Amy avait demandé qu'on la réveille suffisamment tot pour se preparer et petit dejeuner avec sa mere. Mais la, au reveil, elle n'avait qu'une idee en tete:

Ça va piquer, aujourd'hui...

Une rapide méditation et une toilette plus tard, elle remontait les couloirs pour aller rejoindre celle qu'elle n'avait pas vu depuis plusieurs annees. Etouffant un baillement de derniere minute, elle se prepara mentalement a la revoir avant de finalement toquer a la porte de ses appartements.

Wiz avait fait l'effort (du moins l'espérait-il) de représenter dignement sa race en marchant droit et fier comme un lancier à la parade jusqu'à ses appartements où Basile son fidèle serviteur dormait, tel un chat bien heureux, dans le réduit qui lui servait de chambre.
Loin de tout spectateurs intempestifs, il s'écroula sur le tapis à peine la porte fermée, rond comme sa coquille le jour de son éclosion.
Il avait éclusé plus que de raison même pour un solide gaillard comme lui.
Le ronflement d'un drakéide ressemblait à un curieux sifflement de cocotte minute un peu sourd. Comme personne n'avait jamais entendu de cocotte minute sifflé en ces contrés, il ne ressemblait à rien de connu dans ce monde.
Bref l'aube se leva mais pas le nouveau diplômé qui comptait, comme toujours, sur son fidèle serviteur pour être à l'heure à son rendez-vous... mais ce dernier avait lui aussi tété plus que de raison sur un petit vin de pêche...
C'est dans un affolement burlesque qu'il émergea, en sursaut, de doux rêves où il avait le corps d'un dieu entouré de nymphes aux formes généreuses.
Le soleil était déjà haut et c'est dans un soucis d'efficacité qu'il déversa une bassine d'eau sur la tête de son maître écailleux qui, furieux, le menaça des pires tourments avant de se ressaisir : Pas le temps de manger quoi que ce soit ni d'enfiler son armure...
Et c'est à grandes enjambées rageuses qu'il traversa l’académie pour se présenter à peine deux minutes en retard au rendez-vous.

Les mouvements de Jolan dans la chambre réveillèrent Mérédith. Elle s’étira, regardant « son » homme enfiler ses vêtements. Le pauvre allait devoir assurer en cours toute la journée alors qu’il n’avait que très peu dormi.
Et ce n’était pas la seule chose qu’il allait devoir affronter aujourd’hui.

« Jolan.. » commença-t’elle, « … ça va ? bien dormi ? »
Elle attendit la réponse, puis se leva et chercha ses vêtements. Ses satanées sorcières les avaient dispersés à travers la pièce. C'est donc nue qu'elle démarra ses recherches, pour le plus grand plaisir des yeux de Jolan.
Enfin habillée, elle s'assit à la petite table pour déjeuner avec lui. La chambre de Jolan était tout aussi spartiate que celle de la belle ténébreuse, mais il avait su mettre de côté un garde-manger garni de pain, de fromage et de quelques fruits. De quoi se caler avant d’aller en cours.
Sans rien prendre elle-même à manger, elle aborda le sujet qu'elle pensait sensible : « Jolan… Tu sais, nous n’en avons jamais parlé… Comment vois-tu les choses, entre nous ? Tu es encore étudiant, et je vais partir loin d’ici… »

Non... C'est pas vrai ! Il est amoureux, le con !
Mérédith déglutit avec difficulté. Comment, Jolan n'avait pas compris que cette histoire était sans lendemain ? La réponse du jeune homme était flatteuse, bien sûr, et la ténébreuse n'avait pas l'habitude qu'on la chérisse. Plutôt le contraire, vu son attitude bourrue habituelle. Mais Jolan avait visiblement percé la carapace de la belle, et ce qu'il avait trouvé, il en était tombé amoureux. C'est trop mignon. Mais complètement irresponsable pour la santé mentale du jeune homme.

Bon, qu'est-ce que je lui dis, maintenant, moi.
Les aventures précédentes de Mérédith s'étaient terminées plus simplement. Les deux amants étaient conscients que leur idylle ne passerait pas l'année. Elle sortait avec des étudiants "à femme", ce qui simplifiait la relation. Et elle pensait avoir fait la même chose avec Jolan. Mais visiblement pas. Cette situation, se retrouver face à un homme vraiment amoureux, était inédite pour elle.

« Ecoute, Jolan. Tu risques d'être très malheureux avec moi... Je vais te faire souffrir, sans le vouloir. Je... j'ai envie d'évasion, de liberté... Tu comprends ? Je ne veux pas que tu souffres... »

Non. A voir sa tête, il ne comprenait pas.

