Ichabod suivait les conversations, silencieux. Encore une fois, les membres de sa troupe semblaient se refuser à éventer leurs secrets, quitte à faire courir un risque à chacun. Mais ils étaient tout ce qu'il avait pour arrêter Marlak et son maître démoniaque. Entre deux couplets des chansons de Sania, si tel était bien son nom, il se tourna vers Tara :

« Baronne, serait-il possible d'échanger quelques mots en privé à la fin du repas ? »

Toute à écouter les chants fantaisistes de Sania, Tara fut quelque peu surprise par la question du prêtre, avant de se rappeler qu'elle avait elle aussi quelque chose à lui demander par rapport à ce qu'elle avait remarqué pendant le combat contre Marlak et Jéricho.
Elle se retourna donc et répondit très simplement : « Euh, oui... oui, oui, bien sûr ! »

Puis son esprit se remit à vagabonder au gré de ses pensées du moment. Le rire de cette pourriture d'elfe à la mention de sa famille, les inquiétudes de certains, Brent, Alessa qui refusait de dévoiler des secrets qu'elle avait l'air de vouloir enterrer... La suite du voyage risquait ne pas être de tout repos, mieux valait prendre quelques forces dans les prochains jours, d'autant plus qu'ils n'auraient probablement pas à se battre de nouveau en pleine mer si le capitaine ne se trompait pas.

Tout d'abord interloqué par les chansonnettes de Sania, le semi-homme finit par battre la mesure du talon, remuant la tête et les index au rythme des paroles rigolotes. Il avait visiblement très vite sorti de sa tête l'homme-corbeau.

Laissant ses compagnons aux chants de Sania, Ichabod se leva après avoir fait un signe de tête à Tara, remonta sur le pont et se dirigea vers la proue de la Dague. Appuyé au bastingage, il observait la mer devant eux en attendant que la baronne le rejoigne.

Tant qu'on ne la stoppa pas, Sania continua. Après les combats de la journée, on pouvait bien profiter de la soirée.
« Au faîte de la forêt, un corbeau croassait,
il disait aux autres leurs quatre vérités,
ou peut-être les siennes, qui sait ?
Bruyant et arrogant, sans se reposer,
ce corbeau croassait, croassait, croassait,
et jamais n'envisagea de s'arrêter.

Un loup vint à passer, un chasseur avisé,
le corbeau le vit et voulut s'approcher,
du loup gris pour pouvoir l'insulter.
Il croassa jusqu'à ce que sa voix fut cassée,
mais jamais le loup ne sembla l'écouter,
énervé, le corbeau l'a accompagné.

Dans son état, il en devint distrait,
ne vit pas l'arbre qui se présentait,
le heurta, tomba, finit mangé.
Le loup sage approcha l'examiner,
huma l'oiseau avant de le rejeter :
"Corbeau, tu dois encore engraisser.

Je n'ai pas faim à ce point." »

Sur l'invitation d'Ichabod, Tara se leva après avoir écouté les premières notes du chant de Sania. S'enveloppant dans son étole, elle s'appuya dos au bastingage, et attendit que le prêtre prenne la parole.

Quand Tara vint s'appuyer au bastingage, Ichabod se tourna vers elle, la regardant silencieusement un moment avant de prendre la parole.

« Baronne, ce que j'ai à vous demander est quelque peu délicat... Je ne voudrais pas réveiller des souvenirs douloureux, ni créer de faux espoirs.

D'après ce que vous nous avez dit, Marlak a enlevé les corps de votre famille de leur caveau. Je suis désolé d'évoquer le sujet, mais j'aurais besoin d'en savoir plus sur votre famille. Qui étaient-ils ? »

Depuis le temps, les questions ne lui faisaient plus rien. L'attaque de Marlak sur Eberlen avait eu lieu il y avait bien longtemps à présent, près de 22 ans, et le traumatisme vécu avait causé de graves lésions à sa mémoire.
Seuls certains souvenirs, qui revenaient la hanter au gré de son humeur continuaient d'avoir de l'effet sur elle. Ainsi, sa réponse ne se fit pas attendre, et la dernière fille des Auraniël répondit d'un ton posé et calme :

« Vous savez Ichabod, je n'ai qu'assez peu de souvenirs de ma famille. Ma mère était très belle. Et forte. Les baronnies de l'est sont un endroit où les femmes des grandes maisons savent toujours monter à cheval et manier l'épée et l'arc, au moins aussi bien que leurs époux. En l'occurrence, elle avait éduqué mes soeurs aînées sur la même voie qu'elle l'avait été dans sa jeunesse. Comme dans les histoires d'autrefois, au temps des vierges guerrières de l'est. La plus jeune des deux, Sigrid, était la plus brillante de nous quatre. Elle pouvait passer des heures à discuter avec les maîtres dans la bibliothèque de père.
Enguéran, mon frère, était un chevalier. Il faisait la fierté de mes parents. Cavalier adroit, lancier particulièrement habile, archer hors-pair. Il était fiancé à une demi-elfe. Il devait avoir environ 18 ans à l'époque... »

Elle fit une pause, tant pour laisser à Ichabod le temps d'emmagasiner ses histoires que pour se remémorer certaines promenades dans les collines avec ses frère et soeurs.

