« Je... Je... Non, vous racontez n'importe quoi! Approchez pas! Cassez-vous et laissez-nous tranquille! On a pas assez souffert comme ça pour que vous veniez en rajouter en plus? »

L'homme se jeta alors en avant, ratant le nain d'un coup mal ajusté.

« Tsss. » lâcha le nain.

Il se redressa puis tenta de désarmer son adversaire afin de pouvoir discuter tranquillement.

Sans mal, le nain désarma l'homme et lui retira le couteau des mains avec un air désapprobateur, comme un adulte qui voit un enfant faire une bêtise. L'homme se recula précipitamment alors et retourna près de sa compagne:

« Je vous en prie... Faites de moi ce que vous voulez mais laissez-là tranquille. Déjà qu'on a perdu nos enfants alors pitié, ne me la prenez pas... »

« Tsss. » répéta le nain pour lui-même. J'étais mieux à Nanda Parbat.

Il se dirigea doucement vers le couple avant de tendre le couteau à l'homme en le tenant par la pointe pour bien indiquer qu'il n'avait aucune intention hostile à son égard : « Nous ne sommes pas là pour vous faire du mal, je vous l'ai déjà dit deux fois. Reprenez votre couteau et rangez le ça évitera les incidents malheureux. »

Puis il recula à nouveau pour se tenir à distance raisonnable du couple : « Est-ce que vous êtes disposés à nous répondre ? Nous vous laisserons tranquilles par après je vous le promets. »

« Que... Qu'est-ce que vous voulez? »

La femme semblait toujours aussi apeuré par la situation mais l'homme récupéra le couteau et le rangea à sa ceinture.

« Nous voulons juste des informations sur la situation de la baronnie. Comment ça se passe ici. P'tête que les compagnons ont des questions plus précises j'en sais rien. »

Béryl s'approcha de la porte et posa la main sur la poignée. « Je peux leur ouvrir alors ? Il ne vous arrivera rien. »

Enfin je l'espère, c'est quand même un troupeau de bourrins que j'accompagne.

« Vous commencez à devenir pénibles là. Je vous ai désarmé avant comme un enfant, j'aurais pu en profiter pour vous casser la nuque d'une seule main... Je ne l'ai pas fait et je vous ai même rendu votre arme c'est quand même bien un signe pour vous dire qu'on ne vous veut aucun mal non ? »

Le nain poussa un léger soupir : « Pour les questions je sais pas ce qu'il faut vous demander moi, j'suis pas spécialiste en bavardage. »

Béryl décida finalement d'outrepasser ses droits quitte à se prendre un coup de couteau dans le dos. Il se tourna vers la porte et l'ouvrit : « Vous pouvez entrer. » annonça-t-il au groupe. « Mais essuyez bien vos pieds et soyez doux et polis. Ces braves gens ne sont pas encore très rassurés. Ce qui est pleinement compréhensible vu le barouf causé par notre arrivée. »

La porte s'ouvrit donc sur une Oriane, qui avait visiblement écouté l'échange à l'intérieur. Le couple semblait toujours aussi effrayé mais ils sortirent, la mort dans l'âme et résigné à ce qui les attendait surement...

Ladite Oriane était très embêtée, surtout quand elle vit l'air résigné du couple. Mais il n'y avait pas d'enfant, c'était déjà cela. Elle s'écarta de la porte pour laisser passer les deux villageois, reculant d'un pas pour ne pas les stresser davantage, et les salua courtoisement, en inclinant la tête. Ne sachant pas trop commencer, elle commença par se présenter:

« Bonjour, je m'appelle Oriane. Je suis venue ici pour savoir pourquoi plus personne n'avait de nouvelles du coin en Vigil... Est-ce que vous accepteriez de m'expliquer ce qui s'est passé ces dernières semaines ? »

Son ton était le plus doux possible, mais elle était mal à l'aise de se sentir dans le rôle du grand méchant loup. Elle ajouta, un peu maladroitement:

« Je ne laisserai personne vous faire de mal. Je suis venue pour essayer de vous aider... »

« Les dernières semaines? Ri... Rien, madame. Promis... »

L'homme, apeuré, observa Oriane des pieds à la tête avant d'ajouter:

« Pitié, on peut rien dire... Ils ont nos enfants... »

L'éclaireuse regarda l'homme, surprise. Instinctivement, elle baissa le ton:

« Qui ça, ils ? »

Elle s'arrêta un instant, réfléchissant. Elle accorda à son interlocuteur un sourire bienveillant, et fit un geste d'apaisement.

