Les quatre compères étaient donc face à la célèbre tour de métal scrutant les lieux et dévisageant les gens en espérant un signe du destin.

Celui-ci tardait à venir : pas de cataclysme, d'ouragan, de personnages étranges, d'intervention féérique, de complot... qu'un banal défilé de promeneurs, touristes et autres quidams traversant le parc sans leur accorder la moindre attention.

Jusqu'à ce qu'un homme venant à leur rencontre ne lève les yeux au dernier moment de son smartphone pour éviter de leur rentrer dedans.

Une petite taille (1m50), une large carrure, une barbe légèrement grisonnante, des yeux verts très (trop) clairs, un imper noir et un chapeau à large bord faisait de lui un personnage dénotant du commun des passants.
Peut-être n'était-ce là que le fruit du hasard et de leurs imaginations qui cherchaient un événement à se mettre sous la dent mais la façon qu'il avait eu de stopper sa route marquait clairement qu'il avait été surpris.

Reprenant constance, il esquissait déjà l'intention de reprendre son chemin.

Alors que l'homme s'apprête à reprendre sa route, quelque chose au fond d’Éloïse se tord. Vous voyez la sensation que l'on ressent quand on est en train de rater une marche et un battement de cœur tout à la fois? Eh bien c'est exactement cela.
« Vous aimez les tomates? »
La question, incongrue, avait jailli sans préméditation. Ça ou autre chose...

« Heu! Si j'aime les tomates ?
Vous vous foutez de ma gueule ? »
Lâcha-t-il dans un Français parfaitement maîtrisé mais avec un fort accent anglais.

Surprise par la réaction agressive de l'homme, la jeune femme recule d'un pas qui la ramène parmi ses nouveaux camarades. Elle serre fort les poignées du sac en tissu pendu à son épaule. Son regard papillonne à gauche, à droite et vers le sol tandis qu'elle balbutie une dénégation.

Daren, tenta de venir au secours de son amie. Tel un preux chevalier... vêtu de noir.
« Veuillez l'excuser... sûrement une réplique d'un film que personne n'a jamais vu, lancé avec humour par réflexe pour illustrer notre situation.
Mais bon... nous n'avons pas tous le même humour ni forcément les mêmes références ou repères culturels. Hé-Hé... »

La jeune femme rougit un peu plus mais n'ose pas justifier son entrée en matière.

Avec un très amène sourire, le parisien du groupe se porta à son tour, au secours de la jeune provinciale pour s'avancer vers l'inconnu en s'exclamant joyeusement :
« Ha ! Étrange homme ! Vous avez une parfaite connaissance de l'argot "frenchy" et ses formules discourtoises, malgré votre reconnaissable accent "british" signant double appartenance, si ce n'est plus... !
Je suis Albert Pierrotte, et vous me voyez enchanté de cette rencontre surprise ! Bienvenue sur le Champ de Mars, hors de tout bellicisme, fut-il médiéval ou bien plus ancestral, Monsieur... ? »
Il tendit chaleureusement sa main pour "secouer" celle de l'autre et le saluer en cette occasion.

Un rapide coup d’œil avait permis au petit trapu d'estimer qu'il ne pouvait raisonnablement pas rompre la discussion sans passer pour un goujat.
Il reprit donc d'un ton agacé avec son accent caricatural en serrant la main droite d'Albert :
« Dan Wallas, curieuse rencontre en effet. »
Visiblement, il réfléchissait à la façon d'esquiver cette entrevue.

Pendant que les deux hommes échangent une poignée de main, Éloïse détaille l'inconnu à la recherche d'une chevalière ou d'un autre ornement pouvant correspondre à une pierre philosophale.

Pendant que la verve d'Albert occupe l'attention de l'inconnu, avec un jeu de regards Daren essaya d'attirer celle d'Éloïse sur la poche dans laquelle l'homme dissimule sa main gauche.

Déjà occupée à fixer la poche de l'homme, Éloïse remarque avec un temps de retard les gesticulations oculaires de Daren qui manquent de la faire pouffer. Douze idées improbables ont déjà fait leurs chemins dans sa tête pour faire sortir à l'homme sa main de sa poche. Aucune n'est vraiment réalisable... à moins que ? Elle sort de son timide retrait et tend sa main gauche vers l'homme. « Éloïse Doutreval. »

L'homme qui disait se nommer Dan Wallas, lâcha la main d'Albert pour se tourner vers Éloïse la main droite en avant avant se rendre contre de l'incongruité de la situation.
À regret (enfin semblait-il), il sortit sa main gauche pour serrer celle que la demoiselle lui tendait et hocher la tête en signe de salut.
Il recula ensuite d'un pas pour se replacer à une distance qui semblait mieux lui convenir tout en remettant sa fameuse mimine dans sa poche.

