Naana laissa retomber son sourcil circonspect. Si elle n'avait guère d'affinité (ceci étant une litote) pour la dite star adulée par Suzanne qu'était pas un modèle en terme d'esthétisme ou de culture artistique (ceci est aussi une litote, y'a qu'a voir comme elle est mal coiffée), elle gardait une attentive bienveillance aux déclarations de Keith à la coolitude exemplaire -quoique difficile à cerner. Aussi était-elle déjà en train de tapoter du bout de ses fins didis agiles sur son Tricosyn™ 7.0 afin de trouver le plus proche entrepôt désaffecté avec arnaqueur commerçant de "batailles" pseudo-réelles mais en trois D finissant tâchés de peinture rouge et épidermes plein de bleus.
« Vouais.. y'a ça... c'est au cinquième sous-sol du centre commercial, la partie du parking désaffectée depuis le fameux championship-stock-car estudiantin qu'a effondré la dernière rampe de descente encore carrossable- et dans les... égouts ?!? aussi.
Hum... est-ce vraiment une bonne idée ? »
Le sourcil neigeux remonta illico en sa position de circonspection.

« Une bonne idée, non.

Une super idée... Carrément! »

Se redressant fièrement, les poings sur les hanches, Keith se retrouva les cheveux dans le vent, grâce à un dysfonctionnement de la clim, et ajouta:

« Direction le paintball, donc! »

---------- Kola maillot jaune ----------

Mais pourquoi ça marche pas ce truc de merde ?

Kola avait toujours eu une vie sans grosses surprise et plutôt bien rangée. Dans le standard des Kosfas en tout cas. Elle arrivait généralement à avoir à bouffer quand elle en avait besoin, n'avait jamais vraiment été menacée plus de deux secondes par quoi que ce soit et surtout - surtout - ses missiles se lançaient bien quand il le fallait. Alors autant dire que la fée était actuellement plutôt chamboulée. Une émotion physiquement traduite par une Kosfa enclenchant frénétiquement et répétitivement ses lance-missiles dans l'espoir d'entendre le « shouuuum.... BOOM » si libérateur et familier. Mais rien ne se passait. Ce qui ne fit que rendre la Kosfa encore plus énervée pour le reste de la course qu'elle reprit à plus haute allure encore. En tout cas après avoir mis quelques coups de poing bien sentis sur ses rampes à missiles.

Trottinant sur le plancher des vaches pour l'arrivée, comme l'imposaient les stupides règles terriennes, Kola passa tranquillement la ligne d'arrivée sans signe particulier à l'attention du public tant l'épreuve avait représenté une promenade de santé. Et surtout parce que, ses lance-missiles ne fonctionnant pas, elle n'avait pas pu déclencher le feu d'artifice qu'elle avait imaginé à son arrivée. Le sort n'était décidément pas très clément avec elle. Elle plongea donc simplement son regard dans celui de Lamberbourg tandis que sa visière transcrivait au professeur plus clairement le sentiment que ses yeux ne pouvaient transmettre :

{ ▀ Ĺ̯ ▀ } « Eh ouais. »

Après quoi elle alla s'asseoir en tailleur dans l'herbe un peu plus loin, non sans qu'un large nuage de vapeur odorant s'échappe de son armure et l'englobe un moment, avant de se dissiper dans l'atmosphère. Certains trucs fonctionnait donc encore. Elle attendit alors. Longtemps. Très longtemps. Si longtemps que, lorsqu'arriva enfin le second, Kola avait arraché la bonne majorité des brins d'herbes dans son périmètre proche. Certes elle était très indirectement responsable du retard des autres concurrents mais c'était pas non plus une raison pour qu'ils y mettent de la mauvaise volonté.

La Kosfa afficha en tout cas une surprise certaine quand elle aperçut que le premier de ses concurrents à passer la ligne d'arrivée n'était autre que Praséo. Elle imaginait que le golem aurait bien trouvé un moyen de se prendre un mur ou quelque chose qui l'empêcherait de prétendre à atteindre le podium. Et pourtant. Alors, même si d'aucuns diraient qu'elle avait peut-être pu se laisser porter par les provocations sous le coup de la saine compétition, maintenant qu'il n'y avait plus de risques que la Kosfa n'arrive pas en tête de la course, cette dernière adressa des félicitations sincères à l'alien vert :

« Naaaaan sérieux ? Bien joué Doritos ! »

Kola poussa même le débordement de camaraderie presque indécent jusqu'à inviter la golem à la rejoindre. Faut dire que Praséo avait un poil remonté dans son estime avec son classement. Mais, parce qu'être un peu trop généreuse c'était risquer de passer pour une conne, Kola ne fit pas preuve d'autant de mansuétude à l'égard des autres concurrents, gratifiant chaque autre élève passant alors la ligne d'arrivée, d'un rire gras et de quelques moqueries.

Ce qui ne l'empêcha pas en parallèle de s'enquérir auprès de Praséo d'un problème qui l'emmerdait quand même un poil :

« He au fait ! Mes lance-missiles marchent plus. Faudra que tu jettes un coup d'oeil ! »

Il était à ce stade inutile de préciser que les Kosfas ne s’embarrassaient que rarement de la politesse d'usage sur Terre et sur quelques autres planètes un peu nazes.


---------- Kola déçue ----------

« Ah. Ok. »

Kola avait écouté d'abord avec curiosité, mais bien vite avec ennui, l'explication de Suzanne. Sentiment renforcé par le décalage entre ce que la cheerleader expliquait et l'entrain avec lequel elle l'expliquait. En gros c'était juste une chanteuse quoi. Heureusement que Keith était là pour proposer une activité qui avait de quoi faire oublier cette profonde déception. Et même une très bonne d'activité. Kola n'avait jamais fait de paintball mais, de ce qu'elle en comprenait, ça avait tout pour lui plaire. Bon il y avait cette histoire d'utiliser des boules de peinture mais probablement que ça n'était qu'une option. Aussi fit-elle part à l'humain, qui finalement méritait sa réputation de type cool, de son approbation :

{* ▽ *}« Ok ça c'est cool ! C'est même super cool ! »

Puis, maintenant bien motivée, la Kosfa s'envola et comment à s'agiter en voletant un peu partout d'excitation.

