Message secret pour Algernon.« Vous trouverez un guide à Hagetlande, à la caserne. Il m’a été rapporté que ce Korgan y travaillait parfois en tant que mercenaire, il ne fait pas partie de l’effectif régulier. D’autres gardes seront plus qualifiés pour une expédition dans les marais. Je vous procurerai un mandat spécial, mais la garde est sous l’autorité directe et exclusive du chevalier : C’est à lui qu’il vous faudra demander. » Agitant sa main en l’air : « Vous êtes aussi bien placé que moi pour obtenir son aide. »
Le breuvage étant terminé, la conversation touchait à sa fin. « La discrétion n’est pas forcément de mise. Evitez de parler de démons, bien sûr. Mais ceux qui ont découvert le cercle de pierre ont parlé d’un « autel », à Hagetlande. Que vous cherchiez à vous rendre compte sur place de ce qu’il en est paraitra normal. Vous pouvez y jouer votre propre rôle, et même en faire plus que nécessaire » finit-il, un léger sourire énigmatique sur les lèvres.

Message secret pour Viadoq.Le tout dernier point du discours du chambellan convainquit modérément le vicaire, qui, malgré les dénégations répétées qu'avait apporté Ruyl, ne put s'empêcher de suspecter derrière cette invitation à se mettre en avant "plus que nécessaire" une façon comme une autre de laisser dans l'ombre l'implication de son commanditaire, du moins tant que l'affaire ne serait pas réglée pour le mieux. Ceci étant, si Almaurry ne prévoyait pas de se montrer démesurément "flamboyant" sans nécessité, avoir les coudées franches serait certainement appréciable.

Après avoir pris congé - avec toutes les amabilités d'usage -, le grand-vicaire reprit le chemin de l'évêché. Il se fit servir une collation dans son bureau, qu'il avala tout en rédigeant deux lettres, respectivement adressées à son frère Thibault et à son oncle Alaric, chevalier d'Hagetlande, pour les prévenir de son arrivée ; il laissa seulement en blanc, pour le moment, la date à laquelle cette arrivée devait avoir lieu. Dans les deux cas, il usa du prétexte que lui avait recommandé l'évêque de l'inspection de l'autel découvert, enrobé de quelques considérations familiales sur l'occasion à saisir de se revoir après plusieurs mois. Le ton de la lettre au chevalier était toutefois légèrement plus protocolaire : les liens du sang évitaient qu'Almaurry ait à se fendre d'une demande d'audience en bonne et due forme, mais si le vicaire avait assez souvent l'occasion de croiser son cousin Tariq dans les réceptions mondaines à Horbourg, les mystérieux Alaric et Éléonore ne se montraient guère moins distants avec les branches un peu éloignées de leur propre famille, qu'avec le reste du monde ; considérations auxquelles il fallait ajouter qu'Almaurry comptait en appeler à l'aide de son oncle, ce qui supposait un peu plus d'égards qu'envers son frère dont il n'attendait que le gîte et le couvert.


Puis, il alla informer l'évêque de la conversation qu'il avait eu avec Ruyl et de ses plans de quitter Horbourg dans les jours à venir.

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Si l'évêque ne fait pas de difficultés - ou tout simplement ne se lance pas dans une conversation que tu tiens à me faire jouer -, Almaurry envoie les lettres en avertissant de son arrivée à l'airial familial le lendemain dans l'après-midi (histoire de ne pas débarquer comme un sauvage, tout de même). Il dispose évidemment toujours de sa chambre sur place, et Thibault ne devrait pas avoir de difficulté à faire préparer le repas pour une personne de plus ; vu ses occupations, ou plutôt son absence d'occupations, il est très improbable qu'Almaurry dérange quoi que ce soit dans les plans de son frère en s'invitant à la maison. Pour ce qui est d'Alaric, en revanche, il lui demande quand est-ce qu'il serait disponible pour se voir, à compter du surlendemain. Puis, il avertit Helyot et Brodier de préparer leurs affaires pour l'accompagner, et passe le reste de l'après-midi à faire des recherches dans la bibliothèque de l'évêché (dis-moi si tu veux des jets de dés).

