Si cet homme joue un rôle, il est trop bon acteur, ou trop investi dans son rôle ...

Malheureusement, les tendances de messire dy Sotomayor à s'extasier de tout et surtout n'importe quoi
sont non seulement dithyrambiques mais surtout terriblement sonores.
A tel point que toute tentative de discrétion est indéniablement vouée à l'échec,
mais également que toute perception des bruits alentours en devient inenvisageable.

C'est tout juste si cet aristocrate citadin ne s'émerveille pas du fait que
« l'eau du ruisseau mouille et en plus s'écoule toujours dans le même sens » ...

Javier ferma brièvement ses yeux sous le coup de l'exaspération, se retenant de justesse d'exhaler un retentissant soupir.
Cet homme paraissait bien être ce qu'il semblait être: un piailleur hors pair doublé d'un éternel éberlué.

Que les Cinq les garde de toute rencontre inopportune avec quelques bandits de grand chemin. Il serait prêt à s'enthousiasmer de cette expérience unique et inique, tout en félicitant l'escouade menaçante de coupe-jarrets pour leur prestation...

Se tournant vers ce cher Payo, l'ex-galérien se contenta de lui sourire.

« Je repars en queue de notre petit convoi, messire l'ambassadeur. »
« La route est peut-être sûre, mais il reste de mon devoir de m'en assurer. »

Il ralentit ainsi le pas et ferma la marche de leur expédition.
Les divagations verbales de leur protégé seraient toutes aussi tonitruantes. Mais ses oreilles le remercieraient, il en était sûr.

Fermer la marche de l'expédition ...
Avec en tout et pour tout 3 hommes, 4 mules et 1 cheval de montagne ...
Il n'y a (malheureusement) pas loin à aller : il suffit de se placer derrière la mule de charge et la mule de rechange.

Fulminant intérieurement, Javier se laissait malgré tout porter par les hurlements aux tonalités changeantes du diplomate tintamarresque. Quel autre choix avait-il de toute manière ?

Il ne lui restait plus qu'une seule échappatoire possible à ce calvaire auditif : la retraite psychique dans son propre imaginaire. Un imaginaire empli de têtes de diplomates perforées de deux carreaux, de corps projetés par-dessus la falaise, et de prisonniers ligotés et bayonnés avec leurs propres chaussettes.

La lubie du moment portait sur les reflets opalins de la neige de montagne, la pureté présumée de l'eau que l'on pourrait en tirer et la chance qu'ils avaient d'évoluer dans un tel environnement.

Plus il passait de temps avec lui, plus il se sentait mourir intérieurement.
Il avait connu la lente dégénérescence physique à Gotorget. Il affrontait désormais la lente dégénérescence cérébrale...

Il serra des dents avant d'oser répondre à leur protégé.

« Cardegoss est une ville des plus... intéressantes, en effet. »
« Mais si je puis vous donner un conseil, messire l'ambassadeur, il est mal vu d'exprimer son impatience aussi explosivement pour bon nombre de chalionnais. »
« La contenance et la tempérance y seront vos plus fidèles alliées. Ces qualités sont souvent liées à l'esprit et à la sagacité pour de nombreuses personnes. »
« Modérer ses éclats de voix, et ne hausser le ton que lorsque la situation l'exige. Cela ne vous donnera que plus de prestance et de présence selon l'étiquette chalionnaise. »
« Ce ne sont que de modestes recommendations, messire Payo, mais je me doute bien que vous comptez faire bonne impression à la capitale. »

« Peut-être pouvons nous nous entraîner dès à présent, à dos de mule ? »
« Par exemple, que pensez vous devoir manger une fois arrivé à Cardegoss ? »

Il fit une pause de deux secondes avant d'enchaîner.

« Rappelez-vous. Tempérance. Tonalité. »

Interdit et stupéfait, le jeune ambassadeur dévisage Javier ...

Fronçant les sourcils, il réfléchit assez longuement ...

Puis il prend une grande inspiration pour répondre, mais le regard de Javier le conduit à relâcher tout son air avant de prendre la parole :
« Des viandes et des volailles. Principalement.
On dit que les chalionnais ne connaissent pas les prodiges que procure la mer : ni les coquillages, ni les grands poissons, encore moins les algues d'agrément, et que c'est c'est aussi pourquoi ils apprécient tant nos perles splendides. »

Puis, inquiet, il guette la réaction de Javier.

