« Vous la connaissez ? » demanda Sergeï.

Le russe ne comprenait pas grand chose à la situation. Il ignorait encore s'il devait se préparer au combat ou pas. Dans le doute il fit apparaître des flammes au creux de ses mains.

« Bon, on discute ou on se meule la gueule directement ? »

« Oui, nous la connaissons. »

Face à Sergeï se trouvait 3 femmes et 4 hommes qui, comme Vitam, semblait être des fantômes. Il dénota rapidement des points communs entre certains d'entre eux, au niveau de leurs traits. Peut-etre etaient-ils, pour certains, membres de la même famille? Ce fut encore le même homme qui parla, s'adressant cette fois à Sergeï directement:

« Nous ne souhaitons pas nous battre. Juste comprendre ce qu'il se passe et comment nous sommes arrivés là. »

Ces voix... la voix...

Vitam souhaitait rester dans la maison jusqu'au bout (pour peu qu'il en existe un) , mais la raison la convainquit finalement d'en sortir : Elle devait en avoir le cœur net, quoique ça veuille dire pour un fantôme.

« Ça, c'est pas à moi qu'il faut demander ! » rétorqua t-elle agressivement à la voix semblant être la plus diplomate d'entre toutes, ce tout en se dévoilant à l'extérieur de la cabane. Considérant le côté inhabituel de la situation, elle fit néanmoins l'effort de demander :

« Je vous préviens tout de suite, je suis moyen d'humeur alors vous avez vraiment, VRAIMENT mais alors VRAIMENT intérêt de bien faire gaffe à ce que vous allez dire... »

La revenante jouait avec ses mains, prête à attaquer à la moindre tentative d'enterloupe. En effet, qu'ils soient là de gré ou de force, Vitam ne connaissait la plupart d'entre eux qu'à travers une vision où on faisait une sorte de rituel sur sa personne alors fallait pas s'attendre à ce qu'elle ne les accueille avec joie. Et encore, c'était sans compter les têtes plus connues du lot !

« Vitam. »

Ce fut Breva qui leva la main pour saluer la fantôme tandis que l'autre fantôme dont elle ignorait le nom mais qu'elle avait déjà croisé ajoutait:

« Encore désolé pour ce qu'il s'est passé. Je... n'étais pas moi-même. »

Son regard lançait des éclairs en direction d'un fantôme à l'air âgé mais au regard fou qui haussa les épaules l'air de dire "c'est pas moi!". L'un des fantômes soupira et enchaîna:

« Nous sommes dans la même situation que toi, Vitam. Aucun de nous ne comprend ce qu'il fait là, à revivre ça. »

Ce fut une femme ayant visiblement atteint la quarantaine qui enchaîna:

« Tu ne devrais même pas te souvenir de tout ça. As-tu fait quelque chose de particulier? »

« Non » répondit Vitam, un peu moins prompte à l'agression par rapport à avant mais toutefois toujours sur la défensive. « Et même sans ça, je vois que je reste et resterai toujours un aimant à emmerdes » ajouta t-elle en haussant les épaules avec fatalité.

« Cela dit, je suis... pas totalement mécontente de vous revoir. Parce que là, voyez-vous, j'étais en train de me demander si j'avais également été un aimant à emmerdes de mon vivant. Ça a l'air d'être le cas... »
Afin d'appuyer son propos, la revenante lança un bref regard en direction de la cabane au fond de la forêt.
« ...mais restait à savoir si ces images étaient vraies ou bien issues d'une machination du crû de Mephisto. Vos réactions m'ont données une réponse authentique de votre part. Surement la première, d'ailleurs. »

Le fait d'avoir mentionné le nom de Mephisto l'incita à ajouter : « Sinon je ne sais pas comment vous êtes arrivés là et pour être franche je m'en fiche. Par contre je vous conseille vivement d'en sortir le plus vite possible parce qu'être une âme sur pattes ici équivaut à être une montagne de foie gras au caviar au beau milieu d'une armée crevant la dalle.

