce qui était en train de se passer et entendant le bruit de garde se rapprochant de la cellule, il se jeta au travers du mur et s'écroula sur le sol de la rue mitoyenne. Complètement perdu, le bruit de la milice donnant l'alerte lui fit rapidement retrouver ses esprits. Il détala à toute jambe pour rejoindre une des rues les plus fréquentées de la ville et enfin quitter cette dernière. Il se rendit sans aucun détour jusqu'à son ancienne maison, et à quelques mètres de celle-ci il put remarquer qu'elle était encore habitée. Les bruits de pas alertèrent Ethan qui se rapprocha de la fenêtre pour voir qui tentait de l'importuner. Deux années ne suffirent pas à effacer les souvenirs de son frère, à l'instant même où il le vit, il le reconnu. Sortant de la demeure en larme, il courut se jeter dans les bras de Gildas. Ils passèrent un long moment ainsi, assis dans l'herbe, sans prononcer un mot. Ils n'avaient pas besoin de parler pour savoir que leurs retrouvailles les remplissaient tout deux de joie. Après plusieurs minutes, Ethan fut le premier à bouger pour regarder son frère dans les yeux, il avait toujours un peu de mal à croire que cette scène était bien réelle, et même s'il l'avait maudit plus d'une fois, une part de lui n'avait jamais pu se détacher complètement de son frère. Toujours larmoyant il lui demanda en bégayant ce qu'il c'était passé et pourquoi il l'avait laissé seul tout ce temps. Gildas prit quelques secondes pour trouver les mots justes et conta toute son histoire en lui assurant que cela ne se produirait plus. L'embrassant sur le haut du crâne, il se releva et recommença à vivre comme si tout ceci n'avait été qu'un mauvais rêve.
¤ Dès l'aurore les deux frères quittèrent Imnescar pour rejoindre Bérégost afin d'y débuter une nouvelle vie. A peine arrivés en ville, Gildas chercha une auberge où ils pourraient vivre jusqu'à ce qu'ils trouvent du travail. Pour une fois la chance leur sourit, Gildas avait offert quelques pièces supplémentaires à l'aubergiste afin que ce dernier parle de la disponibilité des deux frères pour un travail quelconque, et c'est un noble qui répondit à cette annonce, disant être intéressé par les qualités qu'il ventait. Le majordome qui était venu les chercher les accompagna jusqu'à la demeure de son maître : le comte Durion Leorar. Il les prévint qu'ils devraient l'appeler "Maître" à chaque fois qu'ils allaient s'adresser à lui. En plus des autres formalités concernant le comportement à avoir et les tâches qui leur seraient confiées, le majordome leur dit que le comte avait aussi des penchants poussés envers l'alcool, ce que le rendait parfois violent. Mais supporter de tels traitements de façon sporadique leur permettrait d'accéder à un niveau de vie qu'ils n'auraient jamais pu imaginer, et qu'ils ne pourraient certainement jamais trouver ailleurs.
¤ Leur vie pendant trois années qui suivirent furent loin d'être faciles. Il faut dire aussi que plus les jours passaient et plus Leorar s'enfermait dans la boisson. Ils ne surent jamais la raison même si, en voyant les tableaux accrochés aux murs, ils se doutaient que cela devait avoir un rapport avec la perte de son amour. Dans ces moments de perdition, le compte battait ses serviteurs sans discrimination tout aussi bien qu'il s'excusait en larme auprès d'eux quelques secondes après. Ce tempérament faisait que tous lui pardonnaient ses écarts, justifiant ces actes par une tristesse insupportable. Seulement, il y eut un jour où il ne se contenta pas de frapper. Alors qu'ils n'étaient que trois dans la demeure, Leorar, qui était une nouvelle fois sous l'emprise de ses démons, s'enferma dans la chambre avec Ethan. A moitié nu et couvert de bleus, ce dernier hurla auprès de son frère. Gildas se rua dans la chambre en enfonçant la porte, un coupe-papier à la main. Voyant la situation de son frère, il n'hésita pas et enfonça son arme de fortune dans le dos du comte, mais la lame ne s'était pas assez enfoncée et Leorar s'en saisi en se retournant vers Gildas, les yeux remplient de haine. La peur le terrassa un moment et il s'effondra sous son propre poids. Ethan réagit lui aussi rapidement et, empoignant la ceinture avec laquelle il se faisait battre quelques secondes plus tôt, il la passa autour du coup de leur maître et la serra. S'ensuit un ballet macabre. Leorar, qui étouffait peut-être autant à cause de la ceinture que de l'alcool, se cogna contre tous les meubles de la chambre avant de s'effondrer sur le sol.
¤ Malgré leur passé mouvementé, la scène qui venait de se jouer était d'une violence inouïe. Le silence se fut dans la demeure pendant plusieurs minutes jusqu'à ce que Gildas se relève. Il empoigna le corps inerte de son maître et commença à le déshabiller. Une fois fini, il dit à son frère de ne pas bouger et il partit enterrer le corps dans la forêt proche en prenant soin de ne pas laisser de trace de sang dans la maison. Il n'espérait qu'une chose, avoir le temps d'exécuter son plan. La besogne terminée, il rentra se laver sommairement, retirant simplement les couches de terre et traces d'herbe qui s'étaient collées à lui. Laissant la salle de bain immaculée derrière lui, il retourna dans la chambre et s'habilla avec les vêtements du défunt. « Je suis désolé de ne pouvoir te réconforter, mais il va falloir que tu pleures comme tu pleurerais ma perte. » Gildas se plaça alors devant le miroir et commença à vieillir les traits de son visage. Il avait tous les produits dont il avait besoin à portée de main, il fallait simplement qu'il se souvienne des conseils qu'il avait reçu de cette personne pendant son séjour en prison. Le leurre est souvent la meilleure façon de combattre hein. Il lui fallu presque trois heures pour terminer sa transformation, mais le résultat était bluffant. Gildas avait disparu pour faire renaître Durion Leorar. Il s'assit alors dans le fauteuil à côté du lit, attendant que quelqu'un arrive. Le premier fut le majordome, quand il rentra dans la chambre sa stupeur se mêla à sa peur et il interrogea son maître en l'assaillant de question. « Gildas est simplement parti. Cela ne sert à rien de le chercher et nous n'en reparlerons plus jamais. » Le faux Leorar se leva alors de son fauteuil et repris ses habitudes, partant alors dans son cabinet pour s'enfermer comme après chacune de ses crises de violence. La vision que le majordome avait sous les yeux parlait d'elle-même. Son maître violant le jeune Ethan, son frère avait tenté de le sauver et était mort d'avoir essayé. Où se trouvait son corps, il ne le saurait sûrement jamais. Voyant l'autre des deux frères à moitié nu sur le lit, le regard dans le vide, il lui intima de le suivre. Après l'avoir lavé et avoir fait préparer pour lui un repas chaud, il alla le coucher.
