Elandora semblait contrariée, toutefois, sans manifester l'animosité dont elle avait pu faire preuve à l'égard de l'esprit chantant de Nindamos. Elle fit part à Linfëa des sujets qui retenaient toute son attention :
« Je suis allée à la rencontre des 3 chefs de guildes que vous n'avez pas encore eu le temps de rencontrer, ceci afin de compléter votre action. »
Linfëa nota la très légère réticence que n'avait pas réussi à masquer la dame de fer à l'énonciation de cette phrase. Elandora admettait avoir fait un premier pas dans le même sens que Linfëa, et même si sa sagesse prenait toujours chez elle le pas sur sa fierté, il lui en coûtait un tant soit peu.
« Faroth, de la guilde des chasseur et Miril, de la guilde des Orfèvres n'exigent pas de poste au conseil des 10, les Valar soient loués. Mais Sogal en a exprimé la requête, que j'ai immédiatement modérée. Les ambitions politiciennes des chefs de guildes se sont exacerbées, tout comme ils rivalisent d'exigences concernant les conditions d'installation. Un peu trop à mon goût, c'est hélas le pendant du soutien que nous leur avons affiché depuis notre départ du royaume de Gil-Galad... Ils ont tous eu l'occasion d'échanger sur les premiers engagements que vous avez pris auprès de ceux que vous avez déjà rencontrés. Et ils s'imaginent pouvoir tous tirer leur épingle du jeu. »
Elle soupira :
« Toute la difficulté, désormais, est de modérer leurs ardeurs en conservant leur soutien. Il va falloir leur rappeler - plus fermement - la situation qui est nôtre, et accessoirement, qu'ils sont d'abord au service du royaume, l'inverse venant seulement après. Car je n'aime pas la tournure que prend la situation. Vos... »
Elle secoua la tête pour se corriger, en guise de bonne volonté...
« NOS rivaux au conseil des 10 - Belagund, Galandor et Gundor, ces... imbéciles ! - jettent de l'huile sur le feu. Ils font tout leur possible pour accentuer les désaccords et les rivalités entre les aventureux et les autres guildes. Et je dois malheureusement l'admettre, ils trouvent une oreille attentive auprès d'une partie non négligeable des nôtres. »
Elandora n'était toutefois pas de ceux à se laisser aller au découragement, ou à permettre à sa colère de prendre le dessus, même si ses propos - régulièrement acerbes à l'égard de ses opposants - pouvaient parfois laisser à penser le contraire.
« J'ai un "plan de bataille" à vous proposer. De votre côté, mobiliser vos soutiens. Faîtes leur part du discours et de la ligne de conduite à tenir, qui oscillent entre réformes teintées de compromis et fermeté à l'égard des autres guildes. Pour les aventureux, il s'agit de d'expliquer à ceux des nôtres qui peuvent l'entendre la nécessité des réformes que nous proposons de mener sans tarder, mais graduellement. Les nôtres doivent admettre qu'il s'agit là de notre seul moyen de conserver une prédominance sur la gestion économique du royaume : non pas par principe, comme le revendiquent nos opposants, mais parce que les aventureux sont rompus à l'exercice et que c'est donc ainsi que sera assurée la meilleure marche économique du royaume. Cela pourrait faire vibrer la fibre patriotique de nos comparses - y compris ceux qui sont le plus réticents à faire évoluer le statut de la guilde - et jouer en notre faveur. Après tout, nous - les fidèles - avons tous fait passer l'intérêt supérieur de notre peuple au-dessus de nos situations personnelles... »
Elle resta pensive un instant, tout comme Linfëa. La douleur des événements passés revenaient sans cesse à la surface chez les Edain. Chacun portait de nombreux fardeaux.
Elle reprit :
« Nous ne pourrons pas convaincre tout le monde, mais cela, nous le savons déjà. Il suffira de convaincre une majorité.
Si vous êtes d'accord, allez donc distiller cette bonne parole à vos soutiens acquis : Meneldir, Anglen et Gellyr. Puis tentez de convaincre ce vieil empoté d'Enedh, qui n'a toujours pas pris position, comme à son habitude. Pour ma part, avec votre assentiment... »
Ces dernières paroles lui coûtèrent à nouveau subrepticement :
« Je me chargerai d'essayer de faire comprendre aux chefs de guilde qu'ils doivent s'attendre à des compromis. Compromis dont il serait intéressant que nous discutions tous les deux dès à présent. Selon vous, qui devrait intégrer le futur conseil des 10 ? »