Message secret pour Algernon.L’évêque ne posa aucunes difficultés particulières au sujet du départ d’Almaurry. Au contraire, il l’approuva. « Un autel, dites-vous ? Effectivement, il nous faut savoir s’il n’y a pas une quelconque secte interdite qui officierait en ce lieu, ou ailleurs dans la Baronnie. »

Les ordres donnés à deux serviteurs qui l’accompagnerait dans ses déplacements à Hagetlande, Almaurry se rendit à la bibliothèque de l’évêché. Celle-ci, dans l’aile droite du bâtiment, ne contenait pas autant d’ouvrages que celle qu’il avait connu à l’Abbaye de Valirée, dont les moines gardaient jalousement les ouvrages, ou celle du château du Baron d’Horbourg, située sous les bureaux du Chambellan, et qui contenait toutes les archives « temporelles » de la baronnie.

Message secret pour Algernon.
Fort des informations révélées par Ruyl, Almaurry replongea dans les livres que l’évêché possédait et dans ses anciennes notes.


Jour deuxième

Tout d’abord, la région pullulait de monuments antérieurs à la colonisation des lieux par l’homme, il y avait moins de deux cents ans. A ce jour, aucun recensement n’avait été débuté, et aucune analyse permettant de dégager des tendances, ou un classement en civilisations distinctes, n’avaient été réalisée. On pouvait compter une vingtaine de dolmens et menhirs, parfois dans des lieux très reculés, au moins deux vieux temples ressemblant à des pyramides à degré, un cercle de pierres dressées probablement par des êtres de petites tailles (halfelins ? gobelins ?), des dalles taillées, une table (un autel ?) ne pouvant servir qu’à des géants dans les collines, une route en pierre dans la forêt au Nord de Rivourbe, des peintures rupestres dans une grotte... Certains étaient même au cœur des villes humaines : La fontaine qui produisait de l’eau dans la cour du Château d’Horbourg, la porte d’entrée de la demeure du Chevalier de Sangris assez grande pour faire passer deux géants de front sans qu’ils aient à se baisser et qui était déjà présente avant l’arrivée des humains...
Bref, le sujet était trop vaste pour espérer trouver une direction pour Almaurry, surtout que nul historien digne de ce nom ne s’était penché sur la question. Tout au plus pouvait-il se douter de l’existence d’une grande civilisation plusieurs siècle avant l’arrivée des hommes (ou plutôt, des hommes venant du royaume de Mascar, car rien n’indiquait que cette civilisation ancienne ne soit pas humaines).
De même, les informations sur des inscriptions éventuelles n’apportèrent rien au vicaire.

Almaury se replongea un temps dans ses propres notes issues de ses études à l’Abbaye de Vallirée, concernant la guerre entre gobelins et orques. Depuis cette guerre, des créatures démoniaques étaient régulièrement repérées dans la forêt au Nord de Sangris. Des chiens ou des chèvres crachant le feu, par exemple. Ces monstres, souvent dénués d’intelligence, ne présentaient une menace que par une puissance destructrice classique, et non par une malignité sur le long terme.


Jour troisième

Les préparatifs réalisés, le départ fut donné pour rendre visite au frère ainé d’Almaurry, Thibault.
Ne prenant pas la route menant vers Simore, le trio coupa à travers champs pour rejoindre l’airial familial, finalement bien éloigné des dangers réels des marais d’Hagetlande. La zone, marécageuse dès le milieu de l’après-midi, finit par s’ouvrir à la tombée de la nuit sur un aire surélevée par rapport aux terres alentours, et donc sèche : L’airial de Marle.
L’airial de Marle était organisé comme tous les airials d’Hagetlande : Deux grand bâtiments servaient d’étables, et accueillaient aussi les « brassiers », les ouvriers payés à la journée et recrutés à Hagetlande même. Perpendiculairement à eux, et formant donc ainsi une grande cour carrée, deux bâtiments bas et longs logeaient les habitants permanents de l’airial. Au centre du carré se trouvait deux maisons individuelles, l’une appartenant à l’intendant, l’autre, la plus belle, au maître. En général, son entretien était confié à une veuve d’un ancien « permanent » de l’airial, et que le maître n’avait eu le cœur de rejeter. Almaury savait que c’était le cas ici : Hujette était la domestique de la famille depuis des années.

Message secret pour Viadoq.Les trois chevaux passèrent au pas la limite de l'airial. La lanterne au-dessus de la porte d'entrée de la grande maison était allumée, et on avait dû les voir arriver malgré le jour tombant, car la porte s'ouvrit pour laisser le passage à trois silhouettes qui s'étagèrent sur la demi-douzaine de marches du perron.

