« Très bien, nous nous revoyons dans deux heures, donc... »

L'homme alla s'allonger contre un arbre et s'endormit presque instantanément. Le temps passa simplement, sans rien à signaler et quand la fin des deux heures arrivèrent, Oriane échangea de place avec Braid. Son sommeil fut court et paisible, bien qu'un peu frisquet et c'est donc prêt et à peu près reposé que les deux compères étaient prêts à rentrer en ville. Le Justicar ajouta simplement:

« Nous allons nous arrêter en ville pour la soirée. Ce sera sans doute la dernière fois que vous pourrez profiter d'un lit durant notre voyage, je ne saurai que trop vous conseiller d'en profiter. J'ai certaines personnes à rencontrer en ville et vous êtes la bienvenue, si vous le souhaitez... »

La remarque de Braid fit rire Oriane.

« Oh, vous savez, moi, c'est quand je suis dans un lit trop confortable que j'ai du mal à dormir... »

N'ayant rien à faire de particulier en ville, elle accepta d'accompagner le prêtre. Après tout, si elle voulait bien remplir la mission qu'Elloë lui avait confiée, il fallait qu'elle fasse bonne figure. Il fallait dire que c'était plus facile en armure, avec son arc dans le dos, qu'en tenue de cérémonie à essayer de maîtriser l'art de la révérence. Elle ôta son masque et rabaissa sa capuche, pour se donner un air plus... urbain.

« Je connais ça. J'ai fait installer un lit de camp dans ma chambre, je n'arrive pas à dormir dans leurs lits de plume, à la capitale... Je vous en ferai envoyer un, quand nous y retournerons. Enfin, si vous voulez... Et si on revient, surtout... »

L'homme grimpa sur sa monture et partit donc au pas vers la ville. L'ambiance en ville semblait électrique, les nouvelles fusant en tout sens au sujet de la guerre, des forces armées et de la situation du pays. Braid n'y accordant aucune importance, il se rendit jusqu'à une petite maison où il déposa son cheval. Partant à pied, il emprunta une ruelle puis une autre, faisant plusieurs détours pour finalement arriver à une maison en bordure de la ville. Se tournant vers Oriane, il ajouta:

« Ne vous en faites pas pour leurs manières, d'accord? Ils traversent une mauvaise période... »

Braid toqua à une porte et un homme en armure lui ouvrit la porte, observant le duo de pied en cap avant de s'effacer pour les laisser rentrer. A l'intérieur, plusieurs hommes et femmes en armure, prêts au combat qui se détendirent en voyant Braid. Un homme à l'allure menaçante accorda un sourire au Justicar d'indiquer une porte:

« Elle est par là... Et j'espère que tu as prévu des mouchoirs, elle dégouline de morve depuis la mort de son cher et tendre. »

La porte s'ouvrit brusquement, laissant apercevoir une femme aux yeux rougis par les larmes qui lança un regard mauvais envers l'effronté:

« Merci, Aenyr. Si tu as une façon encore plus cruelle de le dire, fais toi plaisir... »

Le dénommé Aenyr ricana avant de faire une révérence exagérée et de disparaître purement et simplement, tandis que Braid se dirigeait vers la jeune femme et l'étreignait:

« Je suis navré, Rose... Je n'ai rien pu faire... Oh, et voici Oriane, elle m'accompagne pour ce voyage... »

Reprenant contenance, elle s'écarta et observa Oriane:

« Enchantée de vous rencontrer, Lune Verte. Appelez moi Rose... Inutile de vous offusquer, tout savoir est... était mon métier. »

Se retournant pour se diriger vers un cabinet où elle se servit un verre:

« Vous avez des questions, j'imagine... »

Braid regarda sa comparse du moment, l'air de dire "vous d'abord".

Dire qu'Oriane avait été prise au dépourvu était un euphémisme. Elle s'attendait à devoir assister poliment à une rencontre entre gens qu'elle ne connaissait pas tout en se faisant discrète, pas à se trouver clairement invitée à ouvrir la conversation... d'autant plus que la jeune femme qui lui faisait face la connaissait visiblement même sans l'avoir jamais rencontrée. Et qu'elle semblait porter un deuil récent, d'une personne que le Justicar connaissait aussi. Décontenancée et mal à l'aise, l'éclaireuse commença, de façon un peu maladroite, tout en portant machinalement la main à son cou, là où son pendentif était caché sous la maille qui la protégeait :

« Heu... non, je ne suis pas offusquée... votre métier ? Heu... mes condoléances pour votre perte... Heu... »

Elle avait le sentiment de s'embrouiller et d'être lancée dans la rivière sans avoir appris à nager. Elle secoua la tête pour clarifier un peu ses idées.