« On s'est bien amusé, aimé, oui, j'ai des souvenirs merveilleux de cette année avec toi. Mais nous allons entrer dans une nouvelle phase de nos vies. J'ai tant attendu pour être libre, juste vivre normalement parmi les gens. Tu connais ma... malédiction ! Je ne veux pas me lier dès maintenant. » Mérédith ferma les yeux un instant, de regret. Les mots "dès maintenant" pouvaient laisser un espoir à Jolan, alors que dans son esprit, il ne devait en avoir aucun.
Les sorcières de Mérédith bruissèrent dans la pièce. Le mot "malédiction" à leur encontre ne leur plaisait pas. Mérédith ne le pensait pas vraiment, car ces fantômes lui avaient sauvé la vie, mais elle utilisait aujourd'hui cet argument pour sa séparation. Aussi pensa-t'elle très fort Vos gueules !, ce qui les calma un peu.

Pour se libérer de Jolan, elle concéda : « Nous devons mettre en pause notre relation. Cette année au moins. Ce sera certainement définitif... »
Silence.
« Je vais partir aujourd'hui, Jolan. Merci pour tout ce que tu as fait pour moi. Passons à autre chose. A bientôt, Jolan. »
Elle sortit.

Il n'y avait plus qu'à espérer qu'il trouve une autre fille cette année, ou qu'il s'essouffle à tenter de la retrouver. Sinon, leur retrouvaille dans un an risqueraient d'être encore plus gênantes.

« Euh... d'accord? »

Et Amy guida donc sa mère dans les couloirs, tout en papotant:

« Comment va Serafane, mère? Polly a du avoir son bébé depuis le temps. Et Jeannot? Il a fait sa demande a Bérénice?

J'ai tellement de questions sur la maison... »

Rejoignant la salle, Amy en ouvrit la porte pour laisser rentrer sa mere. Elle etait deja venue mais c'etait pour aider au service, pas pour y manger. Une fois installée, la jeune femme demanda:

« Je suis l'aînée, maintenant... J'ai des choses a faire, mère? Cela fait 6 ans que je ne vous ai vu, mon éducation en la matière laisse à désirer... surtout que je n'ai dit a personne ici, pour notre famille. La noblesse, tout ça. »

Amy avait installé sa serviette en boule pour y caler Rocky et avait entamé avec appétit son repas sans attendre.

Mérédith regarda Jolan se retourner dans son lit avec une moue dubitative, les mains plantées sur les hanches. Elle resta un instant ainsi, puis sortit de la pièce en faisant attention à ne pas claquer la porte.

Mère Illanée, dans sa tête, lui reprocha son comportement un peu trop libertin à son gout. Celle-ci, plus âgée que les autres sorcières, pensait qu'il fallait toujours bâtir une "tribue" la plus importante possible, et que chacun devait absorber les tensions inter-personnelles, afin de récolter le bénéfice de la protection et de l'attention des autres. Mais là, ce n'était pas l'avis de Mérédith. Avec Jolan, c'était fini. Il allait être vite oublié.

Avant de rejoindre son rendez-vous, elle passa tout de même indiquer aux professeurs la probable absence de Jolan, souffrant, pour la journée. La dernière chose que je ferai pour lui...

Amy leva les 2 pouces en l'air et fit son plus beau sourire:

« Bien sur! Vous pouvez compter sur moi, Mère. »

Mira ne s'attendait pas à cette question. Il faut dire que Mira ne s'attendait pas à grand chose. Elle était venue ici les mains dans les poches, à moitié endormie même si elle faisait encore illusion. Par chance, elle connaissait déjà la réponse à la question que le directeur venait de leur poser.
Elle n'hésita pas et répondit immédiatement !

« Devenir plus forte encore, pour pouvoir libérer ma meute ! »

« Je compte me rendre sur les autres continents pour obtenir des informations concernant une affaire familiale...

Mais en chemin, je ne sais pas. Aider des gens dans le besoin, decouvrir des specialites culinaires, finir de lire les aventures des Heros de Pointesable. Bon, deja trouver les autres tomes parce que j'ai que le premier et je l'ai quasiment fini. J'ai hate de decouvrir ce qui leur arrivr... surtout que là, ils viennent d''etre rejoint par un nouveau personnage, une espece de nomade ou un truc comme ça... Il a l'air gentil mais un peu louche...

eeeeet je parle beaucoup trop.

Desolee, la fatigue... pas assez dormi... »

Amy étouffa un baillement avant de cligner des yeux pour se reveiller.

