jeudi 12 novembre 1467 , à presque midi

Un piéton bloque l'armée ...
à lui tout seul


« Encore lui ?!?!?! »
Assis au milieu du chemin de halage, jouant du luth comme si rien d'autre n'avait la moindre importance.
Un petit air sans parole, le genre de ritournelle entêtante qu'on ne peut s'empêcher de fredonner toute la journée durant ...

jeudi 12 novembre 1467, à presque midi
Martou s’apprêtait à prendre son repas avec Teidez sur sa barge lorsqu'une ordonnance vint l'informer qu'un saltimbanque était en travers du chemin de l'armée et attendait qu'il prit une décision le concernant.
L'intendant hésita entre le faire purement et simplement bastonner mais craignant que ce manque d'humanité ne le desserve, il décida de se porter au devant du problème pour trouver une solution un peu plus diplomatique.
Reconnaissant l’importun, Encore lui, il lança :
« Je suppose que cette comédie m'est destinée. Je ne goûte très moyennement ce genre de mise en scène.
Un bon bain dans la rivière te ferais sûrement le plus grand bien maraud mais j'allais passer à table et comme je suis de bonne humeur, je t'accorde de me parler pendant que je me restaure. »
Malheureusement, il y aura aussi Teidez.

Atmospheres sonores :
« Comédie ? »

Le maraud continue de gratte son luth, mais il tourne la tête dans une confusion honnête.

« Mise en scène ?? »

Indibil sursaute comme s'il voyait pour la première fois l'agitation qu'il provoque dans la rue.

Terminant son air instrumental en fanfare, il se tient debout d'un air étourdi, utilisant son luth comme béquille. Il tourne vers dy Jironal, ses vêtements poussiéreux en lambeaux lui collent du sang séché sur toute la longueur de son corps.

Il soupire, scintillant un sourire saugrenu.

« Cher Chancelier dy Jironal,
Chat autoproclamé et grand intimidateur aux souris :

J'ai joué pendant si longtemps dans des salles vides que j'ai tout simplement oublié ce que l'on ressent quand on a la réaction de la foule. Je vous remercie d'avoir accommodé mon excentricité dans votre rue.

Il fait preuve d'un cœur à la fois spacieux et invitant à me faire une place à votre table. J'accepte votre invitation et je me baignerai plus tard...

À moins que vous ne me rejoignez maintenant dans la rivière ? »

Il fait un geste vers la rivière si incarné et exagéré qu'il doit être interprété soit comme une ironie sans fard, soit comme une sincérité transparente.

Sans faire d'effort pour cacher le déplaisir que lui procurait cette entrevue impromptue, l'intendant précéda son visiteur jusqu'à la barge sur laquelle il voyage.

Face à la démonstration de déplaisir de Martou, Indibil répond avec une amabilité hyperbolique. Il bavarde pendant qu'ils marchent :

« Cher Martou, avez-vous eu des nouvelles de la pièce que j'ai écrite pour vous ? Le Représentant Commercial qui a Plusieurs Conquêtes Féminines ? C'était très populaire auprès de la Roya et de la Royana, beaucoup de tarentelles et nous avions même un ours dressé pour lutter.

J'ai nommé le héros Outram, une anagramme assez transparente de votre nom. Vous passez la pièce avec le poignard de Chalion à la main, sans fourreau pour le mettre. C'est une métaphore de la bite capricieuse du héros, qui rappelle au public votre frère, et une métaphore pour vous-même, porteur du pouvoir de Chalion, mais sans focaliser sa direction dans le bon cap : vers le nord.

Moi, j'ai joué cinq rôles secondaires : Roknari trois à Roknari sept. Vous m'avez assassiné cinq fois dans des scènes de violence et de gore croissantes ! Si j'étais un chat comme toi, il ne me resterait plus que quatre de mes neuf vies. »

Indibil s'arrête et touche son visage balafré.

« Et peut-être que j'ai perdu une de ces vies sur la route ici... Chat Martou, combien de vos neuf vies vous reste-t-il, pensez-vous ? »

...

« Dites donc le bouseux !
Est-ainsi que vous vous adressez au Grand Chancelier ? » s'exclame le jeune Teidez avec indignation
« Pour qui vous prenez-vous ? »
« Et vous osez prétendre que vous auriez pu vous produire pour la Royana ?! »

« Chancelier, rassurez-moi ... Vous n'allez quand même pas accepter cette loque à notre table ?!
Vous allez le faire bastonner et jeter au fleuve pour qu'il s'y lave
Lui, sa personne et puis sa langue au passage ! »

Teidez exprimait haut et clair le sentiment de Martou.
Indibil allait manifestement beaucoup trop loin, cela était à la fois courageux et stupide, à moins que ce ne soit que stupide ?

« Votre analyse est d’à-propos, ce maraud mérite un juste châtiment pour ses insultes qu'il distille avec une pointe de miel qui ne suffit pas à cacher la malveillance de ses propos.
Je ne l'ai pas invité à notre table. Je l'ai autorisé à nous regarder manger comme il convient à son triste rang car un bon dirigeant se doit d'entendre le peuple et il devrait se rappeler à qui il parle car après avoir écouté, j’agirai au mieux des intérêts du royaume. »
Et des miens.