« Allez on y va ? Qu'est-ce qu'on attend ? Go ! Allez ! Allez ! »

Ce fut long, ce fut chiant, mais Praséo pouvait se vanter d'être arrivé sur le podium... en seconde position ?
En effet, le Golem fut le premier surpris à ce que ce soit Kola qui écope de la première place, ce qui expliquait maintenant pourquoi elle n'avait revu la Kosfa jusqu'à présent. L'alien vert ne laissa toutefois rien paraître de son étonnement initial, pour l'aussi simple que bonne raison qu'un étonnement plus grand encore l'avait envahi lorsque la fée s'approcha d'elle pour... la féliciter de sa course ???
Du fait que l'armurerie ambulante, pourtant très portée sur les provocations sportives de toutes sortes, avait l'air des plus sincères, l'Unité Praséodyme se demanda un moment si elle n'avait pas traversé une quelconque faille dimensionnelle par accident parmi les obstacles du cross pour subir un tel revirement comportemental de sa camarade de classe pourtant peu portée sur les compliments. Une fois de plus le mécano se retrouva dans une situation où il ne savait que répondre, définitivement déstabilisé par le comportement à double tranchant qu'arborait Kola depuis le lâcher de missiles sur concurrents en digne représentante de l'expression terrienne parlant de main de fer dans un gant de velours. Ou l'inverse, le Golem ne savait plus. Et c'est lorsqu'on se retrouve dans ce cas de figure que les réponses neutres furent inventées.

« Euh... merci ? Je suppose ? »

Le moment où la fée se mit à rire grassement du troisième arrivé, puis du suivant et ainsi de suite écarta peu à peu l'hypothèse de la faille dimensionnelle tout en renforçant celle tout simple qui mettait ces congratulations sur le compte d'un accès de gentillesse de la fée. Ou d'égarement, selon les points de vue. Qu'importe, cela rassura assez Praséo étant donné que le plus difficile dans les univers aléatoires n'était pas d'y aller, mais d'en revenir !
C'est donc en étant relativement serein que le caillou animé, au vert encore un peu pâle à cause de l'effort physique malgré sa pause forcée durant la course, prit place à côté de Kola sans émettre la moindre objection, de surcroît lorsque le corps professoral lui avait en réalité fait une fleur en la forçant d'attendre ici en réduite compagnie au lieu d'aller se masser avec de nombreux autres dans de viles douches à eau. Sans compter que cela lui permit d'obtenir de brèves explications sur le pourquoi du comment la lycéenne miniature se retrouvait ici avec ses lances-missiles intacts, en plus de découvrir via sa demande que les paroles à priori bienveillantes de la fée nucléaire étaient en fait possiblement intéressées. Ce qui n'était pas grave dans la mesure où l'être de Corindon était loin d'avoir acquis suffisamment de codes de sociabilisation inter-raciaux pour pouvoir réaliser un tel lien de cause à effet.

« Oui, je ferais ça ce s... » encore pensive, elle ne se rappela qu'au dernier moment que sa venue chez Kola se devait de rester secrète « après. »
« Qu'est-ce que ça fait quand t'essayes de les enclencher ? T'as un message d'erreur ou bien ça ne répond juste plus ? »

Que ce soit par simple fierté personnelle ou bien dans le but de ne pas répéter la même erreur une seconde fois, le Golem était bien décidé à "réparer" l'artillerie récalcitrante de Kola.
Et à propos de missiles, les deux étudiants purent voir de nombreux coureurs ayant du mal à se remettre de ceux-ci, tandis que d'autres se faisaient ouvertement accuser de tricherie par un Lamberbourg ayant décidément les yeux partout. Alors ni une ni deux, Praséo profita d'une virulente harangue du géant sportif envers un élève contraint d'aller s’asseoir sur le banc de la honte pour aller prestement jeter tous ses ressorts chewing-gum dans la poubelle la plus proche. A défaut de conteneur à déchets, un coin de mur quelconque ou un simple buisson ferait tout aussi bien l'affaire.

Que ça soit Keith ou même Kola, l'enthousiasme semblait assez haut pour une partie de paintball. En revanche, ni Naana ni Suzanne ne semblaient enchantées par l'idée d'aller dans les égouts. Quand à l'idol, elle semblait indifférente, ou alors elle n'avait pas compris ce qu'étaient des égouts.

« Ce n'est pas censé se passer dans une forêt le paintball normalement ? Avec ton dictionnaire digital, tu peux peut-être trouver moins .. sale, non ?
En plus on sort tout juste du salon de beauté », se plaignit la cheerleader.

Keith vit Suzanne hésiter et avec toute la maîtrise d'un Vador pour convaincre les autres (le force shock en moins mais chut, faut pas le dire), il lança à sa camarade:

« Suzanne, allons. Comme si aller jouer dans des égouts, désaffectés au demeurant, allait nous forcer à devoir vivre avec cette crasse pour toujours.

On aura qu'à retourner au salon après. Et chez le coiffeur aussi, si tu veux. Faudra aussi surement changer de fringues mais là, je ne suis pas sur qu'il y ait beaucoup de magasins pour te plaire ici... Gucci, Prada et j'en passe...

Et puis, c'était l'occasion de faire découvrir à notre Idol préféré le paintball... Je comprends que tu ne sois pas enchantée. On te racontera, si tu veux? »

Pas de force shock mais il y allait avec la délicatesse d'un tank sherman, en s'en prenant à l'amour immodéré de la gente féminine pour les soins et le prêt à porter féminin de luxe...

