Message secret pour Redacted.Description de Peyotte, suite
Peyote a une passion dévorante pour le chocolat, même s'il fait de son mieux pour y résister en temps normal.
La version féminine de Peyotte est l'opposé complet de son aspect habituel. Plus petite que la moyenne, plus faible, mais également plus rapide, elle ne supporte pas les drogues qui sont normalement son pain quotidien. Pas qu'elle n'y résiste pas, mais elle se met à tousser, voire vomir. Et là l'aspect détente, il est complétement perdu.
Son tentacule crânial est plus long et plus effilé qu'avant, aussi a t-elle tendance à le poser sur son épaule pour ne pas le laisser pendre n'importe comment, pour ne pas risquer de se coincer dans on ne sait quoi. Plus rapide d'esprit comme dans ses gestes, le temps semble passer plus lentement pour Peyote. Son métabolisme fonctionne à un rythme bien différent ce à quoi elle est habituée. Et elle est persuadée de pouvoir aller encore plus vite, bien qu'elle n'ait pas osé essayé.
Elle parle vite, très vite, au point qu'il est facile de louper une phrase entière rien qu'en clignant des oreilles. Lorsqu'elle se rend compte de l'accélération du flot de ses paroles, Peyote fait de son mieux pour ralentir le débit. À force d'entrainement, sa parole au ralenti est à un rythme acceptable et audible pour la plupart des gens. Mais elle se retrouve à appuyer plus fortement sur certaines voyelles, sans logique. C'est juste qu'elle ne parle pas à un rythme naturel pour elle, elle croit parler extrêmement doucement.
Peyote n'aime pas être une fille. Dans sa transformation, si elle est plus légère, la Mongo perd surtout plus d'une centaine de centimètres. Le changement de perspective soudain lui prend toujours du temps à s'habituer, elle ne peut plus attraper les affaires en haut des étagères, doit lever le bras pour tourner les poignées et il se cogne une fois redevenu un homme. Sans compter qu'elle n'arrive plus à fumer quoi que ce soit et ça vraiment c'est agaçant.
De plus, Peyote est un homme, pas une femme. Bien sûr il n'y a pas de problème en soi à en être une, mais le jeune Mongo est habitué à son corps masculin.
Sans compter qu'il a quatre sœurs et une mère et le dernier recoin de son esprit capable de ressentir de la peur, ce recoin-là, ayant réchappé aux odeurs de fumées illicites dans pas moins de cinq cent trente sept systèmes planétaires, il craint leur réaction. Sans compter celle de ses trois frères ignorant encore l'affaire. Et celle de leur père. C'était déjà assez dur de grandir en étant le petit frère, mais alors s'il avait été la petite sœur, Peyote est certain que ça aurait été l'horreur. S'il n'y avait jamais songé avant que n'arrive sa première expérience du chocolat, Peyote vit désormais dans la peur d'être découvert et que son inquiétude se confirme.
Et puis elle sent que son frère ne le traite pas de la même façon. Peldor est plus précautionneux, plus protecteur. Il désactive même les systèmes expérimentaux de la soucoupe de Peyote, mais ça la principale intéressée ne s'en plaint pas.
Quand Peyote est une fille, la ceinture du pagne est bien plus serrée, ce qui tend à plier les bandes rouges qui y sont accrochées. Elle peut fermer son gilet, cachant sa poitrine à la vue de ceux qui aimeraient bien admirer le paysage. Si Peyote n'est pas censée être une Mongo, elle a assez de pudeur pour savoir qu'elle n'est pas censée exhiber ses seins en plein air.
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Peyote est un Mongo d'Alyndiar. Ça en dit beaucoup sur lui, mais seulement pour ceux qui connaissent les Mongos, ceux qui connaissent Alyndiar. Alors un peu de contexte, avant de parler de Peyote.
La planète Alyndiar, couverte de canaux mais sans vastes étendues aquatique, couverte d'immenses plaines, de forêts gigantesques et d'intimidants déserts de sable et de glace. C'est la quatrième planète du système Ged et la planète d'origine des Mongos. Ces êtres à la peau bleue, lisse, dotés de un à trois tentacules plantés sur leur tête, se sont depuis répandus sur les planètes voisines de Rob et Belphanior, troisième et sixième planètes orbitant autour de Ged. Alyndiar est une planète paradisiaque, mais ce terme est dépend de la disposition généralement pacifique des habitants et à leur tendance à vivre dans les plaines et jungles. Mais c'est également, aussi étonnant que puisse paraître, ce sont aussi les dangereux tigres arctiques, ainsi que les terribles émeus des sables, qui rendent la planète agréable.