Linfëa avait écouté Elandora patiemment et avec une pointe d'admiration. En effet, la dame de fer savait où son allégeance allait et elle était prête à tous les sacrifices pour le peuple des Edain. Cela renforça plus encore la détermination de l'éclat chantant de Nindamos voyant leur objectif commun. Il développa tout d'abord ses plans pour l'assemblée des Edain:

« Très bien chère Elandora, discutons donc tout d'abord de l'assemblée des Edain et de sa composition. Aujourd'hui l'assemblée est majoritairement composée des Aventureux à hauteur de 72 des 100 sièges. Cela ne laisse que deux sièges pour chacune des 14 autres guildes. Dans l'idéal nous passerions à une majorité douce des Aventureux avec 44 sièges pour laisser quatre sièges par guilde autre que les Aventureux, soit 56 au total. Bien évidemment, j'ai utilisé cette optique pour convaincre les chefs de guilde lors de notre première rencontre. Mais il va falloir leur reparler pour revoir ces ambitions, néanmoins toujours notre objectif à long terme, et penser à une transition plus douce. Ainsi, je propose que notre objectif final soit de réduire la part des Aventureux dans l'assemblée de 72 à 58 sièges pour dans le même temps augmenter l'importance des autres guildes de deux à trois sièges chacune, soit 42 sièges au total. »

Après une courte pause, Linfëa continua sans laisser le temps à Elandora d'intervenir bien qu'il la voyait déjà se questionner à propos de cette approche:
« Je pense que vous avez soulevé deux points très important juste avant. D’un, les Aventureux sont entrainés depuis longtemps à exercer le pouvoir et cela ne devrait pas être ignorer. De deux, nous sommes tous dévoués à la grandeur de notre peuple et tout un chacun se rangera derrière un plan qui met en avant notre futur en Terre du Milieu avant tout autres machination personnelles. C'est pourquoi je vous propose cette double approche:

• Quand nous nous adressons aux guildes il nous faudra leur rappeler que les temps changent en effet, mais que les Aventureux ont beaucoup à apporter pour le développement des Edain en Terre du Milieu de par leur expérience du pouvoir. De fait, augmenter la part des guildes dans l'Assemblée des Edain est naturel, tout comme reconnaitre la sagesse des Aventureux en leur laissant les reines du pouvoir, bien qu'initialement réduits, dans un premier temps. De plus, le conseil des dix sera remanié pour refléter notre nouveau départ de manière plus représentative. J'y viens bientôt.
• En revanche, quand nous parlons aux Aventureux, il nous faudra mentionner le besoin d'incorporer les autres guildes dans l'assemblée des Edain et dans le conseil des dix étant donné qu'elles vont jouer une part majeure dans notre succès initial et à moyen terme. Il sera suffisant de mentionner les besoins vitaux de notre peuple lors de notre installation que les Aventureux seuls ne peuvent pas fournir. Qui plus est, il est aussi primordial de parler du fait que notre nouvelle location, bien que proche d'un lac avec un accès à la mer, réduira encore plus l'importance des Aventureux dans un premier temps jusqu'à que le susdit accès soit sécurisé ! Pour finir, renforcer l'idée que les Aventureux peuvent apporter toute leur expérience du pouvoir pour le bien de notre peuple et que cet effet sera d'autant plus important si nous laissons les autres guildes incorporer l'Assemblée et le conseil des dix de manière plus conséquente pour apprendre les fils du métier et pérenniser notre futur en quelques sortes.

Cela nous amène donc à notre sujet principal et à votre question chère Elandora, le conseil des dix. Voilà la liste du conseil des dix que j'ai en tête pour l'instant avec leurs affiliations respectives: moi-même, de la guilde des aventureux et chef du conseil; dame Elandora, de la guilde des aventureux, trésorière de guilde, Dame de fer et seconde du conseil; Tawarin de la guilde des bûcherons; Gondren de la guilde des Mineurs; Celair de la guilde des architectes; Tharvon de la guilde des bâtisseurs; Tul de la guilde des taverniers et Santorin de la guilde des paysans. En tout ça fait huit sièges sur dix d'attribués donc il en reste deux pour les négociations à venir. Cela peut sembler un grand chamboulement du conseil, mais c'est une nécessité pour notre nouveau départ. De plus, j'ai un dernier atout à jouer ... je voudrais avoir votre retour dessus avant de l'utiliser ... je propose que les membres du conseil des dix actuel restent en position et que la liste que je propose soit ajoutée en pair avec un membre du conseil existant chacun pour apprendre les ficelles du métier avec pour objectif de remplacer le membre en poste, ceux du conseil des dix actuel, par les suppléants, ceux de ma liste, après une période d'ajustement d'un an. Cela permettrait une collaboration entre Aventureux et nouveaux membres et une transition douce vers une répartition plus équitable du pouvoir. Les raisons pour lesquelles les autres guildes accepteront ce plan sont évidentes, mais pourquoi les Aventureux devraient-ils aussi accepter ces termes? Mais pour le bien commun des Edain bien évidemment ... et cela aidera surement les plus récalcitrant si nous leur disons qu'ils n'ont presque aucune légitimité au conseil autre que de ne pas avoir trahit nos dieux (ce qui est aussi le cas de tous ici) et d'avoir été au bon moment au bon endroit. S'il le faut nous pourrons aussi le leur rappeler le jour de l'assemblée aux abords du lac Evendim. »

