Le conseil de Gil-Galad

27 juin 3319 SA matin


L'heure du conseil convoqué par le roi des Noldor approchait. Les Edain s'étaient préparés au mieux pour cette date, même s'ils auraient aimé pouvoir rencontrer Gil-Galad auparavant. Il n'avait pas donné suite à leurs intentions demande pour s'entretenir avec lui et cela n'avait pas manqué de les étonner.
Elendil et ses conseillers étaient réunis dans les jardins extérieurs et chacun échangeait les informations obtenues la veille de sorte à ce que tout le monde soit au courant des nouvelles importantes. Le général Sothor avait les traits tirés d'un homme qui n'avait que peu dormi mais ses yeux reflétaient une grand détermination, en même temps qu'une certaine inquiétude. Il ajustait avec le roi ses plans en fonction des éléments que lui rapportaient les autres.

Erika lui rapporta les différents moyens de transport qui seraient disponibles sous peu.
Linfëa expliqua qu'il avait clairement vu que les fleuves avaient changé de cours. Le Lhûn était praticable, à priori, jusqu'au sud-ouest des collines Evendim. Néanmoins, il n'avait pas à disposition de navires permettant de remonter son cours. Son exploration du Brandevin avait été trop courte pour pouvoir tirer la moindre conclusion fiable.

La voix terrestre restait donc la seule option, celle pour laquelle Sothor avait concentré tous ses efforts et ses calculs, se fiant à son expérience et après avoir minutieusement analysé tous les éléments à sa disposition. En milieu de matinée, Círdan se présenta à eux pour leur indiquer que Gil-Galad était prêt. Tous rejoignirent une majestueuse salle à l'étage, qui pouvait rassembler une vingtaine de personne. Les portes furent fermées, cette pièce était de toute évidence bien plus à l'abri des regards et écoutes indiscrètes que la grande salle du trône. Elle n'en était pas moins majestueusement ornée.

Gil-Galad sourit à l'arrivée d'Elendil et inclina légèrement la tête. Mais sa mine reprit bien vite une neutralité à laquelle les Edain n'avaient pas été habitués.
« Bien le bonjour mes amis. Prenez place... » dit-il en balayant la salle de la main.
« Je regrette de n'avoir pas pu vous revoir plus tôt. J'ai eu fort à faire, comme je vous l'avez annoncé. Mon peuple attend beaucoup de Mithlond, étant donné les récents événements et considérant le fait que nous avons été plus ou moins épargné par les tempêtes, en tout cas au regard de ce que certaines autres villes ou villages ont subi. Mais je ne m'attarderai pas sur ce point.
J'ai également eu fort à faire en ce qui concerne votre peuple. Organiser la distribution des vivres pour vous accueillir tous dans les meilleures conditions, cela, nous avions pu le préparer. Mais il en est tout autrement concernant vos frères de la Terre du Milieu, pour qui je m'inquiète encore beaucoup à ce jour. J'ai d'importantes nouvelles à vous communiquer à ce sujet. Je ne voulais pas que vous vous détourniez de la préparation de votre périple, imminent, c'est pourquoi je ne vous en ai pas informé plus tôt. »
Gil-Galad marqua un temps d'arrêt. Nulle hésitation ne se lisait dans son attitude. Peut-être les Edain l'interrogerait-il plus avant à ce sujet, néanmoins, il ne jugea pas utile d'en dire plus en cet instant.
« Depuis la chute de Numenor la resplendissante, la situation dans les cités qui lui étaient rattachées en Terre du Milieu a également basculée. Le commerce était florissant entre nos deux peuples, avant l'avènement des guerres civiles. Il s'est considérablement amenuisé depuis lors mais je n'ai jamais cessé de me tenir informé des agissements des Numenoréens en Terre du Milieu. Or, il est devenu très dangereux pour les miens de s'aventurer sur les territoires de vos cités coloniales. Néanmoins, nous ne sommes pas en guerre ouverte, car j'ai imposé la neutralité, dans l'espoir que les vôtres retrouvent le droit chemin. Et les Valar m'ont donné raison, votre arrivée en est le signe.
Je ne vous cache pas que nous sommes inquiets du devenir de ces cités et c'est assurément un problème préoccupant.
Les cités au sud du fleuve Isen ont basculé dans l'ombre. Ont-elles autoproclamé leur indépendance ? Ont-elle constitué un royaume ou bien se sont-elle ralliées à quelque peuple ennemi? Il est trop tôt pour le dire.
En revanche, je sais plus précisément ce qu'il est advenu des cités au Nord de l'Isen. Des révoltes ont éclaté, menées par les Fidèles qui demeuraient là. Elles ont été matées dans le sang. »
Devant les exclamations de stupeur des gens d'Elendil, Gil-Galad abaissa plusieurs fois les paumes de ses mains pour reprendre la parole.
« Néanmoins, la situation est moins pire que ce que vous pouvez l'imaginez. J'avais... plus ou moins anticipé ce qui se tramait. Depuis longtemps déjà, nous sommes en contact avec les fidèles, qui ont eu le temps de s'organiser. Une grande amitié nous lie, particulièrement avec leur meneur que nous dénommons Valdae - le seigneur dans l'ombre - grand est son courage et peu connaissent la terre du Milieu aussi bien que lui parmi les hommes d'Ouistrennesse. Il s'est entouré de guerriers de confiance et les a entrainé. Les gens de l'Eriador leur donnent le nom de Rôdeurs. Il y a plusieurs semaines, lors de notre dernière entrevue, j'ai fortement conseillé à Valdae de mettre à l'abri les siens en organisant leur fuite. Et c'est bien ce qu'il a fait, dans la plus grande discrétion tant que cela a été possible. Mais il y a eu des combats. Les Numenoréens noirs ont pris le contrôle de ce territoire dès qu'ils ont eu l'assurance que quelque chose de grave était advenue à Numenor. Dès lors, ils ont pourchassé les rôdeurs et leur famille, bien qu'avec un temps de retard.
A l'heure où nous parlons, un millier des vôtres sont en route pour Mithlond. Ils étaient il y a une semaine dans la ville de Bree. Un détachement de troupes a été envoyé de Lond-Daer-Eneth pour leur barrer la route au pont du Brandevin. Rassurez-vous, les nouveaux maîtres de la cité portuaire ont sous-estimé le nombre et la force des rôdeurs de Valdae. Certains de mes meilleurs guerriers se tiennent prêtes à intervenir, pour le cas où la situation ne tournerait pas à leur avantage. Mais d'après les derniers rapports que j'ai reçu, Valdae a brisé le blocus au pont du Brandevin il y a cinq jours et il est proche désormais, de la sécurité des frontières de mon royaume. J'estime qu'il devrait franchir les portes de Mithlond sous deux jours. »