Toujours à la recherche d'une esquive, il dit :
« Bien, si vous voulez bien m'excuser. »
Joignant le geste à la parole, il toucha son chapeau à large bord (de sa main droite bien sûr) en signe de salut et entreprit de vouloir poursuivre son chemin.

Sous les regards médusés de nos quatre compères, le petit homme avançait nerveusement dans la direction opposée à celle de son arrivée.

il ne faisait pas doute qu'il sentait les yeux le suivre et qu'il ne serait pas long à se retourner...

La main étant libérée, le bonhomme n'ayant manifesté qu'une ostentatoire envie de se carapater, et ses compagnons alentour n'ayant rien fait pour le retenir, Albert se contenta de le regarder partir avec un amène sourire, le saluant d'un :

« Bonjour chez vous ! »

Éloïse regarde partir l’acariâtre petit homme. Elle se dit qu'elle aurait peut-être du utiliser son don lorsqu'elle avait serré la main de l'homme. Mais la peur que ce soit perçu, et de plus perçu comme un acte hostile, l'avait fait s'abstenir. « What do you have in your pocket? » Murmure-t-elle dans le vent.
La jeune femme se tourne vers ses compagnons et pointe un doigt décidé. « Bon on y va à cette tour Eiffel? » Elle n'est pas bien sûre que tout cela ait encore un intérêt par rapport à sa vision mais... elle n'y était jamais allé alors autant en profiter!
Tandis qu'ils tracent leur chemin, elle leur explique la raison de sa venue à Paris. « Avez-vous déjà été ou entendu parler de la bibliothèque du jardin de l'église Saint Eustache? C'est Justin qui m'en a parlé et c'est pour elle que j'ai décidé de passer de week-end à Paris. »

Albert acquiesça avec un large sourire :

« Allons-voir cette aïeule et néanmoins demoiselle, que Rodolphe aurait certainement voulu connaître ! Peut-être eut-il prolongé son éphémère passage au XIX° siècle, s'il avait eu vos facultés d'anticipation, Eloïse ! Rater tout le vingtième siècle ne pouvait être un choix... éclairé !
Et maintenant que n'est plus là votre objectif, pouvez-vous nous dire pourquoi vous intéressiez-vous aux préférences culinaires de ce Dan Wallas ? »

« Il dissimulait très probablement quelque chose dans sa poche, mais cela n'avait peut être aucun rapport avec nous.
Ce nouvel univers étrange dans lequel nous venons de plonger nous rendrait il paranoïaque ?
Peut être n'était il qu'un simple dealer cachant son produit ou un pickpocket masquant le fruit de son délit.

Un Pickpocket !? » Réagit soudainement Daren.
« Vérifiez tous que rien ne nous manque.... » Ajouta-t-il en le faisant lui-même.
« Il n'a pas eu le temps ni souhaité s'approcher trop près, mais on ne sait jamais. »

Daren examina avec empressement le contenu de ses poches mais rien ne semblait manquer.

Ses comparses gagnés par ce subit doute, firent de même pour arriver à la même conclusion lorsque...

La jeune femme rougit de nouveau. « Ah hum... C'est tout ce que j'ai trouvé sur le moment. En fait j'ai apporté des plants avec moi. Pour payer les services de cette bibliothèque dont je vous parlais. Mais comme au final j'ai payé en liquide, j'ai toujours mes petits avec moi. » Tout en expliquant, elle fait précautionneusement glisser le tote bag de son épaule et l'ouvre de façon à ce que tous puissent admirer les vigoureuses tiges velues qui y reposent. Un sourire tendre s'étale sur ses lèvres. « Ce sont des tomates cerises. Je les ai fait pousser moi même! Si vous en voulez, elles seront pour vous. »

Éloïse vérifie son sac également, sans grand enthousiasme. « Il n'a bousculé que toi Daren, si tu n'as rien perdu alors ça devrait être bon. »