Sergeï se réveilla brutalement, surprenant Vitam et se mit à convulser. Ses tripes se retournèrent, lui faisant vomir un liquide noirâtre mais qui s'apparentait presque à une libération.

La fantôme, passablement surprise, reprit bien vite ses esprits et se trouva contente de son immatérialité car le contenu noir et visqueux semblait franchement dégueulasse.

« ...Voyez-vous, nous avons affaire à un cas d'anarchie absolue d'ampleur mondiale. C'est pourquoi je vous demande de prévenir au plus vite les hautes instances du Royaume des Morts de la situation ici présente. Je vous serais gré de minimiser les formules de politesse à leur égard car il en va de l'après-vie des nôtres, merci d'avance. »

L'être à qui était adressé ces demandes, se présentant sous la forme d'un homme extrêmement pâle vêtu d'un costume à queue-de-pie aussi impeccable que sa moustache et sa coupe de cheveux afin de correspondre à l'archétype du parfait Dandy, effectua une interminable révérence courtoise avant de disparaitre dans un portail temporaire généré par Vitam, qui leva les yeux au ciel face à tant de pompeuses bienséances (mais il fallait bien se comporter comme une classe 4 digne de ce nom de temps en temps) . Pour sûr qu'elle en aurait ouvertement soupiré si seulement la chose lui serait possible.

La fantôme observa également Sergei, qu'elle avait emmené là où la majorité des actions des supers-héros de la TV se déroulaient, à savoir un toit d’immeuble à l'architecture typiquement américaine. Et elle fut servie, ou en tout cas surprise, par le réveil du hockeyeur qui était pour le moins... particulier. Les bras croisés, la revenante le laissa se réveiller avant de le questionner.

« Ça va ? Je te dérange pas trop ? Si les transformés d'en bas t'empêchent de dormir avec leurs hurlements tu me le dis hein... »

Nulle agressivité dans ses gestes, bien que sa voix était quand même matinée d'un soupçon de reproches assez évident à discerner, surtout quand son ectoplasme fit grimper la température de quelques degrés pour appuyer ce fait.

Sergeï finit de vomir cette bile noirâtre avant de se redresser.

Il se sentait étonnement bien. « Tain c'est bien la première fois qu'j'ai pas la gueule de bois après une cuite pareille. » dit-il à voix haute sans faire attention à ce qui l'entourait.

Devait vraiment être frelatée cette bibine pour que je gerbe ça. songea le hockeyeur en observant la flaque de liquide qui trônait sur le toit.

« Mais comment j'suis arrivé là moi ? » s'interrogea Sergei avant de ressentir une vague de chaleur à ses côtés. Il dévisagea alors le spectre thermique avec curiosité.

« Tiens salut euuuuuh... Vitam oui c'est ça. Ça va bien ? »

La dite Vitam avait un peu changée en six mois : Un pantalon doré avait remplacé sa jupe tandis qu'une tresse ornait désormais son front. Mais ce ne fit surement pas la première chose qui sautait aux yeux de Sergei... En effet, contrairement à leur première rencontre, la fantôme arborait cette fois-ci un visage et une aura relativement mécontente.

« Ça va pas tellement, non... Tu vas me réparer tes conneries tout de suite ou je te jure que ça va pas le faire. »

La température autour d'elle grimpa encore, alors qu'une partie de son ectoplasme commença à se déformer un peu. On aurait pu croire que c'était volontaire, mais ce n'était en réalité aucunement le cas.

« De quoi tu me causes ? » demande Sergeï perplexe. « Qu'est ce que j'ai fait ? »

« Je t'aime bien tu sais, mais c'est pas pour ça que je ne vais pas m'énerver si tu continues à me prendre pour une bille... Tu t'es tellement mal réveillé qu'il te faut un dessin ? Alors viens ! » tonna la voix de Vitam, qui, d'une invite de la main, demanda à Sergei d'observer le festival des transformés du haut de l'immeuble duquel ils se trouvaient.

« Ça y est c'est bon ? Les neurones se remettent en place ? Génial... Maintenant répare-moi tes conneries tant que la planète tient encore debout sinon je te hante jusqu'à la fin de tes jours ! »

Sergeï sentait la moutarde lui monter au nez « T'es gentille mais tu vas te calmer. J'y suis pour rien moi. Je picolais tranquille quand y'a eu ce flash. J'suis descendu voir et c'était déjà le bordel. »

Si Vitam était déjà en colère Sergeï lui commençait à doucement bouillir devant les accusations du spectre.

« Me calmer ? Moi ? Mais je sais même pas ce que c'est que d'être en colère ! »

Alors que Vitam se mit à ricaner, la température redevint ambiante tandis que sa constitution reprit une forme plus humaine. Elle en porta aucunement vigueur, mais difficile de dire si c'était par habitude ou bien parce que la fantôme ne s'en rendait même pas (plus ?) compte.

