Message secret pour Viadoq.Ainsi le cher Erard avait raison...
Le grand-vicaire avala une gorgée du spiritueux, et s'il le trouva un peu trop sirupeux pour son goût, rien n'en transparut derrière le parfait sourire qu'il adressa au Chambellan.
« Sans fausse modestie... il est vrai que le sujet n'est pas très populaire. Mes propres connaissances sur le sujet sont d'ailleurs elles-mêmes fort lacunaires, j'en ai bien peur. »
De fait, Almaurry de Marle avait eu plus d'une occasion de constater que l'étude des plans, dans le clergé local, faisait figure de savoir hautement ésotérique. L'apprentissage de la langue céleste ou infernale (bien plus rarement encore les deux, comme c'était le cas pour Almaurry) était le fait d'une "élite" restreinte d'érudits, et fort peu d'entre ceux-là mêmes allaient au-delà d'une approche purement linguistique, uniquement utile au déchiffrement de textes anciens, pour s'intéresser à tout ce qu'il y avait derrière, la grande arborescence des plans au-delà du plan matériel et ce qui les peuplait. Dans le meilleur des cas, la chose était vue comme le genre de "spéculations métaphysiques" que l'on se réservait pour de "vieux jours" toujours repoussés.
« L'essentiel de ce que je sais, je le tiens du Frère Ymbelet qui était à l'abbaye de Vallirée au temps où j'y faisais mon noviciat. - Un visionnaire, dans tous les sens du terme. - Et ce que je ne tiens pas directement de lui, je le tiens des livres qu'il avait amassés sur le sujet. Mais à l'entendre, l'ensemble restait très parcellaire. Il n'était pas toujours très facile de savoir si les connaissances qu'il évoquait, comme allant au-delà de ce qui était présent dans les volumes sur place, ressortaient d'autres volumes qu'il avait vus dans d'autres régions du royaume, ou de ses propres... expériences mystiques ; l'homme n'était pas toujours facile à comprendre, si passionnante que fut sa conversation. Sans nul doute, il eut été le meilleur expert que vous eussiez pu trouver sur la question, mais hélas, il nous a quitté il y a un an et demi. La Mort vient pour nous tous... »
Hum ! Pour certains moins vite que pour d'autre, comme l'attestaient le visage semi-adolescent et même la seule présence du Chambellan Ruyl.
« Pour ce qui regarde cette affaire du relai, j'en ai évidemment entendu parler, comme tout le monde... et même un peu plus, considérant l'importance que le clergé a joué dans cette affaire. Et le prix qu'il y a payé. Monseigneur de Lormoy a été très affecté, vous le savez, par le sort de la Semeuse d'Aube Ellinde, qu'il avait lui-même recommandé... Une perte tragique, considérant le jeune âge et le potentiel de la malheureuse. »
Aussi, quelle idée d'aller attaquer seule une bande de mercenaires, quand on est si douée pour l'enluminure...
« Toutefois, j'aurais eu tout lieu de penser que l'affaire était désormais classée, si votre évocation du sujet ne laissait pas entendre autre chose. Mais la Passe du Rocher Fantôme est bien loin de Hagetlande, monsieur le Chambellan. »
Qu'est-ce que tu ne me dis pas ?