C'est au bord de l'évanouissement que l'effort de Javier s'achève dans le fracas de l'éperonnage auquel il vient de participer,
à son corps défendant et sans l'avoir désiré ...
Mais l'impact est si brutal que Javier s'écroule sous sa rame,
sans entendre les vociférations du maitre d'équipage qui l’exhorte à se relever ...

Le bourdonnement hypnotisant des râles des galériens enchaînés. L'abominable complainte du bois qui ploie et éclate sous le coup de boutoir d'un rostre d'acier.
Et puis le néant. Le rien. L'abîme.

Toutes les questions qu'il s'était posé le long de son existence avaient enfin trouvé leur seule et unique réponse: l'oubli. Pur, simple, immatériel et absolu.
Cet état de totale plénitude ne dura cependant que l'espace d'une courte minute.

Des hurlements sauvages ramenèrent brusquement son esprit vagabond au sein de sa carcasse meurtrie.
Recroquevillé sur lui-même, Javier ordonna, sans succès, aux brindilles qui lui servaient de jambes de se relever. Elles retombaient à chacune de ses impulsions mentales, tragiquement et inlassablement, brisées par des mois de famine et de privation...

« Allez !
Relève-toi !
Reste pas là ... »


Horado tente péniblement de hisser Javier en position assise sur son banc.

Un bras tendu dans ce pandémonium de cèdre gorgé d'eau de mer, de pisse et de sang...
A demi sonné, Javier rassembla confusément les quelques bribes d'énergie qui alimentaient encore ses jambes, et se releva, tant bien que mal, aidé par son compagnon d'infortune.

Encore chancelant sous l'effort, il se remit en position, en s'appuyant partiellement sur sa rame pour éviter une nouvelle fois de s'affaler sur le sol.

Dans un souffle à demi étouffé, il s'adressa à son bienfaiteur:

(en ibrane) « Gisuas... »
(en ibrane) « Desp qusphrinden oplt mpaemusunipae lonio desp onogel ntia desp di tule'anuncud emenesiut rperpremex. »

Cette nouvelle journée de galère allait s'achever sur un abordage brutal et meurtrier. Mais tout ce qui lui importait à présent était d'obtenir le droit de se reposer. Les morts et les suppliciés pourraient bien attendre un autre jour pour être déplorés...

L'abordage est sanglant.
Mais les galériens ne sont pas déchaînés pour autant ...
Ce qui permet au moins à Javier de récupérer un peu son souffle et vaguement le contrôle de ses mouvements ...
Puis vient le temps du pillage du navire ibrane chargé de soieries qui trouvent leur place dans la soute de la galère roknare.

Délaissant leur « proie » prenant l'eau de toutes parts et son équipage dérivant dans les flots alentours, les roknaris se décident à aller « faire de la place » dans leurs cales pour la prochaine opportunité ...

Vendredi 16 septembre 1466, 2h32

Javier rouvrit ses yeux et fut aussitôt propulsé dans un monde de douleur. Il avait envie de hurler à pleins poumons. Mais sa voix éteinte ne laissait plus transparaître qu'un pathétique feulement de chaton mourant. Il voulait cogner à pleins poings les planches partiellement pourries de la cale dans laquelle il avait été jeté. Mais il n'en avait plus la force.
Il serrait les dents en exhalant des bouffées d'air humide, transpirant et tremblotant.

Le capitaine avait bien fait son travail. Des sillons vermeils et écarlates zébraient son dos, formant un semblant d'aile d'oiseau grossièrement ciselé dans sa chair.
« Une marque prestigieuse pour célébrer ton entrée dans l'empire roknari. » avait-il ironiquement annoncé avant de taillader son dos à la pointe de son sabre.
« Le reste de l'aigle viendra à terme. » , lui avait-il promis sur un ton goguenard.

Tétanisé par la douleur, le soldat d'infortune se contenta de pitoyablement gémir, sous les impulsions de souffrance permanentes qui émanaient de ses meurtrissures.


(en ibrane) « Hionar hist ssus'ter. Hionar hist, ius erapliuistras fet hrera. Ateocos are sistude eachonesegero ius aminitarac munt muroloseretade. Ius ssitit sido. Cha hat cho'iaesa atane sariguseril tis quluor la, anuncud fem pamntifan quicemmi atane. »


Surpris par ce murmure bienveillant, Javier tenta de chercher sa provenance dans la pénombre de la cale. Mais sa tête pendant lamentablement sur sa poitrine refusait de se lever d'elle-même.
Après quelques secondes d'intense concentration, il réussit à prononcer quelques mots hésitants.

(en ibrane) « Mme...Mme..Gisuas. Alatulem.. Ea.. Qum mme'necetetr Ntamiuobulo. »

(en ibrane) « Mnodim »


Dans un sourire teinté de souffrance, Javier ferma ses yeux. Il n'était plus seul dans cette prison de bois. Se savoir en présence d'une petite poignée de chalionnais ne résoudrait peut-être pas la situation critique dans laquelle il se trouvait. Mais il pouvait désormais chatouiller du bout de ses doigts quelque chose qui ressemblait à de l'espoir.
L'espoir de quoi ? Il ne saurait encore le dire...