Gil-Galad contempla les réactions d'Elendil et de ses conseillers, prêt à répondre à leurs interrogations sur les nombreuses informations qu'il venait de leur transmettre et ne manquant pas de sonder leur cœur et leur pensée.

Lilith observait le discours de Gil-Galad avec attention. Si ça ne lui servait pas dans l'immédiat, ce serait pour les futurs échanges diplomatiques officiels entre les deux royaumes.

De son côté, le général écoutait passivement. Ses précédentes réflexions lui avait coûté une grande part de son énergie.

Erika fut interloqué par les éléments donnés par Gil Galad : d'autres membres de son peuple étaient encore en danger.
Il leur fallait agir pour aller à leur rencontre.

Elle se tourna vers Elendil et attendit patiemment sa réaction;

n qu'il n'en laissa rien paraître sur son visage le roi des Edain était sous le choc, il avait imaginé bien des scénarios mais il pensait avoir plus de temps avant de devoir affronter les Numenoréens noirs ...


Elendil s'approcha et dit tout haut : « Gil-Galad, vous nous avez caché des informations essentielles ... mon peuple souffre, sous mes yeux ... à portée de mon armée ... et vous ne me dites rien de tout cela! Je comprends vos actions : si vous m'aviez confié cette information plus tôt j'aurai peut-être personnellement quitté Mithlond sur l'heure et tout tenté pour les aider ... peut-être ... en tout cas je sais que ce n'était pas un choix qui vous revenait. Mais je vous remercie d'avoir aidé les fidèles de mon peuple sous les ordres de Valdae. Votre aide s'est révélée précieuse et vous êtes sans aucun doute un allié puissant et sage, et pour cela je vous pardonne de m'avoir caché les abjectes actions des Numenoréens noirs ... mais soyez prévenu, je ne tolérerai plus que mes alliés prennent des décisions pour mon peuple à ma place. »

Le roi se plongea alors dans ses pensées comme s'il se préparait à rajouter quelque chose.

La tête de Linfëa devint toute rouge ...