Linfëa marque une autre courte pause avant de reprendre en souriant:
« La beauté de ce plan, voyez-vous, c'est que les Aventureux sont présentés comme les sages dont nous avons beaucoup à apprendre si on en prend la peine. Les autres guildes ont soif de pouvoir mais devront prouver leur valeur si elles veulent voir leur part dans l'assemblée augmenter et réduire la majorité des Aventureux ... qui, eux, auront tout intérêt à servir notre peuple de la meilleure des manières pour conserver leur hégémonie ! En effet, quoi de plus probant pour prouver sa valeur et conserver non seulement la majorité des Aventureux à l'Assemblée mais aussi leur siège au conseil des dix que de former le meilleur remplaçant possible lors de ces duos au conseil des dix entre membre des Aventureux et nouveaux des autres guildes ?!

On ne ment à personne et tout le monde est motivé pour le bien commun de notre peuple ... brillant si j'ose dire !!

Il me semble que ce qui nous reste à décider c'est la part de ce plan que nous allons révéler avant l'assemblée et celle que nous conserverons pour le jour j ... »

Elandora écouta très attentivement l'ensemble de la tirade de Linfëa. Elle parut soulagée - si ce n'est surprise - que celui-ci eut parfaitement compris l'argumentation qu'elle avait avancée, pour en arriver à des conclusions similaires.
Elle revint sur la composition du conseil :
« La réforme qui donnerait 3 sièges aux autres guildes a, selon moi, toutes les chances d'être acceptée, si nous préparons bien le terrain. Concernant le conseil des 10, mon avis est que les aventureux accepteront difficilement que 8 sièges sur 10 soient attribués aux autre guildes et ce, malgré toute l'argumentation que nous pourrons présenter le jour de l'assemblée et en amont.

Toutefois, souvenez-vous de la dernière assemblée qui a désignée le précédent conseil des 10 sur Atalantë. Les prétendants au titre de chef de la guilde n'ont pas désigné officiellement - avant la tenue de l'assemblée - les membres qu'ils proposeraient pour composer le conseil. Bien sûr, il était possible de prévoir, plus ou moins, qui serait avancé. Mais une fois le nouveau chef désigné, s'en suit la recomposition de l'assemblée. Enfin, celle-ci procède à un vote pour désigner chaque membre qui est proposé pour le conseil... »
Elandora énumérait ces règles, que Linfëa connaissait parfaitement, réfléchissant par la même occasion à haute voix.
« Si vous tenez à ce point à proposer un telle composition du conseil, il est crucial de n'en rien dévoiler. Car elle fera l'objet - soyez-en sûr - d'une farouche opposition... Aussi, rappelez-vous que le déroulement du vote qui désigne les conseillers est très particuliers :
Dans l'hypothèse où vous obtiendriez bien la direction de la guilde, vous auriez donc le privilège de proposer au suffrage, un à un, 9 membres de l'assemblée.
Chaque vote accepté désigne directement un nouveau conseiller.
Mais chaque refus entraîne - une fois les 10 votes effectués - un nouveau vote pour lequel :
- nous devons proposer un candidat
- le candidat ayant obtenu le plus de voix après vous, lors du vote qui a désigné le chef de la guilde, en propose un autre. »
Elle soupira :
« Je rappellerais donc aux chefs des autres guildes que le seul engagement que vous avez pris, n'est autre que de les proposer en tant que candidat au poste de membre du conseil. Il nous faut donc d'une part, dès à présent réfléchir à d'autres candidats potentiels. D'autre part, se résoudre au fait que nous ne maîtrisons pas quels seront les membres qui composeront le conseil à l'issue de cette journée cruciale. »
Elle releva fièrement le menton en basculant légèrement sa tête en arrière :
« Je n'ai guère de crainte sur le fait que ma "candidature" sera acceptée. Certains chefs de guildes - emblématiques et dont le rôle est crucial - obtiendront également très certainement l'assentiment de l'assemblée. Je pense à Tharvon de la guilde des bâtisseurs, Tawarin de la guildes bûcherons, Santorin, de la guilde des paysans et Celair, de la guilde des architectes. Pour les autres, rien n'est assuré. »

