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Les vendanges...

Cette année encore, Étienne s'est porté volontaire pour aider au vignoble. Depuis qu'il s'est éveillé à la symphonie de la Nature, il remarque un peu plus les subtilités du chant d'un ruisseau, du battement des ailes d'une libellule. Il est en paix. Pour lui, la Nature est magique. On lui fait gentiment remarquer que non- il sourit, en disant que la magie est réelle pour ceux qui y croient...

Soudain, un flashback qui le traumatise. Il revoit le hameau sans nom, sur la route du prieuré, et le rire de son capitaine qui lança un pari à ses hommes à celui qui violenterait le plus d'hommes et de femmes innocents. Il y a 15 ans, il était une bête, attiré par l'odeur de l'argent et du sang, peu enclin à la compassion et au pardon.

Le pardon, il le recherche depuis. Il a fuit vers un peuple plus simple, qui ne partage pas ces goûts du lucre et de destruction. Qui n'a pas été atteint par les affres de la guerre. Bien sûr, ils connaissent la guerre autant que les autres maux de la civilisation- ils sont juste chanceux de ne pas en avoir été affectés.

Encore ces souvenirs... pourrait-il un jour se pardonner le mal qu'il a fait à cet enfant ? A cette jeune femme ? A ce vieillard sans défense ?

Cette année, c'est décidé, il quitte son havre pour revenir sur le lieu de son délit. Pas de vendanges en 1466... l'année de son pèlerinage personnel vers la rédemption. Il prends son canot, achète quelque marchandise à donner et vendre là-bas, et descend la rivière Clario des contreforts des montagnes vers l'embouchure, en espérant que ses victimes aient encore voix au chapitre et puissent l'absoudre. Ou à défaut, leurs proches...

Nous sommes le 15 septembre 1466, Étienne débarque enfin de son canot dans la ville de Zebreira, à quelques kilomètres du hameau maudit dépendant d'un prieuré dont il a oublié le nom. Il doit demander le chemin. Il demande le prix de la location d'un ponton pour amarrer son canot. Il se demande si le Renard d'Ibra est toujours le Roya séant. Il espère revenir un jour en paix vers son village d'adoption.

Il tripote son attrapeur de rêves en espérant cristalliser ses peurs et des doutes et inspecte la foule sur les quais...

Étienne sourit en voyant la coutume locale

C'est drôle! Normalement, le marché est animé à l'aube et s'arrête au midi. J'avais oublié que ces gens des basses-terres ont peur du Soleil et vivent le soir!

Il pense avec bonheur pouvoir échanger quelques piécettes contre un bon repas chaud et un lit. Pour le bain, la rivière y a pourvu- la coutume de certain de sentir le bouc, très peu pour lui!

Il se demande si la mairie, ou l'institution locale correspondante, est toujours ouverte. Le hameau sans nom, s'il y a encore âme qui y vive, sera difficile à débusquer...

Il s'adresse à un passant qui semble de la petite bourgeoisie

« Hé! Hombre! Savez-vous où est la mairie ou un cartographe ? je cherche un lieu-dit! »

Il a entreposé ses quelques marchandises à l'entrepôt avec son canot

« Un lieu-dit ? » demande le passant intrigué
« C'est qu'il y en a beaucoup tout autour par ici ... »
Il regarde autour de lui en réfléchissant
« Vous aurez plus de chance en demandant au Temple ...
Auprès du Père ... ils ont des greffiers, des juges, des magistrats ... »

« Merci l'homme! »

La religion.. Étienne se remémore ce qu'il sait de la religion des basses-terres, de sa patrie d'origine. Ses convictions animistes ne sont pas partagées par les natifs...

Le Père, dieu du Droit/Justice/Loi/Jurisprudence » & « Fertilité/Généalogie »

Il croit bien que c'est le temple recherché.

« Le temple du Père, oui, bien sûr! Le chemin svp ? »

Abasourdi, l'homme dévisage Étienne
« Mais enfin TOUTE la Sainte Famille est représentée au Temple !
Par les 5 ! D'où sortez-vous pour ne pas savoir cela ? »

Étienne essaie d'apaiser l'homme et ses soupçons. Heureusement, il ne ressemble pas à un barbare Quadrain , ces hérétiques qui ne croient pas au bâtard.