---------- Kola fair play ----------

Kola regardait avec amusement le spectacle de ses concurrents arrivant les uns après les autres, pour certains avec un retard clairement du à la Kosfa, dont la trace des exactions persistait physiquement (et peut-être psychologiquement aussi). Faut dire que c'était pas aussi souvent qu'on démontrait de manière aussi flagrante sa supériorité. Que les Terriens règnent sur le Cool, les Kosfas auraient tout le reste. Et Kola, à son niveau, luttait pour qu'une telle maxime ne soit pas remise en cause au moins dans le lycée. Et aussi, elle bossait dur pour rendre aussi difficile que possible de l'associer avec sa colonie de naissance de gros nazes.

Du coup, pour l'heure, elle en profitait. Jetant parfois de rapides coups d'oeil à son camarade, elle remarqua que ce dernier ne semblait lui pas en profiter autant. Peut-être était-ce parce que la rareté d'une telle victoire pour le Golem (une seconde place face à Kola constituant normalement pour n'importe qui une victoire personnelle assez majeure) ne l'avait pas vraiment habitué aux célébrations d'usages dans une telle situation. Et plutôt que de se laisser portée par l'enthousiasme de sa performance, l'alien verte préféra lui poser des questions qui ne rassuraient pas Kola sur les capacités du mécano à réparer son vaisseau, son armure ou même un bout de bois.

« Pffff ah ah ! Un message d'erreur ? C'est de la haute technologie les armures Kosfa, ya pas ce genre de conneries ! »

Puis, après avoir rigolé quelques secondes pour bien insister, parce que chez Kola la subtilité le disputait bien souvent à un zêle de toujours bien se faire comprendre, la fée fit la moue devant les délais inacceptables proposés par la mécano. Après tout, c'était pas comme si elle avait d'autres clients pour l'après-midi non ? Et puis, même si c'était le cas, il n'y avait pas de raisons que Kola ne passât pas avant.

{ >_< }« Tu veux pas le faire là plutôt ? Tu fous rien. Et si j'ai besoin de m'en servir ? C'est sûr que j'aurai besoin de m'en servir ! »

Et Kola ne disait pas ça pour paraître dramatique. Déjà parce que culturellement, chez les Kosfa, il était impensable de sortir avec une armure défectueuse. Ensuite parce que, étant donné la propension de Kola à vouloir tout faire péter, il était en effet hautement probable qu'elle ait besoin - à ses yeux - de s'en servir avant le soir. Ou dans les 10 prochaines minutes. Et, histoire de faciliter le travail de sa camarade et donc de l'inciter à se mettre au travail aussi vite que possible, Kola fournit une description précise et techniquement poussée du dysfonctionnement.

« Normalement ça devrait faire "schvouf" avec un missile qui sort et là il se passe rien. »

Après avoir jeté ses ressorts usés à l'abri des regards indiscrets, Praséo s'était mis en "posture de restauration énergétique passive" , aussi appelé "mode détente" chez les terriens : Allongée sur l'her... sur la terre désherbée à cause de l'impatience destructrice de Kola (évitant ainsi d'être en contact direct avec la potentielle rosée humide des brins verts) , les mains derrière la tête, sa tignasse au vent, goûtant le temps les doigts de pieds -mécaniques- en éventail, le Golem profitait en fait bien plus de la fin de la course que ce que pourrait croire la fée nucléaire. Et aurait bien continué un peu ainsi si seulement cette dernière n'aurait insisté pour qu'il ne répare ses lances-missiles, là, maintenant, tout de suite ou je te casse la figure fissa parce que les brutes ont beau savoir jouer des poings ou des armes, elles restaient tristement prévisibles dans leurs agissements globaux. Le Golem en aurait soupiré, pour peu qu'il en serait capable, mais l'idée était là.

« D'abord je ne fous pas rien, je me repose donc techniquement, je suis en train de faire quelque chose... »

D'aucun aurait dit que cet argument était emprunt de la mauvaise foi la plus crasse, digne des pires cancres. Mais il ne fallait pas oublier que même alien et indépendamment de son niveau d'intelligence, un ado restait un ado, donc étant pourvus d'une certaine capacité "innée" à sortir des énormités pareilles.

« Ensuite j'avoue, j'admire ta capacité à vanter la technologie de ta super armure qui tire des gros missiles tout en étant incapable d'afficher le moindre texte en interface pour aider à la maintenance. Les Kosfas ont vraiment le sens des priorités. »

On pouvait constater que l'Unité Praséodyme possédait une certaine typicité, pourtant organique, quoique commune à de nombreuses espèces, à être d'assez mauvais poil lorsqu'on essayait de la tirer de son lit, dussent t-il être métaphorique. Et puisque apparemment l'ordre des choses avait été tellement chamboulé que Kola plaçait la réparation de son artillerie lourde au dessus du "risque" de s'afficher en public avec le Golem et que ce dernier avait pour une fois presque réussi à faire de l'humour correctement (quand bien même il lui faudrait encore un peu d'expérience en la matière avant d'apprendre que le sarcasme est une arme à utiliser à ses risques et périls) , ce ne fut donc guère étonnant que le mécano consentit finalement à jeter un coup d’œil aux rampes d'armements de l'armure problématique alors que sa camarade ne lui avait décrit les divers dysfonctionnements de façon... sommaire.

« ...Bon allez fais-moi voir ça. »

Sur ces mots empreints d'un entrain des plus palpables, Praséo avait concentré toute son énergie pour se lever et ensuite s'asseoir derrière la Kosfa, de sorte à pouvoir s'exécuter et surtout, d'attendre un quelconque signe d'approbation de la principale intéressée avant de se lancer dans le vif du sujet. Alors que le caillou animé commençait à dégainer les outils qu'il estimait adéquat à ce genre de travaux, il demanda à la fée la chose suivante :

« A quel fréquence t'entretiens le tout ? Et avec quoi ? »

Kola accorda exceptionnellement à Praséo son trait de sarcasme sans lui présenter la version Kosfa du sarcasme (qu'il était sans doute inutile de décrire). Déjà parce que le golem avait malgré tout accepté de réparer son armure. Ensuite parce que ça avait réussi à lui arracher un sourire. Bon il n'allait pas falloir que sa camarade insiste trop vu que la fée restait quand même globalement imperméable à la moquerie. Dans le sens qu'elle avait tendance à très vite stopper la source de moquerie avant même que sa perméabilité ne soit vraiment mise à l'épreuve. Aussi Kola laissa-t-elle l'alien vert se placer derrière elle, continuant à regarder le spectacle des coureurs qui, s'il restait divertissant, commençait tout de même à devenir lassant.