Sur la deuxième marche se tenait Thibault. Des trois enfants de Sicart et Guillemette de Marle, le premier-né était sans doute le moins gâté par la nature, mais des années de laisser-aller n'avaient rien fait pour arranger les choses.

Aussi bien physiquement qu'intellectuellement, l'existence de Thibault avait été marquée du sceau d'une triple malédiction : la médiocrité, la conscience de cette médiocrité, et son acceptation. Il n'était ni laid ni stupide, n'avait pas été moins aimé que ses frère et sœur ensuite. Il avait su dès le jeune âge qu'il était l'héritier du domaine, et cet héritage ne réclamait aucun effort de sa part pour sortir de l'ordinaire. Les jeux des petits Almaurry et Agnès, nés à moins d'un an l'un de l'autre, n'avaient guère tardé à consister, essentiellement, à aiguiser mutuellement leurs intelligences (Agnès, surtout, se révéla vite un parangon tant de beauté que de vivacité, et Almaurry ne dédaigna pas de se mettre à l'école de sa benjamine) ; Thibault, lui, garda ses distances ; il comprit trop tard que cette distance s'était installée, le laissant à part d'une complicité fusionnelle entre les deux autres, et, pire, qu'elle ne venait plus de ce que lui, "le grand", ne voulait pas s'abaisser à des amusements puérils, mais de ce que ces amusements dépassaient maintenant ses propres capacités. Lorsque des années plus tard, leurs parents moururent, Almaurry avait entamé la transformation de sa relégation à l'état religieux en destin de plus en plus éclatant ; Agnès avait meublé son esprit de telle manière qu'un beau mariage (qu'elle avait obtenu aussi, cela dit) ne fût pas la seule fin de son existence, à tous les sens du terme ; et Thibault-- Thibault hérita, comme prévu ; et le piège d'une existence sans intérêt se referma sur lui.

À présent, Thibault se tenait, légèrement voûté, sur le perron. Entre ses vêtements sombres et ses cheveux noirs, coupés sans art, une fatigue, plus générale que due à la seule heure tardive, accentuait le côté un peu bouffi de l'ovale pâle de son visage. La position qu'il avait adopté pour accueillir son frère le plaçait à l'avant des deux autres -- la vieille Hujette et l'intendant Hennequin --, mais aussi, du fait des marches, en contrebas d'eux ; et bien qu'ils lui soient officiellement soumis selon les règles de l'ordre social, ils donnaient plutôt ainsi l'impression de le dominer. Cette impression n'était pas fausse.

Aucun de ces deux-là n'était plus jeune, et le jour où ils viendraient à leur tour à disparaître risquait fort d'être le jour où l'airial partirait à vau-l'eau. Leurs relations étaient aussi variables que le temps, sans qu'il soit toujours possible de déterminer ce qui causait tel ou tel revirement, mais l'un et l'autre, ils partageaient et assuraient la véritable régence du domaine, en tout sauf en nom. Des décennies plus tôt, Hujette avait assuré des fonctions de nourrice ; seuls son rang subalterne et les convenances empêchaient aujourd'hui qu'elle agisse trop ouvertement en véritable mère de substitution pour les enfants de Marle, Thibault en particulier bien sûr. Quant à Hennequin Marquet -- qui présentement se tenait, digne, raide et droit, deux pas (et deux marches) à la gauche de Thibault, ses cheveux gris coupés courts avec une sévérité qui en aurait remontré à plus d'un militaire qu'Almaurry connaissait --, il était toujours d'une correction, dans ses rapports avec la famille qui l'employait, aussi parfaite et exemplaire que l'ordre qu'il faisait régner sur l'airial par son administration ; mais toute personne passant suffisamment de temps sur place, à moins d'être aveuglée par les préjugés, ne pouvait manquer de comprendre qu'il était désormais autant le maître du domaine qu'on pouvait l'être sans les droits de naissance et de propriété. Hujette représentait une plus grande limite à l'extension de ses pouvoirs que le mélancolique Thibault de Marle.

Arrivé en face du perron, Almaurry descendit de cheval, imité par Brodier et Helyot, des garçons d'écuries arrivés en courant s'empressant de saisir les brides des montures.