¤ Peu à peu, Ethan retrouvait de la joie de vivre, les pertes de contrôle du comte se faisaient plus rares et plus douces à la fois et le nom de Gildas disparu des lèvres ; tout n'était plus qu'un lointain et mauvais souvenir. Alors que le plus jeune des deux frères recommençait ses escapades en pleines natures, le plus âgé s'appliquait à faire vivre son personnage sans que personne ne remarque la supercherie. Ils vécurent ainsi une année et cinq mois de plus, jusqu'à ce qu'une nouvelle les problèmes les rattrapent. Une des servantes, partit à l'orée du bois, tomba sur le cadavre qui avait été enterré à la hâte. Grâce à la taille du domaine, son cri, aussi perçant, soit-il n'avait pas dû alerter le voisinage. Gildas comprit de suite que ses plans venaient de tomber à l'eau mais il s'était préparé à cette éventualité. Après tout, la vie ne leur avait fait aucune faveur jusqu'à maintenant, il n'y avait pas de raison pour que cela change maintenant. Mais aujourd'hui, il était prêt à défaire ses coups bas avec une aisance insolente. Il effaça le maquillage qu'il avait sur le visage, donnant l'impression qu'il laissait tomber une mue pour réapparaître plus jeune. Il empoigna deux dagues à l'aspect courbé qui étaient exposées dans une des vitrines de la bibliothèque, les glissa dans ses manches, puis il se rendit à la source des cris. Lorsqu'il arriva sur place, il y avait déjà les deux autres servantes, tout aussi affolées les unes que les autres. Lorsqu'elles virent leur maître se arriver, elles se rapprochèrent de lui comme pour chercher sa protection. Alors que la première découvrit le visage de Gildas, la peur qui les habitaient se transforma en terreur, incapable de crier davantage, elles s'éloignèrent toutes trois de lui dans un sursaut. Au même moment, le majordome arriva à son tour et remarqua les pieds du cadavre qui dépassaient du sol. Il n'eut pas le temps de poser la moindre question qu'un kukri vint lui trancher la gorge, laissant le sang arroser toute l'assemblée. Gildas avança alors vers les trois servantes qui étaient à présent tétanisées par la peur et leur accorda le même traitement. En un instant le silence retomba sur le domaine et Gildas rentra simplement se laver. Il prit le temps de s'emparer de toutes les richesses facilement transportables, de préparer deux sacs de voyage remplient avec ce qu'il avait jugé nécessaire et il se plaça sur le pont qui se trouvait à l'entrée du domaine, point de passage obligatoire pour rentrer.
¤ Lorsque Ethan vit le visage de son frère et les sacs à ses pieds, il ne dit pas un mot. Il comprit de suite qu'ils ne pourraient pas continuer à vivre ici mais retrouver l'apparence de son frère valait bien ça. Au moment même où ils posèrent un pied de l'autre côté du pont, chacun ayant un sac sur le dos, leur vie d'aventure commença. A partir de ce moment, ils vécurent comme ils l'entendaient et ce en ne se sentant pas concerner le moins du monde par les lois qui s’appliquaient normalement à tous. Un jour ils vivaient de la chasse et de la cueillette, arpentant les routes au gré de leur envie ; l'autre ils participaient tout deux à un dîner mondain accessible seulement aux personnes les plus influentes de la ville. Entre temps, ils amassaient des richesses et se perfectionnaient dans leur art que ce soit en pillant des donjons pourtant inviolés pendant des siècles ou en dévalisant les maisons des nobles de tout un quartier la capitale. Très vite, une légende se répandit dans les villes, associant les vols et les meurtres à un groupe d'êtres invisibles. Ces derniers seraient capables de changer de forme en un instant, de s'infiltrer dans n'importe quel lieu même le mieux protégé et de tuer avec la seule force de leurs pensées. On raconte aussi qu'ils ne seraient même pas humains. On les nomma alors : les Ombres Sanglantes.

¤ Deux gosses virent leur mère tomber malade alors que cette dernière les élevait seule depuis la mort de leur père. Voulant à tout prix la sauver, ils se rendirent à la ville voisine afin de chercher quelqu'un qui pourra la soigner. Les médecins, qu'ils fussent charlatans ou non, n'étaient pas rares mais la vue de deux enfants dont les haillons ne suffisaient pas à cacher leur maigreur ne n'incitait pas les hommes à faire preuve d'altruisme. Au mieux, ils écopèrent de remontrances et du mépris de leur interlocuteur. Au pire, on les chassa à coup de bâton. Chaque jour ils retournaient en ville, et chaque jour pas un ne leur vint en aide si bien qu'un soir, ils rentrèrent pour la découvrir morte dans son lit.