Ce qui lui permit de concentrer son attention sur les questions de Praséo. Lui arrachant d'ailleurs une réflexion qu'elle se faisait déjà depuis quelques temps.

« Mais en fait tu connais rien aux Kosfas ! » Le plus étonnant restant qu'une véritable stupéfaction transpirait dans la voix de la Kosfa, qui avait encore apparemment du mal à admettre que sa race ne représente pas le centre d'attention de toutes les espèces intelligentes de l'univers. Ce qu'on ne pouvait décemment pas reprocher aux dites espèces puisque toute tentative d'étude scientifique des Kosfas s'était au mieux soldée par un retour rapide et diminué à la maison. « On entretient notre armure deux fois par jour. Toujours. Avec de la... » Kola sembla réfléchir un moment à la meilleure correspondance du mot Kosfa.« ... gelée Kosfa. Ca renforce l'armure et en plus ça sent bon. » Et la fée de tendre son bras en direction du golem pour tenter de lui faire sentir la faible odeur de musc qui se dégageait en effet du métal de l'armure.

Et puisque Kola était apparemment aujourd'hui de bonne humeur, et aussi parce qu'elle se faisait un poil chier, elle entreprit d'apporter quelques informations supplémentaires à son camarade. Même si elle ne comprenait pas l'intérêt d'avoir les capacités informatiques pour rechercher une information si c'était pour que quelqu'un d'autre l'explique. Enfin si en fait elle comprenait bien. C'était beaucoup moins chiant de pas avoir à chercher soi-même. Ce qui expliquait peut-être pourquoi elle accepta de donner autant de détails, par empathie.

« Normalement ça s'abîme pas et ça se casse pas tout seul. Sauf chez certains, mais faut vraiment être très con. J'peux faire des réparations de base si vraiment ya besoin mais normalement faut faire venir des Kosfas spécialisés. »

La fée sembla réfléchir dur pendant un moment, avant de livrer ses conclusions.

« Mais comme je t'ai dit, normalement ça se casse pas ! J'suis sûr que c'est quand on me les a volés ! Quelqu'un les a trafiqués ! »

Les poings serrés de Kola sur cette dernière déclaration laissant aisément envisager - pour qui était vraiment si limité niveau imagination - quelle réparation minimale serait exigée du responsable d'un tel sabotage.

La cheerleader s'agita, chercha ses mots, ouvrit la bouche pour répliquer par un argument cinglant, n'en trouva pas, fut bien obligée de s'avouer vaincue.
« Tu payeras la prochaine séance de shopping ? Dans son intégralité, sans te défiler ?
D'accord Keith, va pour le paintball dans les égouts. Mais d'abord on va s'acheter des fringues pas chères pour les détruire dans l'épreuve. On a qu'à aller au Zara là. Ça te va capitaine ? »
Suzanne demandait son accord à la belle vulcaine.

Juste après que Suzanne eut parlé, le groupe entendit une cavalcade, et David, Sashiki et Llyod passèrent à côté sans les voir, courant comme des dératés pourchassés par le croque-mitaine.

Naana réussit à ne pas hausser les sourcils, les yeux et les épaules en mode suspicieux, interrogatif, et désabusé pour répondre directement en langage vernaculaire :

« Vî. C'est cool ! »

Ce qui évitait une argumentation contradictoire à la fois peu utile et mal venue.
Parce ce que s'il y avait quelque chose à approbationner... approbater... approvate... approuver, c'était le cas'Keith...
Le gars Keith !
La cheerleader commença à trifouiller les contrôles de son traducteur transgalactique pour (r)affiner les réglages...

« ... Non ! » avait répondu Praséo en imitant grossièrement le ton de stupéfaction de la fée sur la méconnaissance de sa race en une sorte de mimétisme réflexe. C'était d'ailleurs en partie pourquoi le Golem lui posait toutes ces questions, parce qu'il avait beau avoir chercher à obtenir... un peu... d'infos sur les Kosfas de diverses manières, ni les bibliothèques, ni ses recherches internes ne lui avaient renvoyées le moindre résultat. Et dans ce dernier cas de figure c'était peut-être mieux ainsi, car le contraire aurait sans aucun doute signifié que la conversation que tenait actuellement les deux lycéennes n'aurait jamais eu lieu.

Il y avait aussi le fait que ce Non, semblant tout droit sorti du cœur qu'elle ne possédait point, fut grandement motivé par la senteur de "Musk" qui se voulait peut-être discrète, mais qui suffisait largement à saturer les récepteurs d'odeurs de l'Unité Praséodyme dans le mauvais sens du terme, tant ça... puait, tout simplement, l'incitant définitivement à fourrer son nez dans les réparations des lances-missiles, en espérant en son for intérieur que sa camarade ne poussait pas la maniaquerie de son armure jusqu'à en "lustrer" l'intérieur des rampes !

Odeur ou non, le mécano fit briller la gemme sur son front pour y voir plus clair, fit jouer quelques mécanismes avec ses outils tandis que Kola dissertait à propos de la robustesse de sa seconde peau, puis... émit l'équivalent Corindonnite d'un sifflement admiratif chez les humains (soit un son semblable à ceux utilisés dans les ultra-basses et donc inaudible par une bonne partie des vivants, indépendamment de leur origine) lorsqu'il vit l'état im-pec-ca-ble du tout jusqu'aux moindres jointures. A croire que les produits d'entretien de Shoo-Pi partageaient ce point commun avec les médicaments terriens décrétant que plus c'était dégueulasse, plus c'était efficace.

« Je confirme, c'est pas un souci d'entretien. Pour reprendre l'expression locale, ça brille comme neuf sous là-dedans. Même avec mon mélange maison j'ai pas ce résultat. Y'a quoi dans cette Gelée Kosfa ? »

Petite pause, suivie d'une prise de conscience soudaine.