« Donc si tu y est pour rien tu vas m'aider à trouver qui a fait ça, pas vrai ? Comme au bon vieux temps, toussa toussa... » La revenante fit un clin d’œil au hockeyeur. Un exploit qu'elle avait apprit à réaliser à force de côtoyer Bill.

Autant quelques heures plus tôt Sergeï aurait envoyé bouler la revenante en ronchonnant autant depuis qu'il avait vomi il se sentait en forme et étant donné qu'il n'avait rien à faire il pouvait bien s'occuper.

« Bein vu qu'j'ai rien à faire à part glander ouais autant s'occuper un peu ça va me décrasser. »

Le hockeyeur regarda autour de lui : « Déjà commencer par descendre de là. »

Il sentit alors le vent lui picoter le visage comme s'il était plus intense.

Bizarre quand même. songea-t-il J'étais vraiment crevé moi ??.

Il s'approcha du bord et d'un geste de la main fit grimper une colonne de terre jusqu'au toit afin de pouvoir redescendre.

« Bonne réponse » répliqua Vitam en souriant. « T'as raison de vouloir te décrasser, faut bien prendre l'air de temps en temps si on ne veut pas pourrir sur place ! »

Sur cette remarque très spirituelle, la fantôme s'envola à la suite de Sergei.

La colonne de terre surgit sans souci, brisant le bitume pour s'extirper à l'air libre et permettant au hockeyeur de descendre. Une fois dans la rue, il observa les environs et la rue semblait toujours la même, la femme en métal et l'homme goudron en moins. Sans doute étaient-ils partis...

Sergeï voulut répondre mais il dut avouer qu'il n'avait strictement aucune idée de ce qui avait pu provoquer ces événements.

« J'sais pas bien j'dois dire. J'vais tenter un truc. »

Le hockeyeur s'assit alors par terre. Bien qu'il était toujours en caleçon il n'avait plus froid et il posa la main au sol et se concentra.

P'tête que la terre va me parler on sait jamais.

Le hockeyeur toucha le sol et, instantanément, la terre lui parla. Il pouvait sentir toutes les perturbations qui la tenaillaient, que ça aille du frottement des plaques tectoniques au Japon jusqu'au forage pétrolier de grande profondeur ayant lieu dans l'Arctique. C'était... désagréable. Mais il ne semblait y avoir aucune perturbation autre que celles d'origines naturelles ou dues à l'homme. Rien qui ne soit en lien avec la mutation spontanée de méta-humains...

Plutôt intriguée par la scène, Vitam avait poliment attendu que Sergei ne se relève avant de finalement demander :

« Et ? Alors ? »

Afin de gagner du temps MJ je te rappelle que la fantôme possède l'orientation d'instinct donc si cela peut me permettre de m'amener à un endroit "où il se passe des trucs" , je t'en prie !

« Bon... » fit Vitam en fermant les yeux. « On va se faciliter la vie en accélérant les choses... Normalement j'ai pas le droit de faire ça comme ça, mais on va dire que tout le monde regarde ailleurs pour l'instant. »

Toujours sans regarder, elle esquissa plusieurs courbes dans les airs du bout du doigt. Ce qui semblait être des gestes anodins réalisés à l'aveugle requéraient en réalité une grande concentration, comme en attesta son visage des plus sérieux... qui se dérida d'un coup d'un seul lorsque la fantôme hurla soudainement :

« Youtube Attack ! Mouahahahaha !!!  »

Et tandis que Vitam rigolait encore de sa connerie, les environs se distordirent de sorte à générer de nombreux portails qui se dissipèrent prestement, non sans avoir préalablement accouché d'animaux en tous genre.
En résulta des scènes pour le moins farfelues, comme par exemple des chiens reniflant ce qui semblait être les sabots d'un cheval cornu, ou bien encore un reptile géant qui fixait d'un œil interrogateur les nombreuses flèches plantées dans ses écailles. Un peu plus en retrait, un couple de paresseux faisaient ce qu'ils savaient faire de mieux tandis qu'un ocelot, un pangolin, et un ornithorynque se jaugeaient mutuellement, surement pour savoir qui avait totalisé le plus de vues sur la toile.

La plupart étaient anciennement mignons, mais tous étaient actuellement morts, en plus de former ensemble un melting-pot animalier jamais vu jusqu'à maintenant : Par exemple, certains affichaient une grâce légendaire ou une silhouette joliment éthérée, quand d'autres se promenaient nonchalamment avec les tripes à l'air ou bien encore avec un œil sorti de son orbite. Surement une histoire d'ancienneté ou un truc du genre... Néanmoins, cela ne semblait guère étonner l'instigatrice de cette drôle de ferme peuplée d'une cinquantaine d'âmes diverses et variées.

