Ouf ! En galant – et bel - homme, Laurel ne tenait pas rigueur de leur rencontre de la veille.
Elle attendit que les chevaux aient pris une distance suffisante pour que ceux de devant n’entendent pas le fond de la discussion qu’ils allaient avoir.

Enfin, gênée, rougissante, après avoir dégluti plusieurs fois et enfin choisi comment faire ses phrases, elle se lança.
« Tu sais… hier soir… enfin, j’étais… heu… d’habitude, je ne suis pas comme ça. » Evidemment, ce n’était pas du tout les phrases qu’elle avait préparé. « Alors, t’es un beau garçon, mais… heu… ce n’est pas du tout ce que je voulais dire. En fait… mais si. Mais… heu… ben » Chorune n’avait plus besoin de creuser un trou pour s’y enterrer, tellement elle avait l’impression de s’enfoncer. « Je… je voudrais bien que tu m’excuses, quoi. »
Voilà, c’est dit !
Elle regarda le barde, le souffle coupé, attendant sa réaction.

Après un bref moment de silence mêlé à un regard stupéfait, Laurel rit aux éclats. De façon brève, mais efficace.
Très vite il se repris afin de ne pas indigner son interlocutrice. « Tu n'as pas besoin de t'en faire pour ça, vraiment. Mais si tu y tiens alors oui, tu es toute pardonnée. »
Amusé et touché par l’innocence de la jeune femme il essaya de la rassurer. « Les soirées comme celle d'hier ont toujours leur lot d'alcool, et de personnes qui s'y abandonnent. Je serais moi même bien mal placé pour juger cet état, pour mon plus grand bonheur j'ai moi aussi quelques nuits à mon actif où mon comportement aurait pu en froisser plus d'un. Mais ceux qui en parle avec véhémence ne sont que de pauvres bougres jaloux de ne pas pouvoir s'autoriser à en faire autant. La seule raison pour laquelle j’essaie de réprimer cette ivresse est qu'avec elle mon archet ne frotte plus les cordes avec autant d'habileté. » Alors qu'il terminait, un sourire bienveillant passa sur son visage.
« Est ce là tout ce que tu avais me dire ? »

Amusée, Mérisiel se hasarda à une question à Aldern ...« Laisseriez-vous entendre que chez cette Dame ce qui la stresse doit être immédiatement abattu
et que si elle démolit ainsi avec des remarques assassines tout ce qui cloche chez son hôte c'est ... par angoisse ? »

Chorune était soulagée : Laurel ne lui en voulait pas du tout.
Mais, avec une mauvaise foi toute féminine, elle en fut aussitôt déçue. Il riait ... parce qu’il n’avait rien remarqué de particulier, la veille ? Comment ça, elle pouvait se pavaner devant monsieur-beau-gosse, ça ne lui faisait rien du tout ? Il y a tellement de fille qui font pareil devant lui que ça lui parait normal, au bellâtre ? Et pis d'abord, qu'est-ce qu'elles ont de plus, les autres ? Humpf ! Quel mufle !
Amère, elle répondit sêchement. « Oui. C’était tout. »

Laurel avait vu défilé assez de visages et d'expressions pour comprendre qu'il y avait quelque.
« T'aurais-je froissé Chorune ? » Il prit garde de ne pas laisser les deux juments trop s'éloigner l'une de l'autre.
« Je n'ai pas ri par méchanceté tu sais ? Plutôt parce que je trouve ta façon d'être touchante. J'ai vécu au milieu de gens... »
Il s'arrêta de justesse Encore un peu et je risquais de me trahir. Ameiko semble être au courant c'est déjà bien suffisant
« ... Je veux dire, la grande majorité des personnes que j'ai croisé passe leur temps à mentir, se cachant derrière un masque. » Je fais d'ailleurs surement parti de ces personnes « Aussi, discuter avec toi fait du bien. Tes réactions sont étonnement honnêtes et une conversation est bien plus agréable lorsque l'on a pas à douter de celle à qui on parle. »

Bien qu'il mourrait d'envie de commencer à recruter ces aventuriers en devenir, Laurel préféra d'abord savoir pourquoi Chorune s'était mise à faire la moue. D'expérience, il pouvait affirmer qu'une femme rancunière est bien plus dangereuse qu'un homme.

Laurel avait failli dévoiler plus de son cœur, mais s’était arrêté au dernier moment. Chorune y devina une faille, un regret, quelque chose qui donnait plus d’épaisseur au barde que la personnalité de beau parleur qu’il affichait. N’avait-elle pas, elle aussi, quelque chose à cacher ? Elle en fut touchée.
Les accents de sincérité de Laurel eurent tôt faits de retourner le cœur de la belle. Ne venait-il pas d’avouer qu’il la trouvait différente des autres filles ? Et il l’avait trouvé « touchante ». C’est bien, ça ? En tout cas, il se décidait enfin à lui reconnaitre quelques qualités.

