Si Orbin semblait goûter au compliment, son père paraissait moins enthousiaste.
« Et moi j'attends de vous que vous vous présentiez. Exigeriez-vous la courtoisie des autres sans toutefois l'appliquer à vous-même ? Je sais ce que vaut mon fils et il ferait bien d'arrêter de trop y prêter son oreille ou bien les compliments ne lui seront plus d'aucun secours. » Orbin détourna sa tête et se remit au travail.
« Que lui voulez-vous ? »

Le jeune homme travaillait avec aisance, ses gestes étaient étonnamment assurés pour quelqu'un d'aussi jeune, ses bras étaient puissants. De taille, il dépassait presque Erika, tout en sachant qu'il n'avait pas achevé sa croissance. Ses cheveux étaient bruns, bouclés et tombaient jusqu'à sa nuque.

Erikla s'apperçut que tous les futurs Numéroens ne la connaissait pas. Ce fut un manquement qu'elle corrigea de suite.
« Excusez moi. La chaleur étouffante me fait perdre les bonnes manières : Erika d'Emerië, Membre du Conseil d'Arnor et Protectrice du Roi. C'est au titre de Capitaine de la Garde rapprochée du Roi Elendil que je me présente devant vous . . . et de votre fils.

Afin d'assurer la garde de notre roi dans les meilleurs conditions, je suis à la recherche d'un profil pour lequel les Rôdeurs d'Ankhorn semblent être indiqués.
Et comme je vous le disais mes recherches m'ont amené jusqu'ici. »

Le marteau du jeune homme arrêta de frapper lorsqu'il entendit les dernières paroles d'Erika.
Son père en revanche, déjà sur la défensive, se montra plus prudent dans ses propos et encore plus protecteur.
« Quoi... vous voulez enrôler un gamin de 17 printemps dans votre garde. Je lui ai évité de se faire embrocher avec les rôdeurs jusqu'à présent. C'est pas pour le placer devant un péril encore plus grand. Il est trop jeune, ne voyez vous pas ? En quoi un gamin de 17 ans ferait mieux l'affaire qu'un des guerriers aguerris d'Ankhorn ? »

Orbin, pour la première fois, se permit d'intervenir :
« Père, je ne suis plus un enfant. Te rends-tu compte ? Un poste dans la garde royale, auprès d'Elendil le grand en personne. »

Mais son père le rabroua vivement :
« T'as pas plus de jugeote qu'un adolescent si tu penses être assez mûr pour prendre tes propres décisions. Un poste dans la garde royale, certes c'est un honneur dame Erika, nulle offense voyez-vous mais je pensais qu'une telle garde était constituée de guerriers d'élite uniquement. Pas de jeunes pousses têtes brûlées. »

Erika fit un signe pour essayer de calmer les échanges houleux qui commençait à prendre trop d'ampleur.
« Monsieur, je comprend votre inquiétude de parent et je ne peux que la féliciter. Jeune homme, je comprend aussi votre enthousiasme face a ma présence.

Je suis venu à votre rencontre pour faire votre connaissance Orbin mais ce n'est pas pour autant que la place est votre, sans le temps de réflexion d'un côté ou d'un autre.
Mais avant toute chose, nous devons apprendre à nous connaître et je ne peux présumer de votre caractère de tête brûle ni m'opposer au raisonnement plein de bon sens de votre père

Messire Dorn, me permettez vous malgré tout d'avoir une discussion avec votre fils?. »

Dorn maugréa :
« Comme vous le voudrez à condition que l'on discute vous et moi après également. »

Et il s'éloigna en secouant la tête :
« Messire ! Messire... »

Erika sourit légèrement lorsque Dorn les laissa tous les deux. L'utilisation du mot Messire avait fait son effet.

Elle se tourna vers le jeune homme pour démarrer la conversation :
« Bon Orbin, maintenant que nous sommes tous les deux, tu vas me parler un peu de toi.
Quel âge as tu exactement et quelle est ton expérience au combat? »

Orbin répondît :
« Hé bien, mon père vous l'a dit, j'ai 17 ans. Mon expérience du combat ? Heu... disons que je me débrouille bien pour chasser. J'ai toujours été à l'aise avec un arc. Plus que la plupart de mes camarades de mon âge je dirais. »
Orbin sourit, l'air un peu gêné de se mettre en valeur.
Et en même temps, une certaine fierté pointait derrière son attitude.

Le jeune secoua la tête en haussant les épaules :
« Non, je n'ai pas encore tué d'orc ou d'hommes. Lorsqu'on s'est enfuit de Lond Daer Eneth, j'étais avec les femmes, les enfants et les anciens. Nous avons eu de la chance même s'il a fallu se hâter et aider les plus faibles. Les hommes d'Ankhorn ont bien couvert notre course.
En revanche j'ai déjà participé à une battue aux loups. Ceux que les Gobelins chevauchent parfois. Et j'en ai eu trois à moi seul. Et pas des plus petits. »

« Des loups pour gobelin. J'ai du mal à m'imaginer comme je n'ai pas eu l'occasion d'en rencontrer mais cela doit rester impressionnant et digne d'être noté
Si tu as réussi a en tuer trois, tu ne dois pas être la moitié d'un avec un arc entre les mains.
Mais il est important de connaitre les frissons d'une bataille face à des ennemis dont l'intelligence est équivalente à la notre. Je ne doute pas de ton courage mais comme l'a spécifié ton père, l'expérience te fait défaut. »
Elle insista sur ce point pour faire remarquer au jeune homme que malgré ces exploits, il restait jeune.
« Il faut bien que jeunesse se fasse mais assurer la garde du Roi demande beaucoup de sang froid et de réflexion et l'on peut vite faire les mauvais choix au mauvais moment.