Il ne viendrait pas à l'idée des Mongos de dompter ces fières créatures, car pour un Mongo, chaque chose a une voix, chaque chose a un esprit. Alyndiar, leur Terre, son corps, ses enfants, tous parlent aux Mongos. Ceux-ci écoutent et leur répondent. Le monde entier est vivant, le monde entier est une voix. Celle-ci n'est pas souvent très intelligente, ni intéressante, mais elle est audible, avec ses rêves, ses envies, ses besoins. Sa vie.
C'est pourquoi l'harmonie est une chose si importante aux yeux des Mongos. Un mal fait à Alyndiar est un mal que tous entendront, que tous ressentiront, auquel nul ne pourra échapper. Le besoin d'harmonie des Mongos ne sort pas de nul part, il a des raisons très concrètes.
Enfin, ça c'est ce qu'ils disent. Il faudrait être un Mongo pour savoir s'ils disent vrai ou s'il ne s'agit que d'affabulations ou d'hallucinations. Peut-être s'agit-il d'une immense arnaque.
Peut-être les Mongos en sont eux-mêmes les victimes.
Les os des tigres arctiques. Les bris de coquilles des émeus sablés. Le tout réduit en poudre. Des fleurs des plaines. Des feuilles d'orode, arbre de la jungle. L'ensemble réduit en bouillie. Poudre et bouillie mélangées pour en faire un pain Mongo, délicatesse planétaire, maintenant exportée dans tout le système de Ged et vendue aux riches d'un peu toute la galaxie.
Si aujourd'hui les Mongos disposent d'une technologie suffisante pour récolter les ingrédients nécessaires à la préparation du pain, il fallu des milliers d'années pour qu'il en fut ainsi. Des expéditions sur des milliers de kilomètres, voguant sur les canaux, mobilisant d'importants groupes de personnes. L'archéologie montre qu'autrefois, les Mongos, hommes comme femmes, étaient très similaires. Mais les femmes étaient un peu plus rapide et pouvaient se cacher plus facilement, et il fallait bien ça pour échapper aux hordes d'émeus. Mais les hommes étaient un peu plus costauds et un peu plus décidés, et il fallait bien ça pour affronter les tigres lorsqu'au lieu de trouver un squelette, l'expédition rencontrait un tigre bien vivant.
Ces grandes expéditions, d'un bout à l'autre de la planète et couvrant des milliers de kilomètres, n'auraient pas pu voir le jour sans une étrange chance. La mythologie locale explique qu'un Mongo, peut-être une Mongo, avait passé sa vie à voyager et sillonner la planète, afin de découvrir ses mystères et entendre la voix de toute chose. Ce Mongo, ou cette Mongo, l'histoire a oublié son nom. Les légendes ne lui en ont pas inventé un. Pour les Mongos, cette personne est le Boulanger, car c'est d'elle que le pain est né.
Cette personne a t-elle réellement existé, ou ces expéditions n'étaient-elles qu'un moyen pour l'élite du peuple, les Panetiers, d'éloigner les éléments indésirables sous le couvert d'une mission sacrée ? Les deux sont possibles.
De nos jours, les différences entre hommes et femmes se sont amplifiées. Les femmes sont plus petites, plus rapides, plus agiles. Les hommes sont plus grands, plus costauds, plus lents. La dextérité des unes n'a pour égale que la force des autres.
La population est plus importante, les Quêteurs disposent d'une technologie qui leur permet de faire la récolte aux quatre coins de la planète en à peine une journée.
Et jamais, au grand jamais, on ne risque de confondre un Mongo avec une Mongo.
Concernant les tentacules crâniaux, certains scientifiques supposent que c'est un vestige d'un ancien organe, ou peut-être un moyen de mieux évacuer les trop fortes chaleurs. Les théories sont peu nombreuses car personne ne s'en préoccupe vraiment au final. Est-ce qu'un humain se demande pourquoi il a des cheveux ?