« Bien le bonsoir. » lança-t-il à destination de l'ensemble du comité d'accueil, avant d'échanger une accolade avec son frère.

« Eh bien... ne dit-on pas qu'on n'est nulle part aussi bien qu'à la maison ? »

Message secret pour Algernon.« Bonjour, Frère. » Un salut prononcé sans joie, à son habitude, mais la curiosité autant que l’intérêt de la venue d’Almaury à l’airial animait le regard de Thibault. « Entre. Vous avez certainement faim après ce voyage. Hujette, qu’avons-nous prévu à dîner ? » Le « nous » était bien entendu totalement rhétorique, la veuve ayant pris seule toutes les dispositions quant à l’accueil des trois hommes.
Deux gamins prirent les chevaux, pendant qu’un autre portait les bagages d’Almaury jusqu’à sa chambre.

En entrant, Almaury put admirer le chemin parcouru par lui-même. La maison du maître était luxueuse par rapport aux autres de l’airial, mais cela n’avait rien à voir avec le faste qu’il pouvait connaitre au palais épiscopal. Même pour une Baronnie reculée comme celle d’Horbourg.
Distribués autour d’une pièce centrale, on trouvait en partant de la gauche vers la droite, une petite chambre, puis celle des parents, une cuisine, une arrière cuisine, une porte donnant sur l’étable, et deux autres chambres. Le mobilier foisonnait dans un assortiment de styles hétéroclites, à la fois solides, faits pour durer, et distingués. Le cumul de plusieurs générations de maîtres.
« Alors, que nous vaut ta venue ? » demanda Thibault.

Message secret pour Algernon.Héliot et Brodier avait salué Almaury avant de partir rejoindre l’une des cases prévues pour les journaliers dans les étables.

« Ha ? Cette fameuse histoire, d’une femme-araignée et de ses insectes géants ? Oui, il paraitrait qu’elle vivait sur une dalle qu’elle avait dégagée... » répondit Thibault distraitement. « Elle attirait des humains des airials, ainsi que des hommes-lézards, pour les piéger et les dévorer. Sais-tu que, maintenant que l'existence de ces hommes-lézards est établie, certains voudraient nouer des contacts avec eux ? Quel ridicule ! » Thibault secoua la tête de désapprobation face à cette idée saugrenue.
A ce jour, le projet d'une mission diplomatique n'avait pas atterri sur le bureau d'Almaury, or ce genre de premier contact ne pouvait se faire sans l'aval des autorités religieuses. Pour Almaury, c'était une preuve que cette idée n'était pas encore prête à devenir réalité.

« Un monument religieux ? Je pense qu’il vaudrait mieux le détruire. Qu’en pense l’évêché, donc ? Avez-vous une piste sur le dieu maudit qui était prié en cet endroit ? »

Message secret.Almarry haussa les épaules.

« L'avis en haut lieu est que le monument en lui-même ne représente pas de danger, à l'heure actuelle. Quant à la nature du culte... eh bien, c'est justement pour le savoir qu'étudier l'endroit sera plus utile que de le détruire immédiatement. Et peut-être découvrira-t-on ainsi un moyen d'éviter d'autres dangers futurs. "Qui sait à quoi ce savoir servira ?" » conclut-il, laissant échapper machinalement l'une des formules rituelles des fidèles d'Oghma.

Message secret pour Algernon.« Le savoir… oui… » Thibault avait prononcé ces mots sur le ton blasé qu’il employait souvent, comme si le savoir n’était finalement pas un si grand bienfait. Peut-être que dans son cas, l’intelligence et la connaissance représentaient même une malédiction, lui rappelant sans cesse sa médiocrité.
« Peut-être pourras-tu prendre la cousine de Gides. Elle s’appelle Naïa, je crois, et elle est éclaireuse dans la garde. Il parait qu’elle s’est rendue dernièrement sur ce cercle de pierre… Elle saura t’y guider. » Gides était un des permanents de l’airial qu’Almaury connaissait.

Message secret.Voilà qui pourrait simplifier certaines choses.