« Désolée, je ne suis pas très douée pour ce genre de chose. Heu... Vous pourriez me dire où je suis ? »

Elle rougit violemment.

Je ferais mieux de me taire, c'est de pire en pire !

« Merci... »

Un sourire léger s'épanouit sur le visage de la femme:

« Et vous êtes à Courtepointe, dans une maison, avec des gens recherchés plus morts que vifs par l'Eglise, ma chère... »

Soupirant, elle se servit un autre verre et le but aussi sec avant d'ajouter:

« Mais nous ne sommes pas là pour ressasser le passé, n'est-ce pas? J'ai les derniers rapports, Braid, et ils n'augurent rien de bon. Les postes de garde ont des garnisons amoindries en hiver et nos forces sont disséminées à travers le royaume. Il faudra près d'un mois pour regrouper notre armée au complet et un mois de plus pour marcher contre les orques, soit un mois de trop. Sans compter les problèmes que tout ca va poser sur les cultures... Mais tu sais déjà tout ça, n'est-ce pas? »

L'intéressé opina du chef avant qu'elle n'enchaîne:

« Bon, très bien... Alors, j'imagine que tu viens pour ça... »

Sortant une carte, elle la déploya sur la table. Oriane regarda la carte avec effroi, celle-ci répertoriant chaque nid de la résistance elfique et féerique. A coté de chaque marque se trouvait une estimation du nombre de résistant. Braid demanda alors à la jeune femme qui l'accompagnait:

« Ces estimations sont correctes? »

Oriane leva un sourcil lorsque son interlocutrice lui indiqua être recherchée par l'Eglise de Céloth. Braid en était un membre haut-placé, et ces gens semblaient bien se connaître...

Étonnant...

En revanche, elle se raidit lorsque la jeune femme étala la carte sous ses yeux et lui demanda des confirmations sur l'évaluation des forces elfiques et féériques. Ses amis et compagnons de toujours. Et elle ne savait toujours pas à qui elle avait affaire, exactement. Elle avait la sensation d'être tombée dans un piège, aussi répondit-elle prudemment:

« Attendez deux minutes... si, visiblement, vous me connaissez, ce n'est pas mon cas. »

Elle jeta un regard inquiet vers le Justicar.

« Ne le prenez pas mal, hein... Je fais confiance au jugement d'Elloë. Mais, heu, disons, j'ai... un historique... avec l’Église de Céloth. Je ne mets pas en cause votre bonne volonté, hein, j'ai bien vu que vous étiez différent de la plupart de ceux que j'ai rencontrés jusqu'à maintenant. Mais là, je suis au milieu d'inconnus, et vous me demandez de confirmer ou d'infirmer des informations importantes pour la survie de gens qui sont plus que des alliés, des amis, des proches, pour moi. »

Son air se fit presque suppliant.

« Alors, avant que je vous réponde, vous pouvez m'expliquer ce qui se passe, et où nous sommes ? »

Elle n'osa pas ajouter: qui vous êtes exactement.

« Ce qu'il se passe? C'est que nous sommes en guerre, Oriane. Et pas que contre les orques... »

Braid jeta un coup d'oeil vers la Rose, celle-ci enchaînant:

« L'Eglise de Celoth n'est pas ce qu'elle parait être, Oriane... Nous, nous tous, tous ceux que vous avez croisé dans cette maison, à peu de chose près, nous formions une cellule particulière du culte...

