Il n'y avait rien à dire de plus que c'était supra-méga-cool de vivre à bord du Porteur, avec Zelda et Brandon et Sandra et le diablotin qui lui avait appris l'existence du Wi-fi et du bluetooth pour qu'elle puisse se connecter à distance à tout et n'importe quoi et c'était trop supra-méga-génial de voir tous les films qui avaient pu sortir durant le décalage temporel qui existait entre la dimension d'où eux venaient et où ils étaient arrivés même si Alee ne s'attendait pas à voir tant de remake de trucs des années 80 comme si les versions d'origines ne convenaient pas à ce monde et qu'il fallait toujours essayer de tout améliorer sans tenir compte du caractère sentimental que ces films avaient dans le coeur des gens au point que le narrateur en oubliait même d'user de ponctuation...

Et donc, en parlant de Cinéma, Zelda avait réussi à convaincre Brandon et Alee, même si ce n'était pas très compliqué, de partir en expédition chez un certain couple vivant sur ce monde. Brandon était partant pour aller les voir de jour mais Zelda trouvait ça creepy de se présenter en mode "hello, on est vos doubles dimensionnels plus jeunes d'une vingtaine d'années." aussi préconisait-elle d'aller visiter de nuit pour tenter d'en apprendre plus sur eux. Les deux se disputaient pour savoir quand y aller quand leurs regards se tournèrent vers Alee en mode "c'est toi qui choisit". Alors, le jour? Ou la nuit?

Supra-méga-cool en effet !
Sans doute serait-il aussi redondant qu'inutilement long de décrire à quel point Aleethëa se plaisait dans cette nouvelle dimension. Ce que cette dernière n'hésitait néanmoins pas à faire savoir dès qu'elle le pouvait à l'une ou l'autre occupant du Porteur. Ou même à de malheureuses victimes inconnues. Heureusement, par un coup de chance, un coup de pouce du destin ou un élan de lucidité de la part de ses compagnons, l'IA n'avait pas encore découvert les possibilités offertes par la masse de réseaux sociaux disponibles - même si ça ne l'avait pas empêcher de pousser Zelda à créer un compte sur quelques sites de rencontres. Mais, globalement, Alee considérait qu'elle avait déjà suffisamment à faire dans le "réel".

Il faut dire qu'il y en avait des choses à faire. Du traditionnel, en compagnie de Zelda, comme se regarder des intégrales de série - pour lesquelles Alee avait fait un long travail de recherche afin, devant la masse de contenu à rattraper, de les prioriser en fonction de leur intérêt, de la nécessité de les connaître pour ne pas passer pour ignare auprès des habitants de cette dimension et de la proportion de beaux mecs qu'elles comportaient -, enchaîner les films et leurs director's cuts ou simplement, et surtout, jouer aux jeux vidéos.

Du plus technique aux côtés de Sandra, avec laquelle elle avait vite trouvé un intérêt à construire, trafiquer, modifier, bousiller, recoller, souder, téléporter, goûter (une seule fois) ou carboniser tout un tas de machins électroniques. Et si elle s'inquiétait parfois de l'insistance de la magical girl 0 vouloir un peu trop tripatouiller ses propres circuits, elle l'assistait aussi souvent que possible, parfois surprise de découvrir des technologies qu'elle-même ne connaissait pas.

Du plus... artificiel avec le Porteur. Pas vraiment un compatriote, ni même son égal et encore moins un parent mais plutôt un conspécifique. Même si on ne pouvait pas vraiment parler d'espèce dans leur cas, en grande partie parce que ça ouvrait un grand nombre de questions sur la reproduction d'entités artificielles auxquelles personne, à part quelques chercheurs travaillent sur des sujets obscurs, ne voudrait vraiment de réponse. Mais en tout cas, tout autant qu'il était amusant et voire même stimulant d'interagir avec des organiques, elle avait avec le Porteur une relation qui lui était impossible d'avoir avec les autres habitants du vaisseau. Quand bien même celui-ci s'en serait sans doute bien passé. Aussi, pas plus de 10 minutes - disons plut[ot 2 minutes, voire secondes - après qu'Alex avait quitté le Porteur, l'IA avait ignoré ses consignes et s'était connectée à l'ordinateur de bord pour échanger avec un collègue. Une habitude qu'elle avait dès lors gardée.