« Voilà en effet une très bonne idée, mon frère, » approuva Almaurry, « je t'en remercie. Je ne manquerai pas de me renseigner dès demain. Mais pour l'instant, je propose que nous chassions ces pensées sinistres et que nous concentrions sur le bon repas qu'Hujette nous a sans doute fait préparer. Et puis tu pourras me donner les dernières nouvelles locales... »

Message secret pour Algernon.Le repas fut simple, mais toujours aussi bien préparé. La potée d’Hujette ravivait des souvenirs heureux chez Almaury, une époque où ses parents étaient encore vivants. Almaury prit naturellement des nouvelles des permanents de l’airial avec lesquels il avait passé une partie de son enfance.
La nuit, dans sa propre chambre, fut paisible.


Jour Quatrième

Almaury se réveilla mieux reposé que ses deux acolytes. Rapidement au matin, il prit la direction d’Hagetlande, laissant son frère et l’airial de Marle dans son dos.
Vers le milieu de la matinée, ils entrèrent dans une zone à la végétation plus dense, plus haute. Une heure plus tard, la lumière du soleil ne parvenait plus que rarement à toucher le sol, ou plutôt l’eau qui s’étendait dans toutes les directions. Toutes ? Pas tout à fait, puisque des morceaux de terres sèches s’élevaient parfois, sur lesquelles se développaient des airials.

Vers midi, ils rejoignirent la route en provenance de Simore et se rendant à Hagetlande. En début d'après-midi, les trois hommes arrivèrent au pied de la muraille du village.
Hagetlande n’était qu’un petit bourg, présentant deux rues principales qui se croisaient en une place dominée par la demeure du Chevalier. Une caserne était accolée à elle.
Le village comportait toutes les échoppes nécessaires à l'approvisionnement en outils des communautés alentours : Chaudronniers, maréchal-ferrant, artisans... On y trouvait également des hommes et des femmes oisifs, des brassiers attendant un hypothétique travail dans un airial, et qui se retrouvaient dans l'une des deux auberges du village : L’Onde verte, et le Grillon discordant.

Message secret.
Mettant pied à terre devant la caserne, Almaurry décida de s'y présenter d'abord, à la recherche de Naïa ou de Korgan.

Message secret pour Algernon.Almaurry se présenta avec ses deux compagnons devant la caserne. Celle-ci était attenante à la demeure du chevalier, et ne présentait qu'une cour bordée par un bâtiment longiligne, contenant les chambrées, les lieux de réunions et d’entraînement de la trentaine de soldats et d'éclaireur du village. Le rangement et le nettoyage n'étaient pas idéaux dans la caserne, il semblait qu'un certain laxisme régnait en ces lieux. Il était aussi vrai que la proximité des marais et de son humidité ne rendait pas facile le maintien de la propreté. Sans surprise pour Almaurry, les effectifs comptaient quelques orques et demi-orques : Ils étaient nombreux dans les airials entourant Hagerlande.

Le Capitaine Uldor, un homme sec, légèrement plus petit que la moyenne, reçut naturellement le vicaire.
« Korgan est en détachement, il ne reviendra pas avant quelques semaines. Naïa est ici. »
A travers la cour, le Capitaine appela l'éclaireuse, une jeune femme habillée simplement, portant une armure de cuir ainsi qu'un arc long et une épée courte. Les yeux verts, les cheveux châtains, elle arborait un sourire qui enluminait sa démarche grâcieuse. « Oui, Capitaine? » Malgré la question, Naä avait compris que celui-ci l'avait fait venir pour Almaurry.

Message secret.Le capitaine assura rapidement les présentations, sans mentionner le lien "familial" évident pour Almaurry et Naïa, soit qu'il l'ignorât, soit qu'il ne jugeât pas l'information intéressante. Le grand-vicaire salua gracieusement l'éclaireuse, puis en vint au but de sa visite :

« Soldat, on m'a dit que vous vous êtes rendue récemment au cercle de pierre récemment découvert. J'ai pour mandat de me rendre également sur place, afin d'inspecter la dalle et d'y effectuer des relevés, afin qu'ils puissent être étudiés à Horbourg. Nous pourrons ainsi espérer en apprendre plus sur sa provenance, sa nature, son éventuelle fonction... » Un geste de la main ponctua l'énumération, qui pouvait être interprété par les militaires comme "le danger qu'elle pourrait représenter", mais Almaurry évita de formuler la chose à haute voix. « Dans ce cadre, j'aimerais que dans les prochains jours vous me guidiez jusqu'à ce lieu, ainsi que l'un de mes compagnons. À ce stade, je n'ai que des idées très vagues sur le temps nécessaire, aussi bien à un trajet entre ici et là-bas, qu'aux travaux que j'aurais à mener une fois sur place. Aussi je vous serai gré de bien vouloir éclairer mon esprit, avant d'éclairer la route. » ajouta-t-il avec un fin sourire.

