Sothor envoya les 26 hommes sélectionnés rejoindre Alman, le chef du village de pêcheur de Fordain, qui accueillit très favorablement la réponse du général. Voyant que celui-ci avait pioché parmi les plus robustes de ceux qui l'accompagnait, il offrit en présent une charrette remplie de vivre, du poisson séché essentiellement. Néanmoins, tout ce que les elfes préparaient avait l'apparence de la perfection et il y avait là de quoi prolonger d'une semaine, en se rationnant, la réserve de vivre de son groupe.

Sothor tira sa plus belle révérence en remerciement puis il se dirigea vers le chariot, sous bonne garde, dans lequel reposait son palantir. Il s'y installa en prenant soin de refermer les bâches et s'empara de l'objet. Il se remémora les consignes données par Fëaromen, ne sachant plus trop si elles étaient nécessaire pour une communication. Dans le doute, il prit soin de respecter la procédure qui lui avait été décrite.
Non sans une certaine appréhension, il apposa sa main sur l'objet lorsqu'il fut en place et se prépara à fournir le considérable effort mental qu'il avait déjà expérimenté à Mithlond. Et c'est très agréablement surpris qu'il constata qu'il n'éprouvait pas le même besoin de concentration pour utiliser la pierre en tant que vecteur de communication. Le monde réel se fondit autour de lui, à la manière dont les rêves vous gagnent lorsque le sommeil vous gagne, il se trouvait dans l'obscurité la plus totale. Pas un bruit autre que sa propre respiration. Aucune paroi autour de lui. Très vite, une lumière lointaine, comme une étoile unique illuminant un ciel d'un noir d'encre, scintilla.
Le général s'accrocha de tout son être à cette étincelle, il craignait de rester seul, prisonnier de cet endroit. Soudain, la lumière se rapprocha, lentement d'abord, puis à une vitesse vertigineuse. Était-ce lui qui se déplaçait ou bien elle qui venait à lui ? Sans point de repère alentour, impossible de le dire.
Et puis, soudainement, le roi se trouvait devant lui. Il lui plaça la main sur l'épaule et de son autre bras balaya les alentours. Apparurent alors murs, fenêtres et meubles, le tout en quelques secondes seulement. Sothor reconnut la pièce, il s'agissait ... Non cela ne se pouvait... du palais d'Andunië, le bureau personnel du roi, bordé de la plus haute terrasse donnant sur la baie aujourd'hui disparue.

Elendil ayant accueillit son général pour son rapport lui demanda simplement : « Cher Sothor, j'espère que mon choix du lieu de notre rencontre ne vous dérange point. Comment se porte le premier convoi? Pas de problèmes majeurs j'espère? »

Le général admirait les splendeurs du passé et cela n'avait pour seul effet de remuer la vase d'amertume dans laquelle il semblait être embourbé. Cela lui donnait surtout un regain d'énergie pour accomplir son actuelle mission. Il répondit à son roi avec son professionnalisme habituel.

« Mon roi, ce décor m'est très nostalgique et je ne puis qu'espérer que nous arrivions à faire resplendir les arts des Edains encore davantage que du temps de la désormais légendaire Numénor.

Ceci étant, pour en revenir à nos affaires actuelles, le trajet ne présente que peu de difficultés tant que nous restons sur la route de Bree. Le principal soucis qui pourrait nous nuire est la gestion de nos réserves de nourriture. Pour cela et le premier jour de marche, j'ai d'ores et déjà fait le nécessaire auprès du village de Fordain. Vous n'aurez qu'à y récupérer le fruit de leur pêches, que j'ai troqué contre les compétences d'artisanat de certains de nos concitoyens. Il faudra aussi que vous récupériez une vingtaine d'hommes et femmes qui seront là-bas pour y aider les elfes.