Ces dernières années, il y a quelques troubles dans la société Mongo. Les désaccords se multiplient. Par exemple, les ressources permettant la création du pain Mongo ne sont pas inépuisables. La population peut-elle être autorisée à continuer à croître comme aujourd'hui, sans limites ? Les Mongos doivent-ils coloniser d'autres planètes pour faire de la place pour leurs enfants ? Les tentatives de créer artificiellement du pain sont-elles moralement acceptables ? Doivent-ils continuer à vendre leurs produits aux aliens ? Et que feront-ils, si jamais les tigres ou les émeus venaient à disparaitre ? Le système politique, efficace lorsqu'ils n'étaient que quelques milliers, que quelques dizaines de milliers, est-il toujours adapté à une population de centaine de millions de personnes établies sur trois planètes ? Le pouvoir des Panetiers s'affaiblit, leur unité qui a duré des millénaires se fissure alors que leur nombre à eux aussi croît sans fin. Car enfin, on ne peut pas laisser les villages sans supervision.
Le système Ged est la source d'une utopie, mais une utopie vieillissante, en fin de course, essoufflée. Peut-être mourante. Peut-être encore vivante pour des milliers d'années, tiraillée entre des tensions chaque jour un peu plus fortes, mais bien entretenue. Ce que ne souhaitent bien sûr pas les Mongos, les principaux intéressés.
Sauront-ils affronter les causes de leur possible déclin ? Sauront-ils s'entendre ? Leur harmonie sera t-elle préservée ? Deviendront-ils les hérauts d'un nouvel âge de sang dans la galaxie ?
A cette dernière question, on peut raisonnablement répondre que non. Il leur faudra des armées bien équipées, bien entrainées. Et quand l'arme la plus évoluée qu'on ait jamais vu un Mongo manier est la lance, on peut se dire que la galaxie a de beaux jours devant elle.
Maintenant que vous en savez plus sur l'histoire des Mongos, laissons place à l'histoire de Peyote.
Peyote a deux parents, comme c'est habituel chez les Mongos. Il a également quatre frères et quatre sœurs, comme cela est moins courant chez les Mongos. La plupart ont deux, trois enfants. Certains n'en n'ont pas. D'autres en ont une dizaine, mais c'est quand même très rare. Quoique depuis qu'ils ont colonisé Rob et Belphanior, certains couples se disent qu'ils pourront envoyer les enfants en trop sur une autre planète, si vraiment y a besoin. Ce n'est pas le cas des parents de Peyote. C'est juste que quand deux Mongos s'aiment beaucoup beaucoup, ça se passe de commentaires. Et les parents de Peyote s'aiment énormément.
Peyote grandit, un beau spécimen de son espèce. Pas plus bête qu'un autre, mais aussi costaud et calme que l'on puisse rêver, en d'autres temps il aurait été un parfait adversaire pour les tigres. Mais l'époque héroïque des Quêteurs est achevée depuis longtemps. Aujourd'hui ceux-ci volent dans les airs, un travail important mais terriblement ennuyeux. Peyote n'avait aucune inclinaison à les rejoindre et eux n'ont plus besoin d'individus comme lui. Aussi pendant que ses frères, que ses sœurs trouvaient leur voie, Peyote et Peldor, les plus jeunes de la famille ne savaient pas ce qu'ils pourraient bien faire une fois adultes. Mais heureusement, les deux frères avaient leurs passions.
La mécanique pour le plus vieux, Peldor, qui démonta et remonta trois fois le vaisseau de leurs parents avant que ceux-ci n'en n'aient marre de retrouver la soucoupe en miette quand il faut aller faire les courses. Aussi lui en achètent un d'occasion et un pour Peyote, pas de jaloux. Depuis Peldor modifie constamment son vaisseau avec ses nouvelles inventions et les gadgets qu'il fait venir d'un peu partout. Mais comme il n'est pas bête, les systèmes vraiment expérimentaux, c'est dans le vaisseau de Peyote qu'il les teste d'abord.
Peyote, le dernier-né, ça ne le dérange pas de ne pas retrouver sa soucoupe dans le même état d'un jour à l'autre. Il n'y a pas grand chose qui le dérange. Il faut dire qu'il est souvent dans les nuages. Qu'il plane. Mais pas à l'aide d'une quelconque technologie. Il est juste complétement sonné, à force de fumer tout ce qui lui passe sous la main du moment que c'est vaguement d'origine végétale. Peyote, pas plus bête qu'un autre ? C'était avant qu'une herbe un peu plus bleue que la moyenne ne lui chuchote la mauvaise idée et qu'il ne sombre dans les affres de la drogue. Pendant dix heures, il vit voler des poissons, le ciel se parer de couleurs inexistantes et son tentacule pénétra dans la neuvième dimension par la porte arrière, celle de gauche, il faut contourner Gislaine de la comptabilité pour l'atteindre. Puis Peyote se releva, vit que l'après-midi était bien avancé et décida de chercher d'autres de ces plantes bleues.