Indibil sursaute aux paroles de Teidez : « Hou ! Le jeune Teidez, avec ses nombreux titres dignes trop nombreux pour qu'un niais comme moi puisse les énumérer... Je ne vous ai pas vu là-bas, dans l'ombre de votre... du Grand Chancelier. La dernière fois que je vous ai vu, vous livriez un message pour dy Jironal, et maintenant vous êtes à ses côtés, protégeant son honneur d'un bouffon. »

En fait, je n'ai pas connu beaucoup de chiens aussi fidèles.

« La loyauté est une qualité attrayante, et vous la portez bien parmi vos autres vertus, bien que ce soit une qualité d'usage limité pour les royas. » Toujours souriant en s'inclinant digne d'une audience avec un futur souverain.



Pas de vin alors...

« Ô, j'avais pensé que nous croquerions du pain ensemble. Mais peu importe, je jouerai le bouffon à votre repas majestueux. Si vous aimez plus de miel avec votre dose de vérité, je jouerai de mon luth pendant que je vous parle. »

« Heu, un peu de récréation,

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de l'équitation,
respirer l'air frais,
sans parler de m'éloigner de tous ces orphelins ... »
Le baladin goguenard accompagne sa provocation d'un roulement de bassin obscène dont il est coutumier sur scène pour faire rire les classes populaires.

Mais là ... le public est loin d'être acquis
et encore plus loin d'apprécier la plaisanterie !

« Je pensais que j'aurai eu droit à quelques attaques sur mon regretté frère Dondo,
sur ma gestion calamiteuse du royaume
ou je ne sais quelle autre fable propre à vouloir faire croire au peuple que sa condition est indigne et que les puissants ne s'intéressent point à eux ce qui n'est vrai qu'à titre individuel.

Par exemple, qu'ai-je à faire d'un pauvre bouffon : rien.

Mais si celui-ci participe à la vie du royaume, il se peut qu'il l'enrichisse et là il m’intéresse peut-être.
Si vous ne voulez rien d'autre qu'une bastonnade, je ne saurais vous privez plus longtemps de ce plaisir
mais peut-être pouvez vous m'être utile avant en me révélant
« qui à pactisé avec le bâtard pour tuer Dondo »
ou « quels sont les dessins de l'ambassadeur d'Ibra »
ou encore « ce que mijote les Roknaris »
... »
Martou laissa au saltimbanque le soin de répondre tout en portant son verre à ses lèvres.

Indibil soupire sans la moindre trace de sa malveillance antérieure. Ses épaules s'affaissent alors qu'il parle à voix basse :

« En fait, j'étais salement chargé avec l'écriture de la pièce Le Représentant Commercial que je n'ai pas eu le temps de scruter l'ambassadeur ou de, heu, me lancer dans la sorcellerie. Quant aux roknaris, je sais que nous sommes comme des cochons qui se chamaillent pour savoir qui mangera la meilleure bouillie de notre auge, tandis que les roknaris sont le boucher qui aiguise leurs couteaux pour nos deux gorges.

Honnêtement, je ne sais aucun danger plus grand que des esclavagistes qui mettent nos pères et nos mères enchaînés et font de nos enfants des orphelins.

Je ne veux pas être ton ennemi. Veuillez excuser mon impertinence précédente. Depuis la création de ma pièce, il me manque un but. J'ai erré de la capitale dans l'espoir d'en trouver un. Peut-être que si je connaissais les choses que vous faites pour servir le royaume, je pourrais vous aider d'une manière ou d'une autre.

À tout le moins, je pourrais réécrire la pièce de telle sorte que vous soyez un héros sans ambiguïté, plutôt qu'un chasseur de jupe qui sauve Chalion par une violence accidentelle. »

L'intendant lui aussi savait jouer la comédie et ménager ses effets.
Il prit tout son temps pour boire, manger tout en faisant ostensiblement semblant de réfléchir
et marquer par là s'il en était besoin, que tout dans cette entrevue dépendait de son bon plaisir.
Enfin, il consentit à répondre :
« Lorsque le chat est fatigué de jouer avec la souris, la pièce se termine, il me semble.
Es tu prêt à manger ton chapeau et honorer mon défunt frère?
As tu une armée pour combattre la menace des esclavagistes du nord?
ou peux tu rendre la santé au Roya?
Non, je ne perçois pas bien en quoi tu peux m'être utile
ou être utile au royaume. »

Je suis venu ici comme un papillon attiré par la flamme, et je n'ai trouvé ni intention, ni illumination, ni immolation. Quelle déception.

Avec un sourire qui fait moitié moue moitié rire, Indibil fait une grande révérence, balayant d'un bras une cape poussiéreuse en lambeaux.

« Dans ce cas, je prends congé de vous, grands hommes.

Royse Teidez, merci pour ta leçon de politesse. Dans le cas de votre demi-frère, l'oubli de sa ménagerie est comme une carotte que les autres peuvent utiliser comme on utiliserait les rênes d'un cheval. Méfiez-vous des carottes que les autres mettent devant vous, et vous serez le souverain qu'il ne peut pas être. »

J'en dis beaucoup trop !

Indibil tourne les talons et commence à partir.