« Attends... s'il n'y a que les Kosfas spécialisés habilités à faire des réparations avancées sur une armure vitale pour vous, et que tu m'as demandé de le faire à leur place, ça signifie que tu me fais vraiment confiance ? »

C'est que sur un malentendu, Praséo pourrait presque croire que la gagnante du cross venait de lui faire un compliment indirect ! En plus de devoir admettre qu'il était peut-être un chouia légèrement possible que l'alien vert n'ait en fait quelque peu sous-estimé le savoir technologique du peuple Kosfique lorsque Praséo mit enfin le doigt sur ce qui clochait dans son armement : L'activation d'un élément incongru qu'il aurait pensé trouver absolument partout, sauf dans l'armure de la plus impulsive des fées nucléaires de sa connaissance... soit la seule !

« J'y croyais pas mais en fait si, les trappes de tes rampes lances-missiles se sont fermées parce que le système de sécurité s'est activé. Je m'en charge. »

Clic-clic firent les outils, alors que Kola continuait à lui parler jusqu'à finir par corréler le vol de ses lances-missiles avec leur hypothétique sabotage. En résulta une très belle Poker Face de la mécanicienne, qui à vrai dire ne s'attendait pas à ça et pouvait remercier les êtres supérieurs que sa camarade ne pouvait la voir à cet instant car ayant le dos tourné. Le Golem arriva néanmoins avec un petit temps de latence à ne plus pincer sa bouche pour parvenir à sortir avec un ton presque murmuré :

« Tu penses vraiment que quelqu'un pourrait t'en vouloir jusqu'à faire ça ? Pourquoi ?  »

---------- Kola professorale ----------

Grande question que celle de la composition de la gelée Kosfa. Pas pour les Kosfas bien sûr, mais pour qui a pu un jour s'ennuyer suffisamment pour s'intéresser aux raisons derrière la relative résistance de leurs armures (surtout rapportée à leur utilisation aussi brutale que fréquente). Aurait-il s'agit d'une race un peu plus pacifique et aux moeurs plus respectées, il aurait été possible de raconter une jolie histoire quant à leur vaillante mais inutile résistance pour conserver le secret d'une recette traditionnelle qui leur était vitale face à la cupidité d'une gigantesque organisation prête à tout vendre la gelée convoitée pour du profit. Mais c'était des Kosfas dont il était question. Et s'il était néanmoins vrai qu'ils avaient toujours refusés de vendre - ou, le concept d'argent leur étant presque inconnu, même échanger - leur recette à d'autres races, peu s'étaient trouvés suffisamment fous pour tenter de se l'approprier par la force. Aussi, s'il n'était pas à proprement parlé interdit pour une Kosfa de révéler la composition du produit, elles trouvaient cependant toujours rigolo de laisser les autres races de l'univers spéculer. D'autant plus que ça donnait parfois l'occasion à quelques entrepreneurs mal informés de voyager jusqu'à Shoo-pi dans le but de rapporter un peu de gelée. Ce qui en retour donnait l'occasion aux Kosfas de se marrer un bon coup et de récupérer tout ce que possédaient les malheureux avant de les renvoyer chez eux plus légers qu'à leur arrivée.

En bref, il n'était pas courant qu'une Kosfa livre la recette de la gelée à quiconque et Kola n'était, pour ça au moins, pas du genre à échapper à la tradition. Surtout quand ladite tradition permettait de rigoler un peu de la crédulités d'extrashoopiques :

« La gelée ? Oh c'est juste fait à partir de cadavres de Kosfas. »

Si ce qui servait d'oreilles à Praséo était suffisamment développé, peut-être pourrait-il capter l'espèce de léger sifflement émis par Kola tandis qu'elle essayait de contenir un rire derrière son masque inexpressif. Après quoi elle tenta de reprendre un semblant de sérieux quant aux restes des déclarations du golem. Ce qui n'était pas évident vu les déclarations en question. À parler ainsi de "confiance", la Kosfa avait l'impression de discuter avec un Humain, eux et leurs espèces de grandes valeurs dont ils cherchaient les signes dans le moindre événement, le moindre mot prononcé ou le moindre jour où il faisait un poil beau. Aussi Kola répondit-elle de manière presque agacée :

« Ben c'est surtout que c'est chiant de faire venir un Kosfa jusqu'ici. Ça prend une plombe et en plus si c'est quelqu'un de ma colonie... non vaut mieux pas que ça soit quelqu'un de ma colonie. T'as dit que t'étais balaise en mécanique donc tu devrais y arriver non ? Sinon pour le coup pas sûr que je puisse te faire confiance pour réparer mon vaisseau. »

Après quoi elle laissa le mécano travailler. Elle aurait tout aussi bien pu directement enlever les rampes lance-missiles pour que sa camarade travaille dans son coin mais ce qui s'était passé pendant le cours de sport lui restait encore en travers de la gorge et elle ne se voyait pas s'en séparer à nouveau de sitôt. Aussi attendit-elle patiemment - ou l'équivalent chez Kola qui consistait à tapoter bruyamment des doigts et remuer son pied - que sa camarade ait fini.

Au moins l'alien vert lui fournit une certaine distraction quant à sa question presque chuchottée.

« M'en vouloir ? Pfff évidemment ! T'en as qu'ont encore du mal à accepter mon autorité alors des fois ils tentent des trucs. Probablement un nouveau, ils s'rendent pas compte au début. »

La fée sembla réfléchir un moment, comme recoupant des informations dans sa tête, avant d'enchaîner.