N'en trouvant pas, il essaya d'autres herbes, mais ça ne dura pas longtemps. Pas assez longtemps pour lui. Il se mit à étudier, se faisant livrer de nouveaux spécimens promettant les meilleurs rêves éveillés de la galaxie et les testant méthodiquement.
Arriva le jour où la Terre fut découverte.
Ce fut Peldor qui eut l'idée. Et si les deux frères allaient passer quelques temps sur cette planète dont tout le monde parlait, où tout avait l'air si bien ? Cette planète devenue en quelques jours le centre culturel de l'univers ? Cette planète qui avait inventé un tout nouveau concept dont aucun Mongo n'avait entendu parler, le "Cool". Clairement, il fallait qu'ils allaient voir de quoi il en retournait.
En plus, se dit Peldor, si cette planète devenait un piège à touriste comme il le pensait, il pourrait bien plus facilement examiner des navettes spatiales étrangères aux Mongos. Peut-être même des vaisseaux venus de galaxies lointaines ou de dimensions inconnues ? Aussi Peldor avait le plan d'y ouvrir un garage spatial si la Terre était à la hauteur de sa réputation. Sûrement que les visiteurs galactiques apprécieraient de faire appel à un professionnel en soucoupes pour l'entretien de leurs véhicules.
En plus, se dit Peyote, si cette planète était aussi peuplée que les nouvelles le disaient, ils s'y connaitraient sûrement en drogues diverses et variées. Peyote n'avait pas d'autre plan que d'aller visiter, si possible se défoncer la gueule en essayant toutes les plantes locales avant de rentrer à la maison après quelques jours si ce n'était pas aussi intéressant que ça en avait l'air.
Les deux frères préparent leurs affaires, dirent au revoir à leur famille et prirent la route de l'espace, à droite entre la nébuleuse vomissant le souffre et le nuage de gaz au goût fraise.
Ils arrivèrent bien vite et commencèrent à visiter, comme quelques autres milliers d'extraterrestres le faisaient au même moment. Ils s'y plurent et les estimations de Peldor s’avèrent juste. Cette planète était cool, fun, ouverte à l'innovation et faite pour y installer un garage spécialisé dans la construction et réparation de soucoupes.
Message secret pour Redacted.Peyote et Peldor sont des exilés, des aliens ne pouvant rentrer chez eux. C'est comme ça qu'ils se voient désormais et c'est complétement faux. Surtout pour Peldor. Peyote, lui, a un vrai problème le décourageant de retourner à la maison. Un problème, dira t-il, profondément embarrassant. Il n'a pas du tout envie que ses parents l’apprennent. Ni ses frères et sœurs.
Le premier incident se produisit quelques jours après qu'ils aient mis les pieds sur Terre, alors qu'ils se reposaient dans un petit hôtel pour la nuit. Les deux frères prévoyaient d'aller visiter ce que les humains appelaient l'Australie le lendemain. D'après le guide touristique, c'était un endroit très sympa à visiter. Il faisait chaud, ce soir-là, aussi lorsque Peldor était revenu avec de quoi manger, suite aux conseils du vendeur de la supérette, il avait pris un désert. Le repas achevé, Peldor se leva et alla chercher dans le frigo sa nouvelle trouvaille.
