Sania ne s'intéressait pas aux histoires du moment. Juchée sur sa monture, les seules choses qui semblait l'intéresser étaient la dragonne et son nouveau lapin. Vêtue de sa tenue habituelle, elle se fichait bien de ce que pouvaient raconter les autres. Peut-être participerait-elle plus tard, mais pour le moment elle n'en n'avait pas la moindre envie.

A mesure que le but du voyage approchait, Tara semblait devenir plus tendue. Elle réprimait des grimaces de tristesse à chaque fois qu'ils croisaient un indice du chaos dans lequel les terres qu'ils traversaient se trouvaient : bûchers, barricades, patrouilles et membres du clergé de Céloth prêchant partout où il y avait des oreilles pour écouter leurs promesses insidieuses.

De nombreuses questions trouveraient leurs réponses à Ebelern : Quelles troupes les orques avaient-ils levé ? Quelle vérité au sujet de l'intendant ? Qu'était devenu Brent ? Sans parler de ce que leur ennemie préparait depuis leur dernier combat. A ce sujet, "l'échec" de la visite d'Alessa à Sanctuaire n'avait rien apporté d'encourageant...

Après avoir chevauché quelques heures un matin, le visage de la baronne s'éclaira néanmoins. Elle partit au galop en dehors de la route qu'ils suivaient et rejoint un grand cairn de pierres en haut d'une des collines qui la longeaient.

« Venez voir ! » Elle étendit la main vers l'Est, embrassant du regard l'horizon baigné dans la pâle lumière du soleil.
« Cet endroit marque l'entrée dans la baronnie d'Ebelern. Tout ce que vous voyez dans cette direction fait partie du domaine Auraniël ! » expliqua-t-elle fièrement à ses amis.

Elle fit faire un demi tour à son cheval, regardant de tous les côtés, fouillant l'horizon du regard, cherchant ses repères.
J'ai l'impression d'être partie depuis cent ans au moins...

« A partir de maintenant, nous devrions être prudents. Yael... » elle se tourna vers Béryl pour préciser « C'est un mage qui s'était joint à nous pour combattre Marlak. Il a dû nous quitter un peu avant que vous ne nous rencontriez à Kazad-Kirn. » elle reprit son discours « Yael disait que l'intendant d'Ebelern, Phelam, était un tyran et un traître. J'ai eu du mal à y croire, mais j'ai confiance à ce qu'il nous avait dit. Il faut donc nous attendre à ce que l'entrée dans Ebelern ne soit pas si facile que prévue. D'autant plus que nous ignorons pour le moment tout de l'état de la ville, de l'avancée des troupes de Sanctuaire, des orques et de Vigil. »

A l'annonce magistrale de la baronne, Alessa se hissa sur ses petits bras pour gagner quelques centimètres et mieux contempler la terre qu'ils s’apprêtaient à fouler.

« Depuis qu'on en avait parlé sur la Dague, j'attendais de voir ça de mes propres yeux. J'imagine que ton retour se fera dans des circonstances un peu particulières. D'ordinaire, te révéler publiquement au château familial et commencer la reprise en main par un acte de justice aurait certainement gagné le cœur de tes sujets... mais si la nouvelle de ton retour remontait aux armées de Sanctuaire, ça causerait certainement plus de mal que de bien.

J'imagine que ta famille aurait la légitimité et l'expérience pour remettre de l'ordre et écarter l'intendant, même s'il faudrait justifier cette longue absence et leur "jeunesse" apparente. Et puis, tu peux contacter l'oracle de Fureur grâce au cartouche qu'elle vous a confié pour en savoir plus sur la position et les projets de ses armées dans les jours à venir. »

