Elle continue son enquête comme je n'ai pas parlé.

« Quand vous connaissez les hommes comme je les connais, vous sauriez qu'ils sont prêts à mettre leur lame dans n'importe quel fourreau qu'ils ont sous la main. » Réfléchit-elle pendant qu'elle parcourt les fourreaux.

Tenez deux dans la main, elle continue : « S'il y a plusieurs fourreaux, les hommes mettent souvent leur lame dans les plus belles ... ou ils la mettent dans plusieurs. »

Elle se tourne pour faire face au marchand, le regardant dans les yeux : « Je vous en prie, ne vous inquiétez pas, je ne serai pas infidèle avec vos lames : je vais les mettre à leur juste place. »

Je peux voir à quel point il est un connard souriant, mais qu'est-ce que le jeune Suárez voulait dire qu'il avait offensé le Bâtard ?

« Vous faites des allusions ... très évocatrices » constate le marchand en coulant vers la noble veuve un regard intéressé.

Et voilà, maintenant, ils sont deux à ignorer complètement Ser Marçal ...

Je parle des capes, il m'ignore ; je parle de mon frère d'armes, il me regarde comme si j'étais l'idiot du village. Il rencontre « la jeune veuve » et tous son comportement est une recherche des profits, comme un papillon autour d'une chandelle. Je peux laisser aller tout ça.

Quand il fait des avances sexuelles vers « la jeune veuve », un feu de colère jalouse me bouillonne dans mon ventre.

Elle est mon amant !

... Même si cela faisait déjà cinq années.
J'avance d'un pas.
... Même si ce n'est pas le vrai Dolores dy Czartoryski.

Et je me souviens qu'elle est Ursula Suárez, petit fille, orpheline, peut-être 14 ans. Je ne laisserais pas Indibil la mater, certainement pas ce connard souriant. Une vague d'inquiétude paternelle éteint les flammes jalouses, et j'avance un deuxième pas.

Je ne porte pas mon bouclier ...

Ursula fait un geste délicat, ouvrant sa posture à Marcos et arrêtant mon avance défensive avec une paume ouvert. J'hésite, me souvenant qu'elle prépare un vol.

Je me sens soudainement coopératif. Allons-y, punir ce trou du cul souriant !

« Toutes les clés n'ouvrent pas toutes les serrures. Et certaines serrures cachent des aiguilles empoisonnées. Cher Maître Marcos, parlez-moi de vos aiguilles empoisonnées, de tout ce qui pourrait nuire à un orphelin. »

« Oh ... tranquillisez-vous ...
Cette boutique est assez sûre pour laisser un bébé y jouer tout son content ...
Les pièges ne se déclenchent que sur les voleurs qui essayent d'ouvrir les choses qu'il ne faut pas et qui sont verrouillées. »
Il rit en ouvrant sa main dans un geste dirigé vers la taille d'Ursula.
« Il faudra plusieurs années avant que je fasse assez confiance à un orphelin pour lui montrer ces choses... »

Elle tourbillonne loin de la main de Marcos, pose deux mains sur ma poitrine dans un spectacle d'amour, un visage à la fois familier et étrange fixant le mien.

« Mon amour, je me sens si tranquille après avoir parler avec Maître Marcos. Tu avais raison: nous pouvons laisser les orphelins ici avec lui, sa boutique est assez sûre qu'un bébé peut jouer tout son content. »

Pour le moment, je ne peux pas la répondre. Je risquerais de rire d'une voix tonitruante et gâcher notre mascarade.

Oh, comme l'expression sur le visage de Marcos me fait plaisir, quand ses couilles sont si soudainement cassées !

