Chorune, toujours recroquevillée, secoua la tête en pensant au langage qu'elle avait utilisé quelques jours plus tôt, alors qu'elle était sous l'emprise de son ancêtre. Une langue maudite qu'elle ne comprenait que trop bien.
« Non, je ne connais pas cette langue. »

La guerrière se releva, les yeux embués. Elle respira fortement pour faire partir les dernières émotions liés au combat précédent. Pas le moment de perdre pied... Elle se rappela le début de ce combat, comment elle avait échoué à rester discrête, comment elle avait presque averti ces gobelins de leur arrivée. Pas terrible...
« Bon, on continue ? Qu'est-ce qu'on fait de celui-là ? » Une voix maudite résonna dans son esprit : Et tu poses la question ? Yark yark yark.

D'un geste expert, Herk'lachner étrangla le gobelin avec la lanière de son fouet.
Nulle cruauté dans ce geste, seulement son instinct de survie.

« Trop risqué de le laisser derrière nous, dit-il d'une voix laconique. »

« Hey! Stop! Arrêtes ça! »

Helea leva son arme et la pointa sur le demi orque. Si elle comprenait la nécessité de s'assurer que le gobelin ne soit pas une gene, la strangulation était l'une des pires morts qui soient. Il y avait d'autres moyens et le tuer n'était même pas nécessaire...

Nakan n'intervint pas. Le demi-orque le mettait mal à l'aise, mais il n'avait pas d'avis sur la méthode pour tuer un gobelin et ceux-ci étaient irrémédiablement mauvais et pyromaniaques.
Du coup ... difficile de donner tort à Herk'lachner, même si briser le cou aurait peut-être été moins douloureux. Ou au moins plus rapide.

Herk'lachner arrêta son geste.

« Si tu veux, mais tu nous mets en danger.
Je voulais faire ça proprement et rapidement.
Si vous préférez répandre ses tripes à tous vents comme avec ses frères, libre à vous; »

« Rapidement? On meurt rapidement étouffé ? Tu sors de ta cambrousse ou quoi, pour croire ce genre d’âneries? Ou alors, on t'a jamais étranglé que dans la chambre a coucher et la, ça devient intéressant maaaaiiisss c'est pas vraiment le moment de discuter de ça. Mais plus tard, on y reviendra. »

Helea s'approcha du gobelin et fit ce qu'elle avait a faire. A savoir l'assommer et le ligoter.

« Si on fait chou blanc aujourd'hui, on pourra toujours l'interroger en ville. Avec quelqu'un capable de comprendre, ça pourrait être utile. Tu vois, chou, on remet juste ton idée a plus tard. »

Avec habileté, la prêtresse prit donc sa corde et l'enroula autour du cou du gobelin avec un noeud coulant puis rejoignit les jambes du petit vert, les repliant pour ensuite enrouler la corde autour des chevilles puis repartir sur le torse, bloquant les bras le long du corps avec une corde bien serrée mais pas trop. Suffisamment pour restreindre, pas assez pour blesser, comme elle l'avait appris il y a longtemps, dans une autre vie. Pour finir, elle cala quelque chose dans la bouche du petit vert pour l'empecher de hurler.

« Et voilaaaaa. Ficelé comme un rôti. J'ai gardé la main, on dirait. Joséphine, tu poses une question, je te casse la mâchoire. »

Le demi-orc avec regardé Helea sans broncher.

« Dans ma cambrousse comme tu dis, j'ai appris à étrangler vite, bien et en silence.
C'est pour cela que je suis encore en vie. »

Herklachner replia son fouet et le garda comme arme, la végétation l'empêcherait d'utiliser son arbalète.

« Ils sont affamés et se battent entre eux.
A priori, votre victoire à Pointesable a foutu le bordel dans leurs rangs. »

« Ha non mais ho ! » Chorune réagit à la tentative d’étranglement du demi-orque. Comment s’appelait-il, déjà ? Herk quelque chose.
« Bonté de Sarenrae ! Ca ne se fait pas de tuer pour rien ! Et puis, qui sait ? Peut-être qu’en ne le tuant pas, il se mettra sur la voie de la rédemption... »

Grâce à l’action d’Héléa, le sort du petit vert semblait suspendu au moins jusqu’au soir. Chorune, lunatique, toujours torturée par son démon intérieur, se désintéressa de la question.
« Ils ne se battent pas entre eux parce qu'ils sont affamés. On a compris depuis quelques jours qu'une des tribus gobelines avait un nouveau chef, qui arrivait à la discipliner. Cette tribu écrase les autres. »

« Allons-y. »
Chorune, remise, reprit la direction des opérations. Personne ne lui ayant contesté l’honneur d’être en première ligne, entrainant le reste de l'équipe derrière elle, la guerrière s’élança vers la porte au Nord, cherchant à voir ce qu’il pouvait y avoir de l’autre côté.

Mérisiel se repositionna pour continuer à couvrir les arrières du groupe quand les uns et les autres entreront par cette porte.

Herk'alchner suivit la jeune furie, se positionnant légèrement en retrait pour vérifier que nul ne les prenne à revers depuis la petite clairière.

Chorune recula d’un pas. La chute de cette hauteur de la falaise aurait été mortelle.
« Il y a une passerelle, là-bas » remarqua-t’elle. « Il faut revenir sur nos pas, et partir vers la gauche » fit-elle, en indiquant la direction de l’Est.
Elle repassa devant tous ses compagnons pour rejoindre Shallelu, déjà placée dans cette direction. « Le pont est par là... » précisa-t’elle encore.

« Très bien. »

Nakan n'était pas coutumier d'être relégué à la seconde ligne. Pour tout dire, il n'était pas coutumier du fait qu'il y ait des lignes. La chasse au gobelin dans son repère paraissait bien différente de la chasse au gibier ou à la bande de maraudeurs verdâtres isolée. Pas d'embuscade ici, ou alors à l'encontre du groupe de Nakan seulement.
Il n'était pas sûr d'aimer cette idée, mais il fallait encourir le risque. On comptait sur lui.

Mérisiel confirma son intention première : « Passez devant, je couvre vos arrières. »

Sans un mot, Herklachner prit la place de Chorune quand elle se déplaça. L'inquisiteur voulait vérifierque le jeune femme n'avait pas manqué un détail.


Puis suivit le groupe.

« Que ces gobelins sont petits... » maugréa Chorune, obligée de se courber pour avancer.
Ayant indiqué la direction du pont, elle continua sans attendre son exploration, négligeant le puits vers la mer.

Suivant Chorune, puisque d'autres tardaient à se mettre en mouvement, Nakan garda l'oeil ouvert, à la recherche du danger.