« Les Terriens appellent ça des Glassochoc au lat. Il parait que c'est super d'en manger quand on a trop chaud. On va pouvoir tester, t'en dis quoi ? »
« Une. Glasso. choc ? J'en. veux. bien. une. s'il. te. plaît. C'est. vrai. qu'il. fait. chaud. Tu. as. eu. une. bonne. idée. »
« Fais toi plaiz, tiens. »
« Mer. ci. »
« Peyote, t'as encore fumé ? »
« Oui. Un. cactus. »
« Les machins avec les épines ? Mais.. pfff. C'était bon au moins ? »
« Cette. chaise. dit. que. non. Mais. oui. c'était. bon. »
« La chaise te ? Mais c'est normal ça. Faut pas l'écouter. Quoique .. pardon, oui ? Ah. Je suis bien d'accord avec vous, il fume trop, mais que voulez-vous que je lui dise ? Oui. En quoi ça vous concerne d'ailleurs ? Vous êtes une chaise. Comment ça, un déchet humain ? On est même pas humains. »
« Eh. si. c'est. pour. insu.lter. c'est. pas. cool. »
« Je suis bien d'accord avec mon frère. On ne critique pas vos choix de vie à vous. Et puis c'est bien sympa de notre part de vous faire la conversation. Vous en connaissez beaucoup des humains qui vous écouteraient ? Des drogués uniquement ? Merci bien mais je le me drogue pas moi. Comment ça ? Ah mais on a pas à vous écouter non plus. »
Peldor emporta la chaise dans le couloir et revint, ayant ouvert sa glace et commencé à la manger.
« Bavarde celle-là. Et impolie en plus. »
« Oui. Pour. du. bois. elle. fait. beaucoup. de. mots. longs. »
« Utilise. Elle utilise un langage complexe pour une simple chaise en bois. »
« C'est. ça. »
« Tu devrais déballer ta glassochoc. Le vendeur m'a dit qu'il fallait les garder au frais avant de les manger sinon elles risquaient de fondre. Et comme il fait chaud ici, il faudrait mieux la manger. »
« Bonne. idée. mec. »
Avec la vitesse d'un paresseux au grand galop, Peyote déballa méthodiquement sa glace, qui avait commencé à fondre dans son emballage.
Avec l'empressement de quelqu'un ayant l'éternité devant lui, il se pencha vers sa glace et en croqua un morceau.
Quelques secondes plus tard et de nombreuses bouchées plus tard, la glace avait disparu dans le ventre de Peyote.
Il vit Peldor qui le regardait ébahi, la mâchoire pendante, les yeux écarquillés. Dit autrement, Peldor ne faisait pas sa tête habituelle, soit blasée, soit débordant d'enthousiasme de suie et de graisse.
« Tumangespaslatienne? Faisvitesinonellevafondreyaunegouttelà. »
Peyote pointa un doigt fin vers la glace de son frère.
Celui-ci se secoua un bon coup et lécha la goutte qui menaçait de partir. Ayant paré au plus pressé et empêché le chocolat de lui couler sur les doigts, il put consacrer ses énergies au plus important.
« Peyote ? Tu te suis bien ? »
« Biensûrquejevaisbienpourquoicettequestion? Oh! Ouitiensc'estvraijesuissobremaisj'aimêmepasmalàlatêtemaisj'airiend'autreàfumerlàdoncjevaisdevoirrefairedustockavantdepouvoirrefumermincej'aimepasêtresobremaisj'aimalestimélaquantitédontj'auraisbesoinpournosvacances. Quandmêmec'estbizarrec'estpartid'uncoup, pourtantçasepassejamaiscommeçad'habitude. Entoutcasjesuispleind'énergiejepételefeucommeonditsurTerre. Disdonclatableestvachementhautetoutd'uncoupj'avaispasremarqué. Ettoidepuisquandt'aseuunepousséedecroissancecommeça? Jedevraisêtresacrémentenfumépourpasl'avoirremarqué. »
« Peyote, Peyote ! Parles plus lentement j'arrive pas à te suivre là. T'es sobre-là tu dis ? Comment ça se fait ? »
« Jesaispasje. Paardoon meec. Je vaaiis parler leentement même si je vois pas pourquuoi, je parle paas plus vite que d'haabitudee. C'eest toi quii parle tout douucement. »
« Mais. Si Peyote. Je t'assure que tu parles plus vite. Là ce que t'appelles ralenti c'est la vitesse normale pour une personne normale. Ça fait bien trois ans que je t'ai pas entendu parler aussi vite. »
« N'impoorte quoi. Là jee parle au raalenti çaa s'eeenteend quand mêmeee. »
« Bon », se décida Peldor en posant sa main gauche contre son front, « Peyote, que tu parles au ralenti ou non c'est pas important. Que tu sois sobre non plus. C'est pas moi qui ait grandi c'est toi qu'a rapetissé. »
« Ahahelleestbonned'habitudec'estmoiquivoitdestrucsquin'existentpasc'est »
« Moins vite Peyote ! »
« O.K. Douceement. Je dis, très bonne taa blague c'est quoi t'as trouvé uun truc pour te faire graandir toi et la table et touute la pièce ? Ou tu m'aas fait rétréécir moi pour me faire dégriser c'est quand même pas cool comme idée j'étais bieen moi bon allez tu me rends ma taille normale ? »
La main sur le front de Peldor se déplaça pour couvrir son visage. Étouffant un soupir, il la retira.