Déconfit mais restant souriant, le commerçant change habilement de sujet pour revenir au plus important.
« Pusque vous êtes rassurée pour ces orphelins,
reprenons le sujet de ces petits cadeaux que vous avez l'intention d'offrir ... »

« Bien sûr Maître Marcos, votre stock est à la fois charmante et précieuse. Marçal et moi continuerons notre enquête pour les orphelins avec des autres artisanes ... » Elle détourne de Marcos, me regarde et continue : « Mon amour, pouvons-nous parcourir les autres magasins avant de décider des cadeaux ? »

Je ne peux plus taire mon rire : « Hé hé hé, bien sûr ! »

« Ô comme je t'aime. Je veux qu'on soit sincère, et qu'en amants d'honneur, on ne lâche aucun mot qui ne parte du cœur. »

J'effectue un geste dédaigneux vers Marcos : « Je finirai mon histoire plus tard. À la prochaine, Maître Marcos. »

Bergara en Guarida

19 septembre, 9h30 11:40

La fille du Maître Mestres était si belle, j'ai presque oublié la fille du fermier ... Je secoue la tête pour la vider et me dirige vers l'atelier du savetier Agaton Romano.

... Mais on ne voit pas souvent ce niveau de beauté ... Je secoue la tête une deuxième fois : Non, non, non, ne te laisse pas distraire, tu as trop à faire et tu pars dans une semaine. Tu n'as pas le temps de jouer à l'amour.

Et avec cet esprit dérangé, je me présente chez Maître Romano.

A l'arrivée d'Indibil, le savetier travaille sur une paire de sandales.
La boutique est scrupuleusement rangée : deux murs sont occupés par les rayonnages contenant les souliers usagers, probablement en attente de réparation, un mur expose les chaussures neuves, et le dernier contient des ouvrages reliés.

« Bien le bonjour, Maître Romano ! » Je claironne, quand je entre dans son atelier. « Puis-je observer votre metier pendant que nous parlons des orphelins et des qualités que vous apprécieriez chez un apprenti ? »

« Les qualités que je recherche ?
« docilité » et « obéissance » en priorité. Bien sûr.
« méticulosité » et « propreté » évidemment. » répond le savetier en déposant soigneusement son ouvrage.
Sa boutique est tellement propre et bien rangée qu'il était à peine besoin de le mentionner.

Hochant la tête, je spécule : « Mmm, un gamin bien obéissant, bien sûr. C'est un bon endroit, votre atelier, pour apprendre la méticulosité et la propreté. Parlez-moi un peu de votre philosophie de formation: comment allez-vous lui apprendre les qualités de votre métier ? » Je parcours les chaussures affichées le long des murs.

« Il faut toujours commencer par le rangement ! » répond le savetier.
« Trier et classer. Les cuirs et les peaux, les lanières et les lacets, les souliers par taille, par couleur et par type de réparation ...
Apprendre à ranger, c'est la première étape.
Ensuite viennent les outils, à ranger et entretenir soigneusement.
Un bon ouvrier prend grand soin de ses outils.
Après, quand tout cela sera acquis, l'apprenti pourra commencer à marquer les emplacements pour les trous.
C'est très précis comme travail, cela demande une grande méticulosité.
Il faut que les trous tombent juste sur chaque pièce pour que l'assemblage soit parfait.
Soyez tranquille Messire, si l'apprenti est docile et consciencieux, il apprendra bien et deviendra un bon savetier.
Cela prendra des années avant de maîtriser le métier, mais c'est une belle profession. »

« Un garçon alors ! » Dis-je avec une abondance de bonheur.

« Si il n'y a rien d'autre à discuter, je vous laisse à votre travaille. »

« Indubitablement, en triple exemplaire. »

Puis, je marche vers la boulangerie du Ricaut Flamenco.

19 septembre, 11h50

La boulangerie est tenue par une jeune fille.
Le boulanger est au pétrin.

Appelé, il vient en boutique parler au visiteur qui demande après lui.
« Oui ? » le voyant, il reconnait Indibil
« Oh ! C'est vous ... » il s'essuie les mains sur son tablier.
« Alors, cet apprenti ? Quand est-ce que vous me l'amenez ?
Il y a du travail, ici ... »