« Ha... je m'en lasse pas. C'est pas dans un zoo sur Terre que tu verras une chose pareille, hein ? » déclara t-elle avec un clin d’œil appuyé. « Bon allez assez ri, va falloir se mettre au boulot. Je vais leur demander de quadriller les coins qu'on aura pas forcément le temps de fouiller par nous-même car comme on dit par chez vous "plus vite fini, plus vite tranquille" ! »

Et c'est dans un dialecte semblable à aucun autre connu -des humains en tout cas- que Vitam s'adressa à l'assemblée chimérique.

(en originel) « Vali ar nal enalétuv, álómema emátiyë úninta TUR. TUR ta... nene... álómema nen arëama eserë sa enon mema car to enon ámáta éla aireär ennirenne éni nalcemar. Ta turë nal vai, álómema turë ámanil ëa aure lummmbaure eme ntielan en nil, ano ni anonimme a emande en io élyam a ano an ëa únelen an ni ndómbal arëama an sa álan. Elulceni et'ar turë iélosírie embeluman a nal eme, tutulyë io álómema turë ta ni imám et'úrtaul rararë to e meärë'a turë na cananintureme... Valo ! Étili'tirio úca nentuti auli ni tiosèn na arë ahto, ie sa amera énáman tirio ta niene ende na niya. Álómema turë a an antièni úsenan, to aur ámáta v'''' tameht rararë sstenesendim a nalcemar éni car an ar eserë niene a len nal a iléla. Amammbemála : Eserë niene starë, eserë niene uramáluvan', men éla eserë niene a na nta ièle hturemaht. Turë únare úsiéluvarë ell an turë ásíva an rure men an silyarap no htemamben'úcelieä a ndó va ca, a lummmbaure ssan arëama e turë i aura. An ar va meärë'ell ni anilari, álómema turë tullara ! »

La revenante leur envoya un baiser, puis s'apprêtait à retourner auprès du Shaman avant de se raviser et de préciser :

(en originel) « A álómema turë ëanám arúsa arëama e turë a turë a en ar turë. Turë lyanil éla htemamben'úre an lummmbaure ún va ásèndómbannan e úre a mema en temammë emmarelyëan va tali tielléton aulya et'lummmbaure esanniren Ca men Raurana tatena úre a ntull htemamben'len an nilómmelie, étili'tirio tam ? »

Là, et seulement après que les "animaux" commencèrent à se disperser en exécutant ses ordres, elle pouvait maintenant rejoindre "Slipman" en paix !

« Voilà qui est fait ! Tu me suis ou je t'emmène ? » lui demanda t-elle.

Vitam, n'écoutant que son instinct de survie pour se diriger, partit donc en volant vers l'Est. Elle passa devant plusieurs manifestations méta-humaines et finit par arriver à Skid Row. Sur place, elle tomba sur ce qui semblait être une zone de conflit, avec d'un coté, les hommes en bleus et de l'autre, des Crips. Ou des Bloods. De nuit, avec seulement les lampadaires et les flammes des voitures calcinés pour éclairer, identifier des membres de gang à leur tatouage n'était pas la chose la plus simple du monde.

Toujours est-il qu'il y avait du méta-humain des deux cotés. Une fille toute de rose vétue, avec des ailes trop choupoupi discutait avec Prométhéus, pendant que des bangers tiraient sur les forces de police à l'aide de rayon/flamme/laser/éclair/autres.

Observant discrètement la scène avant d'avoir ses yeux trop curieux frôlés par un tir de laser perdu, Vitam attendit que le hockeyeur ne la rattrape avant de s'adresser à ce dernier.

« Hey, mate un peu là-bas. Ça explose, ça brûle ET ça crie ! Donc je serais bien tentée d'aller voir, sauf qu'il y a déjà sur place un truc violet en forme de Magical-Girl qui semble vouloir mettre en déroute les affreux, surement avec le pouvoir de l'Amour ou un truc du genre et comme chacun le sait, personne de méchant ne peut résister à une telle puissance. Donc Sergei je te le demande : Est-ce que cela vaut bien le coup d'aller la... enfin, les déranger ? »

Elle qui était d'ordinaire fonceuse en faisant fi de tout danger, la voir hésitante à foncer dans le tas était à la limite du louche.

« Aucun méchant normal mais je sais pas dans mes souvenirs du JT ils lançaient pas des éclairs ou des lasers les mecs des gangs. Peut-être qu'ils savent ce qu'il s'est passé et pourquoi les gens se transforment non ? »

Si Sergeï avait parlé calmement il devait admettre que quelque chose clochait. Depuis son réveil il n'avait entendu ni Vilmy ni Goodmy et ce silence soudain l'inquiétait un peu.