« Peyote. T'as vu ce qu'il y a sur ton torse ? »
C'est alors que le regard de Peyote se porta sur son corps, ce qu'il avait réussi à ne pas remarquer jusque-là fut remarqué et que retentit dans l'hôtel un cri haute fréquence poussé par une Mongo vachement surprise.
« Maisqu'est-cequetum'asfaitPeldor? »
« Mais j'y suis pour rien moi c'est ton cactus ! Et calmes-toi, qu'une fille si elle essayait de parler le plus vite possible. »
« Maisc'estpaslecactusilmel'auraitdit. Etpuisc'estarrivé. Et puis c'est arrivé quand j'ai goûté cette glassochoc. C'est à cause d'ellee ! »
« Mais j'en ai mangé aussi et ça m'a rien fait ! »
« C'est vrai ça. Tuu aas mis quelque choose dedans ? »
« Non ! »
« Mais du coouup je n'ai plus de cactus là donc je peux pas en fuumer un pour voir si ça permettrait de régler ça. »
« J'espère que c'est pas permanent. »
« Moiaussijel'espère! »
« Allez, on va trouver comme régler ça. En attendant on peut pas rester ici. Ton cri risque de faire venir les gens de l'hôtel. »
« C'estvraijevaischerchermonvaisseauetjet'amèneautien. »
« Hepepep. J'y vais moi. Toi t'es pas dans ton état normal, on sait pas si ça risque de se reproduire, t'es sûrement pas aussi costaud que d'habitude et en plus tu flottes dans tes habits. Alors tu m'attends ici calmement. » Attendre sagement. Peldor n'aurait pas cru un jour avoir à dire ça à Peyote, parmi toutes les personnes qu'il connaissait. Peyote, le petit frère costaud et mollasson. Sauf qu'actuellement, il n'était ni l'un ni l'autre.
« Ohminceouij'avaispasremarquébond'accordvas-ypendantcetempsjevais.. »
« Non ! Tu fumes rien du tout ! Tu m'attends sagement et tu ne fumes pas. Compris ?! »
« Rhobond'accord. Jepeuxfinirtaglassochocpendantquetuvascherchertonvaisseau? Je trouve ça super bon la glassochoc au lat. »
Peldor lui passa la glace et se dirigea vers la fenêtre qu'il ouvrit en grand avant de descendre en escaladant la façade. C'est qu'il tenait à faire vite et n'avait pas très envie de laisser son petit frère -sa sœur ?- sans surveillance. Qui savait comment ce pétris pouvant empirer ?
Et si Peldor s'était mis à courir dans les couloirs plutôt que passer par la fenêtre, ça aurait risqué d'inquiéter les gens de l'hôtel, déjà qu'il y avait eu le hurlement de surprise de Peyote. Peut-être aurait-il dû s'y prendre autrement pour lui faire prendre conscience de la situation, mais Peldor avait fait comme il pouvait. Rien n'avait préparé les deux frères à affronter une telle situation. Aussi improvisait-il comme il pouvait.
Peyote, elle, essayait de savourer le plus lentement possible cette seconde glace.
Partis en catimini, sans laisser d'autres traces qu'un article dans le journal local se plaignant de ces visiteurs aliens qui partent sans payer leur note d'hôtel, les deux Mongos poursuivirent leur voyage comme prévu. Peldor dût bien laisser son frère essayer de fumer un autre cactus, mais à part obtenir une Peyote toussant énormément, l'expérience n'eut aucun effet. On pouvait difficilement qualifier ça de succès, même si ça signifiait que Peyote n'avait plus envie d'essayer de fumer quoi que ce soit pour le moment. Disons que c'était un bien face à tout ce qui allait mal dans cette histoire.
Peyote tirait la tronche et son ainé ne savait pas si c'était à cause de sa transformation, ou plus simplement parce qu'il ne supportait plus ses pétards. Ce qui était aussi causé par sa transformation. En tout cas Peyote n'avait pas l'air d'être en extase, plutôt en déprime semi-avancée avec option Evanescence. Le groupe de musique, pas l'adjectif.