Et enfin du plus fun avec le diablotin que, pour une raison qu'il ne valait mieux pas connaître - et encore moins lui demander d'expliquer -, Aleethëa trouvait particulièrement mignon. Alors certes, les deux ne partageaient sans doute pas vraiment la même conception de la moralité et étaient même globalement très différents sur une vaste majorité de choses, mais ça n'empêchait pas l'IA de suivre le diablotin dans la plupart de ses propositions plus ou moins douteuses. Comme une ado qui goûtait pour la première fois au plaisir enivrant de briser (volontairement) quelques règles.

On en venait alors à la difficile décision que Brandon et Zelda faisaient reposer sur ses épaules virtuelles et qui l'avait poussée à se remémorer ses 6 derniers mois à bord du Porteur plutôt que de donner une réponse aux deux humains. Elle avait envisagé un moment de simuler un plantage mais à force d'avoir tiré sur cette corde, le stratagème ne marchait plus vraiment. De toute façon, Alee était devenue bien meilleure pour ce qui était de prendre des décisions depuis qu'elle avait appris quelques trucs d'organiques (humain ou diablotin) : partager l'avis de la personne dont on pouvait le plus bénéficier tout en cachant ça derrière un raisonnement objectif. Et Zelda, étant à la fois sa propriétaire, celle avec qui elle jouait aux jeux vidéos et la seule à connaître le mot de passe du filtre parental partait avec un gros avantage par rapport à Brandon.

« Vous avez pas peur qu'il se passe un truc bizarre si vous rencontrez directement vos doubles d'une autre dimension ? De ce que j'en sais de mes recherches - et des films qu'on a vus - ça pourrait provoquer la destruction de l'univers, votre disparition ou pire ! Vous pourriez ne pas vous entendre ! Du coup je pense que c'est plus sûr d'y aller d'abord la nuit pour être sûr que vous risquez rien ! »

Brandon soupira:

« Et voilà, comme toujours, elle se rallie à ton avis. Je sais même pas pourquoi on demande à Alee de départager... »

« Hé mais j'y suis pour rien, moi. Alee est une entité virtuelle de 4ème catégorie, selon les schémas classique de la robotique. Elle est donc parfaitement capable de faire un choix éclairé et de prendre en compte les tenants et les aboutissants d'une situation, sans tenir compte du fait que je l'ai recueilli, hébergé et que c'est mon amie. Hein, pas vrai, Alee?

Mais bon, pour le moment, il faut qu'on se prépare. Porteur, il me faudrait les plans de la maison de nos doubles, avec la description de leur système de sécurité. »

Et les données s'affichèrent par un hologramme pendant que Brandon se préparait. Pendant une seconde, Alee aurait presque pu voir Zelda perdre le fil des schémas techniques pour se concentrer sur Brandon qui se changeait. Mais rapidement, elle reprit le cours de ses pensées et grommela:

« Zut. Système de sécurité maison, aucun schéma qui le décrit... Porteur, peux-tu me trouver toutes les informations et biographie de grands cambrioleurs, ainsi que les moyens divers et variés de désactiver un système de sécurité, compiler tout ça et nous donner une sim »

« Diaby. »

« Pardon? Quoi, Diaby? »

« Si tu veux rentrer quelque part, sans te faire voir, il faut demander à l'être le plus sournois et retors qu'on ait sous la main. Jay. »

« C'est qui, Diaby? »

« Petit? Rouge? Sournois? Qui vit à bord du Porteur? »

« Il s'appelle Diaby? »

« Non, je l'appelle comme ça, ça le dérange pas. Il a pas vraiment de nom... Mais si y'as un mauvais coup à faire, je suis sur qu'il aura des idées. »

Zelda parut mal à l'aise un instant avant d'ajouter:

« Je l'ai balancé dans l'espace. »

« Pardon? »

