« Oh mais il y a une excellente raison au fait qu'il vaudrait mieux me la rendre, si tu veux récupérer ton anneau dont elle est un composant. Suis-je bête, tu dois surement vouloir attendre 2 ou 300 ans histoire de profiter de ta nouvelle vie. Dans ce cas, pas de souci, je te demanderai juste d'y faire extrêmement attention.

L'homme avec l'argent va venir te retrouver, au revoir, petite soeur. Amuse-toi bien et fais toi plaisir, je veillerai à m'assurer qu'il n'y ait aucune retombée, comme toujours. »

Clic. Fin de conversation.

Vitam allait rajouter quelque chose mais trop tard, son frère avait déjà raccroché.
Ne sachant qu'en penser, tant elle avait une fois de plus l'impression de n'être que spectatrice des éléments régissant sa vie, un mélange de soulagement et de frustration envahissait la nouvelle vivante lorsque celle-ci s'écroula dans le canapé de Lupe sans grande délicatesse.

« C'est bon, j'vous paierai l’hôpital » déclara t-elle à la mère de famille.

Vitam avait osé contredire l'avis de l'orgueil personnifié et n'avait récolté qu'une tirade pseudo-culpabilisatrice de son frere. Visiblement, l'homme n'aimait pas qu'on ne lui obeisse pas au doigt et a l'œil et elle n'avait même pas eu besoin de sentir ses émotions pour en être sure. Mais pour l'heure, la mère de famille s'exclama:

« Hein? Non, Vitam, je ne peux pas accepter ça... C'est beaucoup trop d'argent! »

Lupe paraissait passablement ennuyée . Mais elle enchaîna rapidement:

« Tout va bien se passer, il ne faut pas t'en faire pour moi. Quelques crampes d'estomac n'ont jamais tué personne. Laisse moi quelques minutes et ça ira mieux... Tu veux manger avec nous ce midi? »

Pour avoir croisé Audrey Hepburn dans l'après vie, Vitam savait que les maux d'estomac n'étaient pas sujets a plaisanter.

Vitam s'enfonça dans le canapé en entendant le refus de Lupe, peu surprise de sa réponse, tant la force de caractère de cette dernière l'incitait à ne rien vouloir devoir à personne. Mais c'est sa santé qui était en jeu, et même quelqu'un qui s'est cru fantôme des années durant savait qu'il fallait éviter de jouer avec un paramètre aussi important. Aussi la réponse de la nouvelle vivante fut sans appel.

« Nt nt, c'est non négociable. En plus, je vous dois bien cela et de vous à moi, je préfère que cet argent vous revienne plutôt que pour servir à engraisser je-ne-sais-quelle multinationale de mes deux. De toute façon vous n'avez pas le choix parce que si vous refusez, je ferais quelque chose d'horrible. Comme par exemple... »

L'immortelle se lève, ses yeux d'humaine regardant brièvement autour de soi avant de se reposer sur la femme enceinte et de sourire en déclarant :

« ...ne pas manger ici. »

Elle est comme ça Vitam, hardcore jusqu'au bout.

« No chingues! Tu restes manger! On discutera de cet argent... Après. »

Les enfants sautèrent de joie et filèrent aider à préparer le repas pendant que leur mère s'occupait de découper les ingrédients et les mettre à cuire, laissant Vitam seule dans le salon. Et au bout d'une dizaine de minutes, la porte sonna. Enfin, on sonna à la porte, ce n'était pas la porte qui sonnait en elle-même. La distinction était importante, surtout pour une ancienne fantôme nouvelle vivante un peu déboussolée. La plus petite se précipita vers la porte et l'ouvrit avant de hurler:

« Mama, c'est un monsieur qui fait peur! »

« Madame Vitam est ici? »

Monsieur qui fait peur ? Madame Vitam ? La nouvelle vivante n'avait que peu de doute sur qui pourrait envoyer une telle personne à sa recherche, même qu'il devait avoir un attaché-case dans la main !
Se dirigeant vers la porte, la silhouette de Vitam apparut au dessus de celle de Rosa, annonçant simplement :

« Oui, c'est pour quoi ? »