Se forçant à ne pas trop sourire, mais n’y arrivant pas vraiment, combattant le rouge qui venait à ses joues, elle passa sa mèche rouge derrière son oreille d’un geste lent, avant de répondre maladroitement.
« Merci, pour les compliments. Et bien, discutons, alors… »

Laurel ne put s'empêcher de penser qu'il l'avait échappé belle.

« En fait, j'aurais aimé discuté de ça le jour où je suis arrivé en ville, avec tout le reste de ton groupe. J'ai entendu parler de votre fait d'arme, j'ai moi même rencontré quelques gobelins sur les routes, et je sais que les chasser n'est pas la tâche la plus facile qu'il y est, alors en tuer un bon nombre je n'en parle même pas. »
Laurel pris une inspiration et ce lança. « Je faisais parti d'une caravane itinérante à la base, c'est eux qui m'ont tout appris, ou presque. Et j'ai finalement décidé de les quitter, pour découvrir le monde par moi même en leur faisant une promesse. Et c'est là où vous intervenez. Je leur ai promis d'écrire une épopée qui mêlera à la fois drame, comédie et aventure épique, ponctué de luttes contre le mal et de donjons lointains. » Il fit une courte pause en espérant avoir amusé Chorune.
« Je suis on ne peut plus sérieux, je souhaite m'entourer de personnes douées et dignes de confiance qui voudraient se lancer à l'aventure à mes côtés. Je ne sais pas où cela nous conduiras, mais à termes nous serons cités dans les légendes comme ayant marqué ce monde à jamais. » Alors qu'il déclamait sa dernière phrase, son regard se perdit dans le bleu du ciel et il affichait un air à la fois songeur et serein.
Reprenant un peu ses esprits, il continua sur un ton plus terre à terre. « Alors qu'en dis-tu ? Tu voudrais te joindre à moi pour parcourir le monde ? » Cette déclaration pouvant être mal interprétée, comme nombre de ces précédents dires, il s'empressa de rajouter en balbutiant légèrement. « Nous ne serions pas les seuls bien entendu. Je suppose que tes amis seraient également intéressés par cette affaire. Tout du moins j'espère qu'ils voudront au moins l'entendre. »

« Une épopée… se lancer à l’aventures… cités dans les légendes… » Chorune répéta quelques-uns des mots de Laurel, pour bien s’imprégner de leur signification.
Elle pouffa quand il prit son air inspiré en regardant le ciel. « Excuses-moi » Elle ne voulait pas éclater de rire : Il était si beau, dans son délire !

Ce qu’il y avait de très positif dans le rêve du Barde, c’est qu’il lui demandait de partir avec lui, sur les routes, à l’aventure. Elle n’en entendit pas la suite : Pour elle, le bel homme était en train de lui avouer sa flamme. Le cœur de la belle se mit à battre à tout rompre. C’était la première fois qu’un homme lui demandait une chose pareille, dans de telles formes.
Sa première réaction aurait été de lui sauter au cou. Heureusement, ce mouvement était malaisé à cheval, ce qui limita son impulsion. Et lui permit deux secondes de réflexion.
C’est un peu rapide, quand même trouva-t’elle finalement.
« Oui… heu… Enfin… on ne se connait qu’à peine… Il faudrait que je te présente à mon oncle, avant… »
Sa raison reprenant peu à peu le dessus, elle s’interrogea sur la quête en question.
« Mais… il faut faire quoi, pour marquer le monde à jamais ? Ca prend beaucoup de temps ? Parce qu’il faut s’occuper des bêtes, rentrer les foins, il y a du travail à la ferme, je ne peux pas laisser maman comme ça… »
Elle avait l’impression d’être ridicule avec ces paroles, mais elle ne pouvait laisser passer ces préoccupations.