« Vous avez peur que ces "ils" vous surveillent, c'est ça ? Vous voulez qu'on en parle de manière plus discrète ? »

Elle jeta un regard derrière elle, vers ces compagnons dont elle venait tout juste de faire la connaissance, puis focalisa à nouveau son attention sur le couple de villageois.

« Écoutez, si vos enfants ont été enlevés, je pense que nous devrions pouvoir faire quelque chose. Mais pour ça... il nous faut comprendre la situation. Sans vous mettre en danger. Vous voulez que je revienne plus tard ? Quand je décide d'être discrète, il est difficile de me pister... C'est comme vous voulez. C'est à vous de voir si vous voulez bien m'accorder votre confiance. »

Elle ne put s'empêcher de penser qu'à l'avenir, il allait falloir faire preuve de beaucoup plus de discrétion.

« Non... »

Ce fut la femme qui parla cette fois. Son mari, surpris, lui jeta un coup d’œil surpris avant d'enchaîner:

« Ecoutez, elle est choquée, elle ne sait pas ce qu'elle dit... Inutile de revenir plus tard. Nous ne pouvons rien faire pour vous... »

Son épouse lui répondit avec colère:

« Ça suffit. Il faut qu'on en parle... Ça fait trop longtemps que ça dure, maintenant... Je me moque de ce qui nous arrive, tu comprends? Qu'on en finisse... »

Se tournant vers Oriane, elle enchaîna:

« Ils ont pris nos enfants. Phelam et sa catin. Pour assurer leur éducation, comme ils disent mais on sait tous que c'est pour éviter qu'on parle de ce qu'il se passe ici... Vous avez vu nos champs, nos chevaux... Ils nous taxent tellement qu'on ne peut même plus s'en occuper décemment, acheter des graines ou du matériel pour les chevaux... Et quand quelqu'un se plaint, la pute rousse et ses hommes débarque dans la nuit, embarque ceux qui se plaignent et les accuse d'un quelconque prétexte pour se débarrasser d'eux. Ils organisent alors un grand bûcher, y jettent les responsables, révèlent ce qu'ils leur reprochent et... »

Un sanglot monta dans la gorge de la femme qu'elle laissa éclater avant de continuer:

« Et ils amènent les enfants, justifiant qu'ils ont le même sang et sont donc aussi contaminés... Alors qu'on ne s'occupe même pas d'eux... Ils brûlent toute la famille, parce qu'ils ont osé se plaindre... Alors on ne se plaint plus... Des orques sont venus s'installer au château il y a peu et on a entendu des rumeurs de guerre avec eux... Des gens ont voulu savoir et leurs dépouilles ornent les murailles maintenant... Qu'est-ce qu'on a fait pour mériter ça? Ma mère m'a parlé de comment ça se passait du temps des Auraniel, c'était différent... Mais leur fille, celle qui a survécu... C'est le mal incarné... »

Devant son manque de succès en allant frapper aux portes de tout le village, Tara s'était résignée à laisser faire les autres à sa place. Muée dans un mutisme complet, elle se demandait ce qui pouvait bien causer une telle peur chez son peuple. Tout en continuant de se reprocher ce qu'il s'était passé à l'auberge. Tu aurais dû réagir plus vite. Empêcher Sania de lancer son sort.

Toute à ses noires pensées, elle avait suivi Béryl, Orianne et Aravilan et s'était approchée de la maison sur le côté, tout en restant suffisamment à l'écart pour laisser libre ses compagnons de mener la conversation avec les villageois.