Elandora fouilla dans ses souvenirs :
« Si mes souvenirs sont bons, le précédent conseil, sur Atalantë, était composé de 8 des 9 candidats qui avait été proposés par Maelui, le défunt chef de notre guilde. Mais quel était alors le contexte ! » s'exclama-t-elle, la rage au ventre.
« Annatar et Ar-Pharazôn s'étaient indirectement assurés - sous couvert de menaces et de corruption - que l'organe dirigeant les aventureux leur serait tout acquis. Nous ne pouvons guère espérer un résultat aussi favorable. Si les chefs de guilde que j'ai précédemment cités sont désignés, la majorité du conseil nous sera favorable ce qui déjà, représenterait une victoire en soi, à condition que ces derniers nous restent favorable au cours de leur mandat. Ainsi, nous devons nous atteler à "limiter les dégâts" pour les 3 membres restants. »

Elandora éluda immédiatement la question de la recomposition de l'assemblée :
« Traditionnellement, les membres de l'assemblée, tout du moins ceux qui dont partie de notre guilde, sont désigné d'office du fait de leur grade. Si x sièges sont attribués aux aventureux, il s'agira des x membres les plus hauts gradés. C'est ainsi que nous procédions et rester sur ce mode de fonctionnement semble le mieux que nous ayons à faire, étant donné tous les changements que nous proposerons déjà d'opérer...
Pour ce qui est des autres guildes, leurs chefs occupent naturellement un siège, et ce sont eux qui attribuent les autres sièges qui leurs sont réservés. »

Elandora se racla la gorge reprenant quelque secondes son air suffisant :
« Ai-je suggéré de réformer la durée des mandats ? Il ne me semble pas. Cela ne ferait que compliquer inutilement les débats. Enfin, concernant votre proposition d'instaurer des suppléants la première année... Je ne m'y oppose pas car effectivement, j'entrevois que cela pourrait adoucir la défaite qui - je l'espère de tout cœur - sera le lot de nos opposants. Toutefois, songez en premier lieu que vous aurez alors à gérer 18 membres lors des conseils, au lieu de 9. D'autre part, ces suppléants risquent fort de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour conserver leur place, non pas une année mais, de façon permanente... »

Elandora reprit son air professoral, rompu qu'elle l'avait été à l'exercice politique des aventureux :
« Chaque candidat prendra tour à tour succinctement la parole afin de présenter les priorités qu'il fera siennes si le mandat de chef de guilde lui est accordé. Il est probable que vous soyez le premier à prendre la parole puisque vous occupez le poste actuellement. A chaque fois, il s'en suivra des questions de la part de l'assemblée en place. Une fois votre tour passé, vous serez en mesure d'intervenir pour questionner vos opposants, au même titre qu'ils le feront après votre exposé. Il s'agira donc d'exposer les réformes de fonctionnement immédiates que vous comptez mettre en place et celles de plus long terme. Puis, il faudra exposer à mon sens de façon très concrète les actions que nous escomptons réaliser pour accompagner la création du royaume. Ciblons les guildes qui auront une importance capitale, elles doivent avoir toute notre attention. Ne versons pas dans les promesses inutiles, il est clair que certaines guildes devront attendre et seront quelque peu "livrées à elles-mêmes" les premiers temps. Il faut être très clair là-dessus, car nous ne pourrons pas satisfaire tout le monde à court terme. Si nous manquons de matériaux - bois, pierre - ou de nourriture, c'est de la survie de notre peuple qu'il sera question. N'êtes vous point d'accord ? »

