Et ainsi, les deux compères partirent rejoindre les Enfers, laissant derrière eux le monde matériel.
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Vitam se sentit instantanément revigorée en échouant dans le 7ème plan des Enfers. Le lieu, agissant telle une rustine cosmique, bouchait la fuite de psychoplasme qui la composait et ainsi, elle n'eut plus la sensation de s'effacer. Bon, ça n'était pas encore trop ça niveau transparence mais en même temps... Il fallait se contenter des petites joies.

Surtout que là, le duo involontaire se retrouvait bloqué dans une partie agaçante de l'Enfer, coincé entre ceux qui avaient spoilé les 3 et 4 ème trilogie star wars d'un coté, et ceux qui portaient des chaussettes avec des sandales monté sur short de l'autre(la plupart ayant l'accent teuton pour une raison que personne de sensé ne pouvait expliquer.). Niveau tragédie, ça se posait là. Car oui, hélas, la bande son qui était diffusé était une mauvaise reprise de Tragédie par un trio de belettes pompomgirl qui survolait les lieux.

Bref, c'était l'Enfer dans toute sa splendeur intemporelle mais le 7ème plan était surtout connu pour appartenir à un prince démon bien particulier: Méphisto. Et ce n'était pas le genre de personne avec qui on pouvait blaguer.

Vitam tendit ses bras sur le côté telle l'amoureuse du Titanic.

« Aaaaah... ça fait du bien de retrouver un semblant d’existence !  »

On aurait limite pu l'entendre imiter un soupir de soulagement pour peu que la grande Tragédie ne soit braillée à travers le paysage damné.

« Bienvenue en Enfer, Sergei. Ou plus exactement un Enfer parmi tant d'autres, mais qui a le mérite d'être assez représentatif sur un mince périmètre. Non mais sérieusement cette musique quoi... à mon avis on doit être tombé dans l'Enfer du mauvais goût ou un truc du genre.  »

Alors que la fantôme cherchait du regard d'autres choses pouvant appuyer son hypothèse, comme par exemple un rassemblement de danseurs de Tecktonik ou bien encore de porteurs de catogans (voire les deux en même temps) , celle-ci avançait sereinement, ce qui laissait supposer qu'au mieux elle en connaissait déjà la couleur et n'en avait donc peur, ou qu'au pire, elle savait au moins où aller pour s'éloigner de telles visions d'horreurs absolues.

« Je pense que ça va nous prendre plus de cinq minutes pour y aller et en bon touriste tu dois bien avoir deux ou trois questions à me poser alors vas-y, te gêne pas.  »

En effet, son esprit était encore suffisamment multitâche pour à la fois répondre aux éventuelles interrogations du Shaman, réfléchir intensément au chemin à prendre, puis souhaiter très très fortement de manger moult menu Big Mac parce que la malbouffe "Made in America" commençait sérieusement à lui manquer !

Vitam se sentait regonflée et ses pensées guidaient ses pas. Bon, ses pas inexistants parce que fantômatiques et dépourvues de jambes mais c'était du l'ordre du détail, désormais. Elle avança donc et rapidement, elle put entendre ce qui semblait être l'écoulement d'une énorme quantité d'eau.

En tournant à droite derrière un stand proposant de regarder un match de catch dans la boue érotique entre margareth Thatcher et Geneviève de fontenay, elle arriva devant ce qui semblait être la mer mais n'était en fait qu'un fleuve.

Le fleuve des regrets.

Une odeur lui chatouilla les narines ectoplasmique et, en tournant la tête, tomba sur un stand offrant les hamburgers les plus alléchants de l'autre monde. Des tranches de pain finement grillées à même la plaque ayant servi à cuire les deux steacks hachés façon bouchère et les oignons frits qui allaient rejoindre les plaques de cheddar provenant d'un petit artisan bio de la ville du même nom, accompagné d'une feuille de laitue à la verdeur et la croquance parfaite et pour accompagner le tout, une sauce délicatement préparée à base d'un mélange de moutarde et de ketchup, sauce classique mais indémodable.

Et c'était offert.

Enfin, presque.

Tout ce qu'il fallait faire, c'était présenter un certificat d'aptitude à l'activité de dégustation spécifique à ce plat dûment signé par une commission de médecin issus de 4 religions différentes et ayant vécu à plus de 3 siècles d'intervalles les uns des autres.

« Pas de questions finalement ? J'aurais cru... Ah, je crois qu'on arrive... »

Puis le duo arriva devant le fleuve des regrets, que Vitam présenta le plus sobrement possible.

« Voilà le fleuve des regrets mon bon Monsieur. Ce que tu vois au fond ce sont les Montagnes de désespoir, nommées ainsi parce que les démons et les fantômes partagent le point commun de ne pas trop s'emmerder avec les noms. Et juste ici c'est... miam... »

Le fumet provenant du stand ambulant de hamburgers lui avait scié les jambes au point d'avoir cessé sa marche afin de mieux observer le cuisinier en action. Aussi le Shaman perdit temporairement son guide, qui se retrouva comme hypnotisée par celui-ci. Ou plus exactement, par la nourriture qu'il préparait d'une main experte.

