Thomas failli lâcher son couteau en posant sa main gauche sur le dos douloureux de sa main droite. La brûlure en forme de triskelle dégageait une odeur nauséabonde.
« Où sommes-nous ? » demanda-t’il, sachant qu’aucun de ses compagnons ne pourraient lui répondre. Thomas se précipita vers Annie pour vérifier qu’elle n’avait rien. Rassuré sur son état, il tourna sur lui-même à la recherche du miroir, qui représentait la « sortie » dans son esprit.

« Je ne pense pas qu'il se soit attardé. » déclara Annie, plus pour rendre son vœu réel que par franche conviction « du moins je l'espère »

Se relevant, elle cherchait du regard « La Sortie », bien évidemment
mais aussi « Thomas », « Pete » et bien sûr « Gabe » ...

Ne trouvant que Pete et Thomas, elle s'enquit du contenu de ses poches, à la recherche de quelque chose de tranchant, pour marquer les arbres les entourant sans entamer la lame enduite de Thomas.

Un piège ! Il se pinça pour vérifier qu’il était bien éveillé. Mais s’il rêvait, il rêverait qu’il se pince, et cela ne changerait rien. Bref…
« Nous restons groupés. C’est le mieux… » commença-t’il, plus pour garder à proximité la présence rassurante de ses compagnons que parce qu’il pensait réellement que « c’était mieux ». « Allons vers cette clairière. »
De toute façon, ils n’avaient aucun repère dans cet endroit, aucun lieu où aller. Autant rejoindre cette trouée dans la forêt : La lune et les étoiles leur indiqueraient peut-être quelque chose.
« Vous avez un tissu, pour protéger la lame ? Je ne voudrais pas perdre la substance qui y est dessus… Mais il ne faut pas déchirer un vêtement : On ne sait pas ce que nous aurons à faire ici... »

Annie se cramponna aussitôt au bras de son camarade le plus proche.
Une arme à feu !
Connaître l'existence de ce genre de chose ne signifie pas qu'on en apprécie la présence, encore moins tenue par un inconnu dont on ignore les intentions.

« Pitié ! ne tirez pas sur nous... » gémit-elle d'une petite voix apeurée

Thomas failli faire tomber son couteau, autour duquel il était en train d’enrouler avec précaution le mouchoir de Pete, lorsque le premier coup de feu retentit.
S’arrêtant net, il prit la main d’Annie, paniquée.

Prenant le rôle du chef, il énonça les deux possibilités qu'il voyait : « Soit nous poursuivons Vladimir, car il est probable qu’il parte rejoindre Harold, soit nous allons secourir cet homme, et nous pourrons peut-être compter sur son aide. »
Secourir, avec quoi ? Trois adolescents ne faisaient pas le poids face à une arme à feu. Mais Thomas, ragaillardit par sa victoire relative contre le vampire avant de sauter dans le miroir, la belle Annie cramponnée à son bras, se sentait l’âme chevaleresque.
Et puis, il se pouvait que Vladimir soit à l’origine de l’affrontement en question.

« Vous êtes d’accord pour aller là ? » demanda-t’il, indiquant le contrebas. Comme personne ne répondait, il s’y précipita, entrainant ses compagnons vers l'origine des coups de feu.
Quelques minutes par-là, pour voir ce qu’il s’y passe, puis nous continuerons notre poursuite de Vladimir…
En s'approchant de ces bruits de lutte, il resterait à l'abri des arbres pour observer discrètement la scène avant de chercher à intervenir.

Courant avec Thomas, ralentissant à son pas dès qu'ils furent suffisamment rapprochés de l'affrontement en cours, elle n'attendit même pas que Pete ou Thomas lui suggèrent de se cacher à l'abri du couvert pour se blottir en cherchant à distinguer la scène qui se déroulait là et identifier autant que faire se pouvait les protagonistes...

Annie masquait autant que possible son inquiétude et tentait surtout de faire bonne figure dans cette situation passablement désespérée.