« C'est pour cela que je souhaite en discuter avec tout le monde au préalable. Prendre du temps, ça oui. Si vous choisissez de prendre la route avec moi, notre chemin nous mènera hors de ce pays, au travers des continents et peut être même des plans. Ce sont des terres inexplorées qui nous attendent, à la fois belles et dangereuses. » Se secouant la tête discrètement pour se recentrer, il continua.
« Voilà que je recommence à m'égarer. Pour répondre à tes questions le plus simplement possible, pour marquer le monde, il faut se surpasser et surpasser ceux avant soit. Cela ne se fera pas sans mal et surtout pas de suite, mais commencer par sécuriser votre village en faisant fuir les gobelins y ressemblerait. Sauf que cet évènement ne marquera que votre village et peut-être la région. Pour que des exploits se répercutent à travers le monde, il faudrait au moins sauver un pays entier d'une menace bien plus grande que de simples gobelins. » Ces mots le firent sourire.
« Et pour ce qui est du temps, c'est toute une vie qu'il faut y consacrer. Bien sur, cela ne demande pas vraiment toute notre vie, nous pourrons toujours revoir ceux qui nous sont cher et retourner de là d'où nous venons... » En prononçant ces paroles il eût un pincement au cœur, Tu me manque chère sœur, mais n'en laissa rien paraître « ... Nous aurons aussi du temps libre, surement à n'en plus savoir qu'en faire par moment. Mais ce qui me tiens le plus à cœur c'est de pouvoir éprouver quelque chose qui est interdit à beaucoup : être libre. Je veux me moquer des lois et des rois, aller où cela me chante, vivre comme je l'entends. »
Après avoir fini sa tirade, Laurel rougit légèrement. « Ce ne sont pas des paroles dignes d'un adulte responsable » dit-il sur le rigolade. « Mais c'est pourtant bien comme ça que je compte vivre. Seulement vois-tu, la solitude ne me sied guère, et m'approcher de créatures féroces non plus. Aussi, c'est pourquoi j'aimerai que tu m'accompagnes. Les autres également d'ailleurs, mais certains me paraissent assez réticent. » Pour ne pas dire qu'Héléa me fait frois dans le dos.

« Hi hi! » Chorune mit sa main devant sa bouche pour tenter de masquer le petit rire qui l'avait pris. Laurel était manifestement un rêveur. Un beau rêveur, certainement un rêveur gentil, mais un rêveur. Chorune craignait d'être trop terre à terre pour l'accompagner.

Un souffle d'air fit virevolter quelques cheveux, et la mèche couleur sang passa en travers de son regard. La jeune fille l’attrapa, et en la frottant entre ses doigts, pensa à son origine.
L'un de ses ancêtres avait marqué les terres de Varisie à jamais, déjà. Le monde en était-il meilleur ? Le monde en était-il plus beau ? Que restait-il de la mémoire de ce sorcier ? Marquer le monde de cette façon était-il bien ?
Le sourire de Chorune disparut. Laurel sentit comme une tristesse venant de la jeune fille.
« La plus grande des héroïnes, c'est ma mère, d'avoir élevé une fille comme moi. Et elle n'a pas eu besoin de parcourir le monde pour ça. On rejoint les autres ? »
Sans attendre, Chorune fit avancer sa monture pour revenir au niveau de Béorn et d'Ashley.
Ayant pris quelques pas d'avance, elle se retourna sur sa selle. Son sourire était revenu. « Tu viens? »

Laurel ne comprit pas vraiment la réponse de Chorune. Il était évident, vu l'air triste qui avait marqué son visage, qu'elle venait de penser à quelque chose qu'elle gardait secret. Mais cela faisait maintenant une journée qu'à chaque fois qu'il avançait le sujet, les réponses restaient évasives.
Peut-être est-ce ma faute. Après tout il faut bien avouer qu'avec leur attitude plutôt rustre, il pensa à Chorune et ingénue, ils n'ont pas grand chose de noble. Quand à ce qu'il en est de leur âme, encore faut-il qu'ils viennent à la dévoiler devant moi. Ce jeu commencé lentement à saper ses forces.

Avançant juste derrière Chorune, il rattrapa le groupe. Voyant qu'une conversation avait déjà lieu, il tint sa langue et attendît un moment opportun pour leur parler à tous.

Laurel afficha un sourire convenu et répondit « Ce n'est pas à moi qu'il faut poser la question, je suis arrivé après le raid gobelin justement dans le but de recruter les dits héros. »
Il fit avancer sa jument jusqu'à se retrouver aux côté d'Aldern. « Il y a un projet que j'aimerai mener à bien, et seul cela me serait impossible. »
Comme il finissait sa phrase, il se tourna vers le reste du groupe en espérant en apprendre un peu plus sur eux.

« L'Héroïsme c'est sympa ... C'est pas ça qui nourrit tous les jours, mais ça émoustille ... » avant de se retourner vers Aldern avec un sourire espiègle :
« Vous connaissez le dicton, « Qui a une maison, n'en a qu'une ; qui n'en a pas, en a cent une. », n'est-ce pas ? Je crois que j'ai un peu plus de 101 maisons ...
Avant de venir à Pointesable je suis passée par Port Énigme, ... mais avant ... la vie d'une elfe peut être fort longue ... ou fort courte ... selon le point de vue ... »

Ashley profitait pleinement de cette balade.
Elle s'adressa à son voisin qui semblait un peu moins détendu :
« tout va comme vous voulez Beorn ? »

Chorune rit à la demande d’Aldern. « Ho ben… Pointesable ! Je suis née dans la maison de mon Grand-Père, Salfon Camovar. Vous le connaissez peut-être, il a été un grand général. »