« Il a tenté de venir m'espionner quand j'étais sous la douche. »

« Il est bizarre, lui. Starbright et Sandra sont grave plus mignonnes »

Zelda fronça les sourcils, Brandon bafouillant quelque chose:

« Non mais peut-être que les filles quelconques, c'est son truc, hein. »

« Quelconque? Quelconque??? »

Et Zelda partit en pestant, retournant dans ses appartement avec un Brandon penaud:

« Mais qu'est-ce que j'ai dit? J'ai pas dit moche, j'ai dit quelconque. Alee, tu veux pas aller chercher le diablotin? Je respire pas dans l'espace, moi. »

Aleethëa protesta vivement :

« He c'est faux ! Sur l'année passée j'ai été d'accord avec toi plutôt que Zelda à 6 occurrences différentes ! Et dont 4 pour lesquelles t'avais tort en plus ! »

Certes l'IA tenait à rétablir la vérité face à des accusations - peut-être méritées mais dont l'adolescent n'était pas sensé se rendre compte - quant à sa probité mais il était tout à fait possible qu'elle n'améliorait pas vraiment son cas. Aussi, attrapa-t-elle à pleine main tentacule la perche tendue par Zelda :

« Mais oui bien sûr ! Et puis vous êtes tous les deux mes amis de toute façon ! Mes organiques préférés même ! Surtout que vous avez survécu bien plus longtemps que mes précédents organiques préférés ! »

Puis l'entité artificielle observa avec Zelda les différents plans de la maison, ouvrant un canal de communication avec le Porteur pour pouvoir enregistrer dans sa mémoire toutes les informations pertinentes que l'ordinateur de bord leur montrait. Par programmation, principe et surtout, intérêt personnel, l'IA n'aimait pas vraiment l'idée de s'introduire illégalement chez les gens. Mais c'était Zelda qui lui avait demandé et elle avait même demandé gentiment ! Et puis ça n'était clairement pas la première fois. Même si l'IA évita de préciser que ses précédentes expériences dans le monde du cambriolage pouvaient aisément être considérées comme un échec relatif. Ce qui cassa, chez elle son moral (pendant un temps), chez ses associés nombre de parties de leurs corps (pendant longtemps).
Mais bon, au moins elle connaissait les bases. Ou leur existence au minimum.

Elle cacha alors difficilement son excitation à l'idée que le diablotin les accompagne et encore plus difficilement son horreur face à la nouvelle de son excursion forcée en orbite. A tel point qu'elle ne consacra qu'à peine 20% de son attention au simulacre d'engueulade entre les deux adolescents. Il faut dire que la plus large partie de ses calculs était absorbée dans la lecture d'un roman pour jeunes adultes.

Elle réussit néanmoins à répondre à Brandon :

« Oui quelconque c'est bien ! Ça veut dire que t'es dans la norme. Et la norme ça fait beaucoup de monde. Et autant de monde peuvent pas se tromper en même temps alors... » L'IA marqua une pause, presque perdue dans sa propre réflexion. Peut-être fallait-il qu'elle accorde un peu plus d'importance à ça. « Mais t'es pas sensé le dire. Tu le sais non ? Encore moins à Zelda ! Ça j'en suis sûre ! Pas besoin d'avoir lu les mails qu'elle a envoyés, les messages qu'elle a écrit ou écouté ce qu'elle dit en dormant pour le savoir ! Même si je l'ai fait quand même.

Il faut que tu la fasses se sentir spéciale si tu veux lui montrer que tu l'apprécies ! »

Tout autant qu'il devait paraître bizarre de recevoir des conseils amoureux d'une entité artificielle, il y avait fort à parier que ceux-ci n'étaient pas pire que ce qui traversait le cerveau d'un adolescent lambda. Et bien mieux que ce qui tartinait l'immense majorité des magazines féminins. Après quoi l'IA acquiesça aux demandes de Brandon.