« J'en veux. J'en veux j'en veux j'en veux on bougera pas d'ici tant que j'en aurais pas !  »

Et tant pis s'il y avait une éternité d'attente et que Sergei n'avait pas tout ce temps devant lui pour décrocher le certificat tant exigé, tant la revenante n'avait que le mot "hamburger" en tête !

Sergeï observait l'enfer qui lui semblait moins violent mais bien plus agaçant que le folklore le laissait supposer.

Je sens que ça va pas me plaire.

Perdu dans ses pensées il ne fit pas attention à Vitam initialement, se contentant d'un vague « hmm, hmm. » tout en observant les alentours.

Quand il reprit ses esprits et voulut l'interroger la revenante n'avait plus d'yeux que pour des burgers infernaux.

« Dis voir l'âme de ton ami se situe où selon toi ? »

J'espère que mes pouvoirs marchent ici sinon je suis dans la merde... percuta soudain le russe qui essaya de se faire une légère brise dans les cheveux pour s'assurer que tout fonctionnait bien.

Il lui suffit de penser à une brise dans ses cheveux pour qu'un vent fort ne lui soulève sa tignasse. Bon, le vent sentait clairement pas la rose mais c'était déjà ça.

Vitam demanda un burger et la préposée à la vente leva les yeux au ciel:

« Pas de papier, pas de burger... C'est écrit là, savez pas lire? Suivant! »

Sur son gilet, elle arborait un petit badge starbucks ainsi qu'une petite tête de mort à coté, signe qu'il s'agissait clairement d'une vendeuse d'un niveau trop élevé pour que Vitam puisse l'affronter. Une vendeuse élite, rien de moins, le genre de vendeuse qu'on affrontait en groupe opti avec un healer pour le moral des troupes et un tank capable d'encaisser ses piques assassines, pendant que les dps pillaient les confiseries à tort et à travers.

Bref, Vitam était face à un défi de haut niveau.

« Je reviendrai. »

La vendeuse avait de la chance que Vitam avait mieux à faire ailleurs faute de quoi elle aurait valsé, boss élite ou non.

« On continue ? » demanda t-elle à Sergei d'une manière plus sombre que la revenante aurait voulue, encore un brin refroidie par le manque d'amabilité davantage prononcé de la miss que celui de ses collègues.
Mais au fait, depuis quand Starbucks s'était mis aux hamburgers ?

Alors que le duo laissait derrière eux la buvette à hamburger où une immense promotion pour un burger acheté=10 burger offert venait de prendre place, ils aperçurent rapidement le fameux fleuve des regrets et, au loin, ce qui semblait être un château médiéval japonais dans un piteux état. Cela éveilla quelque chose en Vitam, elle avait déjà vu ça quelque part mais où?

« Bizarre, c'était pas comme ça la dernière fois. »

Et tandis que le duo se rapprochait de ce château, de vieux rouages tentaient de s'engranger dans la caboche de Vitam.

« J'saurais pas dire c'est ma première visite. P'têtre pas la dernière. »

Le russe désigna le château en ruines : « C'est censé être un lieu que tu connais ? »

Souffrance et désespoir. Voilà ce que ressentit Vitam en tentant de se rappeler des circonstances où elle avait déjà vu ce château. Mais sa mémoire lui refusait hélas ce souvenir. La seule chose dont elle était sure, c'est qu'il avait un rapport avec Kaïdo.

« Peut-être, possible. Tout ce que je peux te dire c'est qu'il faut y aller et que ça grouille de mauvaises vibrations. »

Vitam se dirigea alors vers le château, avec la sensation inexpliquée de se rapprocher de son but sans pouvoir expliquer pourquoi.

Vitam et Sergeï approchèrent donc du château. Ce dernier semblait en ruine, abandonné, bref clairement sur le déclin mais le bâtiment éveillait aussi plus de sentiments en la fantôme. Une sensation de peur, de souffrance et d'incompréhension... Pourquoi? Elle l'ignorait mais ce n'était pas encore l'heure d'en savoir plus à ce sujet parce qu'en s'approchant, le décor changea.

Fini les châteaux digne d'une oeuvre de Kurosawa bordant le fleuve des regrets, le duo se retrouvait dans ce qui semblait être une rizière par une chaude après-midi. Des hommes, des femmes et des enfants se trouvaient là, à travailler pour les plus grands ou s'amuser pour les plus petits. S'ajoutaient à ça un détail parfaitement anodin que même David Lynch n'aurait pas renié: aucun ne semblait avoir de visage, si ce n'était un petit garçon, jouant avec un bout de bambou au bord d'une rizière où une femme, elle aussi sans visage, était courbée, en train de finir de récolter le riz...

« Reste prudent, Sergei. Je n'ai aucune idée de ce qu'on va y trouver » avait t-elle indiqué au shaman avant de pénétrer dans la cour du château, crispée à cause des émotions négatives que Vitam peinait de plus en plus à refouler.