Wiz se gratta les écailles du menton pour se donner une constance comme si la question était d'importance bien qu'en fait peu lui importait vraiment ce qu'il allait faire.
Il avait toujours vécus dans une certaine opulence.
L'argent et les choses matérielles ne le concernaient pas vraiment et c'est pourquoi il avait engagé Basile mais il aimait par dessus tout qu'on le regarde comme un être d'exception et mener grand train participait grandement à sa légende...
« L'aventure de ma vie sur les bateaux de commerce* était fort lucrative et il ne me déplairait pas de renouer avec elle mais je pense que j’accepterai sûrement n'importe quelle mission qui serait à la mesure de mes talents et de mon destin... »
Pourvus que ça rapporte...
* Wiz parlait de piraterie, ce que les filles décryptaient sans mal puisque le Drakéide leur avait déjà raconté moultes histoires en ce sens même si la plupart sortaient probablement de son imagination ou du moins d'une amplification certaine.

Meredith s’installa confortablement, comme demandé, laissant ses deux bras reposer sur les deux accoudoirs du fauteuil moelleux, comme une reine.
Elle fut surprise de la question, mais ne le montra pas. Elle s’attendait à devoir aller chasser un mage renégat quelque part, et cette soi-disant liberté quant à ses actions, elle ne l’avait pas anticipé.
Que pourrait-elle bien faire ? Sortir avec de beaux jeunes hommes, s’enivrer dans des soirées endiablées, se chamailler avec ses fantômes ? Bref, comme à l’Université, quoi ?
Elle toucha sur son bâton le gri-gri correspondant à Simontane. Et pourquoi pas voyager ? Découvrir le monde, aller où elle voulait sans avoir peur d'être rejetée. Et ouvrir un magasin ambulant d’objets magiques pour financer tout ça, elle qui en avait acquis le droit ? L'esprit lié en frémit d'envie.

« Oui, le voyage, ça me plait » répondit-elle comme en écho à la première proposition d’Amy, négligeant toutes les autres. Voir la mer, les montagnes, à visage découvert... De quoi acquérir de l'expérience.
Wiz parlait aussi de voyages, mais la piraterie n'était pas un but en soi, pour Mérédith. A la rigueur, un moyen, mais trop dangereux et aléatoire pour en faire un métier pérenne. Ce n'était pas l'avis d'Olga, la sorcière liée aux batailles, mais la jeune femme n'en avait cure. Se battre, ce n'était pas pour elle.

Mira se pencha en avant, ses cheveux se dressant sur sa tête et commençant à former un point d'interrogation.

« Quelles sortes de missions ? On y gagner beaucoup de puissance ? Ou ça être que des corvées ? »

Wyz sourit ce qui en toute objectivité ne changeait pas grand chose à sa face de lézard inexpressive...
Et combien de prestige et d'argent ?

« Mr le directeur votre offre est des plus alléchantes.
j'ai englouti ce qui me restait d’économie à suivre la formation de l'école et j'ai ce pauvre Basile qui mérite bien un salaire...
Avez vous quelques budgets à nous octroyer? »

Qu’est-ce que vous en pensez, les filles ? pensa Mérédith, en prenant une grande respiration.
Il était rare que Mérédith demande leur avis à ses fantômes. Surtout parce qu’elles partaient dans des débats stériles qui finissaient par l’assourdir. Aussi la jeune femme se prépara au flot d’idées les plus saugrenues qui soient, parfois contradictoires, parfois n'ayant rien à voir avec le débat, et à leur cortège de chamailleries en tout genre.

T’as pas idée ! C’est un piège ! C’est bien rémunéré, c’te histoire ? Des années que tu veux être libre, et la première chose que tu fais, c’est signer un contrat ? Mercenaire, c’est dangereux, évite. Chouette, des combats à venir, accepte. J'aime bien le col rouge de la veste du directeur. Tes finances, ça va comment ? C’est peut-être sage d’accepter. Sage ? On en rediscutera après le premier coup d’épée reçu… Peut-être que Jolan peut t'accompagner ? Et puis, ça dépend peut-être aussi de la mission, non ?
Bon, ça suffit, merci.
On verra du pays, ou pas, avec ces missions ? Trouve-toi un bel homme, case-toi, fais des gosses, et arrête avec cet esprit d’aventure. Se caser ? Quelle horreur ! Je préfère le Sud au Nord, il y fait plus chaud.
HE HO !!! J’AI DIT CA SUFFIT. MERCI !
Le silence se fit dans l’esprit de Mérédith. Ses sorcières faisaient tout de même attention à ce qu’elle ne devienne pas folle à cause d’elles.

« J’en dit que cela dépend des missions et de la rémunération » conclut-elle des débats qui avaient fait rage un instant dans son crâne. Tout ça pour ça ?