Ce sont là les faits les plus notables mon Roi. »

Elendil semblait satisfait du rapport de son général, mais il annonça néanmoins ce qui le préoccupait : « Très bien général, adressons le plus évident pour commencer ... à partir de maintenant vous maintiendrez un contact journalier juste après avoir monté votre camp pour la nuit, donc juste avant que la nuit ne tombent, avec Linfëa qui reportera toute informations utiles jusqu'à moi.
Maintenant, concernant vos efforts pour la nourriture, j'espère que vous avez vu juste et que les travailleurs que vous avez laissé dans ce village ne vous manqueront pas quand viendra le moment de construire les fondations et défenses de notre nouvelle cité si par malheur vous devez aussi faire face à l'ennemi ... je vous fait confiance sur ce point ; n'hésitez-pas à nous faire savoir si vous avez besoin d'aide.
Autre chose général? »

Le général prit une longue inspiration, ce qui lui permit de bien assimiler les informations et donner la meilleure réponse tout en étant la plus concise possible.

« Les hommes que j'ai mis à disposition du village elfique me rejoindrons bien vite, j'en suis persuadé. Ils sont motivés au maximum et empreints du meilleur esprit de compétition. Ils rejoindront votre convoi ou le suivant.

Et si cela peut garantir de la nourriture pour le futur des Edains, il n'y a pas à hésiter. »

Il marqua une courte pause, qui marqua l'intensité des choix qu'il faisait dans l'intérêt de son peuple.

« Je prendrais contact avec vous à l'heure dite. Très bien mon Roi. »

« Soit général, excellent travail jusqu'à présent, continuez dans cette voie et tout ira bien. » Dit Elendil succinctement.

7 Juillet 3319 SA

Six jours après le départ de Sothor, le dernier groupe prit enfin la route. Les soins qu'Ankhorn avait reçus avaient fait merveille et il avait obtenu l'autorisation de partir plus tôt qu'initialement prévu. Les quatre groupe d'Edain se suivaient donc à deux jours d'intervalle, sur la grande route de l'est qui menait des montagnes bleues jusqu'à Khazad-Dûm.
Grâce à la main d'œuvre prêtée par le général lors de son passage à Fordain, le premier village de pêcheurs après avoir quitté Mithlond, les provisions disponibles lorsque Sothor arriva au moment où il devait quitter la route pour suivre le fleuve Baranduin en direction du Nord, vers son embouchure, étaient encore d'une semaine.
Les 24 Edain qui avaient prêtés main forte aux elfes en échange de leur pêche rejoignirent le groupe de Valdae, tel que prévu.
Le trajet jusqu'à ce point critique fut une promenade de santé. La route était large et bien entretenue et personne n'osa importuner les convois lourdement protégés qui n'étaient d'autant plus pas monnaie courante. Les petits groupes de voyageurs quittaient la route, pour la plupart, dès qu'ils apercevaient l'étrange défilé.
Cependant dès lors que le général quitta la relative sécurité de la route, l'ambiance monotone qui s'était presque confortablement installée au cours des deux semaines qui avaient été nécessaires pour arriver jusque-là s'évanouit immédiatement. Il était bien plus difficile de progresser avec le convoi en dehors de la route, et le général constata bien vite que l'allure de ses hommes était tout bonnement divisée par deux. Mais surtout moins d'une heure après avoir prit le nord, il trouva fichée sur des piques, une rangée de tête plantées en guise de trophée ou d'avertissement. Des têtes d'hommes mais également d'orques, plus de la première fraîcheur toutefois.
Devant lui, la berge est du fleuve était bordée d'une grande plaine et d'après sa carte, le fleuve contournait plus au nord un mont, pas très haut d'après ce qu'il en voyait ; plutôt une colline, assez large d'ailleurs.

Le général appliqua la méthode la plus logique par rapport à ces nouvelles données. Il envoya quelques éclaireurs en amont mais Sothor n'était pas du genre à donner des ordres de cette dangerosité sans avoir eu à tâter le terrain.

« Handor! Vous allez me suppléer pendant quelques heures. Il faut faire avancer le convois sur les traces que nous allons vous laisser.

Que les six rodeurs d'Ankhorn les moins fatigués ainsi que Tildael et deux des siens se joignent à moi. Nous partons tous les dix en reconnaissance.

Dès que nous serons prêts, je vous donnerais les consignes pour nous suivre et le montage du camp »

Une fois que les hommes qu'il avait mandé furent près de lui, il s'équipa de pied en cap avec l'aide d'Handor, à qui il délivrait ses consignes.