« Je ne connais ni la région ni les coutumes des gens d'ici, mais je doute que tout le monde voit comme toi des morts qui reviennent à la vie comme une banalité. Si depuis les dernières années, l'influence de l'église de Celoth et la superstition se sont répandues dans ces contrées, ce sera rapidement assimilé à de la sorcellerie. Phelam pourrait même avoir trouvé des appuis en Vigil pour asseoir sa position en cas de retour de ses suzerains, s'il est aussi malveillant que le décrit Tara. Mais bien sûr, ça reste des suppositions, je dis juste qu'il faut agir avec prudence. La légitimité reste du côté de Tara et des siens, mais les choses pourraient se révéler plus compliquées que prévues à son retour. »

Son avis exprimé, la fillette tourna la tête d'un air interrogateur à l'attention de la baronne, curieuse d'entendre sa décision sur l'approche à adopter.

« Ah oui, c'est vrai que la magie est proscrite ici et au GorUnTha. Je l'ignore toujours.
A part ça, j'ai des sphères incandescentes s'il faut faire brûler un chambellan trop vénal. C'est toujours intéressant à observer. »

Sania tourna également la tête vers Tara, puisque c'était elle qui au final prendrait les décisions.

« Oui, je suis d'avis d'êtres prudents tant que nous ne saurons pas de nous mêmes ce qui se passe là bas. Même si in fine, la légitimité reposera plus sur la foi qu'aura le peuple en cette lame. » Elle posa la main sur la garde de son épée, dont le pommeau sembla étinceler l'espace d'un instant.

« Si Phelam nous est resté loyal, la liberté de culte sera restée en place, et il ne devrait pas y avoir de problème à notre retour. Quitte à expliquer à tous ce qu'il s'est passé avec Marlak depuis le début. Je ne veux pas avoir à cacher ma famille éternellement. Nous aurons besoin de la confiance de tous pour faire face à la guerre. »

Elle regarda tour à tour son père, sa mère et ses soeurs avant de fixer de nouveau son regard sur la direction d'Ebelern, par delà les collines.

« Et s'il est tel que l'a décrit Yael, mieux vaudra agir discrètement. Nous renseigner sur d'éventuels soutiens au sein de la population, le couper de ses soutiens, et rendre justice. Nous n'aurons pas beaucoup de temps j'imagine. »

Elle fit la grimace à la mention de Linéa. « Pas le choix non plus si nous voulons plus d'informations sur les armées... contactons l'oracle ! »

Aravilan observait les environs avant de sortir d'une sorte de rêverie, sans doute des effets secondaires de la confusion. A la mention de Linéa, elle mis sa main dans son sac à dos et après quelques secondes de fouille, en sortit le cartouche qu'elle tendit à Tara.

« Le voila. »

« Merci. »

Tara écrivit quelques mots sur le papier :
« Linéa, nous arrivons à Ebelern, quelle est la situation des troupes ? »

Puis le glissa dans le cartouche qu'elle referma. Il n'empêche que je continue de penser que c'est une pétasse.

Le message partit donc à travers le cartouche et il ne fallut que quelques minutes pour qu'une réponse parvienne:

« Bonjour à vous aussi, Tara. Nous avançons autant que possible et estimons pouvoir arriver d'ici deux petites semaines, si tant est que nous ne croisions pas autant d'obstacles que jusqu'à maintenant.

PS: la prochaine fois que nous utiliserons votre plan, c'est vous qui vous ferez larder... Ça fait un mal de chien...


Cordialement, Linéa, Oracle de Fureur. »

Béryl écouta attentivement les remarques de Tara. Même s'il avait déjà oublié qui était le dénommé Mardak il nota cependant qu'il fallait rester une nouvelle fois discret.

Décidément c'était plus simple à Nanda Parbat.

Profitant de l'instant de pause il se laissa aller à observer les environs pour voir s'il y avait matière à travailler à proximité.

Comment ça "mon" plan ? La baronne se garda de prononcer ses injures à voix haute, par respect pour ses proches.

Elle écrivit un nouveau message en le dictant à voix haute : « Merci. Nous vous retrouverons sur place, en essayant de vous laisser des orques à combattre. Savez-vous où en sont les autres forces ? Les orques ? Les armées de Vigil ? »

Elle glissa le message dans le cartouche.