Étienne a très rapidement décidé de jouer à l'éclaireur... et de jouer un tour à Javier. Depuis qu'il est à la capitale, il entend parler de l'ambassadeur, de son... extériorité.

Il est cependant heureux de le retrouver au Col de l'Aigle- la traversée des montagnes peut demander un certain calme, si trop de neige s'est accumulée en haute montagne. Heureusement, l'hiver est plutôt, et, à moins que Monsieur n'égale le bruit d'une armée en marche, il ne croit pas que son ramage cause trop de dommages...


Une fois passée la montagne, en vue de Sacedon, Étienne sort son nécessaire de Catographie et s'attable à une table d'une auberge d'un faubourg donnant sur une petite place commerciale pour noter les points topographiques, peu attentif aux gens qui pourraient l'observer. Il sort les instruments de relevé topographique, se demandant comment ils fonctionnent...

Étienne cherche des yeux quelqu'un, un(e) guide qui pourrait l'aider à comprendre ces instruments et déterminer le temps exact restant au voyage.

Sacedón
mardi 21 février 1467


Sacedón est une ville de commerce et un véritable carrefour commercial.
La route du Col du Grand Aigle se poursuit en logeant le fleuve, mais le port fluvial permet aussi de changer de mode de transport, ce qui peut s'avérer parfaitement profitable pour ceux qui ont des marchandises pesantes ou volumineuses.
Nombreux sont les établissement où l'on peut faire halte, se restaurer, trouver couchage, négocier un passage ou une place sur une barge ou dans un convoi, trouver un guide ou quelques hommes d'escorte ...
Troquets, gargottes, hostelleries et auberges de tous genres et de qualités diverses se succèdent
le long de la berge et de la Grand-Route.

Étienne se demande s'il peut joindre l'utile à l'agréable et se faire quelques couronnes en transportant des denrées de Sacedon à Cardegoss. Sans mettre de côté son matériel de cartographie, il fait le tour de la Grand Place de ce faubourg pour déterminer si certaines denrées exposées dans cette ville seraient la bienvenue en la Capitale.

Il y a des thermes en quantité selon l'ambassadeur- pourquoi pas des huiles et aromates constitués d'herbes de la montagne, comme l'annonce cette boutique, à gauche ? Ou ces vêtements ibranes, qui seraient moins cher ici qu'à Cardegoss. Et quelle est la marchandise vendue par cette dernière boutique, où la marchande reçoit en ce moment une jeune femme aux tresses blondes ?

Bien sûr, il garde un oeil également sur la porte qui a englouti il y a 30 minutes ce cher ambassadeur. C'est lui qui s'y colle - Javier a congé pour vaquer à ses occupations. Sacedon est la première ville de Chalion qu'il visite depuis longtemps...

Les marchandises ici viennent des 2 capitales : Zagossur et Cardegoss ... surtout des articles emblématiques qui peuvent servir de cadeaux d'appoint pour les voyageurs imprévoyants qui auraient besoin d'acquérir à la dernière minute un présent pour quelque correspondant oublié...
Pour Etienne, rien de convainquant.

Étienne est déçu Tant pis! Je vais me refaire plus tard. De toute façon, ce travail est très payant!
Retournons à cet étrange instrument... Ce n'est pas un astrolabe, ni une boussole. C'est pour l'arpentage ? La topographie ?
Ici, c'est un compas- ça au moins, je connais!

Étienne tient ses instruments en l'envers. Il ne remarque pas combien ìl a l'air ridicule. Enfin, ni l'ambassadeur ni Javier ne sont là pour se moquer de lui...

La chevauchée... à dos de mule... vers Sacedon fut entrecoupée de discussions futiles, sans saveur, mais prononcées à un volume humainement supportable.
Quelques... conseils parsemés ça et là visaient à "encourager" Payo à continuer sur cette voie.

« Informez toute une salle de vos opinions et de vos goûts, et vous vous retrouverez avec autant d'amis que d'ennemis avertis de ce que vous ferez ou de ce que vous mangerez dans la soirée. »
« La surprise et le bonheur de déguster un bon mijoté de volaille aux trois poivrons s'effacera bien vite lorsque vous en mangerez sept fois par semaine et deux fois par jour... »
« Sans parler des potentiels empoisonneurs mis au fait de vos préférences culinaires... »


« Brusquez une seule fois un hôte de marque, et vous pourriez vous retrouver tout d'un coup plus proche de la porte de son manoir plutôt que de la porte de son boudoir. »


Javier laissait bien sûr leur protégé mijoter dans son propre jus avant de lui fournir de nouveau un de ses conseils taillé sur mesure.
Intérieurement, il souriait. Extérieurement, il se retenait de sourire. Ce n'aurait pas été sérieux.