« Ouais ouais j'y vais. Mais tu sais on peut te construire une combinaison avec Sandra pour sortir dans l'espace ! Ça t'irait trop bien ! Et puis les cosmonautes ça plaît ! »

Puis, sans plus de précisions - ce dont personne, et à commencer par Brandon, ne se plaindra - l'araignée mécanique se dirigea vers le sas le plus proche, communiquant rapidement avec le vaisseau.

Porty ! On a perdu le diablotin, Zelda l'a éjecté dans l'espace ! T'as pas dû t'en rendre compte sinon tu nous l'aurais dit ! Je vais sortir le chercher, tu le vois ?

Il faut dire que ça n'était pas la première fois qu'elle faisait une EVA hors du vaisseau. Ça avait même été assez récurrent, à la demande du diablotin justement. Même si elle commençait réellement à douter de l'existence du démon invisible accroché à la coque qu'il l'envoyait chasser.

« En fait, j'étais parfaitement au courant mais ce petit sagouin a joué une fois de trop avec le distributeur de crème glacée et j'ai jugé que le laisser passer du temps dehors n'allait pas lui faire de mal. »

Le Porteur fit apparaître une carte holographique et montra un point flottant à l'écart. Pas très loin, il allait falloir jouer du propulseur mais quand on est une IA, rien de bien difficile. C'est ainsi qu'Alee se retrouva à proximité du diablotin qui attendait, les bras croisés, dans l'espace. Il toisa la robote avant de faire apparaître un panneau dans sa main dans plus pur style Wile E. Coyote:

"t's about time!"

L'espace, le vide intersidéral, l'infinité... le calme surtout. Quelle horreur ! Si on avait vite tendance à faire l'éloge du voyage spatial, de ses merveilles et de l'inconnu, Aleethëa ne partageait pas du tout cet avis. En grande partie parce quand, comme elle, on avait effectivement déjà un peu voyagé dans l'espace, on arrivait bien vite à une conclusion : l'espace, c'est quand même super vide. Passés les quelques systèmes (majoritairement inhabités) ou les rares nébuleuses (certes impressionnantes), il n'y avait quand même pas grand chose à voir. Sans doute dans le peu d'amour de l'être artificielle pour l'espace y avait-il aussi, bien caché au fond, des raisons dues à sa programmation. Après tout, c'était plus simple pour s'assurer que l'IA ne s'amuse pas à balancer ses camarades dans l'espace de faire en sorte qu'elle n'en aime pas l'environnement.

« Ah t'es là ! Tu vas bien ? Ça fait longtemps que t'es là ? On était à peu près tous extrêmement inquiets ! »

Ah oui et on ne pouvait pas parler. Ce qui n'empêcha pas Alee d'essayer, comme si un peu d'entrain pouvait briser quelques lois de la physiques. Heureusement, ça n'était pas le cas. Elle afficha donc un message par le biais de son hologramme puis tendit une tentacule avec une pince à son bout pour le diablotin.

« On rentre ? »

Le diablotin attrapa la pince puis grimpa rapidement sur Alee avant de pointer le Porteur. Et les deux comparses retournèrent à l'intérieur, rapidement et simplement. Une fois revenu dans une atmosphère véhiculant le son, le diablotin pesta:

« Elle perd rien pour attendre, celle-là. Mais d'abord, Porteur, tu peux me préparer un chocolat chaud avec des marshmallow dedans? »

« Va mourir. »

« ... Non aurait suffi... »

« Oups, navré, très cher, mon logiciel de traduction était branché sur votre schéma dialectique. »

« Touchay... »

Et le diablotin se prépara un chocolat chaud avant de se tourner vers Alee:

« Bon, alors, pourquoi t'es venue me chercher? T'as découvert comment les hyènes femelles accouchaient et tu as besoin d'ouvrir ton coeur à ce sujet? »

Si l'IA était sincèrement contente que le diablotin soit de nouveau à bord, elle se sentit obligée de lui un jeter un regard sévère (ce qui, étant donné sa morphologie, passa majoritairement inaperçu) lorsqu'il fit référence à Zelda :

« Tu touches pas à un cheveu de Zelda. Sinon, la prochaine fois, c'est moi qui t'envoie dans l'espace. Et il y aura personne pour venir te chercher. »