Les yeux d'Elandora étincelèrent subitement à la mention de la dernière nouvelle apportée par Linfëa. Une telle information pouvait se révélait une arme redoutable entre les mains d'une telle personnalité, Linfëa le savait, mais il en fut plus que conforté en lui rendant son regard :
« Il est vrai. Vous aviez brièvement abordé le sujet il y a deux jours lorsque vous m'avez aidé à prodiguer les soins aux infortunés blessés de la bataille... »
Elle se tut, soutint le regard de Linfëa dans un silence qui dura plusieurs seconde. Manifestement, elle s'interrogeait sur les intentions du chef de la guilde des aventureux à lui révéler pareille information. Avant qu'un malaise ne s'installe, elle reprit :
« Cette information est de nature à décrédibiliser complètement ce cher Belagund, s'il est prouvé qu'il n'avait aucune raison valable de s'éviter de se retrouver sur le champ de bataille. Quand bien même il en aurait une, nous pourrions faire en sorte que "le mal soit déjà fait".
Cependant, je m'interroge. Ce genre de "manœuvre" n'est pas dans vos habitudes, esprit chantant de Nindamos. Vous vous imaginez peut-être que j'y ai plus facilement recours. Peut-être...
Belagund n'est éventuellement qu'un couard qui mériterait - si cela s'avérait juste - qu'on lui jette l’opprobre.
Mais je rechigne autant que vous à avoir recours à ce genre de méthode, qui vise la personne et non son projet politique. Sur Núme... »
Elle secoua brièvement la tête.
« Sur Akallabêth, je vous prie de croire que je n'aurais pas hésité une seule seconde pour disqualifier l'un de nos mortels ennemis. Mais, nous autres Fidèles avons échappé au sombre destin réservé au reste de notre peuple, précisément parce que nous nous distinguions d'eux, de leurs déviances, de leur corruption. La fureur des Valar a épargné nos vaisseaux. Les souvenirs du cataclysme qu'ils ont déclenché sur notre Terre me hantent et me hanteront pour le restant de mes jours. »
Le silence fit à nouveau place un court instant :
« Quel message enverrions nous à nos pairs en obtenant la victoire de la sorte ? Je suis convaincu que nous portons les bonnes réformes et que nous pouvons convaincre les nôtres sans avoir besoin d'utiliser cette information. S'il s'avérait que Belagund fasse à nouveau preuve d'un comportement étrange, ne devrait-il pas plutôt être traduit devant la justice royale ? »

Linfëa fut soulagé de la réponse d’Elandora mais n’en montra rien pour autant. Il répondît simplement : « En effet, je n’avais pas en tête de d’utiliser cette information lors de l’assemblée mais plutôt de garder cela à l’esprit pour le future ou si un autre écart de comportement se présente.

Je suis rassuré de voir que vous ne me décevez pas dans votre attitude et je m’excuse de vous tester ainsi mais il m’est essentiel de savoir que je puisse me reposer sur vous sans hésitation sachant que vous serez magnanime et que vous garderez l’important, notre peuple, à l’esprit plus que tout ... même que moi si il en vient à cela ... »

L’éclat chantant de Nindamos avait finit ce qu’il avait à dire mais voulait laisser à la dame de fer l’occasion de répondre si elle voulait. Linfëa n’accordait pas sa confiance facilement et ce rite de passage était important à ces yeux comme pouvait le confirmer son regard bienveillant et souriant mais aussi dur que l’acier.

Le regard d'Elandora se fit tout aussi dur :
« Un test ! Un rituel de passage ! » répéta-t-elle en secouant la tête.
N'ayant pas l'esprit à entamer une joute verbale, dont les deux protagonistes étaient coutumiers, elle tourna les talons.
« Retrouvons-nous dès que nous aurons chacun suffisamment avancé dans nos tâches respectives. »
Et la dame de fer de s'en aller d'un pas énergique.

13 Juillet 3319 SA en fin d'après-midi

Sachant qu'il ne lui restait que peu de temps devant lui avant qu'ils ne reprennent la marche, Linfëa décida d'en profiter autant que faire se peut. Après un déjeuner rapide à base de graines, il se dirigea d'un pas gaillard vers les tentes d'Enedh, le membre neutre du conseil des dix. S'il pouvait le convaincre lui, le chemin en sera d'autant plus facile lors de ses rencontres de la fin d'après-midi/début de soirée avec Meneldir, Anglen et Gellyr.