C'est pendant un repas dans un petit restaurant, quelques jours plus tard, que la situation se résolut presque magiquement.
« Eh, Peyote, ça va ? »
« Ouais. Ouais mec. Je vais bien. »
« Ah. .. Tant mieux alors. En tout cas tu arrives de mieux en mieux à maitriser ton débit. Et les fringues qu'on t'a acheté te vont bien. »
« Super. »
« Les humains appellent ce que tu as pour le haut un tee-shirt, tu savais ça toi ? »
« Oui. »
« Tu savais déjà ? Comment ça se fait ? »
« Tu me l'as déjà dit trois fois depuis qu'on l'a acheté. »
« Ah, oui. Et ce que tu portes pour tes jambes est »
« Unpantacourt, quatrefois. »
« Euh oui euh ... Tu ne manges pas ? »
« J'ai pas vraiment faim. C'est quoi ces trucs oranges à côté de la viande ? »
« Je crois qu'ils appellent ça des carottes. La viande c'est du moo-tond. »
« Ah oui, j'en ai vuu pendant que je me renseignais au sujet de la Terre. C'est un peu comme nos Blorettes, ça a la même foorme. Sauf que les Blorettes sont violettes, bien sûr. Je me demande si ça a le même goût. J'aime bien les Blorettes. »
« Pour ça, une seule façon de vérifier ? »
« T'asraisonmec ! »
Plantant sa fourchette avec vigueur dans l'assiette, Peyote enfourna une première bouchée de carotte. Il se dit que ce n'était pas mauvais. Pas excellent non plus, mais pas mauvais. Puis alors qu'il allait prendre une nouvelle bouchée, il se dit que la table était plus basse qu'avant. Que sa main était plus large. Qu'il se sentait serré dans son pantalon. D'ailleurs il se sentait aussi serré partout où il avait des vêtements. Avait, les pauvres textiles n'ayant pas résisté au gain de taille soudain et s'étaient déchirés en plusieurs endroits sous la pression. Bah, il paraissait que c'était à la mode, les habits déchirés. Ils avaient vu les humains en vendre pour plus cher que les mêmes en bon état.
Il consulta son torse et vit qu'il était beaucoup plus large et plus plat que la minute d'avant.
« Je crois que. le cactus. a fini de faire effet. Peldor. »
Et tout fut bien qui finit bien.
Jusqu'à l'arrivée du désert, lorsque Peyote découvrit le gâteau au chocolat et se retransforma.
Le lendemain, vers midi, Peyote, une jeune Mongo d'approximativement 17 ans, était assise sur une grosse branche tombée à terre. Elle flottait dans sa combinaison, prévue pour quelqu'un de bien plus grand qu'elle. Ils s'étaient garés dans cette clairière d'une forêt qu'ils espéraient peu fréquentée afin de pouvoir pique-niquer en paix. Ils n'étaient là que depuis quelques minutes, mais déjà Peyote s'ennuyait à mourir. Elle n'avait rien à faire dans cette forêt, ne pouvait rien fumer pour se détendre et Peldor était retourné dans sa soucoupe et ne revenait pas.
« Peldooor, pourquoi tu veux que je remette ma combinaison ? Elle est trop large pour moi. »
La voix de son frère lui parvint après avoir rebondit sur les parois de son vaisseau, lui donnant un timbre métallique.
« Je veux voir un truc. Ça fait déjà deux fois qu'on t'achète des habits terriens, j'aimerais pas avoir à t'en racheter une troisième fois si vite. »
« Tu veux expériencer quoi ? Je suis redevenu moi, puis j'ai fait une rechuute. Vraiment pas groovy. Avec de la chance ça durera moins longtemps mais j'espère bieen redeveenir moi de façon définitive. »
« Ouais, ouais. Justement. On doit comprendre ce qui cause ces transformations. »
« Je croyais que c'était la faute du cactus. »
« Ah, mais justement ! Je pense maintenant que nous avions tort. Vois-tu, tu ne t'es pas transformé tout de suite lorsque tu as fumé ce cactus. »
« Eet ? »
« Et il y a un élément qui connecte tes deux transformations. Un élément immédiat ! Sans aucun délai ! »
« Tu parles de quoi ? »
« Le chocolat, Peyote ! Le chocolat ! Chaque fois que tu en as mangé, tu t'es transformé. »
« Le chocolat ... c'estpasvraiilyenavaitquedanslegateauauchocolat. »
« Moins vite, moins vite. Et non, il y en avait aussi dans la glace .. au chocolat ! »
« Attends, c'est pas glassochoc au lat ? C'est glace au chocolat le nom ? Mais dans ce cas oui il y a chocolat dans les deux noms mais c'est pas pour ça que c'est le coupable. »
« Une seule façon de savoir. Tiens, manges ça. »
« Une carotte ? »
« Crue, mais oui. Si j'ai raison et que le chocolat te transforme, il a de fortes chances que les carottes te redonnent ta forme d'origine. »
Peyote croqua la carotte. Il entendit un craquement. Puis il se sentit basculer, avant de heurter le sol avec ses fesses dans une volée d'éclats de bois. La branche sur laquelle était assise Peyotte n'était pas assez résistante pour porter un Mongo de 1,7 quintaux. La carotte lui échappa des mains et roula par terre.