« Mais bon c'est rien d'bien grave. On passait notre temps à se faire ce genre de crasses sur Shoo-pi, ça fait partie du truc. »

Puis, tandis que Kola put presque donner l'impression de prendre ça avec un peu de philosophie mélangée avec une douce nostalgie, elle enchaîna :

« Bon évidemment, ça change pas que si j'retrouve le coupable j'lui défonce la tronche. »


---------- Kola étudiante ---------

Kola avait suivi avec d'abord énervement, puis dédain puis finalement admiration la conversation entre Keith et Suzanne. Réservant évidemment son admiration plutôt pour l'adolescent. Fallait avouer que, même si le jeune homme n'avait pas vraiment la puissance physique nécessaire pour obtenir le respect de la Kosfa en plus d'une corpulence plutôt faiblarde, il possédait un certain nombre d'atouts qui malgré tout la stupéfiaient. Pour elle qui avait quelques fois tendance à recourir à la violence (surtout) physique pour arriver à convaincre autrui, elle continuait d'être surprise par les capacités de Keith pour arriver à ses fins avec ses mots.

Restait malgré tout que Suzanne continuait à les ralentir et les garder éloigner du paintball promis. Aussi Kola comptait bien lui faire savoir qu'elle aimerait bien qu'elle les laisse s'amuser un peu :

{ -_- } « Allez mais on s'en fout ! On y va là ! En plus... J'reviens ! »

Avant que son attention ne soit détournée par un trio d'adolescents filant à toute vitesse. Pas vraiment emballée à l'idée d'aller passer la prochaine heure dans un magasin de vêtement (moins par manque de coquetterie que par inutilité), la Kosfa s'élança à toute vitesse afin de les rattraper. Histoire de leur poser la seule question importante :

« He les gars, ça vous dit d'venir faire du paintball ? »

Parce que plus il y avait de cibles, mieux c'était.

Une croyance populaire répandue un peu partout à travers les mondes racontait que lorsqu'on était privé d'un sens -voire plusieurs pour les plus malchanceux, ceux restants se développaient davantage. Etant donné que Praséo avait un odorat et un sens du goût proche de l'inexistant (pas dans le sens esthétique du terme, l'autre) semblant être compensé par un sens du toucher extrêmement développé et une ouïe fine dont le champ de fréquences sonores détectées ferait passer un chien pour sourd (soit des qualités indispensables pour quiconque souhaitant causer avec autrui sur une planète très bruyante) , on pourrait croire que cela fut effectivement vrai.
Sauf que dans le cas de Praséo, ce n'était pas parce qu'il pouvait entendre sa camarade essayer de se retenir de pouffer de rire qu'il était directement parvenu à identifier ce bruit en tant que tel car entre le masque de Kola dissimulant ses expressions, le manque d'aisance du caillou animé concernant les subtilités des conversations "à la terrienne" et surtout le fait que les Golems ne retranscrivaient pour ainsi dire presque jamais les émotions telles que décrites chez les Humains et que de toute façon, ceux-ci n'étaient pas réputés pour leur sens du grand délire (à moins qu'éteindre les civilisations voisines soit une forme d'humour noir, auquel cas les habitants de Corindon devraient songer à livrer des spectacles en tant que plus grands comiques de l'Univers !) démontrant ainsi que comme souvent, les théories toutes faites se retrouvaient bien mise à mal lorsque venait l'heure de les mettre en pratique.

Pour résumer, ce n'était pas parce qu'on savait ce qu'était le rire ou bien qu'on parvenait à sortir un trait sarcastique sans faire exprès qu'on pouvait prétendre en connaitre la "langue" en un jour, de surcroît lorsqu'on est originaire d'une planète usant de communications conceptuelles très éloignées des gestes et paroles usités à l'unanimité sur la Terre. Tous ces paramètres faisaient donc de sorte à ce que l'Unité Praséodyme avait pris, prenait, et prendrait surement pour pas mal de temps les déclarations de ces parleurs au pied de la lettre, y compris les déclarations de la Kosfa quant à la composition de la gelée de leur armure. De facto la mécano lui répondit au premier degré, à mille lieux d'être dégoûtée des ingrédients prétendument employés dans ce produit d'entretien étant donné que l'histoire des bornes d'arcade avait sinon prouvée, au moins donné des indices quant à l'importance que donnait l'alien vert au recyclage.

« Intéressant. Et toujours mieux optimisé que les cimetières d'ici parce que soit j'ai pas saisi tout le principe avec les êtres volants, soit c'est vraiment de l'espace gâché pour... je ne sais même pas, faudrait que je demande à mes parents-hôtes ce que deviennent les cadavres d'humains après leur "enterrement".
On est pas des organiques donc on ne peut pas mourir au cimetière ou finir en gelée mais sans pouvoir te dire pourquoi, cela me fait penser à une pratique de chez moi qu'on appelle... »

La réparatrice se creusa la gemme pour tenter de trouver une traduction convenable à ce concept, sans toutefois en trouver une qui la satisfasse, utilisant à la place un terme qu'elle avait une fois lu dans un livre de cours plutôt pas mal.

« ...l'élargissement : Quand un Golem trouve le moyen de se démarquer, nos camarades supérieurs, les Tèèr, le convoque puis l'invite à "s'élargir" auprès des autres. C'est un grand honneur, autant pour tous ceux recevant une partie de son essence que pour le Golem partageant son savoir. Il y a même une unité spéciale super prestigieuse pour ça, poussant la classe jusqu'à annoncer publiquement les heureux élus tout justes "élargis" aux départs des nouveaux cycles de jour !
Quand je suis venu sur Corindon (traduction : né(e)/construit(e)) , une des premières choses que m'a fait comprendre mon Tèèr était que j'avais toutes les chances d'être "élargie" à mon tour si je continuais comme ça. J'espère que oui ! »

Et encore, sans doute mû par une modestie inattendue, Praséo ne s'était pas étalé sur ce qui devait être l'anecdote de sa vie, composée de pas moins de 26 Golems "élargis" . A moins que ce soit tout simplement à cause du fait que Kola venait clairement de lui faire comprendre que la confiance ne se méritait pas comme ça et que de ce fait, mieux valait que l'alien verdâtre ne se taise et se concentre sur l'essentiel au lieu de risquer d'égarer, et par extension énerver, sa vraie-fausse camarade qui en était une ou pas selon son humeur et/ou la conjoncture astrale. Surtout que son argument était pour une fois frappé du sceau du bon sens !