« Notre père enfin, était le baron Auraniël, protecteur de la baronnie d'Ebelern. Titre qu'il avait hérité de son père et ainsi de suite depuis 8 générations. Mon père était un homme bon. Les paysans l'aimaient en bon seigneur et protecteur, ses adversaires le respectaient - aux dires de Phellam - et c'était un père admirable pour nous. Il avait été blessé à la jambe lors d'une chasse sur nos terres et boitait depuis, mais il n'en restait pas moins l'un des plus brillants escrimeurs de la baronnie. Il était sage et rieur. Toujours ouvert envers les étrangers.
Il avait toujours refusé de prendre parti pour qui que ce soit dans les conflits frontaliers entre races. Elfes, orques, halfelins, humains. Il ne faisait pas la différence et ne tolérait pas qu'on la fasse sur ses terres. »

Elle se tut et attendit la réaction du vicaire de Céloth. « Ai-je répondu à vos questions ? »

Alors que Tara et Ichabod s'étaient esquivés pour avoir une discussion plus intime, le nain sonna la fin du repas, indiquant par la même le début du service suivant pour les matelots en poste. Evaine s'occupa d'aider à débarrasser pendant que Sar et Lek rentrait dans leur cabine. La capitaine s'éclipsa également pour rejoindre ses quartiers en compagnie de son prêtre de mari, laissant Brent seul avec les derniers occupants de la table:

« Bon, on fait une partie de carte? »

Le repas s'étant achevé, la musicienne avait reposé sa lyre, accrochée à la ceinture comme souvent elle faisait. Sania jeta un coup d'oeil à Aravilan avant de répondre, amusée, à Brent. « Quoi, et passer ton temps à te demander qui triche le plus entre Ara et moi ? C'est pas un peu risqué ? Surtout que c'est peut-être bien Duke ou Sylas, le maître des tours de mains, qui sait ? »

Aravilan souriant discrètement à la parole de Sania.
« Voyons... Tu sais bien que de tous, tu es celle qui a le plus de bagou !
Ne vas pas faire ton innocente.

Pourquoi pas une partie... »

« De bagou, oui bien sûr, et j'en suis même plutôt fière, une telle carrière n'était pas gagnée, l'ignorance est vastement répandue dans ma contrée. Mais savoir parler et savoir bluffer, voilà deux choses bien différentes. Si mes mots sont sans égaux, il n'en va pas de même de mon visage, lequel parfois perd son calme. Et si je le reconnais, je pourrais le déguiser par une illusion bien appliquée, je me refuse à user d'une telle méthode en telle compagnie.
Au minimum, le capitaine est trop perspicace pour que je me permette de tels jeux, qui ne sauraient qu'éveiller suspicion à mon encontre ? Suspicion, disais-je ? Hum, peut-être pourrais-je me permettre de tricher. »

Sania conclut par un grand sourire, laissant illusion faire accroire que sa chevelure serait dotée d'une vie propre et appliqué, en cet instant à les élever pour les entortiller. Avant qu'elle ne les laisse bien assez tôt retomber et reprendre leur original aspect.

Brent éclata de rire et distribua les cartes... La soirée passa paisiblement, chacun des compagnons quittant la table pour aller dormir tour à tour... Le lendemain, le navire filait bon train lorsque les premiers se levèrent, la capitaine leur assurant qu'ils toucheraient terre d'ici une petite semaine et n'aurait pas plus d'une journée de retard sur l'escorteur. Chacun prenant son poste, le train-train reprit ses droits, Sania s'occupant de la vigie avec Ergoth(ou l'inverse), Tara et Alessa aux voiles, Ichabod a la propulsion, les autres vaquant d'une occupation à l'autre à bord.

Au bout de quelques jours, la capitaine, usant de sa longue vue, héla Sania et Alessa:

« J'ai cru voir quelque chose au sud-est... Allez vérifier, je vous prie... »

Du haut de sa vigie, Sania entreprit de regarder dans la direction indiquée, si elle n'y voyait rien déjà.