Et alors qu'ils franchirent enfin ladite cour, la revenante fut surprise de non seulement ne pas y trouver un décor de mort et de désolation, mais aussi et surtout des "personnes" aux visages absents davantage semblables aux âmes de son monde qu'à des démons cornus, s'attelant à leurs occupations sans considérer leur présence en ces lieux. Soit une raison de plus pour s'en méfier, en particulier de l'unique personne pourvue de traits que la fantôme ne quitta pas des yeux en scrutant le moindre de ses agissements, ce tout en cherchant une autre porte -ou assimilé- en ces lieux car s'ils partageaient un tempérament similaire avec les siens, mieux valait ne pas les déranger à moins d'avoir une très très très bonne raison pour ça. Ou d'être suicidaire.

« Hihihi ! Tu viens jouer avec moi Vitaam ? »

Juste devant eux, le petit enfant brandissait fièrement son bâton de bambou comme si c'était un sabre. Il avait appelé la fantôme, sans pour autant en avoir vraiment conscience. Devant elle se tenait juste un petit enfant...

« Mère me dit que je deviendrait un samouraï si je continue à m'entraîner ! Mais c'est nul ! Je préfère jouer ! »Il ne semblait pas voir Sergeï, comme si il était invisible...

A la seconde même où le gamin l'interpella, Vitam comprit immédiatement que les lieux semblaient être une sorte de mélange entre les souvenirs passés et récents de l'âme de Kaido. Le duo était maintenant engagé pour un défilé de choses vagues et difficilement compréhensibles où ils allaient avoir toutes les peines du monde à en recoller les morceaux... un peu comme dans son propre esprit, en fait !

Néanmoins cela n'expliquait aucunement pourquoi Sergei lui paraissait invisible et c'est en partie pourquoi la fantôme eut une certaine hésitation avant de répondre à l'enfant : D'un côté, il restait étrange qu'il la reconnaisse sous sa forme enfantine et cela sentait le piège mais de l'autre, elle était la première à savoir qu'il ne faut jamais contrarier une âme -dans la mesure du possible bien sur- . Et nul doute que la snober pourrait représenter l'équivalent d'une tentative d'agression dans ce cas de figure. Aussi la revenante opta pour une sorte de solution intermédiaire consistant à lui répondre avec une certaine réserve.

« Je veux bien jouer avec toi Kaido mais je n'ai pas de bâton, alors je fais comment ? Tu m'en prêtes un ? »

L'emploi du prénom du Ronin n'était pas anodin, permettant de confirmer une hypothèse qu'elle estimait correcte à 99,9%.

La réponse eu un effet instantané. Mais pas celui qu'on aurait pu espérer... Comme un jouet cassé, le Kaïdo enfant se figea, son regard tourné vers Vitaam, la regardant sans la voir. L'espace d'un instant, ses yeux devinrent entièrement noir, et un sourire sadique veiné se superposa à celui de l'enfant.

« Tu n'a pas besoin de bâton. Le jeu, c'est vous... »

Il l'avait dit d'une voix inhumaine, dépossédée de toute émotion. Et pour le coup, il voyait parfaitement Sergeï... Mais le plus perturbant, c'est que c'était toujours Kaïdo... Mais, un Kaïdo que la fantôme n'avait probablement jamais connu...

Puis, comme si de rien n'était, il retourna à la normale. Se remettant à courir un peu partout en agitant son bâton, pourfendant des ennemis imaginaires...

« Mais j'ai qu'un bâton moi !... À la place, on a qu'à jouer à cache-cache ! Trouvez moi ! Hihihi ! »

La réaction face au sourire sadique n'eut pas l'effet escompté lui non plus : Lui (ou "ça") espérait vraiment lui faire peur avec cet effet que même les plus faibles spectres de son commandement n'osait utiliser depuis belle lurette tant cela avait été vu et revu ? Et même re-revu jusque dans les films d'horreurs humains ?

« D'accord d'accord... » ria Vitam en estimant ne prendre presque aucun risque en jouant le jeu du petit Kaido, d'autant plus que Sergei était toujours présent dans le cas où les choses tourneraient mal. « Je te préviens, caché ou non j'ouvre les yeux à dix. »

« Un...deux...trois... »

Le fleuve des regrets portait mal son nom jusqu'à présent, car elle regrettait nullement de partager avec le "rônin" cet amusement certes singulier mais peu étrange selon les standards fantômatiques.

« Du coup je fais quoi moi ? Je compte aussi ou bien j'attends que votre partie soit finie ? » demanda Sergei qui ne semblait pas plus perturbé par l'enfer que cela.

C'est moins bordélique que mes dernières cuites en fait.

Kaido et Vitam purent donc jouer ensemble, pendant que Sergei tenait la chandelle. Mais cela lui procurait suffisamment de temps pour remarquer la sortie d'hommes vêtus de noir des bois environnants.