« T'as raison. Tu marques un point. Maintenant c'est réparé. Et tu me fais confiance si tu veux ça m'est égal. »

Ce que tout du moins le caillou blond croyait. Mais la suite de l'histoire allait certainement prouver le contraire dans un avenir plus ou moins proche. Déjà là, le fait était que plus Praséo passait de temps sur Terre, plus ses certitudes se retrouvaient au minimum remises en question. Sauf celle consistant à avouer son sabotage sur les missiles de la Kosfa, où là sa certitude quant à la dangerosité de se montrer trop honnête n'avait curieusement bougée d'un iota. Ou alors juste un peu, vu qu'une partie de l'argumentation de la fée la fit quelque peu tiquer.

« Quelle autorité ? Sur qui, sur quoi, où ça ? Au lycée ? Alors où tu classes les profs et le principal ? »

Effectivement, en bon nouveau, Praséo ne se rendait pas compte. Puis ce n'était pas les anciennes altercations qu'avaient eu entre les deux étudiants qui l'aidait à éclairer sa lanterne car les Corindonnites primaient le collectif à l'individuel, faisant de sorte à ce que toute tentative d'appliquer la loi du plus fort ne tenait jamais debout bien longtemps. Au sens figuré comme au sens propre.

Non seulement Praséo semblait avoir cru Kola, mais en plus elle surenchérissait avec une histoire de son cru bien plus glauque que l'anecdote initiale de la Kosfa. Parce que, et peut-être y avait-il là quelque chose qui s'était perdu durant la traduction ou la fée extrapolait-elle un peu du à une surconsommation de cinéma terrien depuis son arrivée mais de ce qu'en comprenait la fée le destin des "élargis" n'avait pas l'air des plus enviables. À tel point que la fée, qui savait n'avoir pas fait preuve d'une grande subtilité dans son mensonge, se demandait un moment si le golem n'était pas en train de la faire marcher. Ça aurait après tout été de bonne guerre. Aussi Kola, dans un premier temps, se contenta de rire sans retenue aux déclarations de son camarade. Puis, dans un second temps, puisque son propre rire n'était pas suivi de celui normalement attendu du caillou animé dans un élan de partage tel que socialement attendu, la Kosfa tourna la tête pour comprendre ce qui faisait que Praséo avait raté le coche.

Et ce fut à ce moment que la Kosfa commença à douter de la capacité de sa camarade à se laisser aller à la grosse déconne. Principalement parce que sur son visage rien ne laissait trahir que tout ceci n'avait été qu'un trait d'humour. Pire encore, Kola pouvait apercevoir une touche de fierté teinter l'expression du golem. Alors, soit ce dernier était un acteur bien plus doué que Kola l'aurait pensé et se payait sa tête dans les grandes largeurs, soit la vie sur Corindon ça avait pas l'air tip top. Restait aussi la possibilité, vite écartée par la Kosfa, que la fée ait compris de travers ce qu'on lui racontait. Etant donné qu'elle avait du mal à croire que Praséo ait pu acquérir du jour au lendemain les capacités sociales nécessaires pour aussi bien jouer la comédie, Kola s'orienta donc sans surprise sur sa deuxième hypothèse. La laissant initialement sans vraiment savoir quoi répondre.

{ °‿‿° }« Euuuuh... cool ? J'imagine ? »

Puis, dans un second temps, et parce que la fée ne pouvait pas s'empêcher de donner son avis sur tout et n'importe quoi - et surtout sur ce qui lui paraissait aberrant - elle fit part du fond de sa pensée avec toute la retenue qui la caractérisait.

« Enfin non attends ! Ils disparaissent les élargis ? C'est quoi cette pratique de cons ? Sérieux c'est super pourri Corindon en fait ! T'as bien fait de partir ! »

La Kosfa prouvait là encore une fois le respect et l'ouverture d'esprit qu'elle possédait et qui lui permettaient jour après jour d'analyser avec recul et finesse les particularités culturelles d'autres civilisations extraterrestres. Et Kola n'eut donc aucun complexe à enchaîner sur un petit cours de rattrapage à l'intention de sa camarade sur la façon dont ceux issus de Shoo-pi concevaient l'autorité. Un cours qui ne serait donné qu'une seule fois et qui ne devait de remplacer une leçon plus physique qu'au fait que Praséo venait d'arriver, que ce dernier lui retapait l'armure et que Kola était de bonne humeur (élément aussi arbitraire qu'important).

« L'autorité sur les autres lycéens ! J'sais pas ce que t'as appris chez toi mais chez moi c'est comme ça. » Ou en tout cas, ça devrait être comme ça mais Kola avait choisi de laisser volontairement de côté les spécificités propres à sa colonie de naissance. « Comme ça après t'es tranquille. Et en plus ici sur Terre ça t'rend plus cool auprès des autres ! » Ceci expliqué, elle put passer à un point qu'elle continuait à trouver étrange et qu'elle n'aimait pas aborder. « Les profs ça c'est autre chose. Ils ont des règles à la con ici où certaines personnes ont de l'autorité sans rien faire pour le mériter. Et t'es obligé de faire avec. »

Si le discours pouvait passer pour simpliste, la Kosfa avait pourtant l'impression d'avoir livré les conclusions poussées d'une année d'expérimentations empiriques aux résultats parfois très décevants. C'était donc presque un cadeau qu'elle faisait là à sa camarade. Mais après tout, le golem venait de lui réparer ses lance-missiles et, chez les Kosfa, c'était généralement bien suffisant pour s'attirer au moins temporairement la sympathie de la fée cachée sous l'armure en question. Si en tout cas sa camarade avait bien fait son boulot. Ce que Kola ne perdit pas de temps à tester, balançant une salve de cinq missiles haut dans le ciel de manière à réaliser le petit feu d'artifice dont elle avait été privée à la fin de sa course.