« Je crois au père, la mère, le fils, la fille et le bâtard comme tous et chacun. Je viens de passer 15 ans dans les montagnes, désolé! Le temple, c'est par là ? »

Étienne trouve facilement le lieu le plus ostentatoire en ville.

Il soupire en voyant les fidèles aller et venir aux abords du temple.

Doit-on verser une dîme pour pénétrer les lieux ? Je dois repérer les bureaucrates plutôt que les sycophantes si je veux sortir d'ici avec de l'information et non pas les poches vides! Où sont les archives civiques ?

L'équipe B de ma partie 46 sur aidedd.org s'appelle le trèfle à 5 feuilles!

Étienne n'a pas de temps à perdre en contemplation. Il jette quelques pièces dans le tronc et se dirige vers l'administration, d'un air décidé mais digne, intimidant sans être agressif.

« Bien le bonsoir! J'exige de parler à un cartographe! J'ai besoin de répertorier les hameaux de la région; il va sans dire que ce besoin est U.R.G.E.N.T. Merci de ne pas me faire attendre! »

Les anciens réflexes de commandement ressurgissent à peine sollicités !

Le frère tourier à l'entrée de l'administration répond aussi efficacement qu'un soldat de 1ère classe :
« 3e porte à gauche, Monsieur. »

Avec une détermination issue de la bouffée d'adrénaline qui le traverse,
Étienne parcourt à grands pas le couloir central et frappe à la porte désignée.
« Entrez ... »

Le cartographe est un homme jeune, mais à l'allure fort sérieuse ...
« Que désirez-vous ?
Ce n'est pas l'heure habituelle pour les demandes ... »

Étienne a le chic de ne pas poursuivre dans l'intimidation. Ce n'est pas sportif!

d'un air décidé mais digne:

« Bien le bonsoir! J'ai besoin de répertorier les hameaux de la région; j'ai quelques points de repère en tête- »

Il sort son calepin, sa mémoire étant défaillante avec l'âge. Ses compétences de survie lui ont permis de bien noter le lieu...


« Heu... voilà! Celui que je recherche est à 5 kilomètres au nord-ouest d'un prieuré qui était toujours en opération il y a 15 ans. Avec un bosquet de cyprès au sud-ouest, à 200 mètres. Il y avait une colline en forme de poire à 3 kilomètres ou deux d'un ruisseau de quelque 6 mètres de largeur. Un hameau de 50 âmes à l'époque.

Votre collaboration est une bénédiction pour tout adepte du Père! Il vous le rendra! »

Étienne se signe comme il l'a appris dans son enfance.

Ses yeux s'allument « Oh !
Une énigme ! »

Il bondit de son siège pour se diriger vers ses rayonnages
« Que vous souvenez-vous de ce prieuré ?
Son nom ?
Son emplacement par rapport à une ville ?
Un évènement particulier ? »

Étienne prend un air contrit:

« J'ai bien peur... heu... que mes notes sont les seuls indices. Ce prieuré a été, disons, visité par une bande de soudards lors d'une incursion punitive il y a 15 ans, à l'époque où les sécessionnistes tenaient la région.

Les moines ont été épargnés, mais pas les villageois du hameau. Le nom du prieuré et du hameau m'est inconnu. Le prieuré est à une quarantaine de kilomètres au sud-ouest de cette ville, vers les territoires sudistes.

Messire, vous me semblez homme bien né, bien que vous ne portez pas l'épée. Que faites-vous à l'administration de ce temple ? Est-ce une tâche asse noble pour vous ? »

« Oh. » son visage s'assombrit « Vous parlez du massacre d'Adobanellira ».

« Vous êtes observateur. » constate-t-il sobrement
« Que désirez savoir à propos du massacre d'Adobanellira ? » demande-t-il dans l'intention évidente de changer de sujet.

« J'ai besoin de savoir quel est le chemin du prieuré et de son hameau. Affaires privées, tout gentilhomme a ses secrets! »

dit Étienne avec un sourire. « Pourrais-je au moins connaître le nom de mon bienfaiteur ? »