Bienvenue en Enfer ! » déclara t-elle avec un enthousiasme qu'elle savait pourtant parfaitement malvenu en cette situation.

« Ne t'en fais pas pour nous, nous sommes capables de nous défendre. Et non, tu n'as pas été un "aimant à emmerdes" de ton vivant, non. Enfin, pas pendant un certain temps. »
« Tu parles! Elle nous a pourri la vie depuis sa naissance! »
« Assez, Ludost! Je t'aime bien mais il y a des limites à ne pas franchir! »

Le trio commença à se chamailler mais fut finalement interrompu par l'homme au regard triste:

« Et sinon? Si on s'occupait du problème présent? Si on est là, c'est pour voir ce qu'il se serait passé si on avait rien fait ou bien pour recommencer? »

Le petit groupe s'arrêta et pointa son regard vers Vitam, la femme bigarrée demandant, incertaine:

« Elle... Elle ne devrait pas voir ça, non? »

« Je ne pensais pas qu'on se reverrait si vite, Ludost » fit Vitam en reconnaissant pour de bon la voix l'ayant amené à partir en expédition en Enfer. « Comment ça va depuis la dernière fois ? En tout cas, je suis épatée par la vitesse à laquelle toi et Breva semblent vous êtes... réconciliés ? On se croirait dans Touhou. »

Si la ligue des fantômes semblait chacun personnifier un des sept péchés capitaux, Vitam était bien parti pour en créer un huitième tant elle irradiait de désinvolture à cet instant.
S'adressant cette fois-ci à l'homme triste et à la femme bigarrée avec plus de sérieux, elle déclara :

« Ce ne sont pas mes souvenirs mais ceux de... demandez à mon fils tiens, il devrait pouvoir vous répondre » leur indiqua la revenante en désignant la représentation de Ludost, qui contrairement aux autres, devait avoir une idée d'où ils se trouvaient actuellement.
« Quant au problème, je suppose que vous voulez parler de "ça" » l'être diaphane tendit sa main afin d'y montrer son anneau. « Moi qui pensait qu'il s'agissait de votre solution... à moi que Ludost soit le seul sincère de la bande et que ce soit vraiment "Moi" , le problème ?

Quoiqu'il en soit, je vous interdis de toucher à ces souvenirs-ci autrement qu'avec les yeux, aussi bons ou mauvais soient-ils. Ou alors je deviendrais réellement un problème pour vous. »

Vitam en disait sans trop en dire et souhaitait éviter de mentionner sa vision dans la mesure du possible. En effet, elle tentait de savoir si la version des sept concorderait avec son "rêve" et surtout, en voyant la tournure des choses, elle crût commencer à comprendre le lien la liant avec tous ces fantômes du passé.

« Et moi je fais quoi ? » demanda Sergeï.

« Pas de problème. »

Sergeï se posait une question et ce fut une voix provenant de la porte de la maison qui répondit, celle de Kaïdo:

« Tu continues à faire ce que tu as commencé à faire, mon ami. »

L'asiatique avait quitté le confort de la maison, en portant la femme fébrile et posait son regard sur le petit groupe qui s'était ajouté à leur folle aventure:

« Vous êtes là... Même si vous êtes différents. Et surtout, vous n'êtes pas des souvenirs immuables... On a pas vraiment le temps de poser de questions, on est bloqué ici tant que je ne vous la laisse pas. »

Le groupe de 7 ne pouvait pas s'empêcher de regarder avec stupeur la femme en train de trembler et de passer à Vitam, les yeux éberlués mais avant que des questions n'arrivent, ce fut le japonais qui y coupa:

« Je vous laisse la prendre et faire ce que vous aviez à faire à l'époque... Si vous ne le faites pas, nous resterons bloqués ici. »

Le regard de l'homme au costume se posa sur Vitam, semblant attendre un assentiment de sa part sur la question.