« Vous allez continuer à un rythme aussi régulier que possible. Avec le groupe des éclaireurs, nous allons essayer d'aller au plus vite et de revenir. Tous les deux cents pas environs, nous vous laisserons des marques sur les arbres; un trait horizontal pour dire de continuer, deux pour dire de se méfier, trois pour s'arrêter. Si vous voyez un cercle, c'est qu'il faut rebrousser chemin, et un carré qu'il faut établir le campement. C'est bon pour vous? »

Une fois que son lieutenant eut assimilé ces consignes simples, il s'adressa aux elfes et aux rôdeurs.

« Vous l'aurez donc compris, notre mission est donc de trouver dans un premier temps un lieu pour établir un campement, dans un lieu le plus sécurisé possible. Dans un second temps, une fois que nous l'aurons marqué pour que les autre puissent anticiper, nous poursuivrons notre exploration, en cercle à partir du lieu de campement futur pour vérifier s'il n'y a pas d'ennemis alentour.
Pas d'attaque. Ou alors après un minimum de préparation, et contre des ennemis inférieurs en nombre et dont nous serons sûrs que l'absence ne déclenchera pas l'ire des peaux vertes à notre égard.
C'est clair pour tout le monde? L'objectif est de trouver un emplacement sécurisé pour un campement d'ici ce soir entre notre position actuelle et à un lars au maximum.

Toujours par trois pour l'exploration, deux rôdeurs et un elfe, deux devant pour les découvertes et avancées, un autre dix pas derrière pour la couverture. Je serais au centre de la formation, pour assurer la communication et la bonne coordination de tous. Travaillons ensemble et en sécurité. Je vous rappelle que nous sommes l'avant garde d'un peuple qui peut s'éteindre si nous faillissions.

Vous avez des questions? »

Hommes et elfes acquiescèrent sans dire un mot. Tildaël encra ses yeux dans ceux du général, et bien que son expression ne changea point, Sothor pu sentir dans son regard qu'il approuvait la marche à suivre, ainsi qu'une pointe d'étonnement.
Le capitaine elfe intervint :
« Il existe de nombreuses communautés d'hommes dans toute cette région. Cela a de quoi étonner étant donner la proximité des gobelins, je vous l'accorde. Nous ne savons que bien peu de choses à leur sujet car ils nous évitent presque autant que les peaux vertes, de nombreuses légendes circulent à notre sujet dans les peuplades sauvages. Il serait étonnant que nous les rencontrions. Ils vivent cachés, ils excellent dans l'art de se dissimuler et de fuir. Ils nous auront probablement repérés depuis longtemps. Mais qui sait ? Ce sont probablement des membres de ces petits campements qui ont été tués par les orcs, je veux parler des têtes que nous venons hélas d'apercevoir. Les orcs patrouillent dans cette région, mais je ne vous apprends rien. Allons ! »

Les 10 éclaireurs se mirent en route promptement. Les elfes allaient bon train et sans bruit. Les rôdeurs parurent moins surpris que Sothor de constater que les premiers-nés ne laissaient aucune trace dans leur sillage, malgré leur taille imposante. Les hommes d'Ankhorn était également très discret, et il sembla à Sothor que leur démarche essayait de se calquer sur celle des elfes. Il essaya de prendre le pli et se rendit rapidement compte que l'exercice n'avait rien d'aisé quand il s'agissait de l'appliquer en permanence. Pendant la moitié de la journée, le groupe ne rencontra aucune menace, ni âme qui vive en dehors de la faune, très présente en revanche. Écureuils, lièvres, renards, quelques ours, mais aussi quantité d'oiseaux et de reptiles en tout genre. L'endroit pourrait s'avérer riche pour qui savait cultiver la terre. Une terre brune dont la végétation recouvrait la moindre parcelle.
Après le bivouac, de la mi-journée, auquel les elfes ne prirent pas part - se nourrissaient-ils seulement ? - le groupe repartit. Finalement, Tildaël pointa du doigt 3 points à l'horizon. Deux indiquaient les rives du Baranduin, un autre l'est, à l'opposé.
« Voyez, ces légères fumées qui se dégagent de ces huttes là-bas. Il s'agit très probablement des communautés dont je vous ai parlé. Des pêcheurs et des chasseurs cueilleurs, pour ce que l'on en sait. A la fin de la journée, nous nous trouverons à mi-chemin de la colline au nord. »
Les Edain avaient heureusement hérité de leurs ancêtres elfes leur excellente vue ; Sothor réussit à légèrement apercevoir les trainées aux endroits indiqués, mais point les huttes qui se fondaient entièrement dans leur végétation environnante...