L'homme faisait peur a voir. Son teint blanc craie et ses cheveux d'un noir de jais encadrait un visage émacié. Des yeux sombres dévisagerent vitam un instant avant qu'il ne tende sa carte:

« J'ai une valise pour vous, madame. »

La carte indiquait un simple D.R.Acula, agent comptable spécialisé, avec adresse et numéro de téléphone. L'homme n'attendit qu'un instant avant de tendre la malette:

« Voici pour vous. Vous y trouverez les documents nécessaires a la passation de propriété ainsi que divers documents fiscaux pour attester de votre identité. Il va falloir quelques jours pour obtenir vos cartes bancaires. Votre frère vous fait savoir que si il vous fallait autre chose, il faudrait que vous me contactiez, a ce numéro. »

L'homme observa la petite et se fendit d'un sourire qui laissa présager d'une dentition particulierement pointue avant d'ajouter:

« Que ne voilà une jeune fille bien habillée, visiblement, vous devez avoir bon goût... En matière de vêtement. »

Rosa s'autorisa un timide sourire avant de s'enfuir vers la cuisine, laissant les adultes entre eux:

« Tout vous convient, madame? »

Vitam regarda la carte, puis sortit les documents de la valise afin de les regarder un par un. Cela fait, elle répond tout simplement à l'agent aux dents longues :

« Oui, mais j'aurais juste une question... »

Peut-être avait-elle besoin de davantage de détails ou de renseignements sur comment fonctionne l'administration américaine. A moins que de savoir comment son frère était parvenu à mettre le plus célèbre des vampires sous sa coupe pourrait lui donner de précieuses indications. Ou alors sans doute devrait-elle faire remarquer au transylvain que ses sous-entendus étaient aussi subtils qu'un 33T, et qu'un pieu dans le coeur serait un doux châtiment comparé à que Vitam pourrait lui faire s'il oserait toucher à un seul cheveu de Rosa.

Mais non, parce qu'à la place de tout cela, la nouvelle vivante avait eu le malheur de regarder la carte de visite de l'homme/mort-vivant émacié une fois de trop avant de la ranger dans la poche de sa veste, et que son unique interrogation envers ce dernier fut :

« ...Que veut dire le "D.R" de Dracula ? »

« Dans cette vie, ce sont les initiales de David Radu Acula. Mon père disait toujours que l'on doit être fier de son nom et donc je porte celui qu'on m'a attribué avec fierté, même si je suis obligé de le déguiser. Les Van Helsing, vous savez... Vous n'avez pas été sans maille à partir avec eux de par le passé...

Même si je dois avouer que de voir des gens s'attribuer une littérature fantaisiste pour justifier une croisade envers un mathémagicien... Jamais je n'aurais du parler à ce Stoker et j'aurais du vous écouter, comme toujours... Nous oublions facilement que vous êtes la plus sage d'entre nous... »

Le mot sonnait correct à l'oreille de Vitam. Le mathémagicien. Cela lui rappela une histoire... Comment un homme avait réussi, grâce aux mathématiques, à convaincre une armée qu'il était plus rentable pour eux et leurs familles qu'ils s'empalent sur des pieux plutôt que de continuer à servir leur maître qui disposait de leur vie à son bon vouloir... Un magicien des probabilités, qui avaient toujours eu le chic pour que la probabilité la plus infime qui soit ne se produise... Comme de se retrouver dans une situation compliquée et que la chance la plus infime de s'en sortir soit de se transformer en nuage de brume...

Vitam le connaissait, elle en était sure. Elle n'avait pas tous les détails mais elle se revoyait participer à une fête. Paris, jour de l'an 1901. Adam était là aussi... Non, ils avaient tous été là... Tous ceux qui étaient connus comme étant des monstres à travers le temps, venus fêter un nouveau siècle dans la ville lumière. Scylla, Fenrir, les erynies, le vodianoï... Non, ce n'était pas un souvenir de Vitam. C'était un de ceux de Mérénith.