Te sens tu prêt à te joindre à nous et surporter une période d'apprentissage avant de prendre un poste défintif, sous réserve que tu fasses l'affaire jusqu'au bout?
Cela te demandera beaucoup d'implication et de volonté. »

Le regard du jeune homme se figea au loin pendant de longues secondes, alors qu'il se muait dans une profonde réflexion.
Finalement, il répondit :
« L'apprentissage, ça ne me fait pas peur au contraire. Je ne demande qu'à me perfectionner. »
Sa voix se fit plus hésitante :
« Ce que vous me proposez est un opportunité que je ne peux pas prendre à la légère. Mais de nombreuses voix s'ouvrent à moi. Les rôdeurs attendent que je les rejoigne... avec une certaine impatience. Et j'aime l'état d'esprit qui règne chez mes compagnons. D'autre part, je regretterai beaucoup de devoir abandonner l'art de forger. Mon père m'a transmis cette passion depuis mon plus jeune âge.
Alors ce n'est pas une décision facile à prendre. »

« Je comprends et je ne te demande pas de me donner ta réponse tout de suite. D'ailleurs je me dois de m'entretenir avec ton père.

Si tu deviens membre de la Garde du Roi, je serais ton supérieur et devra répondre en mon nom ou celui du Roi.TU ne seras plus sous la coupe des Rôdeurs ou d'Ankhorn. Par contre, tu resteras un rôdeur de la Terre du Milieu, comme je reste la princesse du Royaume d'Emerië, même si ma terre n'existe plus.
Mais tu resteras avant tout un membre du peuple d'Elendil et c’est ce qui doit rester le plus important à mes yeux.

Pour ce qui est de la Forge, rien ne t’interdira de continuer à affiner ton art durant ta formation et même après, mais c'est des points que l'on définira lorsque tu aura pris ta décision.

Ce qui m'importe, c'est que tu sois sur de ton engagement dans la voie que je te propose car c'est la confiance envers tes camarades et ta volonté qui feront de toi un être accompli. »

Elle laissa s'écouler quelques instants puis toucha l'épaule du jeune homme qui semblait désorienter.

« Je vais te laisser réfléchir et faire état de ma proposition à ton père,espérant obtenir sa bénédiction mais sache que tu dois rester seul juge de ta décision même si elle s'oppose au souhait de ta famille ou du mien. »

Elle lui sourit, passa à côté de lui puis lacha son épaule en se dirigeant vers la pièce où devait se trouver son père.

Le jeune homme sourit.
« Si je peux continuer à pratiquer la forge alors ma décision est prise. Ce sera un honneur pour moi de rejoindre la garde royale. »

« Merci pour ton engouement mais prends le temps de la réflexion. Toute décision hative n'est pas forcement bonne.
Laisse moi aller voir ton père pour en parler. »

Et elle pris la direction de l'autre pièce où elle passa quelques intstants à retrouver Dorn.
« Dorn, me voici comme convenu.
J'ai bien discuté avec votre fils mais avant d'entendre sa réponse, je tenais à vous présenter ma proposition.

Comme vous l'avez dit, il reste un jeune homme prometteur mais non formé et il n'est pas envisageable de l’enrôler sans lui apporter le maximum de formation.
Les « Élites de la garde royale » seront capable de faire de lui un homme accompli, tout en lui permettant d'affiner ses compétences de forgeron, car cela lui est important.

Qu'en pensez vous? »

Dorn regardait Erika avec un respect teinté de révolte.
« Enrôler, oui, c'est bien le mot. Vous m'avez fauché l'herbe sous le pieds. Je ne peux m'opposer au choix de mon fils si vous ne lui retirez pas sa formation de forgeron. Mais je veux votre parole qu'il sera formé par les meilleurs compagnons, de notre peuple comme des sindar ou même des naugrim. Si tel n'était pas le cas et que sa formation n'est pas à la hauteur, alors il devra pouvoir quitter la garde royale librement et avec votre consentement, pour poursuivre à son grès son art. Moi-même je ne saurai dire aujourd'hui quelle est la voix qui lui convient le mieux, celle où il exprimera tout son talent, celle où il fera la fierté de sa famille et de son peuple ! »

Le regard de Dorn se radoucit. Ses yeux fixèrent le sol :
« La réputation qui est votre semble à la hauteur de vos véritables qualités. Vous parlez de mots justes. C'est le genre d'engagement qui ne peut être rompu. Et pardonnez-moi car c'est un événement auquel je ne m'attendais pas pour mon fils. Du moins, je ne m'attendais pas à ce qu'il nous soit pris aussi vite, alors que nous avons eu la chance de survivre... à tout ça. Enfin, il est en passe de devenir un homme, alors qu'il soit libre d'assumer pleinement ses choix. Laissez-lui donc la liberté de choisir son destin tant qu'il ne s'est pas engagé et vous avez mon assentiment. »
Le père d'Orbin s'inclina noblement.

Erika le salua à son tour et ajouta :
« je salue à mon tour votre sagesse et l’amour que vous portez à votre fils.

Je m’en vais vous quitter - je vous propose de prendre le soin d’en discuter avec votre fils car je pense que votre avis compte aussi pour lui.

S'il en a toujours l’envie, et je l’espère, rejoignez moi au camp d’entrainement de l’armée avant le repas de midi., et surtout avant notre départ pour notre nouvelle terre d’accueil.

À demain . . . »

Erika remercia ses hôtes et quitta la forge. Elle rentra au campement pour se reposer et voir si le jeune homme viendrait la rejoindre.

Une heure seulement après l'arrivée d'Erika au campement, les jumeaux de la garde lui annoncèrent l'arrivée d'un jeune homme qui souhaitait s'entretenir avec elle.