Le général appréciait d'être entouré de gens aussi compétents dans cet instant crucial. Pour ne pas risquer de les faire surprendre, ces paroles furent concises

« Je les voient à peine mais soit. Nous avions connaissance de ces communautés. Nous les associerront à notre future purge des gobelins. Mais pour l'instant, ne soyons pas hostiles avec eux. Ils ne devraient pas empêcher le reste des troupes de passer. Ni de prévenir les orcs de notre présence.

Poursuivons prudemment notre reconnaissance.  »

Et il se préparait à reprendre la route quelques heures avant de rebrousser chemin.

Tildaël acquiesça sans grande conviction :
« Peut-être aurez-vous moins de mal que nous autres à établir un lien avec eux. Cela dit, pas sûr qu'ils soient en mesure de vous fournir une aide dans la guerre contre les peaux vertes, en tout cas pour ce qui relève des assauts. »

Les éclaireurs se remirent en route. A la fin de l'après-midi, ils atteignirent sans rencontre désagréable une petite forêt. L'endroit était propice à l'établissement du campement. Sothor appliqua son plan à la lettre, en inscrivant plusieurs carré à l'entrée du petit bois. Lui et ses hommes avaient minutieusement parsemé les arbres sur le trajet des repères qu'il avait convenu avec Handor.
Puis les 10 hommes et elfes se séparèrent et partirent chacun dans une direction, les uns au nord, les autres à l'est et à l'ouest de la position, pour reconnaître en profondeur les alentours. Ils ne firent que confirmer ce que les elfes avaient pu voir plus tôt. Sothor aperçu enfin de ses yeux les petites huttes des campement à l'est et au nord ouest.Des orcs, ils ne trouvèrent que des empruntes, plus toutes fraîches, qui avait souillaient la terre sur leur passage. Les empruntes remontaient vers le nord.
Au bout d'une heure, tous rebroussèrent chemin pour retrouver l'endroit où le campement devrait être établi. Handor arrivait au loin et le général pu prendre la main sur la constitution du camp.

Sothor était satisfait de ce premier jour, mais il savait aussi que les difficultés iraient croissantes. A la fin de la journée, il prit à partie les 9 hommes qui avaient accompli la reconnaissance avec lui afin de donner les consignes pour le lendemain.

« Demain, nous répèterons le même schéma qu'aujourd'hui avec la nuance suivante. Notre groupuscule le plus rapide devra aller le plus à l'ouest de la ligne de marche pour en savoir plus sur la rivière. Il y a t-il des gués ? Est-ce une position facilement attaquable ou défendable ? Il nous faut le déterminer pour évaluer les risques d'attaque éventuelle. En fonction de cela, nous dévierons plus ou moins de notre itinéraire prévu pour être le plus en sécurité pour les gros convois.

Tildael, peut-être avez vous ces informations en votre possession, ce qui nous éviterait cet effort.  »

Tildaël hocha la tête :
« Certes, je peux d'ores et déjà vous dire que nous avons traversé le seul pont qui permet de franchir le Baranduin. A ma connaissance, il n'existe pas de guet hormis aux abord du Lac Evendim, à l'amont, où celui-ci n'est encore qu'une petite rivière. Néanmoins, qui sait si les orcs ont trouvé un autre moyen de le traverser ? Quant aux abords du fleuve, hormis lorsqu'ils sont surplombés par la grande colline que nous apercevons au nord et de laquelle peut surgir une embuscade, ils offrent le même niveau de sécurité qu'ailleurs en ces terres. Ha et bien sûr, le fleuve est par endroit au beau milieu de la forêt, auquel cas, je ne sais pas s'il sera possible de les traverser avec les convois. »