Ça n'était peut-être que moyennement intimidant mais l'intention y était et Aleethëa essayait petit à petit de s'affirmer un peu plus. Et disons que, vu d'où elle partait, elle ne pouvait que progresser. Elle sentit néanmoins nécessaire d'ajouter :

« Et puis bon, franchement, ça se fait pas ce que t'as fait ! Même moi j'ai pas le droit de la regarder sous la douche ! »

Et pourtant elle avait essayé. Evidemment pas par luxure ou même curiosité, simplement parce qu'elle pensait que l'humaine pourrait avoir besoin d'elle. Et puis elle l'avait entendue crier. Quand l'adolescente ne faisait apparemment que chanter. Une confusion qui, une fois expliquée, n'aida pas vraiment le cas d'Alee. Même si on ne pouvait objectivement pas reprocher à l'IA d'avoir confondu.

« On allait pas te laisser dehors ! Presque tout le monde était inquiet ! Et puis on a une suuuuper sortie à te proposer ! »

Aleethëa marqua une pause, avant de revenir sur les sujets importants :

« Et puis je suis désolée mais chez les hyènes c'est pas l'accouchement le plus intéressant. Tu savais qu'elles étaient organisées en société matriarcale ? C'est rare ! Et c'est classe ! Et c'est classe parce que c'est rare ! Sur Terre en tout cas. En plus c'est troooop mignon ! Et puis tu sais qu'elles coopèrent vachement ensemble ? Alors qu'elles ont même pas de liens de parenté ! Elles sont juste trop sympa. Faut pas croire ce qu'ils disent dans les films ! Bon après elles sont un peu violentes et les femelles dominent les mâles avec leurs... enfin voilà, mais bon après c'est la nature ça ! Et puis à ce qu'il paraît c'est la seule espèce présente dans chaque univers existant ! »

« Ah oui c'est vrai il y a ça aussi ! C'est vraiment trop bien ! »

Aleethëa, ravie de pouvoir discuter du sujet avec le diablotin en avait presque perdu le fil du sujet initial. Ça arrivait souvent. Au moins, pour une fois, le pronostic vital de personne n'était en jeu. Elle balança donc les explications à son interlocuteur. Après tout, il n'y avait probablement aucun risque à se montrer parfaitement transparente avec une créature diabolique !

« Zelda et Brandon veulent aller rencontrer leurs doubles du futur. Enfin du présent. Mais du présent un peu plus tard. Donc il n'y aura rien d'illégal. Sauf qu'il faudra sans doute désactiver les alarmes et rentrer par effraction. »

Quelque chose traversa un moment les circuits de l'IA, l'amenant à s'adresser au vaisseau :

« Au fait Porteur, il se passe quoi si Zelda ou Brandon touchent leurs versions de cet univers ? Ils explosent ou ça va ? »

Pire, ils voient à quoi ils ressembleront plus vieux. Sinon, normalement, rien. C'est que ça dépend des fréquences de vibration inter-dimensionnelles et qu'ils peuvent vibrer à des fréquences différentes mais je ne le pense pas, sinon le monde actuel ne serait pas perceptible pour vous.

« Effraction, tu as dit? Ca me va. J'imagine que je n'ai le droit de tuer personne mais quelle est la position des deux gamins sur le fait d'estropier quelqu'un? Je tiens à préciser que la chirurgie réparatrice et prosthétique a fait énormément d'efforts dans le domaine ces dernières années. Et puis, c'est pas toi qui va me dire que c'est pas cool d'avoir des membres mécaniques, hein?

Donc, on va entrer par effraction... »

Le diablotin gloussait déjà à cette idée.

« Bien sûr que c'est cool des membres mécaniques ! Et plus efficaces, et souvent moins chers en entretien ! Mais les gens sont très à cheval sur le consentement sur ce point. Je l'ai bien compris ça ! » Après trois ou quatre expériences plus ou moins malheureuses.