¤ A peine eurent-ils le temps de pleurer la perte de leur mère que la faim les tirailla de nouveau. Sans argent, ils ne pouvaient rester plus longtemps à faire leur deuil, et leur récente expérience de la bonté humaine les découragea de recourir à la charité des gens. Gildas, l'aîné alors âgé de quatorze ans, décida de retourner en ville et de se servir dans les poches qu'il trouverait ouverte. Après tout, si tout le monde est d'accord que ce qui compte le plus c'est soi-même, comment pourraient-ils lui en vouloir d'agir comme eux. Leurs échoppes regorgent de ressources, s'il arrivait à en prendre quelques-unes sans se faire voir, personne ne le remarquerait et ils pourraient avoir de quoi manger tous les jours. Ethan, le benjamin avait deux ans de moins. Plus jeune et plus sensible, il ne voulait pas retourner à la ville. La vue des gens lui rappelait trop leur mépris et il se sentait étouffer face à tous ces visages. Demandant mainte fois à son frère de ne pas l'abandonner en lui faisant promettre des dizaines de fois de revenir au plus tard le soir, il se terrait sur le lit où était allongé sa mère pendant des heures, attendant que Gildas revienne. Au début il ne s'aperçut de rien, mais plus les jours passaient et plus le corps de son frère était marqué de bleus. Lorsqu'il posa la question, Gildas l'éluda aussitôt en lui disant de ne pas s'inquiéter. La vérité c'est qu'il s'était déjà fait attraper plusieurs fois. Devant son jeune âge la plupart des marchands ne faisaient que le corriger légèrement, mais lorsque la garde intervenait, les simples tapes se transformaient en véritables coups. Il lui fallait pourtant supporter tout cela, Ethan comptait sur lui et faire la manche ne leur permettrait jamais de survivre tous les deux. Les jours passèrent d'une façon relativement calme pour eux. Bien décidé à soulager le poids que son frère portait sur ses épaules, Ethan commença à sortir de la maison et se rendit dans la forêt proche pour cueillir différents fruits et chasser le petit gibier. Il passait d'ailleurs parfois des journées entières à essayer de fondre sur sa proie tout en lui assenant le coup fatal d'une seule attaque à la fois rapide et mortelle.
¤ Gildas fut rassuré de voir que son frère pouvait se débrouiller sans lui, voir même se débrouiller pour eux deux. Mais au lieu d'y voir une occasion de freiner ses chapardages, une rivalité enfantine se créa entre les deux frères, chacun voulant inconsciemment prouver à l'autre qu'il valait aussi bien que lui. N'ayant plus besoin de voler de la nourriture pour le survie, l'ainé décida de se tourner vers une autre denrée : l'or. Les gens ne se contentaient pas de survivre, pourquoi lui le devrait-il, même s'il savait très bien que cela serait bien plus difficile et dangereux que le vol d'une ou deux pommes. Alors qu'Ethan travaillait à améliorer ses techniques de chasse, Gildas passa plusieurs jours à comparer les gens qui passaient se pressaient sur les boulevards. Après avoir essayé de voler plusieurs bourses, il se rendit vite compte que les plus remplies étaient aussi les mieux surveillées et aussi que si les gens acceptaient facilement le fait de perdre un bout de pain, leur bourse avait une importance bien plus grande et la moindre pièce était un trésor qu'il fallait absolument protéger. Il apprit d'ailleurs cette leçon à ses dépends lorsqu'il tenta de voler un noble. Ce dernier, en plus de lui laisser une marque rouge sur la joue se moqua ouvertement de ses aptitudes. Lorsqu'il rentra, son frère ne put retenir un rire en voyant le visage de Gildas ainsi marqué. Que ce soit à cause de leur rivalité ou par fierté, ce dernier se jura de revenir le lendemain avec une bourse bien remplie, et son erreur fut de penser qu'une arme le rendrait plus convainquant. Alors qu'il suivait sa cible au milieu d'une allée sombre, se croyant à l'abri des regards, il sortit sa dague et s’apprêta à menacer l'homme en face de lui lorsqu'une voix retentit, prévenant le malheureux du danger imminent. Voyant la lame, l'inconnu se rua sur Gildas si violemment qu'il lécha échapper son arme. Le groupe qui avait prévenu le badaud n'était autre que la milice de la ville, en ronde dans le quartier. Il leur fallut peu de temps pour lui passer les fers et le mener à la prison.
¤ C'était la première fois depuis longtemps qu'Ethan ne voyait pas son frère en rentrant de sa chasse. Pourtant il avait hâte de lui montrer sa prise de la journée, un beau lièvre de cinq kilos. Ne se posant pas plus de questions, il commença à le dépecer et à le vider avant de le passer à la broche. Il attendit jusqu'à tard dans la nuit que son frère rentre pour partager le repas avec lui mais il ne se présenta pas devant lui. Inquiet, mais faisant confiance à son frère, il partit simplement se coucher en laissant le lièvre au-dessus des braises éteintes. Il partit le lendemain comme tous les jours, pressé de rentrer pour retrouver son frère. Il passa la journée à rater tout ce qu'il entreprenait, la seule qui occupait son esprit était la dispute qu'ils avaient eu deux jours avant. Était-ce sa faute si son frère ne rentrait pas, lui reprochait-il tant le fait qu'il se soit un peu moqué pour ne plus se présenter à lui ? Alors qu'il sentait sa colère et sa peur monter, il préféra rentrer pour se glisser de nouveau à l'endroit où s'était éteint sa mère. Malgré l'heure, il finit par s'endormir et se réveilla au beau milieu de la nuit. D'un bond il se jeta hors du lit et arpenta toute la maison pour trouver une trace de son frère. Plein d'espoir et persuadé qu'il allait se tenir debout quelque part dans le bâtiment, le félicitant pour le lièvre, sa chute n'en fut que plus grande lorsqu'il se rendit à l'évidence. Gildas n'était pas rentré ce soir non plus et ne reviendrait peut-être jamais. Laissant parler sa colère, il renversa presque tous les meubles de la maison et courut se réfugier dans la forêt pour s'endormir dans les branches d'un arbre.
¤ De son côté Gildas maudissait son infortune. Il s'en voulait de savoir Ethan seul par sa faute, d'autant qu'il regrettait amèrement les derniers mots qu'il lui avait adressés. Il partageait sa cellule avec un homme plutôt étrange, ce dernier ne parlait tout simplement pas et des chaînes reliaient ses membres au mur, ne lui laissant faire qu'un ou deux mètres mais il ne bougeait de toute façon pas non plus, restant assis adossé contre la paroi toute la journée. Alors que les jours étaient tous les mêmes pour Gildas, Ethan avait fini par accepter le fait que son frère ne voulait peut-être tout simplement plus de lui et il finit par rentrer dormir chez lui le soir. Il ne comprendrait sûrement jamais pourquoi, mais il avait bien conscience que cette fois-ci personne ne serait là pour couvrir ses arrières. Au moins avait-il réussi à ne pas se laisser submerger par le chagrin et la colère mais il s'éloigna encore un peu plus des hommes adoptant un comportement à la limite du bestial, notamment lorsqu'il partait en chasse, parfois pendant des jours, traquant des bêtes toujours plus grosses et plus dangereuses les unes que les autres. Pendant ce temps, Gildas avait eu le temps d'échanger ses premiers mots avec son compagnon d'infortune. L'homme restait un mystère mais, à force de dialogue, il finit par accepter de l'entrainer à se servir convenablement d'une dague. A l'instant même où Gildas acquiesça, l'inconnu se leva et le frappa au ventre avec une barre en métal à l’estomac. « Premièrement, être rapide. » Il retira la pression qu'il exerçait sur le bas ventre et donna une succession de coups légers à différents endroits du corps. A chaque impact Gildas se sentait vaciller, pourtant il était sûr que les coups n'étaient pas puissants. La voix de l'homme retentit de nouveau : « Deuxièmement, être précis. » Il ne s'était pas écoulé dix secondes que déjà ses jambes ne supportaient plus son poids. Il entendit cette fois-ci les paroles de l'homme avant de subir une nouvelle attaque. « Troisièmement, finir sa cible rapidement. » Un coup sec s'abattit sur son crâne et il s'écroula, inconscient. « Retiens bien mes paroles. Quand tu te réveilleras ton entrainement commencera. » Et sur ces mots l'homme se rassit contre le mur.
