Vous partez à 4h du matin 6 jours plus tard.
Le Pic d'Adam ne se situe qu'a 250 kilomètres environ de la capitale. Une route de terre assez bien entretenue permet à l'équipe de parvenir en une vingtaine d'heures au dernier village avant la jungle. Maintenant, ils devront abandonner le camion de Drozd qui, bon an mal an, les a conduit jusqu'à ce village. Durant k voyage, ils ont pu faire plus ample connaissance avec leur guide. Celui-ci se révèle être un homme profondément bon :
« "Lorsque j'avais 15 ans, j'ai quitté ma Pologne natale, mon village ayant été pillé par une bande de cosaques en vadrouille. Toute ma famille est morte dans l'incendie de ma maison. Avec quelques compagnons d'infortune, nous avons rejoint Varsovie. Un mois plus tard, nouvel exil et bonjour à la Prusse. Je me suis engagé comme palefrenier dans le 15e Uhlan impérial. Là, j'ai retrouvé bon nombre de compatriotes qui, comme moi, avaient fui la misère et la désolation. Notre régiment est parti en France, en 1870, combattre vos compatriotes. Je dois dire que cela ressemblait plus à une promenade de santé qu'à une campagne militaire, sans vouloir vous offenser, bien sûr. Une fois arrivé à Paris, j'ai déserté avec un ami, Alexis Manougian, un Arménien, engagé comme artificier dans le 8e régiment d'artillerie bavaroise. Ne me demandez pas comment Alexis a atterri en Bavière, je crois qu'il ne le saurait pas lui-même. En tout cas, nous avons traire dans Paris. Quelle ambiance ! II régnait dans la capitale une effervescence révolutionnaire incroyable. Tout était permis tout semblait possible. Mon camarade er moi avons participé à la Commune. Il fallait voir ces belles jeunes femmes descendre le boulevard Saint Germain pavoisé de drapeaux rouges! Tout le monde chantait, dansait sur "le Temps da Cerises". Ah, quel insouciance ! J'avait vingt ans, mes amis, et encore bardé d'illusions. Puis ce fut la "Semaine Sanglante". Les Versaillais ont fusillé Alexis au cimetière du père Lachaise. Quant à moi, blessé, laissé pour mort, je parvenais à échapper à ce massacre inqualifiable. Là, Dieu a bien voulu qat l'on sauve un pêcheur tel que moi.
Je me cachais, perdant mon sang, essayant de fuir l'horreur du massacre quand une jeune femme me recueillit. Marie Ropart était ce que l'on pourrait appels une jeune fille de bonne famille. A moitié anglaise du côté de sa mère et bretonne par son père, elle habitait un hôtel particulier à Paris. Sympathisante de notre cause, elle avait transformé son logis el hôpital de campagne. Comme elle connaissait beaucoup de personnages influents à l'Assemblée Constituante, nous ne fûmes pas inquiétés. Toutefois, nous ne pouvions rester et France. Marie Ange vendit tous ses biens, ce qui nous permit d'aller nous instant: aux Indes. Nous nous fixâmes à Bombay.
Marie Ange ouvrit la pension un Mimosas. Elle recueillit tous les enfants déshérités de la ville, essayant de leur donner une éducation susceptible de les sortir de leur misère. Sa fortune fond rapidement et c'est à partir de là que j'organisais des chasses pour Européens en mal de sensations. J'ai vécu 12 ans de bonheur avec cette femme remarquable. Nous nous aimions. Puis, il y eut cette épidémie de choléra à Bombay et MarieAnge Ropart fut également emportée ...
Elle ne comptait pas son temps et ne pensait pas à elle. »
conclut-il en un soupir. Jean-Philippe regarde alors Charlotte avec un sourire...
|