La « visite » de Messire dy Sotomayor à son mystérieux interlocuteur est particulièrement courte.
En moins de 40mn il ressort de la grande maison, d'un pas vif et décidé.
« Étienne !
Dites-moi qu'on est prêts à partir et qu'on peut quitter dans l'heure cette maudite bourgade ! »

Bien que l'on est en février, la douceur du climat implique qu'il y a peu de glace sur les étangs et les rivières de ce coin du continent appelé Chalion.

Étienne, en dépit des conditions météo adverses, essaie de patiner, en rangeant ses outils de cartographe.

« Bien sûr, Messire dy Sotomayor. Le temps pour vous de goûter à cette excellente pâtisserie, avec une tasse de thé Géantes les portions! spécialité de la région, et je transporte nos pénates sur le plus beau navire à jamais avoir vogué en Chalion! Une pure merveille! Vrai comme je suis Rougeau, cochon qui s'en dédit! »


Flûte! J'ai révassé comme la cigale et la fourmi va me laisser planté dans la neige, sans petit bateau à me mettre sur la dent.Vite! Il me faut un guide qui peut me conseiller en 5 minutes! Allons voir la mystérieuse échoppe en face...

L'arrivée à leur première étape citadine se passa comme il se l'imaginait: ordinairement ordinaire.

Javier s'entendit silencieusement avec Etienne pour lui laisser leur colis à la langue bien pendue, l'espace de cet après-midi.
Ce n'est qu'après cette petite mise au point de réalisée qu'il s'éloigna d'eux pour aller faire un petit tour.

Cela devait bien faire six ans qu'il ne s'était pas rendu à Sacedon. Et dans cette ville marchande perpétuellement en mouvement, tant de choses pouvaient se passer en six ans...

Il passa un instant au marché de la berge pour voir si Marta, la vieille fleuriste, était encore de ce monde. Toujours souriante, toujours présente, et toujours bien approvisonnée en fleurs, en herbes et autres articles naturels de toutes sortes.
Il chercha ensuite le fournil des Soriano pour se payer un de leurs petits pains au lait.

Il continua de flâner devant quelques échoppes, avant de terminer sa course vers la bicoque de l'une de ses vieilles connaissances.




Tout de rouge vêtu, le plus tout jeune Berto supervisait la livraison de ses rouleaux de tissus fins, boulier et parchemin à la main.






Javier comptait demander à cet ornithophile de la première heure les dernières nouvelles de Cardegoss; il comptait aussi lui proposer son aide éventuelle, à un prix avantageux, pour acheminer certaines de ses marchandises les plus fines vers la capitale.
Après tout, dans le milieu du tissu, une main lavait toujours l'autre.

« J'ai déjà tout ce qu'il me faut et bien davantage ...
Mais c'est bienvenu de proposer ton aide.
Cardegoss est riche. Très riche. Infiniment riche.
Elle doit sa grande santé financière aux puissantes ailes protectrices qui s'étendent jusqu'aux confins les plus reculés du pays. »

« L'Avisé Voyageur » est une boutique d'équipements divers destinés aux voyageurs.
L'endroit idéal pour obtenir en peu de temps tout le nécessaire.

Étienne jette un regard dans la boutique. La marchande, gironde, dans tous les sens du terme, et une jeune fille blonde dotée de tresses.

« Mesdames! Je suis aux abois! Je suis responsable du transport et de la sécurité d'un Haut personnage ibrane. Et j'ai exactement 5 minutes pour trouver un bateau pour 3 hommes, un cheval, quelques bagages et accessoirement des poneys de transport. Je lui ai promis beau, et spacieux. Autant dire que j'ai mis ma tête sur le billot.

Pourriez-vous m'aider ? En échange, tient, je vous remet cet ensemble pour cartographe, d'une étrange beauté. Mesdames, vous êtes mon seul espoir! »

« Hé ! Vous savez vous mettre dans les ennuis, vous ! Pas vrai ?! » s’esclaffe la jeune fille
« Alors, c'est d'un bateau pour 3 que vous avez besoin ?
Ou de 3 places pour un transport fluvial ? »

« Et ces chevaux poneys et bagages ?
pour quoi c'est faire ? »




« On veut bien vous aider, mais il faudrait être plus précis. »