Gil-Galad resta impassible et attendit un long moment avant de répondre à Elendil, fixant ses conseillers puis lui-même longuement. Un désagréable sentiment de malaise s'était installé avant qu'il ne reprenne la parole :
« Je comprends votre réaction, Elendil, ami des elfes et je m'y attendais. J'ai pris la meilleure des décisions parmi tous les choix qui s'offraient à moi et longues furent les heures consacrées à cette réflexion. Permettez-moi de vous dire que ceux qui arriveront demain ne sont pas encore votre peuple et j'ai fait bien plus que tout autre, en dehors d'eux-même, pour leur assurer un avenir. Ils quittent le joug des cités orphelines de Numenor et relèvent à peine la tête après maintes souffrances, seront-ils prompt à ployer le genou devant un nouveau roi venu de leur terre natale, source de tous leurs malheurs ? Je n'ai pas parié là-dessus, même si j'escompte bien que des gens de grandes valeurs tels que vous m'apparaissez tous, ne tardent pas à s'entendre. Comptez sur moi pour faire en sorte que votre rencontre se passe au mieux, mais sachez qu'à l'heure actuelle, ils ne connaissent même pas votre existence, ou tout juste en auront-ils eu vent. Je n'ai pas revu Valdae depuis longtemps. Acculés tels qu'ils l'ont été, les rôdeurs vous auraient-ils accueillis en héros, ou bien vous auraient-il attaqués sans sommation ? Je pense avoir fait ce qu'il y avait de mieux à faire.
Auriez-vous pris la route dès votre arrivée ici, que cela n'aurait rien changé. Mes guerriers sont partis alors que je prenais la mer pour venir vous chercher sur les rivages ouest du golfe de Lhûn. N'oubliez pas les efforts consentis par les miens, bien que je n'ai rien eu à leur imposer, pour vous accueillir. Longue et difficile a été votre épreuve mais elle ne doit pas obscurcir votre pensée. Tous les habitants de la Terre du Milieu payent les folies de l'île engloutie. L'équilibre en ces Terres est instable, les elfes de la Terre du Milieu n'étaient pas tous d'accord pour vous accueillir si promptement, alors même que nous n'avons pas pansé nos propres plaies. J'ai néanmoins suivi mon instinct et par dessus tout les signes que les Valar m'ont envoyé. Je comprends la frustration qui est la vôtre, de n'apprendre ces nouvelles que maintenant, mais elles auraient occupées toutes vos pensées alors même que vous aviez fort à faire. »

Gil-Galad marqua une pause sans néanmoins laissé l'occasion à quelqu'un de reprendre la parole, signifiant que le sujet était clos.
« Maintenant concentrons-nous sur notre avenir, à tous. J'aurais aimé pouvoir vous accueillir plus longtemps, hélas, dès l'arrivée du peuple de Valdae, il vous faudra quitter Mithlond dans les jours qui suivront. Vous avez pût concentrer toutes vos pensées à la préparation de votre prochain déplacement, et c'était là ma principale préoccupation. Parlez-moi donc de ce que vous avez prévu. J'ai appris que vous comptiez vous installer sur les rives du Lac Evendim, c'est une bonne idée. A vrai dire, c'est l'endroit que je comptais vous conseiller et celui que Valdae avait également retenu, au cours de nos discussions, dans le cas où nos plans se dérouleraient comme prévu, ce qui semble être le cas. Voilà déjà un premier sujet sur lequel vous serez d'accord. Le chef des rôdeurs connaît bien ces Terres et vous pourrez vous appuyer sur lui pour palier à votre manque de connaissance concernant l'Eriador. »