Arrivant devant la tente d'Enedh après s'être fait guider par un page passant par-là, Linfëa entonna joyeusement en direction de l'ouverture de la tente tout en se tenant respectueusement à l'extérieur sans pouvoir voir l'intérieur de la tente :
« Alors Enedh, vieux loup de mer, que faut-il faire pour pouvoir parler à un estimé collègue par ici ?! »

Le vieux marin répondit en souriant :
« Maître Linfëa, bien le bonjour. Hé bien je dirai tout simplement, prendre le temps de le faire ! Maintes et maintes rumeurs me sont parvenues depuis notre arrivée en Terre du milieu. A tel point que j'en suis venu à me demander : notre organisation future s'établirait-elle dans l'ombre ? Sans même consulter l'ensemble des membres officiel et décisionnaire du conseil censé diriger la guilde ? »
Enedh finissait de remplir sa pipe, de ce fameux tabac de Forostar qui viendrait bientôt à manquer. Il fit un signe en direction de Linfëa pour lui en proposer puis alluma la sienne tout en poursuivant :
« Pop Pop Pop Pop Pop... » Il balaya l'air de ses mains pour le désemplir de l'épaisse fumée qui s'échappait du tabac qui venait d'être allumé.
« Je savais que vous finiriez par venir à ma rencontre. »

« En effet cher Maître Enedh, venir vous parler des plans de notre guilde et de l'assemblée des Edain n'est pas quelque chose dont je puisse, ou veuille, me passer. Votre sagesse et neutralité vous permet d'offrir une perspective unique et précieuse ! »

...dit Linfëa alors qu'il acceptait l'offre du capitaine en remplissant sa propre pipe du précieux tabac si gracieusement partagé. Après avoir allumé sa pipe il continua :
« Pop Pop Pop ... hummm c'est toujours un délice et cela va malheureusement nous manquer pendant un moment. Grand merci pour votre générosité . »

Levant sa pipe en signe de remerciement, l'éclat chantant de Nindamos en vint aux faits :
« Cher Enedh, vous n'êtes pas sans savoir que la position de la guilde des aventureux est délicate depuis notre départ bon gré mal gré d'Atalantë. Bien que nous allons nous établir près d'un lac avec un accès direct aux mers, nous ne serons pas de nouveau des marins avant plusieurs mois si ce n'est années ! Néanmoins, notre connaissance des intrigues politiques ainsi que notre expertise à gouverner sont elles aussi indéniablement. Tant et si bien qu'il est de ma plus intime conviction que notre guilde a un rôle majeur à jouer lors de la mise en place de notre nouvelle civilisation en Terres du Milieux.

Pop Pop Pop Pop

Reconnaissant ces faits, il m'est apparu essentiel de guider la guilde pendant cette période de transition avec en tête de maintenir son influence et prospérité. Préoccupation qui n'est seconde qu'au bien-être de notre peuple et notre roi Elendil. Et c'est bien là point central du problème ... ne sommes-nous pas dans une situation exceptionnelle requérant un grand sacrifice de la part de notre guilde, sacrifice qui paiera de lui même des dividendes incalculables car sans celui-ci je ne vois pas notre petite aventure réussir ! »

Après une courte pause dramatique, le trésorier du conseil du Sceptre reprit méthodiquement :
« Pop Pop Pop

Je vous le demande franchement maître Enedh, n'est-il pas nécessaire pour notre guilde de mettre en place un remaniement de l'assemblée et du conseil des dix au bénéfice des autres guildes (aussi léger soit-il dans un premier temps) pour faciliter, si ce n'est permettre tout simplement, la réussite de l'établissement de notre peuple aux abords du lac Evendim ?! L'alternative, c'est à dire l'entêtement des aventureux à conserver le même niveau de pouvoir que sur Númenor, me fait froid dans le dos tant cela signerait l'arrêt de mort de notre cité naissante ...

Pop Pop Pop Pop Pop

Je ne pense pas que les autres guildes refuseraient de travailler si le maintien du statu-quo comme avant notre traversé de la grande mer prendrait place. Je pense tout simplement que nous serions, les aventureux, alors responsable du ralentissement occasionné durant les premiers développements de notre nouvelle cité. Car pourquoi les autres guildes accepteraient-elles le statu-quo quand se sont elles dont notre cité dépend pour son commencement, bien plus que des aventureux ! Bien sur, les aventureux sont eux-aussi une part nécessaire de cette équation car je ne pense pas les autres guildes capables de mener l'assemblée et/ou le conseil des dix sans notre expertise. Pour finir, je ne vous parle même pas des conséquences politiques si Elendil se retrouve obligé de s'en mêler du fait de notre manque de clairvoyance ...

Qu'en pensez-vous? »

Linfëa avait parlé avec ferveur et conviction, le tabac seul ne pouvait expliquer la lumière qui brillait intensément au fond de ses yeux alors qu'il attendait la réponse de son interlocuteur.