« Aïe .. Ça ... a marché. Comment ..? »
« Aucune idée. Tiens, du chocolat maintenant. »
Peldor tendit un carreau de chocolat à son frère.
« Tu es. sûr ? Ça n'y ressemble pas. tellement. Trop solide. »
« C'est du chocolat en plaque. C'est juste qu'ils le mélangent avec d'autres ingrédients pour faire les gâteaux et les glaces. »
« Ah. d'accord. »
Peyote prit le carreau de la main de son frère et et l'avala, fermant les yeux pour mieux savourer le chocolat. Les rouvrant, il se vit à hauteur des genoux de son frère. Baissant les yeux, il eut la confirmation du retour de ses attributs féminins.
« Jecroisquet'as peut-être raisoon Peldor. C'est peut-être le chocolat le responsaable. »
« Evidemment que j'ai raison. Tu peux croquer un autre morceau de carotte s'il te plaît ? »
Et Peyote redevint un homme à la première bouchée.
Grâce à ces expériences, les deux frères purent comprendre ce qui provoquait les transformations de Peyote. Ils n'avaient néanmoins pas la moindre idée des raisons d'un tel changement, qui après tout n'était pas censé se produire chez un Mongo en bonne santé. Ni en mauvaise santé. En aucun état de santé que ce soit.
Le chocolat. Voilà le responsable de ces transformations soudaines et inexpliquées.
La carotte. Voilà l'antidote tout aussi inexplicable à ce problème imprévu.
Peldor, par acquis de conscience, goûta aussi. Mais ni le chocolat, ni les carottes, provoquèrent de réaction chez lui. Pour être exact, il déclara que "ce n'est pas mauvais", ce qui n'est rien comparé à ce qui arrivait à son frère lorsqu'il consumait ces aliments.
Une telle histoire était sans précédents. Suite à cette histoire et bien qu'avec grand regrets, Peyote prit la résolution de ne plus manger de chocolat même s'il adorait ça. Il ne voulait pas redevenir une fille, on pourrait le comprendre, car c'était quand même pas normal tout ça. Un grand et fort Peyote comme lui qui n'arriverait même plus à attraper les choses en haut de l'étagère ? Pire, qui aurait besoin de monter sur une chaise pour se saisir de ce qu'il y a dans le haut du placard ? C'est ridicule, ça. Et même si Peyote est habituellement trop calme et généralement trop enfumé pour s'inquiéter de ces choses-là, c'était tout de même plutôt embarrassant. En plus Peyote-fille ne supportait pas la moindre petite cigarette. C'était vraiment pas cool, ça.
C'est pourquoi en dépit de son amour récemment découvert du chocolat, il était décidé à ne pas céder à la tentation.
Deux mois plus tard, Peldor montait son garage pendant que Peyote se retrouvait enrôlé, un peu par accident, dans le système scolaire terrien. Depuis, les deux frères vivent ensemble et Peldor assure les finances. Il se sent un peu responsable de son cadet. C'est à cause de son idée qu'ils sont venus ici, après tout. Peldor espère voir son frère s'intéresser à des sujets plus variés que "est-ce que cette plante se fume ?" et en est bien content. Ces deux dernières semaines semblent éveiller un vague désir de connaissance chez Peyote, même si ce n'est pour l'instant qu'un frémissement au milieu du grand brouillard de ses pensées. Si l'éducation pouvait le détourner de son addiction, ça ne serait pas cher payé.