Alors Phelam a bien trahi... Tara allait s'approcher un peu plus pour participer à la discussion et rassurer elle aussi ces pauvres gens quand la dernière phrase prononcée l'arrêta net.

Elle serra les poings et lança un regard à Sania et Aravilan, l'air de dire : vous vouliez attaquer le château ? J'en suis maintenant.

Quoi, ce traître pensait pouvoir m'utiliser comme ça sans en subir les conséquences un jour ? Elle resta cachée derrière la maison, continuant d'écouter les révélations du couple...

Qu'on en finisse
Aravilan avisa une Tara "cachée" avant de s'approcher des humains : « Pourriez vous me dire qui vous a soumis cette idée la survivante ? »

« Tout le monde connait son histoire. Elle a survécu à l'attaque des elfes et a juré de se venger... Mais elle a perdu la tête et nous a réduit en esclavage ou pas loin. »

Le mari reprit la parole:

« Elle est folle à lier. Elle a fait accuser la mère d'une de ses servantes de l'avoir mise au monde sans lui avoir demandé son avis et l'a faite emmurer vivante avec sa fille... Et personne ne peut rien faire... »

Oriane était un peu surprise de tout ça. Visiblement, il y avait de l'imposture dans l'air...

« Je suis désolée d'entendre ça... mais j'ai promis de protéger les habitants de ce royaume. Alors si je peux vous aider, je le ferai. A vrai dire, en arrivant sur ces terres, je me suis demandé si une armée d'orques n'avait pas déjà déferlé sur vos villages. Vous pourriez me dire depuis combien de temps ça dure ? »

Elle fronça le sourcil, confrontant la réponse avec ce qu'Aravilan venait de lui raconter sur les voyages de Tara.

« Vous savez qui lui rapporte ce qui se passe dans les villages ? C'est la garde qui est chargée de vous surveiller, ou ils ont d'autres moyens ? »

Avant de foncer bille en tête, elle voulait avoir une idée des moyens d'information de l'ennemi... histoire de ne pas se précipiter dans un piège. L'histoire de la servante lui donnait à penser. Si imposture il y avait, cette pauvre femme était sans doute en capacité de la démasquer, ou avait peut-être découvert la vérité. Cela pouvait fournir une première piste d'action pour ramener l'ordre dans cette baronnie...

Si des gens m'ont reconnue à l'auberge même avec les cheveux courts, c'est que la ressemblance doit être plus que frappante.

Tara avait complètement renoncé à s'approcher de ces gens. Elle rabattit la capuche de son manteau sur son visage et continua d'écouter le récit que faisaient les paysans.

Le moins qu'on puisse dire était que l'affaire était loin d'être claire. Mais le couple ne semblait pas en mesure de leur apporter beaucoup plus d'informations; l'urgence paraissait être de déloger l'intendant du château, s'il pactisait avec les orques, et rendre les enfants à leurs parents. Aussi de rétablir l'ordre sur ces terres, qui avaient moins besoin de bûchers que de calme. L'éclaireuse expira un grand coup. Elle ne pouvait pas faire de promesses définitives - elle avait appris, avec le temps, qu'elle n'était parfois pas en mesure de les tenir, malgré toute sa bonne volonté. Mais elle voulait sincèrement venir en aide aux habitants de ce village, et des autres.

« Écoutez, je ne vous fais pas de promesses, parce que je ne sais pas si je serai en mesure de les tenir. Mais si je peux, je vais essayer de faire avancer les choses dans le bon sens pour vous. Vous pourriez me dire à quoi ressemblent vos enfants, et comment ils s'appellent ? »

Une fois la réponse obtenue, elle jeta un coup d’œil vers Aravilan et Béryl qui étaient près d'elle - elle n'avait pas vu Tara, concentrée qu'elle était sur les deux villageois.

« Je ne serai pas la seule, j'espère. N'hésitez pas à venir nous trouver si vous pensez que d'autres informations pourraient nous être utiles... »

Les mots suivants furent adressés à ses nouveaux compagnons:

« Si on allait demander des explications à ce Phelam ? Retournons à l'auberge et laissons nos hôtes se remettre de leurs émotions... »