Gil-Galad poursuivit :
« Je ne vois que 3 personnes capables de négocier avec vous des quantités suffisamment importantes pour l'importation :
- Ealion le marin, sa résidence est établie sur les quais, non loin de l'atelier de Cirdan,
- Fingol, il réside non loin du palais et c'est lui qui fournit les auberges et autres lieux de restauration en dehors des quais
- enfin, il y a aussi Tolsan, qui me fait l'honneur de s'occuper de mes réserves personnelles.
Chacun a une vision bien personnelle de son "métier", si on peut appeler ça ainsi. Je ne peux en rien vous garantir qu'ils accepteront de négocier un contrat, toutefois... »
Il s'approcha de son bureau et griffonna à la hâte - et pourtant si belle était son écriture que nombre d'Edains auraient pu encadrer le morceau de parchemin et l'afficher dans son salon - puis le tendit à Lilith :
« Ceci appose mon accord pour conclure des transactions commerciales, que ce soit pour le vin ou pour d'autres choses d'ailleurs. De toute façon, j'en serai informé donc inutile de venir enquérir une autorisation à chaque fois. »

Le roi des Noldor prit son air distant et ses yeux se perdirent dans le lointain alors qu'il fouillait parmi les innombrables souvenirs que comptait sa mémoire.
« Je m'attendais à ce que vous me posiez cette question tout autant que je la redoutais presque... »
D'autres longues secondes s'écoulèrent alors qu'il se mit à arpenter la pièce de long en large.
« La réponse n'est pas simple et je ne voudrais pas vous orienter dans une direction qui n'est peut-être pas la meilleure. Toutefois, il est évident que cela peut vous aider dans vos recherches alors, je vais me risquer à l'exercice. »
Il soupira - extraire de tels souvenirs n'avait d'évidence rien d'agréable - même pour un personnage de son rang.
« Je vais vous parler des apparitions dont je me remémore, à une époque où les Nazgûl portaient déjà leur nom et donc, lorsqu'ils avaient déjà été identifiés comme les servants de l'anneau. Ainsi, cela ne vous induira pas en erreur concernant vos recherches avant qu'ils ne prennent l'apparence qu'on leur connaît aujourd'hui. Celles de sinistres cavaliers noirs, des ombres porteuses de manteaux dont la couleur ne reflète que le désespoir, des spectres sans visage pour le commun des mortels. »
Il prit soudain un air plus grave.


« Situons d'abord rapidement les évènements dans leur contexte. Sauron n'est entré en possession des 9 anneaux de pouvoirs destinés aux hommes qu'en 1697 SA, après avoir torturé Celebrimbor pour que celui-ci lui dévoile où il les avait fait cacher. Avant cette date, les 9 étaient donc en possession des miens et nullement en possession des hommes. Inutile ainsi, de procéder à des recherches qui concerneraient des hommes avant cette date. »
Gil-Galad gémit faiblement alors qu'il réfléchissait et hésiter, les siècles semblaient défiler derrière son regard.
« Les cavaliers noirs, telle est la première mention sous laquelle j'ai pris conscience de leur existence... les cavaliers noirs, eux, ne sont apparus que bien plus tard. Oh oui, de nombreuses vies d'hommes se sont écoulées avant que je n'entende cette appellation. J'estime qu'ils se sont montrés sous cette apparence pour la première fois aux alentours de la moitié du 23ième siècle du second âge (2250), soit plus de 5 siècles après que Sauron soit entré en possession des 9. A cette époque, votre peuple avait depuis longtemps entrepris de coloniser le littoral de la terre du milieu. Depuis Le sud de mon royaume, jusqu'à l’extrême sud sur les terres d'Umbar. L'Umbar n'a jamais cessé d'être un problème pour les rois de l'ouest. Les peuples orientaux voyant d'un mauvais œil l'avènement de Numenor, ont toujours trouvé en Sauron un allié précieux, pour ne pas dire un guide. Les escarmouches faisaient rages sans que les Edain ne parviennent jamais à les éteindre complètement. Et c'est naturellement au sud que les Nazgûls se sont ouvertement exposés au grand jour, la première fois. »
Il marmonna à nouveau quelque chose d'inaudible puis repris :
« Mais ce n'est pas tout. Si en Eriador, les hommes du milieu accueillirent avec enchantement les vôtres les premiers temps, vous savez comme moi que cela ne dura point. »
« De part et d'autres du Flots Gris, les forêts du Cardolan et de l'Enedwaith en vinrent à être surexploitées par les rois de l'ouest, car hélas Aldarion - déjà en son temps - prouva qu'il n'était point clairvoyant en ce qui concerne les problèmes environnementaux, ou les rapports avec les autochtones. Et la situation ne cessa de se dégrader avec ses successeurs. Les peuples autochtones finirent par se révolter. Mais, impuissants contre les implacables armées de Numenor, nombre d'entre eux trouvèrent refuge sur les contreforts ouest des Montagnes de Brume et dans les vallées du nord des Montagnes Blanches. Il s'agissait là des ancêtres des Dunlendings, qui n'ont cessé depuis de vous combattre. Il est aisé de deviner que le discours de Sauron trouva un doux écho en eux. D'innombrables raids furent menées contre les colonies des Numenoréens en ces temps. Et certains furent ouvertement menés par les Nazgûls...
Enfin, l'écho sanglant de l'apparition des spectres est parvenu jusqu'à moi depuis les Naugrim. »
« Après la chute de l'Eregion, le royaume de Khazad-dûm s'est replié sur lui-même, laissant trop de champ libre aux orcs qui ne cessaient de contester les royaumes enfouis sous les montagnes. Les Nazgûl ont pris part aux nombreuses guerres qui ont agité les monts brumeux, et leur présence s'est particulièrement révélée dans leur partie nord. »