« Deux semaines, c'est plus qu'il ne nous en faut pour rejoindre la ville, démêler le vrai du faux au sujet de l'intendant, reprendre les rênes de la cité et en organiser les défenses... En espérant que les orques ne soient pas déjà sur place bien sûr. »

Une idée lui vint : « Béryl, savez-vous ce que compte faire votre peuple dans cette guerre ? Non ce n'est pas ma question. Pouvons-nous espérer un renfort des nains, de quelque manière que ce soit ? »

Béryl fut tiré de son observation - qui de toute manière s'annonçait peu fructueuse vu sa faible concentration - par une question de Tara.

Il haussa les épaules : « Je n'en ai aucune idée. A Nanda Parbat nous vivons pour perfectionner nos talents. Je dois avouer qu'entre mes travaux de joaillerie et l'apprentissage du Ki je n'avais guère le temps de m'occuper de ce qu'il se passe à l'extérieur de la cité. »

Et vu l'état du monde était-ce bien un mal ?

Un moment de tranquilité avant de passer à l'acte, l'elfe, comme a son habitude se posait toujours des questions... trop de questions...

Des orques dans le coin... sont ils là que pour combattre... ça veut dire qu'un camp peut ne pas être loin d'ici ?Et si elle était toujours sous anti magie?

Elle descendit de son cheval et embrassa les vents environnants avant de se concentrer sur son incantation.
« Ney ram kaluth Yr Vajoul Da Saeruth hyrm belfraxeondtagth. »
(en elfique) « Maman, sais tu où tu es ? Comment vas tu ? »

La fillette flattait l'encolure de sa monture, observant avec curiosité un nain occupé à inspecter des cailloux, détournant l'instant d'après le regard pour découvrir une elfe occupée à s'adresser au vent comme à sa propre mère, et de secouer la tête l'air un peu dépassée par tout ça, avant de revenir finalement à la baronne.

« Commençons par apprendre ce qui se passe réellement ici, et si Yael a dit vrai. Tu as encore des gens de confiance que nous pourrions rencontrer pour connaître la situation? A moins que tu veuilles procéder autrement. En tout cas, mieux vaut rester discrète sur ta présence ici, que ce soit vis-à-vis du régent, ou des armées de Sanctuaire qui sont toujours à tes trousses. »

Après réflexion, Tara répondit, un peu hésitante : « Pas vraiment. A part Phelam (l'intendant), il y a quelques paysans avec qui je jouais quand j'étais petite... Mais rien ne dit qu'ils soient encore en vie, ou même qu'ils soient restés loyaux à ma famille. »

Elle ajouta ensuite : « Il faudra que nous masquions nos apparences. Surtout nous. » dit-elle en s'adressant à sa famille. « Sania, si tu as des tours pour métamorphoser d'autres gens que toi, je me verrais bien en bûcheron. »

Tara balaya le problème des perruques d'un haussement d'épaules. « Tant pis, je me couperai les cheveux. Et vous deux aussi les filles. » lança-t-elle à ses soeurs.
« Pour le reste, ton maquillage fera l'affaire Sania. »

A la réponse de Béryl, elle poussa un soupir, malgré le peu d'espoir qu'elle avait placé dans l'éventualité d'un renfort venu des territoires nains.
« Dommage. Des alliés supplémentaires n'auraient pas étés de trop dans ce combat. »

Ne restait qu'à attendre la réponse de Linéa et ils pourraient se remettre en route pour Ebelern.

« Vous couper les cheveux? Là comme ça, sans ciseaux, sans brosses ni rien? »

Une expression d'horreur passa sur le visage de la fillette, avant qu'elle ne baisse la tête, dépitée.

« Ça va pas être très très joli... enfin, je peux aussi passer rapidement au marché de Lux pour récupérer quelques fripes plus discrètes, si vous voulez vous faire passer pour de simples badauds. »