Enedh continuait de tirer abondamment sur sa pipe en écoutant l'esprit chantant de Nindamos. Il hocha la tête en guise d'approbation quand celui-ci le remercia. Puis son visage prit un air grave en écoutant les arguments percutants de son interlocuteur. Finalement, il fut tant absorbé par ses propos qu'il finit presque par s'étouffer en fumant, alors que Linfëa achevait son raisonnement en prenant attache de son avis.
Il toussa bruyamment. Puis reprit en souriant :
« Vos paroles sont sages, Maître Linfëa et vos arguments font sens. Que le roi en viennent à se mêler des affaires de la guide serait un aveux d'échec pour nous tous et en tout premier lieu pour le conseil provisoire que nous constituons. Un rééquilibrage de la répartition des pouvoirs au sein de la guilde me paraît moi aussi, tout à fait indispensable et je ne vois moi non plus pas d'un bon œil, les courants qui s'y opposent trop fermement. Cela me rappelle par trop, les mécaniques qui ont été à l’œuvre dans la perte de notre Terre Natale.
Vous prenez donc la bonne direction, mais ! »

Pop pop pop pop pop

« Il s'agit de ménager la chèvre et le choux. Les uns ont besoins des autres, pour autant certaines fiertés empêchent que chacun en prenne pleinement conscience, ou tout du moins, n'ose l'admettre haut et clair... »

Pop pop pop pop pop

« Vous m'avez convaincu, esprit chantant de Nindamos. Aussi, vous aurez mon soutien pour autoriser la réforme de l'assemblée, puisque c'est là le premier enjeu qui vous attends. Vous aurez mon soutien pour autant que vous adopterez des propositions suffisamment raisonnables pour obtenir un consensus. Étant donné mon grade, je suis assuré d'obtenir un siège à l'assemblée. Pour ce qui est de l'établissement du nouveau conseil des 10, j'ai tout à fait conscience que les places sont chères, et je pense malgré tout avoir toute légitimité pour en faire partie. Mon impartialité pourrait se révéler très précieuse, quel que soit le camp qui l'emportera... et bénéfique pour le royaume. Qu'en dîtes-vous ? »

« Les places sont chères en effet, mais vous apportez un atout de choix avec votre légendaire neutralité je vous l'accorde. Il me semble important de conserver ce regard neutre au sein du conseil. »

Ayant fini son tabac, Linfëa se leva et s'inclina devant son hôte en disant :
« Je vous remercie de votre accueil maître Enedh, ce tabac est délicieux et de plus en plus précieux par les temps qui courent ! Nous nous reverrons le jour du conseil et de l'assemblée des Edain. Entre temps je suis sûr que mes opposants se feront un plaisir de vous demander votre soutient eux-aussi. Mais je sais que votre cœur l'emportera et que la raison prévaudra sur les ambitions à courts termes de certains. Dans tous les cas, sachez que vos conseils ne sont pas tombés dans l'oreille d'un sourd, je saurai faire preuve de bon sens et de raison dans la poursuite des réformes à venir. Bonne après-midi. »

Puis, levant sa pipe en guise de salut, l'éclat chantant de Nindamos prit congé et se dirigea vers sa visite suivante ... Meneldir, Anglen ou Gellyr, qui sera le premier sur son chemin ?

13 Juillet 3319 SA en soirée

L'échiquier était presque en place et les efforts de Linfëa commençaient vraiment à porter leurs fruits.
Au soir qui suivit sa rencontre avec Enedh, Linfëa réunit ceux qui comptaient parmi ses soutiens et sur lesquels il n'avait guère concentré ses efforts depuis le débarquement.
La nuit tombait sur l'avant dernière nuit de repos lorsque Meneldir, Anglen et Gellyr arrivèrent, comme convenu, pour partager le bivouac du soir avec Linfëa. Des ordres avaient circulé pour instaurer un rationnement plus strict et c'est donc un repas des plus simples que les 4 aventureux partagèrent.

Les bras ouvert, Linfëa accueillit Meneldir, Anglen et Gellyr:
« Bienvenus chers maître Meneldir, maître Anglen et maître Gellyr. Je ne vous propose pas de repas luxurieux ce soir du fait du rationnement militaire, mais l'intention est présente. Ne tournons pas autour du pot, je voulais vous parler du futur de notre guilde et de l'assemblée des Edain. Vous vous doutez bien que j'ai des idées mais je voulais entendre ce que vous pensiez. Plus précisément, qu'elle est votre vision pour la guilde des aventureux, le conseil des dix et l'assemblée des Edain sur le court et moyen terme? Vous savez comment votre avis m'est précieux chers amis. »