« Moi, sage ? » cela amusait Vitam que d'entendre cela. « On m'a déjà qualifié de bien des choses, mais jamais de sage...
Mince... c'est donc ça ce qu'on appelle vieillir ? »

A propos de "vieille" , elle comptait bien solliciter son alter-ego pour tenter de recoller les morceaux du puzzle mental ayant envahi son cerveau.

Je crois qu'il parle de toi enfin... du moment où t'étais aux commandes en tout cas parce que de Dracula, des Van Helsing et de la bringue avec tout le folklore monstrueux, je pense que je m'en souviendrais un peu mieux que ça quand même... tu m'expliques ?

Ayant toujours la carte de visite dans les mains, parce que cela m'empêchait aucunement de faire de l'humour, la nouvelle vivante demanda pendant ce temps à son interlocuteur :

« Sinon à part ça, je vous rends votre carte ? Y'a d'autres choses que je dois savoir ou on a fait le tour ? »

Wouah... mais ça avait l'air trop bien ! Il me faut les détails !

Espérons que Dracula ne parvienne à lire les pensées de Vitam car dans le monde de la réalité humaine, elle affichait un air tout à fait neutre, banal... un peu chiant quoi.

« Et bien... merci. Je vous aurais bien invité, mais vous avez pu voir que je n'étais pas chez moi. M'enfin j'en aurais bientôt un, de chez moi !
Je ne vois pas trop quoi rajouter d'autre... »

La nouvelle vivante rit d'un air gêné, typique suite à cet instant de flottement où l'on ne voulait pas claquer la porte au nez à quelque'un venant de vous rendre service alors que d'un autre côté, on ne savait plus quoi dire. Quoique...

« ...Ah si en fait : Comment quelqu'un comme vous se retrouve à bosser pour quelqu'un... comme mon frère ? »

Connaissant ce dernier, devait y avoir une histoire de contrat aux clauses tordues dans l'affaire. Aussi souhaitait-elle connaitre la version de l'agent comptable.

« ... Vous êtes chez vous, madame. Cette immeuble est à vous, désormais. Je n'attends que vous signiez les ordres d'expulsions pour commencer les travaux et réhabiliter l'immeuble selon vos désirs...

Ce sont vos enfants... Et en terme d'âge, il vous égale donc ils sont naturellement considérés comme nos supérieurs...


Sans compter que j'ai un salaire à 350k par an, une couverture complète et 10 semaines de congés chaque année, avec logement de fonction dans 2 villes de mon choix et véhicules de fonction à disposition où que j'aille, mes frais défrayés et 2 sorties de prison par décennies si je venais à me faire attraper en commettant des "bétises"... »


Pas grand chose à en dire. C'est comme une soirée normale. Mais avec des monstres. Enfin, je suppose.

J'veux dire, ça arrive à tout le monde de déclencher un incendie et de faire bruler une ville, hein. Même si on a mis ça sur le dos d'une vache, au final...

L'bon temps! Mais cette fois à Disney world, on a surtout perdu du temps quand il a fallu faire rentrer le cavalier sans tête... C'est que son costume étonnait tellement que la sécurité s'est sérieusement posée des questions et, fin, bref, ils ont regardé aux caméras, ont vu des vêtements qui flottaient parce que Drac apparait pas dans les miroirs mais aussi dans les lentilles de caméras... Ce qui est problématique, dans notre société... Ca a failli partir en cacahuète, jusqu'à ce que Scylla se mette à pleurer et que la sécu nous laisse passer. Faut dire que son "costume" a achevé de les convaincre.



Scylla apparut à l'esprit de Vitam. Elle sentait aussi quelque chose: les connexions se refaisaient... Ce qui était logique. Après tout, la mémoire était stockée dans l'organe et bien que Mérénith en ait été la principale occupante, les souvenirs devaient toujours y être. Ce qui voulait dire qu'elle allait progressivement se souvenir. De tout.

Vitam avait mal au crâne et se massait le front, moins pour remettre de l'ordre dans son esprit qu'à cause des souvenirs refluant dans sa tête. Néanmoins, cela ne l'empêcha pas de tiquer sur un détail mentionné par Dracula.