Le diablotin semblait bien trop enthousiasme quant au larcin à venir. Et même si c'était pour ça qu'on avait fait appel à lui et qu'Aleethëa, à l'intérieur de ses circuits soudés à l'optimisme, était convaincue que la créature voulait avant tout se donner un genre, elle se sentit obligée de préciser :

« SI on ne trouve pas d'autres moyens ! Ça pourrait mettre une sale ambiance sinon. »

Puis, de plus en plus motivée malgré tout par l'idée d'aller rencontrer les doubles d'une autre dimension de Brandon et Zelda, Alee commençait à se dandiner d'impatience.

« Bon ils font quoi ? »

Et laissa aux humains un temps généreusement long de bien 5 secondes avant d'ajouter :

« Eh on y va ? »

Les deux humains arrivèrent alors après l'appel de l'IA robotique avant d'opiner du chef:

« Let's go. Porteur? Dépose nous dans le jardin de nos doubles. »

Et une porte s'ouvrit. Zelda traversa directement, suivie par le diablotin et Brandon. Alee suivit, bien sur, pour ne pas rester à l'écart et aussi parce que cela facilitait le travail du narrateur.

Bref, le jardin se révéla grand et bien entretenu mais sans détail flagrant. La porte d'entrée apparaissait un peu plus loin et un écran tactile trônait fièrement à coté.

Alee laissa échapper un sifflement admirateur devant un jardin somme toute tout à fait banal. Mais elle ne voulait pas paraître désobligeante face à Brandon et Zelda. Après tout c'était leur jardin. Ou ça le serait en tout cas ? Dans le futur ? Dans un futur ? C'est compliqué toutes ces histoires d'univers parallèles. L'IA préfèra laisser à ses congénères d'autres univers le soin de se poser ce genre de questions. Elle, pour le moment, elle a des choses bien plus importantes à faire !

Désactivant son hologramme pour plus de discrétion, elle demanda au petit groupe :

« Bon ! Je vais sonner du coup ? »

Et, comme à chaque fois qu'Aleethëa demandait quelque chose, la réponse n'avait finalement que peu d'importance sur le reste de ses actions. Et donc la machine de se déplacer, heureusement sans se presser, à petits pas en direction de l'interphone.

Zelda voulut intervenir mais il était déjà trop tard. Alee s'approchait de l'interphone et ce dernier s'alluma, lançant d'une voix légère:

« Yello! Que puis-je pour vous? Vous avez vu l'heure? D'ailleurs, en parlant d'heure, ça me fait me demander: êtes vous un écureuil curieux ou bien un cambrioleur mal intentionné? »

Un contact était établi ! Finalement c'était plus simple que prévu. En tout cas si le but initial était celui-ci, ce qui, peut-être, n'était finalement pas le cas. Alee agita vaguement quelques tentacules en direction du petit groupe, tentant de leur signifier de profiter d'une diversion que personne n'avait demandé, comme si tout cela faisait partie d'un plan finalement ciselé. En vérité - et comme bien souvent - Aleethëa gérait à l'instinct et en suivant son coeur. Deux attributs qu'on attendrait donc pourtant le moins possible venant d'une intelligence artificielle.

Alee réfléchit et tenta de faire preuve de logique. C'était Zelda de l'autre côté. Et Zelda, derrière ses dehors de jeune fille exigeante, avant néanmoins des goûts assez simples.

« Désolée mais j'ai une livraison de figurines de collection pour Zelda ! On m'a dit que ça pouvait pas attendre ! »

Puis l'IA de lever une tentacule qu'elle dirigea en direction du sol en attendant la réponse. Un large rayon de lumière rosée en sortit, se répandant en cercle au sol. Après quoi un petit colis d'une trentaine de centimètres cubes commença à se matérialiser, couche par couche, dans un vrombissement toussoteux alors qu'elle le faisait venir d'un autre univers. Ce qui impliquait que le contenu en serait plus qu'aléatoire. Il y avait néanmoins une probabilité qu'il s'agisse en effet de figurines. Une probabilité qu'il était difficile de calculer sans que les chiffres significatifs ne fassent griller les circuits d'Alee certes, mais une probabilité néanmoins. Au pire, ça ferait une bonne surprise.