Les trois "alliés" de Linfëa au sein de très nouveau conseil des 10 semblaient ravis de l'invitation Linfëa.
Meneldir, qui avait pour lui le privilège de l’ancienneté, prit le premier la parole - après de chaleureuses politesses d'usage - pour répondre à la question de l'esprit chantant de Nindamos.
« Cher Linfëa, les temps sont durs pour nous autres aventureux, tu en sais quelque chose. Un marin contraint de rester à Terre est accablé de morosité, submergé par la mélancolie... Et cela, sans compter les conditions dans lesquelles nous nous sommes - miraculeusement - échappé de Númenor. Chacun d'entre nous sait qu'il est vital de regarder vers l'avenir et de ne point s'appesantir sur le passé. C'est le message que j'essaye de faire passer à nos camarades. La guilde a besoin de perspectives. Le lac Evendim et le fleuve Baranduin qui rejoint le golfe de la lune en offrent une. Ce n'est pas la mer certes, mais il est pour moi primordial d'être rationnel en ces heures. Il ne faut pas, dans notre discours, faire des promesses en l'air. Notre peuple aura le plus besoin de nous, pendant un temps certains, à l'endroit même où nous nous installerons, et à ses abords. Les aventureux devront concentrer leurs talents sur les eaux douces qui nous entourerons. C'est une maigre consolation dans l'immédiat. Mais c'est une nécessité... »
Il poursuivit :
« Nous avons tous trois eu vent des réformes que tu escomptes mener et je les approuve. Pour ma part, je vais m'en retourner à mes anciennes prérogatives, avant même que j'intègre la guilde, je versais dans le négoce des bois précieux, des reliques et armes d'exception elfiques, de grimoires mais aussi d'instruments de musique. Les perspectives que me fait entrevoir notre nouvelle Terre me promettent d'admirables explorations et rencontres.
Tu auras bien entendu mon accord pour réformer le conseil des 10 afin d'équilibrer les pouvoir avec les autres guildes. M'est avis que je pourrais à nouveau représenter un soutien fidèle et nécessaire dans le futur conseil. Tu as déjà réfléchi à la question n'est-ce pas ? »

Linfëa sourit généreusement, en effet, Meneldir avait brillamment montré sa compréhension de la situation actuelle.
« Les grands esprits se rencontrent cher Meneldir. Il m'est aussi apparu évident que le Golfe de la Lune sera l'objectif à moyen terme de notre guilde. De plus, les réformes à court terme que je propose sont toutes très raisonnables.

• Comme vous l'avez tous réalisé, nous n'allons pas pouvoir être des marins de nouveau avant un peu de temps. C'est pourquoi je propose que les aventureux soient redéployés selon trois axes : de un, la pêche dans le lac Evendim; de deux, la défense du royaume avec le général Sothor; de trois, le conseil politique au sein de l'assemblée des Edain.
• En parlant de l'assemblée des Edain, je propose une refonte de sa composition allouant un siège supplémentaire (trois sièges par guilde donc) à chaque guilde autre que les aventureux rééquilibrant la balance des pouvoirs bien que nous garderions une majorité de 58 sièges.
• Le conseil des dix changera de composition lui aussi et vous vous imaginez bien que tous ne pourront pas garder leur siège alors que nous essayons d'incorporer les autres guildes dans le processus politique. Néanmoins, nous devons aussi reconnaître l'expertise politique que nous avons développé au sein de la guilde des aventureux et c'est pourquoi la liste que je propose sera mené par moi-même et dame Elandora, de la guilde des aventureux, trésorière de la guilde, Dame de fer et seconde du conseil donc. Le reste des noms est difficile à prédire du fait du processus nécessaire mais vous vous doutez bien que certains chefs de guilde devront en faire partie ...

 »

Marquant une courte pause pour voir les réactions de ses interlocuteurs, Linfëa ajouta rapidement :
« Je ne pense pas qu'il soit nécessaire de préciser que les besoins vitaux de notre peuple lors de notre installation aux abords du lac Evendim ne pourront pas être fourni par les Aventureux seuls. De plus, il est aussi primordial de ne pas oublier fait que notre nouvelle location, bien que proche d'un lac avec un accès à la mer, réduira encore plus l'importance de notre guilde dans un premier temps jusqu'à que le susdit accès soit sécurisé ! Pour finir, gardons aussi à l'esprit que nous, les Aventureux, pouvons apporter toute notre expérience du pouvoir pour le bien de notre peuple et que cet effet sera d'autant plus important si nous laissons les autres guildes incorporer l'Assemblée et le conseil des dix de manière plus conséquente pour apprendre les fils du métier avec pour objectif de pérenniser notre futur ! »