¤ Il se passa environ deux ans pendant lesquels les deux frères ne se virent pas. Au bout de ce laps de temps, Ethan parvint à imiter plus ou moins le style des plus grands prédateurs. Il était à présent capable de fondre sur sa proie tout en lui assénant un terrible enchainement de coup. En plus de cela il était maintenant capable de faire preuve d'un tas de prouesses que ce soit par sa capacité à dissimuler sa présence ou son sens de l'observation. Gildas lui parvint à maîtriser l'art du maniement de la dague, frappant à présent avec une rapidité et une précision rare. En plus de compétences martiales, l'homme dont il ne connaissait toujours pas le nom lui avait aussi appris que les mots peuvent parfois causer plus de dommages qu'une dague et que l'information peut permettre de gagner un combat avant même qu'il ait débuté. Il l'avait notamment initié à la tromperie et à l'art oratoire.
¤ « Je commence à me languir de cette geôle. Si tu veux sortir c'est par ici. » A peine avait-il fini de prononcer ces mots que Gildas le vit disparaître dans le mur de pierre. Touchant le mur à son tour, il constata qu'il pouvait traverser la matière qui se présentait devant lui comme si elle n'avait jamais été là. Sans comprendre ce qui était en train de se passer et entendant le bruit de garde se rapprochant de la cellule, il se jeta au travers du mur et s'écroula sur le sol de la rue mitoyenne. Complètement perdu, le bruit de la milice donnant l'alerte lui fit rapidement retrouver ses esprits. Il détala à toute jambe pour rejoindre une des rues les plus fréquentées de la ville et enfin quitter cette dernière. Il se rendit sans aucun détour jusqu'à son ancienne maison, et à quelques mètres de celle-ci il put remarquer qu'elle était encore habitée. Les bruits de pas alertèrent Ethan qui se rapprocha de la fenêtre pour voir qui tentait de l'importuner. Deux années ne suffirent pas à effacer les souvenirs de son frère, à l'instant même où il le vit, il le reconnu. Sortant de la demeure en larme, il courut se jeter dans les bras de Gildas. Ils passèrent un long moment ainsi, assis dans l'herbe, sans prononcer un mot. Ils n'avaient pas besoin de parler pour savoir que leurs retrouvailles les remplissaient tout deux de joie. Après plusieurs minutes, Ethan fut le premier à bouger pour regarder son frère dans les yeux, il avait toujours un peu de mal à croire que cette scène était bien réelle, et même s'il l'avait maudit plus d'une fois, une part de lui n'avait jamais pu se détacher complètement de son frère. Toujours larmoyant il lui demanda en bégayant ce qu'il c'était passé et pourquoi il l'avait laissé seul tout ce temps. Gildas prit quelques secondes pour trouver les mots justes et conta toute son histoire en lui assurant que cela ne se produirait plus. L'embrassant sur le haut du crâne, il se releva et recommença à vivre comme si tout ceci n'avait été qu'un mauvais rêve.
¤ Dès l'aurore les deux frères quittèrent Imnescar pour rejoindre Bérégost afin d'y débuter une nouvelle vie. A peine arrivés en ville, Gildas chercha une auberge où ils pourraient vivre jusqu'à ce qu'ils trouvent du travail. Pour une fois la chance leur sourit, Gildas avait offert quelques pièces supplémentaires à l'aubergiste afin que ce dernier parle de la disponibilité des deux frères pour un travail quelconque, et c'est un noble qui répondit à cette annonce, disant être intéressé par les qualités qu'il ventait. Le majordome qui était venu les chercher les accompagna jusqu'à la demeure de son maître : le comte Durion Leorar. Il les prévint qu'ils devraient l'appeler "Maître" à chaque fois qu'ils allaient s'adresser à lui. En plus des autres formalités concernant le comportement à avoir et les tâches qui leur seraient confiées, le majordome leur dit que le comte avait aussi des penchants poussés envers l'alcool, ce que le rendait parfois violent. Mais supporter de tels traitements de façon sporadique leur permettrait d'accéder à un niveau de vie qu'ils n'auraient jamais pu imaginer, et qu'ils ne pourraient certainement jamais trouver ailleurs.
¤ Leur vie pendant trois années qui suivirent furent loin d'être faciles. Il faut dire aussi que plus les jours passaient et plus Leorar s'enfermait dans la boisson. Ils ne surent jamais la raison même si, en voyant les tableaux accrochés aux murs, ils se doutaient que cela devait avoir un rapport avec la perte de son amour. Dans ces moments de perdition, le compte battait ses serviteurs sans discrimination tout aussi bien qu'il s'excusait en larme auprès d'eux quelques secondes après. Ce tempérament faisait que tous lui pardonnaient ses écarts, justifiant ces actes par une tristesse insupportable. Seulement, il y eut un jour où il ne se contenta pas de frapper. Alors qu'ils n'étaient que trois dans la demeure, Leorar, qui était une nouvelle fois sous l'emprise de ses démons, s'enferma dans la chambre avec Ethan. A moitié nu et couvert de bleus, ce dernier hurla auprès de son frère. Gildas se rua dans la chambre en enfonçant la porte, un coupe-papier à la main. Voyant la situation de son frère, il n'hésita pas et enfonça son arme de fortune dans le dos du comte, mais la lame ne s'était pas assez enfoncée et Leorar s'en saisi en se retournant vers Gildas, les yeux remplient de haine. La peur le terrassa un moment et il s'effondra sous son propre poids. Ethan réagit lui aussi rapidement et, empoignant la ceinture avec laquelle il se faisait battre quelques secondes plus tôt, il la passa autour du coup de leur maître et la serra. S'ensuit un ballet macabre. Leorar, qui étouffait peut-être autant à cause de la ceinture que de l'alcool, se cogna contre tous les meubles de la chambre avant de s'effondrer sur le sol.