Gil-Galad joignit ses mains et haussa les sourcils en concluant :
« Hé bien, héritière des Edain, cela répond-il convenablement à votre question ? »

Lilith appréciait toujours les dires du roi des Noldor, ses histoires étaient contées d'une langue chantante et agréable.

« Je vous remercie grandement, ces premiers renseignements me seront précieux pour démarrer les recherches. Je vous tiendrais informé de l'avancement de celles-ci dès que je le pourrais.

Pour en revenir aux fournisseurs de vin, si j'en ai l'occasion, je rencontrerais Tolsan en premier. Où pourrais-je le trouver? »

Gil-Galad rit de bon cœur en tendant un verre d'une des cuvées de celui que Lilith souhaitait rencontrer en premier :
« J'étais presque sûr que vous souhaiteriez commencer par lui. Tolsan dispose d'un grand domaine en bord de mer, au Sud de Fordain, et donc à quelques heures seulement au nord de ma cité, en suivant la route. Toutefois, vous n'aurez pas à aller jusque là, rassurez-vous. Il se trouve en ce moment dans sa demeure de Mithlond, que vous trouverez au même endroit que la résidence de Fingol... dans l'allée des Vignerons. Vous la trouverez aisément, c'est un des axes qui relie l'allée du palais au port. »
Et il trinqua en saluant la fille d'Elendil, avant de porter le verre à ses lèvres.

Lilith prit délicatement le verre finement ouvragé pour le porter à ses lèvres, non sans avoir rendu son salut au roi des Noldors. Le liquide sirupeux se déversait dans sa gorge, ravivant ses papilles de son raffinement et gout exquis. Nul doute que le producteur d'un tel produit d'exception serait une étoile dans le ciel des relation des Edains.

« Il n'est pas un euphémisme que de dire que ce breuvage est à la hauteur de ce qui nous entoure : il est fait avec gout et délicatesse, pour ravir les sens de celui qui s'en délecte.

J'ai grand hâte de rencontrer celui qui l'a élaboré et je m'en occuperais dès demain. »

Gil-Galad acquiesça car même après toutes ces années, il appréciait toujours autant le breuvage :
« N'oubliez pas de leur présenter le parchemin que je vous ai laissé, cela facilitera vos démarches avec eux.
Et... Tenez-moi au courant de l'avancée de vos recherches. Comme vous avez pu le constater, les souvenirs s’entremêlent parfois et il se pourrait que des éléments me reviennent en mémoire à l'évocation de ce que vous pourriez découvrir.
Bonne chance, dame des Edain. »


Lilith se dirigea donc immédiatement, en sortant du palais de Gil-Galad, vers la demeure de celui que le roi des Noldor lui-même avait choisi pour confectionner ses vins. Gil-Galad ne s'était guère étendu concernant la description de l'endroit où elle devait se rendre. Si elle trouva aisément l'allée des vignerons, elle ne put deviner immédiatement dans quel bâtiment elle devait se rendre. L'ensemble de la rue était ornée de sculptures qui mettairnt à l'honneur les vignes et de nombreuses statues de marbre étaient sculptées tout du long. Certaines agrippaient des grappes, d'autre servaient du vin dans des récipients du plus fin des ouvrages. Par ailleurs, de véritables ceps de vignes étaient plantés en pieds des demeures et leur feuillage avait envahi l'ensemble des façades. Toutefois elles étaient si harmonieusement taillées par rapport aux sculptures qu'il semblait que les personnages de pierre avaient été conçus en tenant compte de la végétation qui viendrait les orner. Un travail tout à fait formidable. La fille d'Elendil s'avança dans la rue sans même s'en rendre compte mais sortant de ce rêve éveillé, elle commença à s'intéresser aux inscriptions gravées sur les porches et les arches qui marquaient l'entrée des constructions. Fort heureusement, elle maîtrisait à la fois le sindarin et le quenya. Et c'est le haut langage des elfes de Valinor qui revenait le plus souvent. Les inscriptions n'étaient rien d'autre que des prénoms associés à des bénédictions adressées à Yavanna Kementári (Palúrien), reine de la nature, des fruits et des arbres et compagne d'Aulë.
Elle trouva enfin une inscription qui portait le nom de Tolsan, à la suite de la bénédiction suivante : "Que mon labeur rende hommage aux innombrables fruits de la terre des Valar, dons de Yavanna Kementári aux premiers nés et à toutes les créatures qui portent en eux la lumière".
Elle se trouvait sur l'arche d'une grande porte en bois, à deux vantaux et arrondis. La demeure s'étendaient sur trois étages et la porte, ouverte, donnaient sur une petite cour intérieure aux allures de jardin royaux. Pourtant, il ne s'agissait que de vignes taillées avec le plus à l'image des elfes. Il n'y avait personne dans la cour, Lilith s'avança jusqu'à une grand porte vitrée, aux travers de laquelle elle put apercevoir un elfe, affairé avec des fioles de différentes tailles, au-dessus d'une immense table de bois parsemée de fruits. La pièce était très lumineuse, car elle donnait sur un autre jardin à l'extérieur, de l'autre côté, et de nombreuses ouvertures elles-aussi vitrées.

