Message secret pour bahamut.La surprise fut visible sur le visage de la noble avant qu'elle ne réponde:
« Je ne l'ai jamais caché, Eryn. Je fais payer plus cher les riches pour que ceux qui n'en ont pas les moyens bénéficient quand même de mes soins. Tu sais, nombres de mes confrères n'ont choisi ce métier que parce qu'il assurait un revenu confortable... Les idéalistes, et bien, ils sont peu. Etudes chères et longues, avenir confortable... Pourquoi s'embarrasser des petites gens, hein? »
Le dégoût avait remplacé la surprise pour celle qui considérait la médecine comme un cadeau qu'on devait offrir au monde et non un privilège que l'on ne devait offrir qu'à ceux qui pouvaient se le payer:
« De par mon nom et mon rang, il m'était assuré d'avoir une clientèle noble mais je fais partie de celles et ceux qui jugent que tout un chacun mérite d'avoir un accès aux soins... Qu'ils soient riches ou pauvres, hommes ou femmes, humains ou gobelins... Oui, oui, même les gobelins. Bon, ils ne viennent jamais me consulter mais ils le pourraient sans problème. Enfin, sans problème avec moi. Pas dit que les gardes et autres citoyens les laissent tranquille pour autant... »
Clostriana ricana avant d'ajouter:
« Autant dire que mon point de vue n'est pas partagé par grand monde de la profession mais, surtout, que beaucoup de mes confrères ne me portent pas dans leur cœur. Déjà parce que je pratique la magie curative, art qui ne leur est pas donné à tous, et qui me fournit l'avantage de me simplifier le travail, même si je n'en abuse pas... Et ensuite, parce que ce que je fais m'assure bonne réputation et portes ouvertes où que j'aille. Mon nom m'ouvre les portes de la haute société et mon attitude celles des moins chanceux...
Oui, c'est assez compliqué comme façon de penser, je le reconnais... Même malhonnête vis à vis de mes confrères, on pourrait dire... Mais si je dois faire ça pour le bien commun, soit. »
Haussant les épaules, elle laissait paraître la confiance en elle qu'Eryn lui connaissait, celle qui lui assurait de ne jamais dévier de sa trajectoire quoi qu'il en coute. Mais la confiance disparut bien vite quand la chevalier posa sa dernière question. Remettant nerveusement une mèche derrière son oreille, Clostriana hésita un instant puis répondit:
« Je te l'ai dit, mon père l'a engagé pour me protéger... Après cette histoire du relais, je suis resté à Horbourg quelques temps pour me reposer, commencer mes recherches... A la fin de l'hiver dernier, quand j'étais en train de faire mes préparatifs pour repartir en vadrouille à travers la baronnie pour dispenser mes soins et continuer mes recherches, il était là, un jour. J'ignorais de qui il s'agissait, je me disais qu'il s'agissait peut-être d'un homme d'oncle Foulques, venu voir mon père et qu'il l'avait encore oublié... Ca n'aurait pas été la première fois ni la dernière...
Mais en fait, non. Quand j'ai vu Père, il m'a présenté Sylas, m'a expliqué qu'il m'accompagnerait désormais partout et qu'il veillerait sur moi... Je me rappelle ce qu'il a dit: "J'ai besoin de Vaillant quelques temps. Je veux qu'il s'accouple à quelques unes de mes femelles les plus prometteuses. En échange, Sylas le remplacera et t'accompagnera partout. Fais attention à toi, ma fille et reviens avant l'été. Ton cousin Ignace doit passer nous voir, tu te souviens de lui?"
Autant dire que je n'étais pas enchantée, me retrouver accompagnée par un inconnu, chargé de me surveiller au nom de mon père, promise à devoir rencontrer un énième prétendant qui venait juste d'atteindre l'age de la majorité... Mais Sylas aussi avait mal pris les mots de mon père. Se retrouver payé à remplacer un chien de garde, ce n'est pas la chose la plus flatteuse du monde... Mais il a fait son travail sans se plaindre. Et il m'a toujours retrouvé quand j'ai essayé de le semer dans les premiers jours... Alors, j'ai fait avec. Et puis, avec le temps passant, il ne s'est pas montré si désagréable comme compagnie, comparé à Vaillant. Ne te méprends pas, je ne le compare pas, non. Juste que la conversation d'un humain est plus profitable que celle d'un chien. Une fois sorti des Woof et des Grrrr, ça devient très vite limité avec Vaillant...
Bref, nous avons cheminé ensemble, avons passé du temps à discuter et à nous connaître, voilà tout... Quand nous sommes tombés sur 3 brigands, il n'a pas hésité une seconde à s'interposer et à prendre un vilain coup à ma place. Bon, il a eu beaucoup de mal à comprendre que je les guérisse après qu'il les ait corrigé et que je souhaite les accompagner pour m'occuper d'une de leurs compagnes. Une vilaine pneumonie qui ne passait pas... Là, j'ai du faire appel à ma magie sinon elle était condamnée... Nous avons dormi chez eux ce soir là, d'ailleurs. L'une de leurs femmes avait préparé une soupe de blette à la crème, ma foi, l'une des meilleures que j'ai eu l'occasion de manger.
Mais passons. Non, je ne te dirai pas où ni qui ils sont... Il ne s'agissait que de paysans qui avait perdu leurs terres et tentaient de survivre, en s'en prenant aux cavaliers de passage. Je leur ai fourni une lettre de recommandation pour un ami sylviculteur, pour qu'il leur trouve du travail.
Bref, nous avons donc continué à voyager ensemble et nous sommes passés par Rivourbe. Un marchand, Oppo Leill, avait fait une mauvaise chute de cheval, une fracture ouverte qui s'était infectée... J'ai réussi à sauver une partie de sa jambe mais il a perdu tout ce qu'il y avait en dessous du genou... Ahem, ne nous attardons pas sur les détails. Un de mes confrères le disait condamné et, du coup, Oppo... Oui, il a insisté pour que je l'appelle par son prénom plutôt que par son nom, comme je le fais d'habitude avec les patients, pour me remercier de lui avoir sauvé la vie... a organisé une fête pour me remercier. Sylas s'est retrouvé confiné à l'écart avec les gardes des autres invités mais je me suis éclipsée dès que j'ai pu pour le rejoindre et passer la soirée en sa compagnie plutôt qu'avec celles de personnes que je jugeais moins intéressantes...
Je crois que c'est ce soir là que les choses ont commencé à changer entre nous... Et que j'étais totalement perdue sur la conduite à tenir... En tant que femme, je sais que ce n'est pas à moi de faire le premier pas mais... J'ai commencé à me montrer plus chaleureuse, à essayer de me laisser porter par les événements, de moins réfléchir... C'est compliqué pour moi, tu sais...
Euh... Pardon, je parle beaucoup, je dois t'ennuyer... Mais il y a peu de monde à qui je peux parler de ce genre de choses... En dehors du principal intéressé, ce qui pourrait s'avérer problématique si il ne ressentait pas la même chose que moi. Bon, je suis presque sure qu'il ressent la même chose mais... presque. Pourquoi c'est le presque qui compte dans ce genre de cas?
Les choses du cœur sont si... compliquées. Alors qu'un cœur, c'est simple. J'en ai vu plusieurs, lors de mes études. J'en ai même tenu un et... Non, là, ça devient un peu scabreux, je m'égare, pardon.
Que devrais-je faire, selon toi? »