Notre but n'est pas l'éradication des non-humains ou de la magie, comme le fait si bien l'Inquisition... C'est même plutôt le contraire. Nous avons œuvré dans l'ombre depuis toujours pour protéger ce qui pouvait l'être, intervenant pour faire disparaître les fauteurs de trouble, que ce soit en les déplaçant ou en nous débarrassant de ceux pour qui nous ne pouvions rien. Oui, c'est assez cruel comme façon de voir les choses mais nous avons essayé de faire ce qui nous semblait juste, pour le plus grand nombre. »

Le Justicar reprit alors la parole:

« La Rose et les siens étaient membres du Talion, un ordre secret au sein de l'Eglise, qui opérait en toute discrétion et faisait ce que ne faisait pas l'Inquisition, c'est à dire la part des choses. Faites-moi confiance quand je vous dis qu'ils ne vous veulent aucun mal, que ce soit à vous ou aux vôtres. C'est moi qui ai demandé la création de cette carte, il y a des années... Une carte vouée à savoir qui se trouve où, pour pouvoir prévenir les vôtres et éviter que ne se répètent les événements tragiques qui vous ont frappé, Oriane... »

« Oh... »

Pour la énième fois depuis qu'elle avait accepté de suivre Elloë en Vigil, Oriane se trouvait assaillie de sentiments contradictoires face à la situation qui se présentait à elle. Depuis son adolescence, elle avait nourri une haine féroce de tous ceux qui portaient l'insigne de Céloth, supposant, par préjugé, que tous étaient de la même trempe que celui qui avait assassiné sa mère adoptive. En arrivant à la cour, elle avait été bien forcée de mettre de l'eau dans son vin pour ne pas déclencher d'incident. Elle avait fait de son mieux pour ne pas froisser Braid, qui lui paraissait un homme décent.

Et à présent, elle découvrait que des membres de cette Église qu'elle détestait, certains parmi eux hauts placés, avaient tout fait pour lutter de l'intérieur contre les bûchers et les chasses aux sorcières. Certes, cela aurait pu être un piège, mais quel intérêt, alors qu'une menace bien plus grave pesait sur le royaume et le peuple de la forêt ? Ils paraissaient sincères, tous. Le monde était décidément bien compliqué. L'éclaireuse décida qu'elle pouvait leur faire confiance. Son intuition l'y incitait.

« Heu... je... j'ignorais qu'un tel ordre existait. Enfin, je suppose que c'est normal, si c'était un ordre secret. Heu... Pardon si je dis des choses qu'il ne faut pas, mais... il n'existe plus ? »

Elle rougit une fois de plus.

« Mais je ne devrais peut-être pas poser toutes ces questions... Merci en tous cas, pour ce que vous avez fait. Des gens comme vous, il devrait y en avoir plus. »

C'était peut-être maladroit, mais c'était sincère. En tout état de cause, l'éclaireuse était désormais toute prête à partager ce qu'elle savait de la situation des différentes poches de résistance toujours présentes dans la forêt, corrigeant un chiffre, précisant une position. Toutes les forces possibles allaient être nécessaires pour protéger les populations de l'invasion orque...

« Non, il n'existe plus... Enfin, plus vraiment. Nous reviendrons, quoi qu'il arrive mais il nous faudra du temps... »

Revenant vers la carte, elle écouta Oriane et modifia les chiffres. Une fois chose faite, elle la replia et ajouta:

« Merci à vous... Maintenant, Braid, pourquoi as-tu besoin d'Aenyr? »

Le Justicar jeta un coup d'oeil vers Oriane avant de répondre:

« Pour veiller sur elle quand nos routes se sépareront. Je dois aller m'occuper des défenses à l'Est mais je n'ai pas la permission de pénétrer dans les anciens domaines eldars. »

La Rose soupira et revint vers Oriane:

« J'espère que vous avez de la patience, Aenyr est... particulier. C'est lui que vous avez croisé en arrivant... Il ne vous fera aucun mal, je vous rassure... »

On veut me protéger ?

A cette pensée, Oriane eut un sourire ironique.

« Oh, vous savez, en règle générale, je suis pas mal capable de me débrouiller toute seule. Quand on essaye de s'en prendre à moi, on le regrette souvent. »

La jeune femme haussa les épaules, et revint au sujet principal de la conversation.

« Effectivement, si j'en juge par votre bref échange, la délicatesse n'a pas l'air d'être la qualité première de votre ami... J'imagine qu'il doit avoir ses raisons. Tant qu'il a suffisamment le sens de la survie pour m'écouter et éviter de brandir un symbole de Céloth en pleine forêt, ça devrait bien se passer. »

Son attitude se détendit, et elle se tourna vers le Justicar.