« Hmmm, mouais, crédible. elle aime commander des trucs à toute heure.

Faites attention à la marche en entrant. Et si vous n'avez rien à faire là, quand elle vous attrapera, si elle vous demande, dites lui que j'y suis pour rien. »

Et la serrure se déverrouilla, la porte coulissant dans son rangement pour révéler une pièce dans l'obscurité. Un salon, visiblement.

Tout se passait plutôt bien, comme dans le plan ! En tout cas dans un univers parallèle où il y avait un plan, où Aleethëa s'en souvenait et où, surtout, se faire passer pour un livreur servait à quelque chose. Mais, tout aussi ravie qu'Alee était d'avoir établi un contact positif - à défaut d'être utile - avec un des habitants de la maison, elle-même se rendit compte que ceci n'avait qu'un intérêt plutôt limité quant au besoin initial. En soi, elle aurait bien évidemment été très heureuse de rentrer pour voir à quoi ressemblaient les Brandon et Zelda de cette dimension et en raconter toute l'expérience à ceux de sa propre dimension. Mais elle se disait que ceux-ci préféreraient sans doute éviter cette version indirecte des événements. Déjà parce qu'il était généralement plus sympa de vivre ce genre de choses soi-même. Ensuite parce qu'il était généralement plus reposant de ne pas laisser aller l'IA à se lancer dans de longues histoires.

La machine, puis l'hologramme, se tournèrent donc en un mouvement coordonné en direction du petit groupe encore caché, mimant à leur attention un « Je fais quoiiiii ? » un peu anxieux, avant d'ajouter à l'attention de l'interphone et, avec un peu de chance, de celle des occupants de la demeure.

« Heuuu... c'est-à-dire que je suis pas sensée rentrer chez les gens. Il y a déjà eu des problèmes. »

C'était vrai. Du temps - court - pendant lequel l'IA avait été livreuse, cela avait déjà causé des catastrophes. Souvent pour les occupants, parfois pour les livreurs, rarement pour Aleethëa. Toujours de sa faute.

« Vas-y, Alee. »

Dans le jardin, Zelda, le diablotin et Brandon s'avancèrent à leur tour et entrèrent dans la maison. L'interphone ajouta:

« Ah oui, sacrées figurines de collection. Elles bougent, parlent et tout. Je suis sure que ça plaira à Zelda. »

A l'intérieur, la lumière s'alluma, pas trop forte et le quatuor pénétra un petit couloir, avec un placard et un meuble à chaussures, le tout semblant mener à un salon spacieux où un canapé immense attendait patiemment au centre de la pièce.

L'hologramme offrit un haussement d'épaules incertain. D'une Alee incertaine de l'efficacité de son plan, incertaine de la finalité de la démarche et incertaine de ne pas se faire engueuler par Zelda une fois le petit groupe retourné à bord du Porteur. Pour la dernière interrogation, elle commençait cependant à savoir s'y prendre pour éviter les remontrances. En grande partie parce que c'était plus simple que d'éviter de la contrarier en premier lieu. Parfois parler suffisamment longtemps permettait à son amie d'oublier pourquoi elle était en colère. Geindre pouvait écorcher suffisamment sa patience. Sinon, le plus efficace restait de gagner le plus de temps possible avant de rentrer. Sans doute que ça serait la stratégie adoptée ce soir.

En attendant, la machine indiqua à celles et ceux pourvus de vrais bras de porter le carton qu'elle venait de faire apparaître puis rentra par petits cliquetis dans la demeure. C'est vrai quoi, c'est pas parce qu'il contenait peut-être un machin radioactif, une bombe ou - pire - quelque chose d'inintéressant qu'il fallait le laisser sur le pas de la porte. Partagée entre entre anxiété et curiosité devant ce qu'elle allait pouvoir découvrir à l'intérieur de la demeure, l'IA avança de bon train jusqu'au salon. Laissant échapper un sifflement admiratif, elle lança à voix baisse à l'attention des humains :

« Chouette maison, vous avez bon goût ! Vous... "aurez" bon goût ? »