Dans le même temps, et ça ne fut pas entendu en raison de son altitude, elle poussa un court soupir. Faire pousser des ailes, voilà un jeu qui n'avait rien d'agréable. S'y résolvant de toute façon, elle extirpa de son sac un bâton de métal, dont elle entreprit de faire coulisser les différentes parties, le préparant avec précaution pour l'invocation emplumée.

Elle regarda ceux sur le pont, et descendit les voir, sceptre en main et sac au dos, accompagnée d'Ergoth.
« Je crois bien qu'il y a quelque chose. Difficile de savoir quoi, ça a l'air en miettes.
Alessa, une idée du temps que ça prendrait pour y aller, observer et revenir ? »

Les jours suivants avaient, semble-t-il, finit par chasser le souvenir des évènements passés. Lorsque la capitaine la héla, Alessa était confortablement campée sur une vergue, les pieds ballants au dessus du vide, à deviser en compagnie de Tara et de quelques gabiers de souvenirs de terres lointaines et de folklore local.
Tournant brièvement la tête vers l'horizon sans rien y voir, elle s'excusa auprès de ses compagnons de causerie et disparu à la vue de tous, pour réapparaitre sur le pont aux côtés de Sania et de Vernard.

« Difficile à dire, je ne distingue pas grand chose d'ici. Si les vents sont favorables, quelques minutes devraient être suffisantes pour y voir quelque chose. »

Elle ouvrit la paume pour désigner Ergoth, souriant à la boule de plumes.

« Je ne pense pas que la tâche soit au dessus de ses forces, mais je peux garder un œil sur lui si tu veux. »

« Ah ? Ahah. Non, c'est pour moi que j'en parlais. Ergoth est un corbeau, il sait voler. Enfin, je supposais. -elle sourit à son compagnon- C'est que j'ai beau savoir nager, je n'aime pas risquer de plonger à l'eau, en sous-estimant le temps nécessaire. Mieux vaut trop que pas assez. Disons une heure. » Si elle ne disparait pas une fois là-bas.
Elle recommença à coulisser les parts de son sceptre, avant de le ranger dans son sac sans sembler s'en servir vraiment.
Elle soupira. Quand t'as sauté de la falaise, c'est trop tard pour souhaiter pouvoir voler. Comme on dit.

Prenant sa lyre en main, elle entama quelques courtes paroles, trois couplets parlant du plaisir et du besoin de voler, de la nécessité d'un squelette allégé, d'une morphologie aussi adaptée qu'il est possible de souhaiter, et finalement, ses habits une fois reformés pour laisser passer grandes ailes sombres emplumées, ses oreilles contre son crâne plaquées, Sania respirant profondément pour supporter la fatigue occasionnée, elle déclara : « On peut y aller. »

« Toi? »

Alessa ouvrit des yeux ronds, ne s'étant pas imaginée une seconde cette alternative, et assista à l'étrange métamorphose avec une pointe d'amusement dans la voix.

« Moi qui pensait avoir tout vu... enfin rassure toi, même en cas de contre-temps, je devrais pouvoir te ramener au sec. »

L'idée d'avoir une compagnie autre qu'Ergoth semblait la ravir, alors que son saree se tordait dans son dos, les fibres s'étirant en deux immenses faisceaux de filaments ténébreux animés d'une vie propre, s'élevant avant de retomber en une multitude de rémiges d'une noirceur diaphane. S'ébrouant rapidement les ailes, elle fit un signe de tête en direction de Sania pour annoncer qu'elle était prête également.

Une fois prête, les deux femmes s'envolèrent rapidement en direction de l'objet de leurs recherches...

Yeal aurait du être surpris , après tout deux femmes volantes n'étaient pas chose courante. Mais, dans la situation ou il se trouvait avec ses compagnons , il n'avait plus rien à perdre . Il leva donc les bras haut et fit des signes tout en appelant à haute voix :« OH HE ... OH HE .. PAR ICI ...AIDEZ NOUS ! OH HE ! VOUS DEUX DANS LE CIEL »

Tiens donc, un bateau ? Mais par qui, ou quoi, avaient-ils été attaqués ? Sania espéra que la menace ne soit pas un gros poisson prêt à surgir dans les airs pour tenter de la gober. « J'pense avoir moyen de les aider. On va bien voir. Essayes d'aider les deux qui s'éloignent à rejoindre le mât, si tu peux. »

Sania descendit, ralentissant en battant des ailes pour tenter de poser délicatement ses pieds sur le mât malgré les flots, s'aidant de ses ailes pour ajuster sa position lorsque la portance de celles-ci lui faisaient rater une embardée.
Acrobatie: Kaochi lance 1d20+28 et obtient 38 (10)

« Alors les gars, besoin d'aide on dirait ? Vous z'est arrivé quoi ? »