¤ Malgré leur passé mouvementé, la scène qui venait de se jouer était d'une violence inouïe. Le silence se fut dans la demeure pendant plusieurs minutes jusqu'à ce que Gildas se relève. Il empoigna le corps inerte de son maître et commença à le déshabiller. Une fois fini, il dit à son frère de ne pas bouger et il partit enterrer le corps dans la forêt proche en prenant soin de ne pas laisser de trace de sang dans la maison. Il n'espérait qu'une chose, avoir le temps d'exécuter son plan. La besogne terminée, il rentra se laver sommairement, retirant simplement les couches de terre et traces d'herbe qui s'étaient collées à lui. Laissant la salle de bain immaculée derrière lui, il retourna dans la chambre et s'habilla avec les vêtements du défunt. « Je suis désolé de ne pouvoir te réconforter, mais il va falloir que tu pleures comme tu pleurerais ma perte. » Gildas se plaça alors devant le miroir et commença à vieillir les traits de son visage. Il avait tous les produits dont il avait besoin à portée de main, il fallait simplement qu'il se souvienne des conseils qu'il avait reçu de cette personne pendant son séjour en prison. Le leurre est souvent la meilleure façon de combattre hein. Il lui fallu presque trois heures pour terminer sa transformation, mais le résultat était bluffant. Gildas avait disparu pour faire renaître Durion Leorar. Il s'assit alors dans le fauteuil à côté du lit, attendant que quelqu'un arrive. Le premier fut le majordome, quand il rentra dans la chambre sa stupeur se mêla à sa peur et il interrogea son maître en l'assaillant de question. « Gildas est simplement parti. Cela ne sert à rien de le chercher et nous n'en reparlerons plus jamais. » Le faux Leorar se leva alors de son fauteuil et repris ses habitudes, partant alors dans son cabinet pour s'enfermer comme après chacune de ses crises de violence. La vision que le majordome avait sous les yeux parlait d'elle-même. Son maître violant le jeune Ethan, son frère avait tenté de le sauver et était mort d'avoir essayé. Où se trouvait son corps, il ne le saurait sûrement jamais. Voyant l'autre des deux frères à moitié nu sur le lit, le regard dans le vide, il lui intima de le suivre. Après l'avoir lavé et avoir fait préparer pour lui un repas chaud, il alla le coucher.
¤ Peu à peu, Ethan retrouvait de la joie de vivre, les pertes de contrôle du comte se faisaient plus rares et plus douces à la fois et le nom de Gildas disparu des lèvres ; tout n'était plus qu'un lointain et mauvais souvenir. Alors que le plus jeune des deux frères recommençait ses escapades en pleines natures, le plus âgé s'appliquait à faire vivre son personnage sans que personne ne remarque la supercherie. Ils vécurent ainsi une année et cinq mois de plus, jusqu'à ce qu'une nouvelle les problèmes les rattrapent. Une des servantes, partit à l'orée du bois, tomba sur le cadavre qui avait été enterré à la hâte. Grâce à la taille du domaine, son cri, aussi perçant, soit-il n'avait pas dû alerter le voisinage. Gildas comprit de suite que ses plans venaient de tomber à l'eau mais il s'était préparé à cette éventualité. Après tout, la vie ne leur avait fait aucune faveur jusqu'à maintenant, il n'y avait pas de raison pour que cela change maintenant. Mais aujourd'hui, il était prêt à défaire ses coups bas avec une aisance insolente. Il effaça le maquillage qu'il avait sur le visage, donnant l'impression qu'il laissait tomber une mue pour réapparaître plus jeune. Il empoigna deux dagues à l'aspect courbé qui étaient exposées dans une des vitrines de la bibliothèque, les glissa dans ses manches, puis il se rendit à la source des cris. Lorsqu'il arriva sur place, il y avait déjà les deux autres servantes, tout aussi affolées les unes que les autres. Lorsqu'elles virent leur maître se arriver, elles se rapprochèrent de lui comme pour chercher sa protection. Alors que la première découvrit le visage de Gildas, la peur qui les habitaient se transforma en terreur, incapable de crier davantage, elles s'éloignèrent toutes trois de lui dans un sursaut. Au même moment, le majordome arriva à son tour et remarqua les pieds du cadavre qui dépassaient du sol. Il n'eut pas le temps de poser la moindre question qu'un kukri vint lui trancher la gorge, laissant le sang arroser toute l'assemblée. Gildas avança alors vers les trois servantes qui étaient à présent tétanisées par la peur et leur accorda le même traitement. En un instant le silence retomba sur le domaine et Gildas rentra simplement se laver. Il prit le temps de s'emparer de toutes les richesses facilement transportables, de préparer deux sacs de voyage remplient avec ce qu'il avait jugé nécessaire et il se plaça sur le pont qui se trouvait à l'entrée du domaine, point de passage obligatoire pour rentrer.
¤ Lorsque Ethan vit le visage de son frère et les sacs à ses pieds, il ne dit pas un mot. Il comprit de suite qu'ils ne pourraient pas continuer à vivre ici mais retrouver l'apparence de son frère valait bien ça. Au moment même où ils posèrent un pied de l'autre côté du pont, chacun ayant un sac sur le dos, leur vie d'aventure commença. A partir de ce moment, ils vécurent comme ils l'entendaient et ce en ne se sentant pas concerner le moins du monde par les lois qui s’appliquaient normalement à tous. Un jour ils vivaient de la chasse et de la cueillette, arpentant les routes au gré de leur envie ; l'autre ils participaient tout deux à un dîner mondain accessible seulement aux personnes les plus influentes de la ville. Entre temps, ils amassaient des richesses et se perfectionnaient dans leur art que ce soit en pillant des donjons pourtant inviolés pendant des siècles ou en dévalisant les maisons des nobles de tout un quartier la capitale. Très vite, une légende se répandit dans les villes, associant les vols et les meurtres à un groupe d'êtres invisibles. Ces derniers seraient capables de changer de forme en un instant, de s'infiltrer dans n'importe quel lieu même le mieux protégé et de tuer avec la seule force de leurs pensées. On raconte aussi qu'ils ne seraient même pas humains. On les nomma alors : les Ombres Sanglantes.

