Idiote, idiote.
Marchant vite, le chapeau rabaissé devant ses yeux, Anna Margarethe Von Storben Von Orb se couvrait de reproches devant sa bétise évidente. L'affiche, elle l'avait dans sa main, arrachée et froisée, mais elle ne doutait pas qu'il y en avait d'autre. Lorsqu'on joue le côté blanc aux échecs, on avait l'initiative. Il convenait de ne pas tergiverser et conserver son avantage, tandis que le joueur des noirs n'avait rien de plus important que de vous bousculer pour prendre le contrôle du rythme. Comme à l'Aldana, ceci qui dictait le flot de la bataille dictait son résultat. Exactement l'inverse de ce que la jeune noble avait fait ses derniers jours, à se reposer, à prendre son temps avant de décider de la direction à suivre et plus bêtement encore, à montrer son visage en ville.
Que faire maintenant ? Anna se dirigea vers l'auberge où elle logeait depuis quelques jours. Seule bonne nouvelle, ce portrait d'une jeune fille sage, vétue d'une élégante robe de velours rouge ne ressemblait pas exactement à l'amazone en tenue de cavalière qui fendait les pavés, l'épée passée au ceinturon et l'insigne des duellistes portée en guise de broche.
Se morigénant, elle ne réfléchissait guère à sa prochaine action. Anna savait déjà vers où elle voulait partir. Depuis la Vodacce, il lui serait aisé d'obliquer vers le nord et la république Sarmatienne. Sûr que la vie n'était pas parfaite là-bas, mais ça serait sûrement plus agréable que chez les rapaces de l'ouest ou au milieu des grippesous vendel. Et plus loin de la maison elle serait, plus sereine la noble se sentirait.
Anna entra dans l'auberge d'un pas vif et se dirigea vers la petite chambrée où elle avait logé ces derniers jours afin d'y ramasser ses affaires. Ensuite, il allait lui falloir aller à l'écurie où elle avait laissé sa monture, une belle jument qu'elle avait depuis quelques années, appellée Morgenschnee.
Mon cher père me veut vivante, mais en quel état ? Je dois surveiller mes arrières. Après un coup comme celui que j'ai fait, j'ai une chance sur deux de finir au couvent. Et l'autre chance de finir par me faire marier, ce qui est peut-être pire.
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