« Bon, si je résume, nous allons ensemble jusqu'à Ebelern, nous faisons un rapport à la Cour sur la situation, vous vous occupez d'organiser les défenses et moi, je continue vers la forêt et je fais au mieux pour mettre les gens à l'abri. Et par la même occasion, j'essaye de persuader ceux qui savent se battre de faire cause commune avec vous. Nous ferons donc le voyage à trois, en fin de compte. Y a-t-il autre chose que je dois savoir ? »

« Ne vous en faites pas pour ça, il aura des consignes précises. Et je ne crois pas qu'il y ait d'autres détails importants... Braid? »

Le Justicar répondit:

« Non, rien qui n'a été déjà abordé... Bien, quand partons-nous, Rose? »

La femme le regarda et sourit:

« Demain matin. Et nous ne pouvons pas vous accueillir ici, nous manquons déjà de place... »

Braid opina du chef:

« Oui, bien sur. Et puis, j'ai promis à Oriane que ce serait sans doute sa dernière soirée dans un bon lit avant longtemps... Autant qu'elle en profite. »

La femme s'esclaffa et lança un regard entendu à sa consœur, avec un léger sourire:

« Et bien, profitez agréablement de votre soirée... »

L'éclaireuse, décidément plus à l'aise pour parler mission à accomplir que diplomatie, acquiesça et s'apprêta à suivre Braid dans la recherche d'une auberge.

Puis elle saisit le ton complice de la Rose. Brusquement, elle comprit le sous-entendu induit par le clin d’œil qu'on venait de lui faire. Elle rougit jusqu'à la racine des cheveux, bredouillant:

« Ah non, mais non, mais pas du tout... heu... non mais c'est pas ce que vous croyez... »

Ce n'était pas parce qu'elle commençait à accepter l'idée que des membres du culte de Céloth pouvaient se révéler être des gens corrects que la familiarité pouvait s'étendre plus loin que le simple fait de faire route ensemble, par Ceridwen !

« A demain, Rose. »

Le Justicar partit en souriant, sortant de la maison par une autre entrée que celle par laquelle ils étaient passé. Il guida Oriane jusqu'à une auberge où les deux purent ainsi passer une soirée tranquille. Le lendemain matin, aux aurores, Braid vint réveiller Oriane discrètement et les deux partirent rejoindre la Rose. Sur place, elle usa de magie pour faire transiter tout ce beau monde, faisant passer Oriane et Braid en dernier, après avoir mis le feu à la maison. Une fois arrivés, le trio était seul quand la Rose ajouta:

« Je vous ai conduit à un autre de nos sanctuaires, que nous avons déjà abandonné... Pour que vous ne puissiez pas révéler notre position si on vous interrogeait... »

Les laissant seuls dans une grande maison, la Rose repartit alors par magie, laissant le Justicar et la rôdeuse seuls. Achetant des chevaux non loin, ils purent partir et suivirent la route vers Ebelern, arrivant sans encombre particulier. Sur place, ils constatèrent avec désarroi la pauvreté du peuple, les champs laissés à l'abandon et les chevaux mal nourris. Les rares soldats qu'ils croisèrent semblaient mal équipés mais surtout, c'était le climat de tension qui régnait qui était le plus perceptible...

S'arrêtant dans une petite bourgade de la baronnie, Oriane reconnut une de ses vieilles connaissances sur place accompagnée comme toujours par un adolescent. Mais cette fois, un homme semblait de plus s'être rajouté au duo habituel, celui-ci se dressant en voyant entrer plusieurs personnes et dire suffisamment fort pour être entendu à travers l'établissement:

« Mais qu'est-ce que t'as fait à tes cheveux??? »

L'un dans l'autre, Célia avait des raisons d'être satisfaite du déroulement des évènements à Basse-Branche. Si les choses avaient pris un tour plus sanglant que ce qu'elle avait pu espérer, Jéryn avait mérité son sort, et elle doutait qu'il se trouve grand monde pour le pleurer. Les habitants de la bourgade, avec un peu de chance, pourraient vivre plus librement... si, bien sûr, ils réchappaient à la guerre qui approchait, ce qui était un tout autre problème, et, malheureusement pour la paladine, quelque chose qui risquait de ne pas être réglé en venant simplement frapper à la porte d'un temple pour réclamer justice.