Elendil tourna le regard vers Sothor et hocha la tête. Le général hocha la tête en retour et prit la parole pour détailler minutieusement les plans qu'il avait hourdis. L'exposé dura près d'une demi heure, durant laquelle Gil-Galad et Círdan approuvèrent et tous purent voir le soulagement qui était le leur quant aux informations qui leur étaient livrées. Quand Sothor eut terminé, Gil-Galad reprit :
« Trois-cents de mes hommes seront détachés pour vous accompagner et vous aider dans vos déplacements et pour le transport de vos biens. Le lac Evendim a une position centrale idéale qui vous permettra d'étendre vos frontières en tous sens. De plus, vous vous trouverez également non loin de la grande route de l'Est qui relie les montagne bleues à Khazad-Dûm, ainsi que le Lindon, à Imladris, terres de mon capitaine, Elrond. Ne sous-estimez pas cependant, les dangers que ces terres recèlent. Les créatures de l'ombre se terrent en l'absence de leur maître mais elles n'ont point disparu. Les montagnes Evendim sont peuplées de Gobelins. Cela ne doit pas vous faire reculer dans votre choix, car où que vous alliez, il en sera de même en dehors des Terres qui sont sous ma gouvernance ou sous celle des autres peuples des hommes, à l'Est des Monts Brumeux.
A l’extrême Nord sur les bordures de la baie de Forochel, vit un peuple d'Homme nommé Lossoth. Si nous ne sommes pas alliés, nous ne sommes pas non plus ennemis. Vous rencontrerez également, de nombreuses colonies d'hommes, et cela même dans les forêts. Après le conseil, nous complèterons ensemble les cartes qui sont en votre possession et je vous direz tout ce que je sais qui pourrait se révéler utile. J'ai cependant un conseil immédiat et qui relève du bon sens. Évitez de vous faire des ennemis de ceux avec qui les elfes ne sont pas en conflit, car vous ne trouveriez alors nulle aide de notre part.
Bien, nous avons abordé d'importants sujets, je vais vous laisser le temps de nous faire part de vos questions à ce propos, je suis à votre écoute. »

Elendil était fier de son général et ne se gêna pas pour le lui montrer : il arborait un grand sourire durant son exposé et hochait de la tête. Soucieux de ne pas s'attarder sur leur différent, il s'adressa à Gil-Galad en ces termes : « Vos 300 hommes seront de la plus grande aide, nous vous remercions encore de vos effort et de votre accueil ainsi que de vos conseils concernant le lac Evendim et ses alentours. Je suis sur que mon général saura en faire bon usage, comme vous l'avez vu il est d'une inestimable valeur pour notre peuple lors de ce voyage. » Après une courte pause, le roi posa la question qui gênait : « Devons-nous nous attendre à rencontrer officiellement Valdae et ses hommes ou bien c'est un risque que nous ne devrions pas prendre? Je souhaite définitivement rencontrer le seigneur dans l'ombre en personne avec mon fils Khelekril et ma fille Lilith, mais je comprendrai la nécessité de séparer nos peuple pour le moment au vu des potentielles frictions qui pourraient se produire. »

Gil-Galad répondit sur d'un ton doux :
« Assurément, votre présence en Eriador contribuera grandement à pacifier les Terres qui tomberont sous votre protection, si vous persévérez dans cette voie ; je ne peux que m'en réjouir.
Je ne voudrais surtout pas retarder vos retrouvailles avec le reste de votre peuple. Il n'y a aucune raison pour que la rencontre entre deux peuples, qui finalement ne sont qu'un, arborant les mêmes principes et ayant endurés des souffrances similaires, ne se passe pas bien. A l'extérieur, sans vous connaître et sans le témoignage de la confiance que je vous porte, alors qu'ils étaient traqués depuis des jours, vous auriez couru ce risque. Mais dans ma maison simple ici à Mithlond, tout se passera bien j'en suis convaincu. Valdae est d'une grande sagesse, je vous le présenterai dès son arrivée, et nous réserverons aux siens un accueil réconfortant ou même triomphal, vous avez toute liberté d'organiser cela avec moi. Il se peut que certaines gens appartiennent à la même famille. Ce sera en quelque sorte, des retrouvailles. Pour ma part, j'ai prévu une haie d'honneur envers ces alliés fidèles et de longue date.
Cela me fait songer que je ne vous ai pas informé de leur nombre. Les rôdeurs à proprement parlé comptent une trois-centaine d'hommes ; avec leur famille, cela porte le nombre à un millier d'hommes, de femmes et d'enfants de tous âges, d'après nos estimations. »

Erika se permit un signe pour prendre la parole et attendit l'accord d'Elendil qu'elle obtenu :
« Mon Roi, Gil Galad, au vu du contexte, ne serait il pas bienvenu de prendre les devants et que nous prenions la direction du Groupe de Valdae.
Ce n'est peut être pas à vous d'y aller car il y a fort à faire avant notre départ mais je peux faire la démarche avec Fearomen et Lilith par ex. »

Gil-Galad glissa :
« Je n'y vois pas d'inconvénient s'il ne s'agit que d'un groupe restreint, accompagné par mes hommes que Valdae connaît, pour certains. » Il attendit la réponse d'Elendil.