Vendredi 16 septembre 1466, 10h

8 malheureuses petites heures plus tard, le contremaitre descend chercher 16 nouveaux esclaves pour prendre la relève.
Les notions de « tour » et de « volontariat » sont très relatives, c'est le contremaitre qui décide qui doit monter.
Peut importe si le volontaire désigné dors, est fatigué, est blessé, ou autre ...
C'est le contremaitre qui décide, et gare à qui oserait protester !

(en roknari) « Orauturi. »
(en roknari) « Orauturi. »
(en roknari) « Orauturi. »



Le colosse roknari déambulait dans la cale, tel un roitelet rendant visite à ses chevaux. Le visage impassible, ne laissant passer aucune émotion excepté l'ennui et la lassitude, l'esclavagiste touchait les élus au pont supérieur du bout de sa matraque.
La jambe mal rangée d'un galérien le fit malencontreusement trébucher à mi-chemin de sa tournée.

Lâchant un juron bien senti, il fit aussitôt volte face et s'approcha du fautif, un sourire carnassier illuminant son visage.

(en roknari) « Qu'e aratiu est ? »
(en roknari) « Nti netisevise, aemeres ? » ajouta-t-il, tout en caressant le visage de sa victime avec sa matraque.




Le silence déjà pesant de la cale s'était encore plus alourdi. Même les écorchés et les tailladés de la veille s'étaient tus.



(en roknari) « Prerplpespeat nvit, sumuns ontust etis'stitum ontibudios qumn, et ! »





Le contremaître porta un premier coup puissant à la tempe gauche du malheureux.
Puis un autre sur le haut de son crâne.
Puis un autre sur son épaule. Et encore un autre. Et encore...

Une pluie de coup et de crachats s'abattit sur l'esclave qui finit par s'écrouler, balbutiant quelques mots d'excuse en roknari.




(en roknari) « Quaer..Pe.. Ae. Ae. Quaer..Quaer..Quaer »






Ce n'est qu'une fois satisfait de sa rossée que le contremaître reprit lentement sa tournée, matraque en main. Il désigna Javier et Gervaso du bout de son bâton avant de hurler.



(en roknari) « Qurt di est ! Qurt a donov amiliocuu stenefe nat ontibudios nititigintic. »
(en roknari) « Qund ltinesi mudet fenon ens mio i ontuntit erc stenefe do ! »



Ricanant comme une hyène, il reprit le cours de sa déambulation...

Samedi 17 septembre 1466, 15h
Meurtri, moulu, exténué, Javier aspire à retrouver le relatif repos de la cale.
Mais le Capitaine a entendu parler d'un mouvement de grogne parmi les prisonniers ...

(en roknari) « Qusigecanus mul ent rest e ! »
(en roknari) « Ontuntit aenecriurart pa ontuntit costr ! »
(en roknari) « Qusigecanus mul nvit mat'sinit ... »

Tous les marins du navire viennent le rejoindre.
Il fait détacher les prisonniers d'un banc sur deux.
Puis il fait jeter les prisonniers libérés à la mer.

(en roknari) « Esum !
Esum erple !
Esum di ! »
(en roknari) « Peneae nti mndisuiabuarert odetenost e ontibudios is etes edanes, sumuns qurt suimer digi ontibudios rest taese. »
(en roknari) « O'migint qund e !
Qurt mulpumudeae mi ! »

D'un grand claquement de fouet, il lance le départ de la « course »
puis aboie ses consignes aux malheureux dans l'eau.

(en roknari) « Samo venitintit ocantitacestumen ontibudios nibusthi remam edanes marfet nititigintic ontibudios phabi. »

Javier écarquilla les yeux en entendant les propos délirants du capitaine roknari. Le feu ardent de la folie brillait dans ses yeux exorbités de contentement alors qu'il lacérait l'air de son fouet.

Hébété par cette demande insensée, Javier pensa, l'espace d'un bref instant, à braver cette dernière. Se lever héroïquement, et provoquer, de fil en aiguille, une rebellion virulente... Rebellion qui ne serait suivie que par lui et lui-même, et qui signerait certainement et immédiatement son arrêt de mort...
Il jeta un coup d'oeil rapide aux rangs clairsemés des galériens, et commença à ramer, en se calant sur le rythme du fouet des contremaîtres et des grognements des rameurs de premier rang. La tâche n'allait pas être simple avec autant de bras en moins...

Se rebeller le mènerait à sa mort. Echouer dans cette "course" le mènerait à sa mort.

Quitte à mourir, autant ramer...

Malgré les tortures, les mauvais traitements, les humiliations ....
Les malheureux à la mer mettent toutes leurs forces dans cette épreuve,
et viennent, reconnaissants d'avoir la vie sauve, rejoindre le navire.

