S’il y avait une chose qui exaspérait le plus Meredith, c’était bien ces grandes cérémonies dont l’école était friande. L’obligation sociale d’y paraître souriante, bien dans sa peau, avec plein d’amis, reconnaissante des professeurs for-mi-da-ble qu’elle avait, heureuse de la chance ex-tra-or-di-naire d’être ici, lui semblaient plus une épreuve qu’un grand moment marquant et solennel. Mais cette cérémonie-ci, elle la redoutait autant qu’elle l’attendait. Car en plus d’ajouter aux autres inconvénients de l’après-midi celui d’être au cœur de l’attention de toute une salle pleine à craquer, Meredith allait recevoir un cristalium. Son cristalium. Celui qui scellerait son appartenance à Guilde. Qui lui donnerait un rôle, une position dans la société. Pas celle qu’elle aurait souhaité, mais déjà quelque chose, elle qui n’avait plus rien. Pour elle, qui subissait ses pouvoirs, le cristalium lui donnerait rien de moins que le droit de vivre. Ce n’est pas rien, ça, le droit de vivre. J’aurais bien aimé l’avoir. Allez, courage, vas-y, c’est qu’un mauvais moment à passer lui souffla Loredelle. Pendant ses études, Mérédith avait passé beaucoup de temps avec Loredelle, puisant dans son savoir sans limites pour l’aider dans les différentes épreuves. Loredelle était la sorcière la plus sage parmi celles qui l’accompagnaient. Pas comme Slummie, Quilanée, ou Simontane, qui passaient leur temps à déplacer des objets, faire des petits bruits ou des blagues moyennement drôles. D’ailleurs… elles sont passées où, ces trois là ? se demanda la jeune femme. Non, mieux valait ne plus y penser.
Meredith réajusta sa capuche sur ses cheveux violacés avant de s’avancer, en tenue sombre et sobre comme à son accoutumée, tenant de sa main droite un bâton. Celui-ci portait une quinzaine de gri-gris formés d’un treillis de cordelettes enserrant un morceau de verre lumineux de couleur différente. Chacun représentait l’une des sorcières-fantômes qui l’accompagnaient. Tous les matins, elle en choisissait un et le passait autour de son poignet gauche, symbolisant l’accompagnement privilégié du jour. Aujourd’hui, Mérédith avait encore eu besoin de la sagesse et de la paix intérieure que lui apportait Loredelle.
« Merci, Monsieur le Directeur » dit-elle d’un ton assuré, avant de s’approcher près du pupitre. On aurait dit que c’était elle, la maîtresse de cet échange. Comme si le Maître était au service de Meredith, et non l’inverse. Meredith prit le collier avec une pierre rouge au centre. Elle n’avait pas hésité, laissant son instinct choisir à sa place. Elle le plaça autour du cou, puis respira profondément, les deux bras tendus soutenant son corps en s’appuyant sur le pupitre, fermant les yeux pour écraser une larme d’émotion. Ca y est. Je peux vivre. Elle avait dû en passer par ces études, pour avoir le droit d’exister, et maintenant, c’était fait. Contrairement à d’autres élèves, la Guilde avait toujours été un moyen pour Mérédith, et non une consécration. Mais maintenant qu’elle portait son cristalium, les galères étaient-elles finies pour autant ?
Meredith se retourna, prit le temps de dévisager fièrement l’assistance. Mérédith est là semblait dire son corps. Elle se permit juste un clin d'oeil en direction de son "crunch" du moment, Jolan, l'étudiant qu'elle avait choisi pour assouvir ses besoins sexuels. T'as intérêt à être performant, tout à l'heure pensa t'elle. Elle avait un trop plein d'émotions à déverser. « Je prends celui-ci, Monsieur le Directeur » informa-t'elle. Puis elle retourna à sa place dans l'assistance.
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