Vitam donna son accord à l'homme en costume d'un signe de tête, malgré le fait qu'elle commençait dorénavant à appréhender ce qui allait suivre.

Mais comme elle allait le signaler : « Regarder ou rester bloqué... ce n'est pas comme si on avait le choix ! »

« C'est à dire ? Tu peux pas être plus précis ? J'en ai un peu ma claque des énigmes. Pour ce qui est d'l'alambiqué j'aime que les boissons... »

Sergeï remua légèrement les mains et le vent se fit un peu plus agité autour de lui sans qu'il ne paraisse menaçant toutefois.

« C'est pour le mieux, Vitam... »

Il donna la femme dans ses bras à l'homme en costume qui observa ses confrères et disparut, rapidement suivi par tous. Ah, non. Pas tous. Restait l'homme dépité. Ce dernier se tourna vers Vitam pour lui parler:

« J'imagine que tu voudrais quelques réponses mais je doute que ce soit le moment et l'endroit pour ça. Je vis à Barrow. Passe me voir quand tu auras fini tout ça... Si tu en as envie. »

Il disparut alors à son tour, laissant la scène virer au blanc pour révéler un autre souvenir. Puis un autre. Puis encore un autre. Les souvenirs s'enchaînaient vitesse grand V, permettant à Vitam et Sergeï de profiter de la vie de Kaïdo en cinémascope jusqu'au jour de sa mort. Ils purent ainsi voir le responsable de la mort du samouraï. Un homme jeune, type caucasien, portant un jean et une chemise de flanelle et qui n'avait clairement pas une tête de tueur mais qui transperça Kaïdo à vive allure tandis que la scène virait encore une fois au blanc pour révéler, cette fois, un Kaïdo en simple kimono, dans une pièce d'une blancheur immaculée, devant ce qui semblait être un livre et un nécessaire à écriture. Et au vu des derniers souvenirs traversés, plein de tragédies, celui-là laissait supposer qu'ils avaient fini par atteindre l'étape finale.

Encore que c'était pas dit, dirait les mauvaises langues.

Vitam aurait effectivement aimé avoir des réponses, tout comme il aurait été idéal que l'homme dépité ne donne son nom ou au moins son adresse car les fantômes n'étaient pas livré avec le GPS. Mais les flashs blancs reprirent leurs œuvres, et un des souvenirs de Kaido l'avait laissée sans voix jusqu'à ce que le trio n’atterrisse dans une salle sobre à la Matrix.

« On est où, là ? » demanda t-elle avant tout au rônin, pour ensuite ajouter : « Je savais pas que tu connaissais des épéistes en chemise flanelle qui veulent te tuer. »

« T'as vu à quelle vitesse il l'a dézingué ? » demanda Sergeï mi-admiratif mi-inquiet et re-mi-admiratif derrière.

« A la fin du voyage. »

Kaïdo observait le livre ouvert et la plume devant lui, semblant hésiter sur la conduite à tenir.

« C'est à dire ? Tu peux être un chouia plus précis ? » Rétorqua Vitam, tout en jetant un œil sur le contenu du livre. Ainsi qu'à sa couverture.

« Revenir... sur Terre ? Vivant ? Alors n'hésite pas, qu'est-ce que tu attends ? »

Oooh le Kaido, il était trop pensif pour que ce soit aussi simple... En tout cas il avait vraiment pas intérêt à lui rejouer du couplet du mérite sinon ça allait mal aller pour son matricule, ça c'est sur !

« C'est plus compliqué que ça... »

Le samourai observait l'ouvrage posé devant lui puis attrapa la plume:

« Bah, toute façon, si je suis pas là, les choses seront encore pires... »

La scène vira au blanc et Vitam et Sergeï se retrouvèrent donc au Japon, au dessus du corps assoupi de Kaïdo qui ouvrit les yeux et posa son regard sérieux et sévère sur Vitam:

« J'ai. La. Dalle. »