Affligé, Javier comprend la finalité sadique de la manœuvre
et sa redoutable efficacité.

La bouche de Javier se tordit de dégoût.
Voir chacune de ces loques ruisselantes d'eau de mer remercier leur tortionnaire de leur petite voix chevrotante... Il fusilla du regard les specimen les plus pathétiques avant de reporter son attention sur sa rame.
Aurait-il fait mieux que ces pauvres diables ? Rien n'était bien moins sûr...

Il continua de ruminer en silence, priant intérieurement le Bâtard pour qu'il lui donne, un jour, l'occasion de lentement enfoncer un cerclage de tonneau rouillé dans le creux de la gorge de ce barbare enguenillé de rouge...

... autre tranche de vie ...

Dimanche 18 Septembre 1466, 1h27

Des sanglots. Entrecoupés de marmonnements incompréhensibles submergés par le rugissement incessant de la houle.
Accroupi dans un recoin humide de la cale, Javier ne parvenait pas à s'endormir. La douleur lancinante qui exsudait de ses blessures et les pathétiques pleurs des "nageurs" de la veille le torturaient tant physiquement que mentalement.

Etait-ce ce qu'il était condamné à devenir ? Une coquille apathique dénuée de toute volonté, de toute fierté et de toute identité ? Un ersatz d'homme ramené aux frontières de son animalité à la force du fouet, du poing et du sabre ?
Cette pensée ne cessait de tournoyer dans son crâne. Combien de temps pourrait-il encore supporter un tel traitement ?

El Mojelon n'était plus si loin désormais. A quelques jours de rame selon les derniers murmures.
Pour un esclave, rien ne changerait une fois arrivé là-bas. Mais cette brève escale lui donnera l'occasion de parler, discuter, s'organiser, comploter, même.

Un coup d'épée dans l'eau ? Peut-être. Mais il espérait que ces ondulations insignifiantes pourraient un jour créer un ouragan de colère, de haine et de révolte qui le mènerait à la liberté.

Ou à la mort...

...

Dimanche 18 Septembre 1466, 16h35

Cette journée dominicale aurait pu être inscrite dans la liste des journées les plus calmes de cette odyssée forcée. Pas un bruit, pas un murmure, pas une parole. Juste les grognements rythmés des rameurs, le bruit de la houle et les rires sporadiques des esclavagistes officiant sur le pont supérieur.
Le coup d'éclat du capitaine avait bien porté ses fruits; les graines de la terreur avaient déjà germé dans de nombreux coeurs, pacifiant ainsi les esprits les moins indisciplinés...

Une grande partie de ceux qui avaient été jetés à la mer gardaient leur tête baissée, les yeux rivés sur les chaînes qu'ils portaient aux pieds. Certains semblaient même avoir définitivement accepté leur statut de chose ou de jouet corvéable à merci.

Détruire la psychée d'un individu pour pouvoir la reconstruire au gré de ses besoins et de ses envies...
Javier ne pouvait que constater avec amertume l"efficience de cette méthode. A quoi bon lutter si le chemin de la lutte mène à la torture et à la mort ?

A quoi bon lutter ?

Plissant les yeux de rage, Javier se contentait une fois de plus de ramer. Il n'abandonnerait pas. Pas encore, tout du moins.

Sa prochaine étape serait El Mojelon. La première marche qui le mènerait à la liberté.

mardi 20 septembre 1466, 18h00

En vue du port, à distance suffisante pour dissuader les tentatives d'évasion, le Capitaine décide de faire arrêter le navire pour profiter des marées et procéder au déchargement le lendemain.

La sélection de ceux qui procèderont au déchargement est drastique ...
Pas de marque trop fraiche
Docilité avérée

Tous les autres resteront à fond de cale !

Reste à jouer/décrire même en 1 seul post la transition jusqu'au 21 septembre, 20:00
Pour faire la jointure avec le sujet suivant : Sujet : MAIS QU’ALLAIT-IL(S) FAIRE DANS CETTE GALÈRE ?

Mercredi 21 Septembre, 7h32

Relégués au rang de chose, Javier, ainsi qu'une dizaine de galériens croupissaient au fond de la cale. Les estropiés, les lacérés et les brisés resteraient dissimulés aux yeux de tous, participant ainsi à entretenir l'illusion de respectabilité du capitaine de leur prison flottante.

Les autres s'activaient au dehors, charroyant les balles de soie, de tissus fins et d'épices issus du dernier pillage sur les quais d'El Mojelon.
Tiraillé par la douleur qui émanait de ses blessures, Javier se tenait accroupi, la tête mollement posée sur ses genoux.

Aurait-il la force de supporter une telle vie d'horreur et de souffrance ?
Il ne saurait répondre à cette question.

Subir et endurer. C'est tout ce qu'il pouvait faire à présent pour supporter l'insupportable.

Subir et endurer.

Mais jusqu'à quand ?