Après sa rencontre avec Gil-Galad, la fille d'Elendil put à nouveau s'émerveiller de l'artisanat elfique, de sa finesse et de sa profondeur en arpentant les rues de Mithlond. Ce ravissement se poursuivait alors qu'elle pénétrait dans la demeure de celui qu'elle était venu rencontrer. Une fois que Tolsan eut donné réponse à sa demande d'entretien, elle se présenta pour entamer la discussion

« Je vous présente mes hommages les plus respectueux Maître TolsanSi la formulation n'est pas correcte, n'hésites pas à corriger et me le signaler. L'idée est de taper au plus juste., je suis Lireliémiliath-Lorelenemilor Niénor mais vous pouvez m'appeler Lilith pour plus de commodités. Je viens à vous suite à mes échanges avec Gil-Galad. »

Elle lui tendit le parchemin remis plus tôt par le roi des Noldors tandis que Tolsan lui donnait également ses noms et titres comme il était de coutume avant de poursuivre.

« Je viens à vous en ce jour en tant que représentante des Edains et de mon père, Elendil. Comme vous n'êtes pas sans le savoir, mon peuple a l'intention de se ré-implanter dans les Terres du Milieu, à l'Est de votre royaume, et l'objet de ma venue ici est de savoir si nous pouvions arriver à amorcer des transactions commerciales via notre future place et vos propres fournitures.
En effet, nous souhaiterions savoir si les excellents breuvages que vous produisez, en cas d'excédent, pouvaient être acheminés jusqu'à nous pour que nous en assurions la redistribution auprès d'autres peuples de ces terres.
Bien entendu, il est à l'heure actuelle bien trop tôt pour envisager de démarrer de tels accords dès maintenant, mais notre regard doit se porter loin dans la temporalité pour pouvoir faire rayonner les produits de luxe de votre peuple plus loin qu'actuellement.

Je ne vous cache pas qu'après l'avoir gouté personnellement, votre vin ne peut pas être considéré autrement qu'un produit de luxe et dont nous serions honoré de pouvoir le servir aux invités de marque que nous ne manquerons pas de convier dans notre futur royaume une fois celui-ci établi.

Seriez vous d'une quelconque façon intéressé par un tel projet? »

Tolsan avait plus de traits communs avec Círdan le charpentier qu’avec le roi Gil-Galad, sans toutefois partager la carrure tout à fait unique du charpentier ni sa barbe, absolument singulière pour les sindar.
Ses cheveux étaient entièrement blancs, et ils reflétaient le soleil qui inondait largement la grande salle, dont les murs étaient couverts de gigantesques broderies mettant à l’honneur les travails du champs. Toutefois, les paysages n’évoquaient nullement le Lindon et même s’ils pouvaient faire penser à Valinor, Lilith se dit qu’il n’en était rien car en ce cas, les arbres perdus du continent immortel apparaîtraient en toile de fond comme c’était d’usage pour ce genre de représentation et ce, malgré l’amer souvenir que cela évoquait... Telperion... Laurelin... Lilith cru presque entendre un murmure lui souffler leur nom.
Mais la jeune femme sortit de ses pensées lorsqu’enfin, Tolsan eut achevé sa tâche et se retourna, puis se fendit d’une très cérémonieuse révérence en embrassant le dos de la main de la fille d’Elendil. Il resta figé quelques secondes presque ému.
« Ravi de vous rencontrer enfin, héritière d’Elendil l’ami des elfes. Un instant j’ai cru me retrouver face à Silmarien, fille aînée de Tar-Elendil, quatrième roi de Númenor. Vous partagez de nombreux points communs avec elle, décidément...
C’est un bien étrange tour que me jouent là les Valar. Votre peuple raffolait en ce temps des mets en provenance des sindar. Et, votre ailleule m’avait alors formulé la même requête. Il faut toutefois pouvoir supporter mes breuvages car, gare aux égarements qu’un palais non averti pourrait connaître. »
Il tendit la main en direction de 3 verres de cristal.

Le premier contenait un liquide aux reflets dorés. Le second était aussi transparent que de l’eau de source, le dernier avait une robe rouge sombre qui n’était toutefois pas opaque.