Après une courte réflexion Elendil répondit : « Très bien Erika, je vous charge d'accompagner Lilith et Khelekril avec les hommes de Gil-Galad pour partir à la rencontre de Valdae. Fëaromen restera à mes côtés, j'ai besoin de lui pour préparer notre rencontre avec les rôdeurs. » Puis, se tournant vers Sothor il ajouta : « Général, bien que votre préparation m'ait impressionné, il me semble que vous avez encore du travail sur la planche pour prévoir l'éventualité suivante : les rôdeurs vont peut-être nous accompagner pendant notre voyage. Il me coûte de vous demander cela, surtout que ce n'est qu'une possibilité, mais si quelqu'un est à la hauteur de cette tâche c'est bien vous Sothor. » Finalement, s'adressant à Linfëa il conclut : « Mettez à profit ces prochains jours pour explorer le fleuve Brandevin puis pour identifier la présence gobline dans les collines du lac Evendim. Si vous ne pouvez faire qu'une seule de ces deux tâches, concentrez-vous sur la première. »

Puis, se retournant vers Gil-Galad le roi ajouta : « Il nous faut aussi discuter nos futures relations diplomatiques cher Gil-Galad. »

Lilith aurait dû intervenir bien avant, cependant, il lui manquait certaines informations qui ne furent délivrées que plus tard par Gil-Galad et son père.
Lors de son introduction, le roi des Noldor n'eut aucune difficulté pour déterminer ce qui occupait les pensées de la filles du dirigeant des Edains. Elle fut tout d'abord très intéressée par les liens soulevés par Gil-Galad et qui unissaient leurs deux peuples avant la catastrophe causée par Al-Pharazon. Elle avait hoché instinctivement la tête suite à ses dires et gardait l'information dans un coin de ses pensées pour y revenir plus tard.
Elle fut à son tour davantage préoccupée par les situations des cités disposées de part et d'autres de l'Isen et fronça les sourcils, ce qui trahissait son désir d'en savoir un peu plus avant de se prononcer quand à ces cités. Elle appréciait également la révélation du roi lorsqu'il indiqua avoir anticipé les actions à mener. Mais la Protectrice des Chants Eternels d'Andor se méfia de lui à cet instant puisqu'une telle révélation prouvait une certaine propension à s'occuper des affaires des autres, ce que lui reprochera Elendil un peu après dans la discussion. Elle avait fixé Gil-Galad à ce sujet, mais il était difficile de reprocher cela étant donné que c'était certainement une décision qui rendrait leur peuple plus fort à l'avenir. Mais une ébauche de plan se dessinait dans l'esprit de Lilith.
Les informations reçues sur le surnommé Valdae furent pris avec grande attention et une joie non feinte. Elle fut juste surprise que l'on surnomme le "Seigneur dans l'ombre" quelqu'un qui finalement agissait au grand jour et à visage découvert. Elle s'interrogeait sur la signification de tout ceci. Quand Gil-Galad mentionna l'arrivée des Fidèles et des Rôdeurs deux jours plus tard, il fut clair à tous que le cerveau de la fille du roi des Edains se mit à fonctionner à toute vitesse.

Après la réponse de son ascendant, Lilith apprécia le sens du théâtre et la gestion des émotions de ses interlocuteurs mis en avant par Gil-Galad qui ne répondit pas tout de suite pour s'assurer que le silence se fasse et maintenir un certain ascendant sur le conseil du sceptre. Cette manœuvre suivit par la liste de tous ce que le roi des Noldor et son peuple ont réalisé pour les Edains ne mettaient pas ces derniers en position de force.Un petit rictus apparu sur son visage lorsqu'elle se rendit compte qu'elle et les numénoréens se retrouvaient redevables vis-à-vis des elfes. Et d'une dette de valeur inestimable qui mettrait des décennies à se rembourser. La suite des échanges confirma son point de vue, Gil-Galad était tel une épée à deux mains des elfes. Il était fait des meilleurs matériaux, précis, frappait à une grande distance et réfléchi lors de chacune de ses attaques réalisées avec anticipation et sagesse. Il ne serait pas possible de manipuler un tel homme, mais il était heureusement leur allié, et un allié d'une valeur très précieuse au vu de la condition de son peuple.

L'idée de la haie d'honneur lui ayant été soufflée, Lilith envisagea de l'améliorer pour créer quelque chose de marquant et point de départ de la suite de l'expansion des Edains en Terre du Milieu et la proposition d'Erika d'aller rencontrer rapidement ce Valdae lui offrait une opportunité inestimable. Elle se devait de la saisir. Mais lorsqu'Elendil souhaita continuer les échanges diplomatiques avec le roi des Noldor, Lilith sentit qu'il était de son rôle d'intervenir immédiatement.