¤ « Il ne fait pas un temps à rester dehors n'est-ce pas. Je vous en prie, entrez vous abriter, nous allons vous préparer un repas chaud. » Ces paroles avait été prononcées par Ydelith. Cette vieille elfe dirigeait la chapelle Mainyu depuis maintenant plusieurs siècles.
« Un dîner en si charmante compagnie, c'est bien volontiers que j'accepte votre offre. J'ai de toute façon des tas d'histoires à vous compter. Et des questions aussi, notamment... » L'homme fut coupé par une voix féminine. Lorsqu'il détourna le regard vers elle, la vision qu'il en eut le surprit quelque peu. Il avait devant lui une jeune fille qui ne devait pas avoir plus de 17 ans à la peau pâle et lisse. Malgré son armure, on devinait aisément sa taille élancée qui était soulignée par les traits fins de son visage. Ses lèvres étaient d'un rouge corail naturel et ses yeux avaient une couleur dorée rare. Sa capuche rabattue en arrière laissait apercevoir ses longs cheveux argentés. A côté de cette apparence angélique, son armure de plate complète éraflée en de nombreux endroits et ses vêtements tachés de sang témoignaient d'une bataille acharnée.
« Excusez moi d'intervenir ainsi mais je viens de rentrer. La mission est un succès, je vais prendre un bain avant de conter cette aventure au scribe. »
« Fais donc ma fille. Et tu n'as pas besoin d'être aussi cérémonieuse quand tu parles avec moi. Félicitation pour ton travail, une fois de plus. » Alors qu'elle lui souriait, la prêtresse se retira.
« Veuillez pardonner ma curiosité, mais qui est-elle ? » D'une voix gênée et incertaine, le pèlerin réussit à articuler ces quelques mots.
« Vous êtes dans une des demeures d'Oghma, nul besoin de vous excuser pour faire preuve d'intérêt envers ce qui vous entoure », la mère supérieure afficha un sourire taquin avant de reprendre. « La jeune fille que vous venez de voir et Reyallia. C'est une de nos prêtresses qui se rend régulièrement à l'extérieur pour accomplir diverses missions pour l'ordre, notamment pour récupérer des ouvrages tombés dans les mauvaises mains ou pour sauver les connaissances qui peuvent l'être avant qu'elles ne soient détruites par le Mal. »
« Et c'est cette jeune fille qui doit porter ce poids à chaque fois ? » L'érudit avait visiblement quelques réserves à ce sujet.
« Je comprends vos doutes, mais sachez qu'elle est arrivée ici seule et par ses propres moyens. » Un expression de stupeur apparut sur le visage de son interlocuteur. « Cela fait maintenant cinq années qu'elle sert ici. Elle n'a jamais voulu parler de ce qui l'a amené jusqu'à nous mais son arrivée correspond avec la destruction du temple d'Oghma de la ville d'Ordulin par les adorateurs de Baine et les démons qu'ils ont invoqué. Certainement que les adeptes survivants ont été pourchassés mais quoiqu'il en soit, elle a tout de même réussie à s'échapper de la ville, traverser la Mer des Étoiles Déchues, gravir les Osraunes et ouvrir le passage vers la chapelle. Reconnaissez que pour une gamine, elle était déjà bien plus qualifiée que nombre d'autres. » La Mère Supérieure fit une pause dans son discours, laissant le temps à l'inconnu de forger sa propre opinion concernant la fille.
« Et le sang qu'elle porte sur elle ? Elle ne s'est tout de même pas frayer un chemin à travers gobelinoïdes et dragons à coup d'épée à l'âge de douze ans. » Ce n'était pas sur un air de défi qu'il prononça ces mots, mais réellement pour apprendre à mieux la connaître.
« Elle était instruite à son arrivée, connaissant plus de choses sur le monde que ce que certains peuvent réunir en une vie, mais elle était chétive. La première chose qu'elle réclama fut qu'on lui apprenne à se servir d'une épée. Je ne sais pas exactement ce qu'elle a traversé, mais ça la ronge encore et son esprit est divisé entre sa soif de connaissance et son envie de détruire les démons et autres engeances du mal. »
L'homme pouffa légèrement. « Elle savait qu'elle devait venir ici n'est-ce pas ? »
« J'ai bien peur de ne pas vous suivre. »
« La fille, elle devait déjà savoir comment ouvrir le passage. C'est terrifiant de penser qu'une fillette ai pu avoir la présence d'esprit de comprendre une doctrine à laquelle elle n'avait jamais été présentée. Il m'a moi-même fallut six ans de recherches intensives pour le découvrir. Il me tarde de voir de quelle façon son nom rentrera dans l'histoire. » Alors qu'il finissait sa phrase, on leur apporta un bol de soupe.
« Vous n'êtes visiblement pas un simple érudit vous non plus. J'attends moi aussi le moment où ses actes marqueront les plans, mais pour l'heure il faut encore qu'elle comprenne l'essence du monde. »
« Ne pouvez-vous pas l'y aider? »
« Ce n'est malheureusement pas quelque chose que l'on peut apprendre. Lorsque l'on est prêt cela nous apparaît simplement comme une vérité inébranlable. »
C'est ainsi qu'ils finirent de parler de la fille, le reste de leur conversation portant sur des sujets bien plus communs.

¤ Pendant ce temps, de l'autre côté de la chapelle, Reyallia prenait son bain. Alors que l'eau recouvrait son corps jusqu'au menton, elle se perdit dans ses souvenirs. Une douleur la piqua au cœur lorsqu'elle se remémora la bataille qu'elle avait menée quelques jours plus tôt. D'aussi loin qu'elle se souvienne, elle avait toujours était d'une neutralité parfaite. Le Bien n'est pas mieux que le Mal, combien étaient mort pour que leur bon seigneur puisse prétendre à un territoire plus vaste ? L'équilibre était la perfection même de l'univers, mais si c'était le cas alors pourquoi éprouvait-elle de la satisfaction à avoir tuer des démons.