Toujours était-il qu'elle avait encore retardé son départ pour Ebelern, elle et Moren (Brent, corrigea t-elle mentalement, il s'appelle Brent) ayant choisi de demeurer sur place encore un peu pour s'assurer que la transition se passe en douceur. Mais celle-ci touchait à sa fin, et la guerre n'allait pas s'arrêter pour un seul village... Célia était plongée dans ses réflexions lorsqu'elle entendit le lancier pousser une exclamation sonore. Se retournant pour voir de qui elle s'agissait, elle aperçut deux nouveaux visages sur le seuil de la porte. Le premier lui était inconnu, bien que les symboles l'identifiant comme un serviteur de Céloth lui intimait la méfiance, après les récents évènements. Le second, en revanche...

« ... Oriane ? »

Célia conservait un souvenir vivace de cette humaine, croisée au plus profond des forêts alors qu'elle même était sur la piste d'une troupe de brigands ayant pris la fuite. Les deux femmes avait brièvement fait équipe, mais Célia devait admettre que l'archère était demeurée un mystère. A part son nom, et le fait qu'elle semblait vivre dans ces bois (seule ? En communauté ? Sur ce sujet, la rôdeuse avait gardé le silence), la réserve d'Oriane, et le fait que Célia ne soit pas du genre à se montrer insistante, avait contribué à ce qu'il demeure de nombreuses zones d'ombre entre elles, même si la paladine avait l'intime conviction que, derrière sa méfiance naturelle, Oriane avait le cœur au bon endroit.

« Qu'est-ce que tu fais là ? »

Oriane avait suivi le mouvement imposé par la Rose sans poser davantage de questions. Cependant, elle fut un peu surprise de constater que le dénommé Aenyr ne les accompagnait pas vers Ebelern. Elle en conclut qu'il la rejoindrait après coup, grâce aux talents magiques de celle qui semblait mener ce groupe secret.

L'arrivée sur les terres dont la Cour était sans nouvelles fut un véritable choc pour elle. Partout des paysans affamés, des champs à l'abandon, des soldats dépenaillés... et ce climat de tensions, les regards fuyants, la peur palpable. Pour un peu, on aurait pu croire qu'elle et Braid arrivaient après les orques. C'était donc le cœur lourd et le moral en berne qu'elle était entrée dans la taverne de ce petit bourg.

Elle fut tirée de ses réflexions par quelqu'un qui avait prononcé son nom. Levant la tête, elle reconnut Célia, qu'elle avait rencontré quelques temps auparavant. Elle n'avait pas bien compris pourquoi elle tenait tant à s'impliquer dans la traque de la bande de ruffians qui venaient régulièrement extorquer ce qu'ils pouvaient à la vieille Magda dans sa retraite solitaire et qui avaient failli découvrir les familles elfiques qui avaient établi leurs pénates secrètes dans les environs, mais elle avait été heureuse de pouvoir compter sur l'aide d'une combattante expérimentée pour mettre fin à cette menace. Cette expérience avait été brève, l'éclaireuse ne tenant pas à ce qu'une étrangère, même bien intentionnée, soit en mesure de localiser certains habitants de la forêt. Elle n'avait pas vraiment cherché à faire connaissance, mais avait gardé un bon souvenir de cette guerrière taciturne, ainsi que de l'adolescent qui l'accompagnait et à qui elle portait une révérence incompréhensible. Une fois les intrus neutralisés, l'archère avait reconduit ses alliés temporaires à la lisière, veillant à ce qu'il ne leur arrive rien de fâcheux. Elle ne les avait plus revus depuis.

Elle fit quelques pas dans la taverne, et répondit:

« Célia ? »

Ce fut alors qu'elle aperçut le groupe qui était entré juste après elle et Braid, et qui avait provoqué l'exclamation du compagnon de table de Célia. Elle avait déjà rencontré l'une de ces personnes, mais, fidèle à ses habitudes de discrétion, elle n'en laissa rien paraître.

« Heu... c'est compliqué. Et toi ? Tu vas bien ? »