Elle prit une profonde inspiration pour remettre ses idées en place, et produire un discours construit puisqu'il faudrait jouer finement afin que chacun y trouve son compte dans l'intérêt commun.

« Merci à tous pour ces informations très précises. Il me semble qu'il se dégage de nombreux points cruciaux des échanges qui viennent de se dérouler, et si vous me le permettez, je vais vous proposer quelques retours des choses telles que je les envisage.

Tout d'abord, Roi Gil-Galad, je m'autorise à vous renouveler nos remerciements au nom de tout notre peuple pour les efforts que vous et les vôtres ont consentis pour nous autoriser le meilleur accueils et les meilleures conditions de réunification et d'installation possible. En cela nous avons une dette éternelle envers vous. Et croyez bien que nous consentirons à notre tour aux efforts nécessaires pour nous en acquitter.

Vos requêtes sont tout ce qu'il y a de plus légitime; tel que je l'envisage et l'appréhende, la situation sur les royaumes jouxtant le vôtre et assez stable vers le nord, un peu moins vers le sud est, lieu des anciennes colonies numénoréennes. Pour l'instant, les Montagnes Bleues sont tenus par les nains, l'extrême nord par les hommes de Lossoth et l'Est partiellement par Elrond.
Nous installer au Nord Est de votre position semble une très bonne opportunité à la fois de nous positionner entre vos alliés et de lointaines contrées, sans être trop éloignées des restes de notre civilisation là où la situation est davantage préjudiciable. Nous devrions donc pouvoir nous installer et établir un royaume sans avoir à beaucoup nous soucier d'attaques immédiates, puis dans un second temps nous pourrions être votre bouclier contre les attaques provenant du nord est, et votre allié de poids pour renforcer vos défenses si les cités vers l'Isen venaient à s'en prendre au terres d'Elrond.

Je ne vois pas d'objections à cela, bien au contraire. Vous nous offrez aussi la possibilité de laver notre linge sale et rétablir l'honneur de tous les numénoréens. Nous ne laisserons pas passer cette occasion, soyez en sûr. Et je pense que la dette dont j'ai parlé peu avant vaut au moins l'une des cités au niveau de ce fleuve. »

Elle marqua une pause pour changer de sujet et reprendre son souffle au passage, avant de continuer avec un joli sourire aux coins des lèvres.

« Quand à Valdae et aux Fidèles, je suis bien entendu volontaire pour aller rencontrer préalablement le Seigneur dans l'Ombre dès demain. Cela me semble nécessaire même.
Et pour l'arrivée des Fidèles à Mithlond, j'imaginais quelque chose de grandiose, en reprenant votre proposition de haie d'honneur; celle-ci pourrait être constitué des elfes du Noldor sur l'un des côtés, au nord ou à l'Ouest tandis que l'autre bord de cette haie serait constitué de nous autres, exilés. Après leur arrivée, les deux parties de cette haie d'honneur se refermerait sur eux dans des vivats et cris de joie.
Cela peut vous sembler très théâtral comme mise en scène, mais voyez cela comme un vrai symbole pour l'avenir : les Fidèles et les Rôdeurs ont affrontés de nombreuses épreuves et ne rêvent que d'une terre d'accueil où leur fuite prendra fin. En nous réunissant autour d'eux de la manière que j'ai décrite, nous leur ouvrons nos cœurs et nos bras pour leur offrir cet asile tant attendu. Vos elfes traduisant les efforts fournis pour les extirper de leur conditions d'origine et nous mêmes signifiant le renouveau de notre peuple, réunis face à l'adversité et prêts à se montrer unis pour la suite. Cette journée pourra marquer les esprits pour les futures générations, leur rappelant l'amitié qui liera pour les siècles à venir nos peuples.

Le départ peu de jours après pourra à son tour devenir un symbole de ce que nous laissons derrière nous et ce que nous allons devoir bâtir.

Certes, vous allez me rétorquer que tout cela est un peu forcé et ne vient là que pour donner un sens concret aux gens du peuple de ce qu'il est en train de se discuter ici. Mais je reste persuadée qu'ancrer ces journées et ces moments importants de nos histoires communes dans les esprits des gens qui font vivre nos royaumes renforcera les échanges futurs et améliorera la reprise des échanges commerciaux. »

Elle reprit une nouvelle fois son souffle et sa contenance pour s'adresser à Gil-Galad pour une requête à son attention.