« Quels ordres d'expulsions ?
Attendez... c'est marqué où ça ? »

Ressortant les papiers à la hâte, la nouvelle vivante (re)lut les petits détails sur les contrats filés par l'agent vampirique tout en précisant :

« Que ce soit bien clair... je ne sais pas ce que mon fils vous a raconté, mais à la base je veux juste un "chez moi" de manière légale... pas expulser ceux qui habitent dans le coin ! »

« Bien... au moins nous sommes d'accord, c'est cool » répondit Vitam avec un sourire rassuré, avant de réfléchir aux propositions de Vlad. Son "frère" tenait tant à ce que sa "soeur" claque l'équivalent de l'argent qu'il gagnait en moins de temps qu'il lui fallait pour réaliser une micro-sieste ? Qu'à cela ne tienne parce que des idées, souvent, ce n'était pas ce qui manquait à la nouvelle vivante.

« Pour le reste, voilà mes demandes.

Pour commencer, vous allez me laisser le joli cash que vous cachez dans votre mallette et allez me trouver la meilleure assurance santé possible couvrant les échographies, les complications dues à l'accouchement, les dépassements d'honoraires... Hey me regardez pas comme ça ce n'est pas pour moi, c'est pour une amie. »

Désignant derrière soi d'un signe de tête suite à la déclaration de l'excuse la plus foireuse tout univers confondus, Vitam reprit sa liste d'instructions.

« Mais avant de partir, vous allez annoncer à tous les occupants de cet immeuble -ceux derrières moi exceptés parce que je m'en charge- que les locataires n'auront plus de loyers à payer et que les propriétaires auront bientôt un joli petit pactole sur leur compte, puis qu'un architecte renommé -car connaissant mon "fils", pour sûr qu'il engagera une pointure- viendra leur rendre visite dans les prochains jours afin de réaménager leur domicile à leur convenance. A mes frais bien sur. Ou plutôt au nom de ma nouvelle identité.

Ensuite, si vous avez le temps, annoncez à l'architecte avant qu'il n'arrive que j'aimerais un sous-sol insonorisé ET résistant à tous les éléments possibles et imaginable. Parce que j'aimerais dérouiller un peu de pouvoirs sans risques tout en ayant une salle assez grande pour se faire une mégateuf intime inter-dimensionnelle pour la future pendaison de crémaillère. Vous êtes invité bien sur. »

Va falloir te souvenir de ton carnet d'adresses ma grande, parce qu'il parait qu'il y a du monde à revoir !

Accompagnant ces derniers mots d'un petit clin d’œil pour Dracula comme pour Menerith, l'ex-fantôme se tut enfin. Enfin pendant quelque secondes en fait, jusqu'à ce qu'elle ne sursaute sur place, comme sujette à un coup de courant, face à ses dernières idées.

« Oh ! Maintenant que j'ai des mains, je DOIS apprendre à jouer du piano parce que... parce que c'est trop bien le piano. En plus c'est intemporel !
...
Et je crois que ça sera tout, pour un premier jour en tout cas. Vous pensez que ce sera faisable en combien de temps ? »

Originaire (mais finalement pas trop) d'un monde parallèle où tout ou presque était immédiatement possible par la seule force de sa volonté, Vitam n'était pas très au fait des contraintes techniques dites "humaines" . En revanche, on oubliait trop souvent qu'elle a commandé à une multitudes d'ectoplasmes durant des centaines d'années, aussi la nouvelle vivante était habituée à commander et ça se sentait à travers l'assurance avec laquelle elle avait dicté ses ordres/instructions.

« Super ! On se tient au courant ? »

Puis, réalisant qu'elle n'avait pas encore de téléphone, Vitam rajouta, un brin embarrassée :

« Ah ouais c'est vrai, j'ai pas (encore) de portable... Mais ça aussi, je pense que vous l'aviez prévu. »

« Mais ouais, ils sont sympas en plus ! Sauf ceux du 2ème, ils me font parfois un peu flipper. »

Tournant la tête vers la salle à manger, Vitam déclara :

« Par contre ce n'est pas que je m'ennuie, mais apparemment on m'attend pour manger et ça sent trop bon. On se revoit bientôt ? »