Est-ce que toutes les lectures fantastiques que Thomas avait ingurgitées dans sa courte vie pouvait réellement préparer l’adolescent à la vue de cette créature démoniaque ? Est-ce que, s’il avait écouté son cœur, il n’aurait pas fui, laissant-là compagnons et homme en danger ? Est-ce que, s’il avait écouté sa raison, il ne se serait pas caché derrière un arbre, pour attendre patiemment que la créature s’en aille ?

Mais de réfléchir, Thomas n’en eut ni le temps, ni le luxe, ni la chance. Agissant par pur réflexe, il courut vers l’arme avec une rapidité surprenante, prenant le cri d’Annie comme un encouragement à se dépêcher. Il ne reprit conscience qu’au son du pistolet, froid, étourdissant. Il se tenait debout, l’arme tenue à bout de bras dirigée vers la tête de la bête, le canon encore fumant.
Essoufflé, ce fut à cet instant qu’il comprit l’horreur de la scène. Son esprit devint blanc, sa main commença à trembler, son coeur bondissait dans sa poitrine. Thomas venait d'accomplir un exploit physique comme il n'en avait certainement jamais réalisé, sauvant de fait la vie de cet homme qu'il ne connaissait pas. Mais il ne s'en sortait pas indemne.

Ne voulant pas laisser Thomas seul avec l'homme -à moins qu'elle ne refuse de rester seule elle-même- Annie se précipita vers son ami.
« Thomas ! C'était prodigieux ! Tu l'as eu ! » s'exclama-t-elle en lui prenant le bras pour l'attirer à elle et l'embrasser sur le bord de la mandibule, presque dans le cou.
Se retournant alors vers l'homme sauvé par l'adolescent, elle le salua simplement : « Bonjour Monsieur Jeffrey. Je m'appelle Annie. Annie Playden »

Toujours choqué, Thomas regarda Jeffrey, puis son arme, puis la goule. « Heu… Entrainé … »
Recevant avec bonheur les félicitations d’Annie et son embrassade, il souriait un peu bêtement. « Merci, Annie. J’ai juste couru et tiré. »
Avec des sentiments contradictoires aussi mêlés, il n’arrivait pas à réfléchir correctement. Thomas avait juste une furieuse envie de serrer la belle Annie dans ses bras. Pour s’y réfugier ?

Mais ce n’était pas ce qu’un écossais de bonne famille avait le droit de faire.
« Un chasseur… Kingsmouth ? » Thomas tentait de mettre bout à bout des mots incohérents. « Je m'appelle Thomas Lewis Stevenson. Nous cherchons un garçon qui s’appelle Harold, et nous poursuivons un vampire du nom de Vladimir. Vous sauriez où nous pourrions les trouver ? »

« Nous n'en sommes pas certains, c'est juste ce qui nous a semblé « le moins improbable » ... » temporisa Annie pour tenter de rassurer leur interlocuteur
« Ce n'est pas non plus comme si nous avions envie qu'il soit un vampire, nous préférerions qu'il fasse semblant de l'être » ajouta-t-elle en se raccrochant au bras de Thomas pour lui murmurer « même si ça commence à devenir plus difficile à croire que l'inverse »

Thomas était tiraillé.
Ils arrivaient dans un nouveau monde, où les vampires n’étaient plus présents mais où les « goules » faisaient légion, où il était considéré comme un « chasseur », et obtenir plus d’informations sur ces lieux, ces coutumes, ces monstres, seraient profitable.
D’un autre côté, la piste de Vladimir était encore fraiche, et s’ils avaient une chance d’y mettre la main dessus avant qu’il ne fasse trop de dégâts, c’était en partant de suite à sa recherche.

« Où se trouve Kingsmouth ? Que savez-vous des vampires ? Qu’y a-t-il si on s’enfonce par là ? » demanda-t’il en pointant approximativement la direction prise par Vladimir. Le jeune homme, ragaillardi par la présence féminine d’Annie, préférait obtenir des réponses rapidement et partir à la recherche de Gabe... si des dangers aussi importants que cette goule ne risquaient pas de se mettre en travers de leur chemin.