« De fait, votre proposition de compléter les cartes et de nous en dire un peu plus sur les situations des royaumes alentours me semble très importante pour organiser nos futures alliances avec les autres peuples. Aussi, si nous devons purger les terres proches du Lac d'Evendim des maudits gobelins qui s'y terrent, tout ce que nous pourrons savoir sur le sujet sera précieux. Pourriez vous, en plus de tous ces éléments, nous indiquer qui contacter pour les futurs échanges diplomatiques avec nos théoriques voisins ; les nains des Montagnes Bleues, les hommes de Lossoth, Elrond et Khazad-Dum.

Je vous remercie de m'avoir écouté si longtemps » conclut-elle

Gil-Galad et Círdan écoutèrent attentivement la sage réponse prononcée par la fille d'Elendil, hochant respectueusement la tête lorsque celle-ci rendit hommage à l'entraide dont faisait preuve les deux peuples. Lilith arborait les traits, l'intelligence et la perspicacité que les Noldor avaient tant appréciaient de ses ancêtres, et qui avait conduit à la longue amitié qui perdurait depuis entre les deux peuples.
Le roi la fixait dans les yeux et elle lui rendait fièrement le regard. Elle ne cherchait pas réellement à dissimuler ses pensées, bien qu'une femme de son rang et de son statut ait l'habitude de ne point les dévoiler, figeant ses expressions dans une certaine neutralité pour ne faire transparaître ses émotions au grand jours que lorsque cela donnait le plus de poids à ces paroles. Les elfes remarquait et appréciait ce genre de qualité, et c'est précisément ce qui faisait, à leurs yeux, des Edain un précieuse compagnie. Peut-être voyaient-ils en cela l'héritage de la noble descendance d'Elros et avant lui Ëarendil, Beren et Lúthien.

« Vos paroles sont empruntes de sagesse, héritière de Numenor. C'est au cœur des ténèbres les plus sombres que la lumière se fait plus précieuse. Célébrer comme il se doit l'arrivée du reste de votre peuple, alors même que ni vous, ni eux, ne pouviez espérer une telle chance, est une excellente initiative, et je ferai tout ce qui est en mon possible pour vous aider dans ce noble dessein, à l'image de notre rencontre sur les rivages du Lindon. Des occasions comme celles-ci sont malheureusement trop rares, de pouvoir célébrer humblement et sincèrement la joie de retrouver l'espoir en l'avenir, après toutes les épreuves que les vôtres ont traversées. Je ferai donc organiser un banquet, qui marquera une fois encore les liens qui unissent nos deux peuples avant votre départ prochain.

Pour ce qui est des colonies tenues par les Numenoréens Noirs, je ne pourrais accepter votre présent tant que l'ensemble de ce territoire ne sera pacifier et sous votre contrôle légitime. Car légitime est votre droit sur ces cités et j'ai grand espoir que leurs habitants trouvent la voie de la raison et reconnaissent en Elendil le sage, l'étoile des Dunedains, le souverain qu'ils n'espéraient plus. Car soyez certains que je ne me risquerai pas à un conflit ouvert avec eux. Il sera bien plus facile de dégrader pour longtemps le peu de lien que j'ai maintenu avec ces gens, que de regagner leur confiance si je appuie ouvertement contre eux ou pire, si j'installe les miens à leur place. Nous reparlerons de votre proposition lorsque l'Eriador sera unifié, si tel est votre destin. Je vous remercie et apprécie à sa juste valeur la teneur de cet engagement. »

Le général n'avait pas écouté grand chose de ce qu'avait déclamé Lilith, mais il en avait capté les grandes lignes. Son esprit, toujours embrumé par ses tardives réflexions sur le voyage des Edains, n'était pas au mieux de ses capacités. Néanmoins, il se focalisa sur les nouvelles données révélées par Gil-Galad et se permit d'intervenir pour annoncer son plan afin de les traiter comme il se devait.

« Pour l'exode que nous allons vivre, si ces rôdeurs nous rallient, je pense qu'il conviendrait de les faire voyager après nous, et accompagnés des soldats elfes proposés.
Ceci pour deux raisons : tout d'abord, ils ont eu des rapports plus récents et basés sur la confiance avec votre peuple. Cela devrait apaiser d'éventuelles tensions qui pourraient se créer si nous mélangeons les groupes. Et ils seront rassurés de pouvoir se fier dans des protecteurs fiables et qui les ont guidés jusqu'ici.
Mais aussi, des gens qui ont fui pendant des jours, voire des semaines, sauront apprécier un ou deux jours de repos supplémentaires ici, là où ils ne risquent rien.