Message secret pour Algernon.Naïa eut un regard interrogatif envers le Capitaine. « Bien entendu, vous me montrerez ce mandat, si vous désirez utiliser les ressources de la garde. » dit-il avant que Naïa ne parle. « Mais peut-être avez-vous pour moi un ordre du Chevalier ? » Le Capitaine Uldor restait poli : Il devait savoir qu’Almaurry était le neveu dudit Chevalier, mais il souhaitait une confirmation que la demande provenait de son supérieur direct. Ce qui n’était pas encore le cas. En tout cas, il permit à Naïa de poursuivre la conversation.
« Je sais où c’est. J’y suis allé pour y conduire un érudit, il y a deux semaines. Il faut deux jours pour y aller. Ce n’est pas la peine de prendre vos chevaux. Le précédant est resté une journée à tout écrire. »

Message secret.« Je suis arrivé hier soir, et je n'ai pas encore eu le plaisir d'être reçu par mon oncle. » répondit le grand-vicaire au capitaine, explicitant ce que l'autre n'avait pas dit. « À ce propos, savez-vous si le Chevalier est présent en ce moment ? Occupé, ou pas ?

Je n'ai pour l'instant sur moi que l'attestation que j'agis sous l'autorité de l'évêque de Horbourg, » (...le chambellan s'étant bien gardé de me fournir autre chose...) « mais je comprends que vous préfériez un ordre d'un supérieur direct, et je ne comptais nullement imposer un manquement à la règle. Ne voyez pour l'instant, je vous en prie, dans ma visite présente qu'une simple recherche de renseignements sur les possibilités futures. »

Almaurry nota également mentalement les informations que lui fournissait Naïa.

« "Le précédent" ? » demanda-t-il simplement à la jeune femme. Il pouvait s'agir de la source d'information de Ruyl, mais mieux valait vérifier qu'il n'y avait pas là une concurrence imprévue. Dans la première hypothèse, si une journée de travail sur place avait produit des renseignements jugés suffisamment insuffisants pour que le chambellan juge utile d'envoyer plutôt le grand-vicaire sur place, Almaurry jugeait qu'il lui faudrait au moins compter sur deux ou trois jours de travail, voire quatre ou cinq.

Message secret pour Algernon.« Il prétendait s'appeler Zolstra » répondit-elle mystérieusement. « Nous en reparlerons pendant notre trajet, si vous le désirez. »

Sur ces mots, un jeune homme d'environ 16 ans débarqua dans la caserne, essoufflé. Il regarda Almaurry avec des yeux mi-furieux, mi-heureux de le voir. « Messire... Almaurry... de... Marle » Il avait du mal à reprendre son souffle. « Le Chevalier d'Hagetlande … veut bien … vous recevoir ... cet après-midi. »
Après une ultime inspiration, il ajouta : « J'ai été vous chercher jusqu'à Marle! »
Il tendit une lettre à Almaury, signée de la main d'Alaric d'Hagetlande, qui confirmait en termes élégants les dires du coursier.

Message secret.Almaurry haussa un sourcil à l'écoute de la réponse de l'éclaireuse. Que le nom ne lui dise rien n'était pas étonnant, mais le choix de l'usage du verbe "prétendre" ne pouvait qu'attirer son attention. Il n'eut toutefois pas le temps de pousser la chose plus avant, interrompu par l'arriver du jeune coursier.

« Ah... Par le Lieur, voilà un triste effet du manque d'information. Je suis navré de cette complication, jeune homme. » dit-il en déboursant une pièce d'or à titre de pourboire.

Puis, après avoir vérifié le contenu de la lettre, il se tourna à nouveau vers Uldor et Naïa :

« Voilà qui devrait nous permettre d'être vite fixés. Ils ne me reste plus qu'à prendre mon repas à l'auberge en attendant cet après-midi, et j'espère pouvoir revenir vers vous ensuite en fin d'après-midi pour la suite des évènements. » résuma-t-il en les saluant poliment.