Entre deux pensées elle plongea la tête sous la pellicule de mousse qui flottait à la surface. L'eau la recouvrait totalement et les sons autour d'elle n'étaient plus qu'un amas de tonalités sans forme. Elle ne resta pas plus d'une minute dans cet état, mais elle quitta le bain aussitôt qu'elle sortie sa tête pour respirer. Séchant ses cheveux à la hâte, elle s'agenouilla devant un petit autel dédié à Oghma.
Grand Archiviste, je viens me confier à vous encore une fois. Cette bataille était la dernière à voir ma lame hésitante. Dorénavant, à chaque fois que ma route rencontrera celle du Mal, je m'appliquerai à l'abattre tout comme lui s'appliquera à faire de même. Je pense que le Bien est une meilleure voie à suivre que celle menant au Mal, mais je comprends que ce dernier est nécessaire pour que l'autre existe. Aujourd'hui je vais enfin pouvoir me concentrer de nouveau pleinement sur mon érudition et l'art de combattre. Mon épée sera celle du Bien et mes connaissances affûteront sa lame tout autant qu'elles me protégeront de mes ennemis. Je sais que le pas que je fais m'éloigne de ce qu'on a toujours attendu de moi, et peut-être que je vous déçois aussi, mais je ne reviendrai pas en arrière, je me sens enfin délivrée d'un poids que je portais seule jusque là. Je continuerai à acquérir et à protéger le savoir comme je l'ai toujours fait et partirai aussi souvent et aussi loin qu'il le faudra pour ça.
Que la connaissance guide le monde.
Alors qu'elle terminait sa prière, un halo de lumière traversa la fenêtre pour venir éclairer son arme. Lorsqu'il disparut, une aura chaleureuse se dégageait de la lame qui brillait à présent comme si elle venait d'être polie et aiguisée. Y voyant un signe de l'approbation et de la bonté de son dieu, Reyallia adressa au ciel un sourire plein de remerciement.

¤ N'ayant aucune raison de rester plus longtemps dans sa chambre, elle s'habilla et parti rejoindre la Mère Supérieure dans les cuisines. « Ma mère, je pense que j'ai enfin compris. Je ne saurais pas l'expliquer mais tout est clair pour moi à présent et je suis prête à quitter la chapelle pour partir en quête de nouveaux savoirs. » L'homme ne pipa mot, continuant simplement à boire sa soupe.
« Est-ce ce que tu désires mon enfant? »
« Oui. Et je pense aussi que c'est ce pour quoi mes pas m'ont conduit ici. » On pouvait lire une sérieuse détermination dans les paroles de la jeune prêtresse tout autant que sur les traits de son visage.
« Dans ce cas, qu'il en soit ainsi. Prépares toi, tu partiras dans deux jours. »
L'érudit attendit que Reyallia ait quitté la pièce avant de s'adresser à l'elfe. « Nous n'aurons peut-être pas à attendre bien longtemps finalement. »
« En effet, cette petite est incroyable à bien des niveaux. Plus que d'entendre parler d'elle, j'ai hâte qu'elle me conte ce qu'elle aura découvert. »

¤ Wheloon, cette ville située dans le Cormyr est en fait une prison un peu spéciale. Il n'y a qu'une seule règle, ne pas essayer de s'enfuir. Là-bas, les gardes sont en poste sur les murs mais ne rentrent jamais en contact avec les prisonniers, sauf pour s'occuper de ceux qui essaieraient de franchir les murs qui ornent la cité. A l'intérieur, le Mal est présent partout et seuls les plus puissants peuvent vivre à l'abri du danger, tant que personne ne tente de les déloger. Techniquement, chacun est libre de tuer ou voler, mais il devra rendre compte à des gens qui sont tout aussi libre de tuer que lui et c'est cette crainte qui fait que cette cité ne baigne pas encore complètement dans le feu et le sang. Et c'est dans une de ses tavernes que l'histoire de notre héros commence réellement.
« C'est bien toi Neleph ? » Un homme de petite taille c'était approché de la table où notre homme s'était installé.
« Oui. Qu'est ce que tu me veux le nabot ? » Celui qui lui répondit ne payait pas de mine. Il devait faire aux alentour d'un mètre soixante-dix, avait une corpulence assez fine et sans la grimace qui tordait son visage, on aurait pu le confondre avec une fille.
« Ha, les jeunes de nos jours sont bien insolents. Sais-tu seulement à qui tu... » Neleph ne lui laissa pas l'occasion de finir sa phrase. Il plaça sa main sur sa tête et l'autre se mit à gémir. Lorsqu'il la retira, des traces de brûlure restaient autour de la bouche du gnome.
« Je vais redemander gentiment une dernière fois, tu me veux quoi ? Nabot. » Un sourire malsain s'était dessiné sur son visage. De toute évidence cette situation l'amusait ce qui eu pour effet de terroriser son interlocuteur. Ce dernier commença à balbutier.
« U-u-un homme-me de la gar-arde veux te voir-r. »
« Dis m'en plus. »
« Il-il se tr-rouve de l'autre côté de la vil-ville. P-p-p-près du p-p-p-pont en ruine. »
« Je suppose qu'il ne sert à rien de s'attarder ici plus longtemps en si fâcheuse compagnie. » Neleph quitta sa table afin de se rendre là où il était attendu.
¤ En chemin, il commença à se poser des questions. Que pouvait bien lui vouloir des gardes, ils ne se donnaient même pas la peine de descendre de le mur et il y en avait aujourd'hui un qui voudrait lui parler à lui en particulier. Cette affaire était louche, mais une fois de plus ses yeux dévoilaient une folie sans pareil. A peine arriver sur les lieux, il remarqua une silhouette qui l'attendait, bien en évidence sur le pont. Sans hésiter la moindre seconde, il lança une boule de feu à l'endroit exact où elle se trouvait, créant une déflagration bien plus grande que la normale qui rasa tout dans une zone de quinze mètres de rayon.
« C'est pas gentil ça. » La voix venait de derrière son dos. Sans même l'avoir vu bouger, il se retrouvait avec une dague sous la gorge.
« Se faire passer pour un garde non plus. » Lorsqu'il essaya de jeter un autre sort, il senti la point de la dague s'enfoncer légèrement dans son cou.