Peut être que les faire accompagner par l'un de ceux qu'ils auront rencontré peu avant pourrait assurer le lien et la stabilité de ce groupe de queue de peloton. »

Gil-Galad approuva les paroles de Sothor :
« Vous parlez sagement, maître Sothor. Je ne puis qu'approuver votre proposition bien que je ne sois en mesure de vous donner accord définitif, puisque cette question d'organisation sera tranchée entre vous et le meneur des rôdeurs Valdae. Je me permettrai cependant de lui faire savoir tout le bien que je pense du plan qui a été mis en place par vos soins, dès que j'en aurai l'occasion.
Il semble que la mise en œuvre de votre départ soit en bonne voie. Aussi, je voudrai aborder un point crucial avant de prendre le temps de compléter vos cartes et de vous faire part du contexte dans lequel vous allez évoluer. Il s'agit de nos relations diplomatiques et commerciales, si j'ose nommer ainsi les échanges qui auront lieu entre nos deux peuples dont nous avons à nouveau sceller l'amitié. »

Comme il aimait à le faire, le roi des Noldor prit son temps avant de poursuivre, laissant à chacun le temps de la réflexion et sondant les réactions de ses interlocuteurs.
« Comme vous l'aurez espéré, vous pourrez compter sur notre protection, à l'ouest et celle de mon capitaine Elrond, à l'Est. Nous nous tiendrons prêts à intervenir si un danger de grande importance dont vous ne sauriez être en mesure de venir à bout par vous même, viendrait à vous. Ceci dit cette hypothèse est hautement improbable, car en l'absence de Sauron, ses créatures sont désorientées et voilà bien longtemps qu'il est parti, initialement captif, de la Terre du Milieu. Notre influence n'a depuis cessé de croître et sans le fouet de leur maître pour les rassembler, les lâches créatures de l'ombre ne se lanceront jamais dans une guerre de grande envergure contre nous. Mais croyez-en ma longue expérience, ce répit ne durera pas éternellement et il vous faudra le mettre à profit pour devenir à votre tour une force que l'on ne saurait ignorer.
Pour ce qui est de vos dissensions avec les Numenoréens restés dans les colonies, vous l'aurez compris, nous resterons neutre dans les éventuels conflits qui vous opposeraient, tant que notre propre sécurité n'en sera pas menacé. J'ai déjà mes raisons peu avant.
Voyons maintenant comment envisager, concrètement, nos correspondances à l'avenir. Il sera très vite essentiel de maintenir en bon ordre entre nous, que ce soit à l'ouest ou à l'est, des routes, fluviales ou terrestre, pour sécuriser nos échanges. Il faudra régulièrement envoyer des messagers chargés de transmettre nos messages , protégés de nos sceaux respectifs... »
Tout en laissant s'éteindre cette dernière phrase, Gil-Galad tourna le regard vers Elendil et Fëaromen, s'attendant à ce qu'il prenne la parole.

Elendil prit les devants et s'adressa à Gil-Galad directement : « En effet cher Gil-Galad, il nous faut deviser d'un moyen de communication rapide et efficace. Des messagers me semblent appropriés, après tout un homme seul peut certainement rallier nos deux cités en un temps record.
Mais il existe certainement un moyen plus approprié dont vous aussi avez connaissance ... votre alliance vous a prouvé un allié indispensable à notre royaume et c'est en toute confiance que je vous accorderai le droit d'utiliser un de ses joyaux, je veux bien sur parler des palentirs. » Le roi des Edain laissa ses mots peser de tout leur poids puis se tourna vers Fëaromen pour qu'il explique les détails de leur accord.

Les yeux de Gil-Galad étincelèrent à la mention des pierres de vision, en même temps qu'un air de soulagement passa furtivement sur ses expressions :
« Ainsi donc Elendil, vous avez sauvé les pierres de Valinor qui avaient été offertes à votre père. Je suis très honoré par votre offre et j'ai bon espoir que nous n'ayons pas à en arriver là. C'est un cadeau d'une inestimable valeur et il me déplairait de devoir vous en emprunter ne serait-ce qu'une seule car elles vous ont été destinées. »

Le roi des Noldor prit machinalement l'index de sa main droite dans son autre main et poursuivit :
« Il est possible que nous arrivions à communiquer à travers vos palantiri sans que vous ayez besoin de me laisser une pierre mais cela demandera une vérification. Si nous y parvenons, nous aurons un avantage décisif quand à nos réactions vis à vis de nos ennemis communs. »