« À ta place je ne ferai pas ça. Je suis là uniquement pour te proposer un marché. » Neleph ne répondant pas, elle continua. « Nous savons tout ce qu'il y a à savoir sur toi, le fait que tu sois un psychopathe pyromane compris, mais il y a quelqu'un qui pense que tu nous serais utile. » Elle marqua une pause en espérant s'être bien faite comprendre. « Je peux te lâcher sans que tu continu tes conneries ? » Neleph leva doucement les mains comme pour signaler son accord, après quoi elle desserra lentement son emprise sur lui.
« Je vais être directe, nous voulons que tu intègres un groupe d'aventuriers pour partir dans une mission assez périlleuse. »
Un blanc s'installa, Neleph ne s'attendait réellement pas à une phrase comme celle-ci. Après un court moment, il éclata de rire.
« Tu veux dire que quelqu'un à l'extérieur de cette ville voudrait de moi afin de régler ses problèmes ? Même ici la plupart préfère me fuir. Et ma mission serait d'incendier un village, brûler une petite fille ? »
« Arrêtes ça. Si je suis ici c'est parce que j'en ai reçu l'ordre, mais continu avec tes délires et je te tue sur place. Tu n'auras le droit d'utiliser tes pouvoirs que sous certaines conditions et jamais sur des personnes innocentes. Sans quoi ton esprit se brisera avant même que tu puisses incanter quoique ce soit. » Il avait réussi à lui faire perdre son calme et la jeune roublarde comprit qu'elle s'était un peu laissée emporter. « Bien, si ces conditions te vont, je te ramène avec moi. Qu'en penses-tu ? »
« Et j'y gagne quoi moi dans l'histoire, après tout je serais un fier défenseur du royaume. » Neleph la vit serrer son poing sur sa dague. « C'était de l'humour, on se calme. De toute façon me faire enlever par une jolie princesse n'est-il pas le rêve de chaque homme. Mais je crois que je vais quand même devoir refuser, je suis plutôt casanier et la perspective de courir la campagne en compagnie d'une troupe de joyeux héros ne m'inspire guère. »
« Le gnome qui est venu te chercher, il devait revenir avec toi. S'il n'est pas là je suppose que quelque chose a du lui arriver. C'était un des hommes de main de Rilenuu. Je suis sur que tu sais ce qu'il fait à ce qui font mine de s'en prendre à son pouvoir. »
« Ah. C'est très bien joué ça. Dans ce cas, disons que j'ai changé d'avis et que pervertir les joyeux aventuriers peut-être une perspective intéressante. Par contre il va falloir te dépêcher un peu. Une explosion ne passe pas inaperçue et je pense que je commence à entendre des pas qui viennent dans notre direction. Peut-être même Rilenuu qui sait. »
¤ Après avoir terminé leur discussion, Neleph suivit sa guide jusqu'à l'enceinte. Collée contre le mur, la roublarde sorti un parchemin et passa à travers même la pierre, entrainant avec elle l'ensorceleur. De l'autre côté du mur, ce qu'il vu lui plu particulièrement. Devant lui se dressait deux parangons de puissance brute. L'un maniait une large épée à deux mains alors que l'autre, à en juger par ses bandages, devait se servir uniquement de ses poings. Toujours est-il qu'à leurs pieds gisaient inconscient une bonne trentaine de gardes. « Joli boulot les gars, et je suis sincère. J'en connais plus d'un qui aurait aimé être à votre place. » Personne ne lui répondit, mais sa tirade avait suffit à le mettre de bonne humeur. Alors que la demoiselle fermait la marche, ils partirent tous sans faire le moindre bruit ni laisser la moindre trace, en faisant abstraction des pauvres âmes qui jonchaient le sol. Arrivés à destination, ils s'arrêtèrent devant la tente de leur chef pour annoncer que le pyromane avait accepté leur condition.
« Faites le rentrer. » Une voix puissante, de celles qui inspirent les foules, se fit entendre.
Le premier à parler fut Neleph. « Ça alors. Hahaha. Sukie petite cachotière, tu ne m'avais pas dit que mon patron serait le prince en personne. C'est un plaisir que de vous servir votre altesse. » Son ton n'avait rien de respectueux, mais si cela irritait Illithyr, il n'en laissa rien paraître.
« Est-ce bien toi qui a incendié les trois villages près de la côte ? Oui, ton regard en dit long sur ta folie, ça ne pourrait être personne d'autre que toi. Serais-tu capable de le reproduire dans le but de vaincre le Mal ? »
« Le Mal ? Mais qu'est ce que le Mal mon bon prince. »
« Ce que je désignerai comme étant mauvais sera le Mal. Je répète ma question, seras-tu capable d'éliminer ce que je te désignerai ? »
« Ce serait un honneur de travailler pour vous. Votre acolyte n'a cependant pas été très claire concernant le paiement reçu pour un tel service ? » Un sourire pervers se dessina sur son visage.
« Si tu survis, j'estimerai que tu as remboursé ta dette envers la société. À la condition que tu ne représentes plus un danger pour mon peuple, tu seras gracié. À toi de me prouver que tu peux changer, et de la bonne manière.
Avant que tu acceptes je tiens à souligner certains points. Ishal ici présente va t'apposer un sceau magique. Dès que tu utiliseras tes pouvoirs pour autre chose que l'intérêt du groupe, un choc se fera dans ta tête et tu tomberas raide mort. Si tu acceptes, nous partiront dès que le soleil se lèvera demain. »
« Cela veut dire que si j'avais voulu vous tuer, il aurait fallu que je le fasse maint... » Alors qu'il finissait sa phrase, il commença à reproduire les mêmes mouvements que lorsqu'il avait jeter sa boule de feu quelques heures plus tôt.
« STOP ! » En une fraction de seconde Neleph se retrouva complètement maîtrisé par les deux brutes et la roublarde avait sa dague à seulement quelques centimètres de sa tête. La seule chose qui le maintenait en vie était l'ordre qu'avait lancé Illithyr.
« C'était stupide. »
« Peut-être, mais tellement instructif. » La même folie qui l'avait possédé plus tôt se manifestait dans son regard en ce moment. « J'accepte de recevoir le sceau de votre mage, et je vous accompagnerai dans votre quête. »
Aucun autre mot ne fut échangé pour le reste de la nuit. La mage seulement prononça l'incantation pour limiter les agissements de Neleph et ce dernier parti simplement se coucher.