Dire que Praséo avait mal pris les rires de Kola lorsqu'il livra quelques éléments de sa culture serait un euphémisme. En effet, si le Golem serait un organique pur jus, nul doute qu'on aurait pu voir apparaître une veine sur son front à l'heure actuelle, quoique les paroles de la fée suivant son smiley lui avaient laissé paraître l'espoir ténu que celle-ci avait trouvé une occasion de se taire juste à temps.
Donc lorsque la Kosfa poussa effrontément ses conneries jusqu'à se moquer ouvertement des us et coutumes de sa planète (puis aussi de ladite planète au passage) , l'alien vert se figea dans un premier temps, stupéfaite au point qu'elle n'arriva même pas à répondre quoi que ce soit à Kola, apparemment inénarrable quand il s'agissait d'avoir des opinions préconçues, que ce soit sur la culture d'autrui que sur la/sa prétendue autorité naturelle en milieu scolaire. Ces dernières déblatérations avait définitivement amené Praséo sur le chemin de non-retour au point de ne même plus prendre la peine de chercher d'éventuels contre-arguments à soumettre à ce mur vivant, ayant anciennement consacré toute son énergie (pourtant bien entamée par le cross) à mentalement ramasser les morceaux de son pseudo-cœur piétiné par de métaphoriques bottes tactique pour que finalement toute cette tension n'explose de bien des manières, aussi bien physiquement de par les arcs électriques crépitants vivement sur l'intégralité de son corps, englobant également ses parties métalliques puis ses yeux inexpressifs brillants comme deux phares d'une intensité jamais vue jusqu'à présent, que par ses mots laissant tonner tout son ressenti accumulé sans chercher à y mettre les formes.

« Mais tu comprends pas !
Pire... tu ne cherches même pas à comprendre ! »

Dans un sens si vu que Kola lui avait techniquement posé quelques questions sur l'élargissement mais qui à l'instar de ses convictions, étaient teintée d'un mépris tellement évident que celles-ci avaient plus été posées dans le but de continuer à dénigrer les siens que par pure curiosité. De ce fait, il ne fallait pas s'attendre à des réponses élaborées avec amour.

« Pourtant savoir, c'est pouvoir : C'est grâce à l'élargissement que les Golems ont dominé les moindres recoins d'une galaxie entière en à peine un siècle terrien, puis une autre en moitié moins de temps. C'est aussi grâce à l'élargissement que j'ai obtenu une bonne synthèse du langage humain et que j'ai su la parler très vite alors qu'on emploie guère la parole sur Corindon. C'est toujours grâce à l'élargissement que j'ai pu acquérir des indices sur comment survivre sur cette planète hostile pour les appliquer avec succès, vu qu'aujourd'hui je suis là à t'entendre dire du mal de ma culture et tu sais quoi ?
C'est encore et enfin grâce à l'élargissement que toutes les pierres, minéraux ou autres métaux n'ont plus aucun secrets pour les miens et que je maîtrise aussi bien le pliage d'aluminium que les mécanismes de ta satanée armure alors sans aller jusqu'à me dire "merci" , un semblant de respect de camaraderie serait déjà bien. »

Au terme de cette tirade inhabituellement longue chez elle, l'unité Praséodyme reprit une contenance et une consistance davantage standard. Pour peu qu'on admette qu'il existe un "standard" chez les aliens.

« Tiens en fait pour info chez moi le savoir, c'est aussi LE pouvoir. Comme pour les professeurs locaux, apparemment... »

Ayant une famille d'instits en guise d'hôtes, le caillou animé n'avait que peu de chances de se tromper là-dessus. Et puisqu'il avait accusé la Kosfa de ne jamais comprendre rien à rien... à elle d'en tirer les conclusions qu'elle voulait.
Hormis celle des feux d'artifices, bien entendu, face auxquels le Golem répondit :

« Je te laisse avec tes explosions, moi et ma culture à base de "pratiques de cons" , comme tu dis, te disent à demain. »

Là-dessus, Praséo commençait à s'éloigner de la vexante armurée pour se diriger vers les vestiaires quitte à attendre longtemps les autres concurrents où, à défaut d'autorisation du corps professoral, vers un endroit le plus éloigné possible de Kola en attendant la fin de la journée scolaire. Dire "à demain" n'était pas anodin car il était théoriquement prévu que le mécano s'occupe du vaisseau, puis de la radio de la fée. En pratique... tout dépendrait si l'être originaire de Corindon, cette planète prétendument pourrie, aurait encore ou non les médisances de la petite lycéenne en travers de la gorge d'ici là.

Et après on reprochait à Kola de ne pas savoir garder son calme. Bon certes, quand la Kosfa perdait patience - ce qui il fallait l'avouer arrivait assez fréquemment - les conséquences étaient malheureusement directement et tristement visibles. Mais ça n'empêchait pas que Praséo venait de lui sortir un caca nerveux de nul part. Quand bien même Kola n'avait fait que s'attaquer à la stupidité presque effrayante des pratiques des golems et non à sa camarade directement. A croire que certains pouvaient être un poil sensible quand on s'en prenait à leur culture et la façon dont ils avaient été élevés. On ne pouvait décemment pas reprocher à la Kosfa de ne pas avoir prévu ça.

En tout cas, l'alien vert lui avait pondu une tirade si longue que, si ce dernier était composée un poil plus comme un organique lambda, la Kosfa lui aurait bien conseillé de reprendre son souffle histoire de ne pas finir (une fois de plus) dans les pommes. A la place, la fée encaissa tout le monologue sans sourciller - ce qui personne ne l'aurait vu faire de toute façon - et de manière générale sans réagir plus que ça à la démonstration de colère du golem. Démonstration de colère qui était aussi peu effrayante qu'un peu pathétique. C'est quand son camarade eut fini que Kola réagit finalement, démontrant ainsi encore une fois que si elle savait faire preuve d'empathie, ça n'était que rarement son approche naturelle des choses :

« Roooooh ça vaaaaa ! Pour les réactions de péteux j'pouvais rester dans ma colonie, ya les mêmes hein ! »

Ce qui, aussi étonnamment que ça puisse paraître, était déjà une tentative de désamorcer le conflit de la part de Kola. Pas que la Kosfa n'aimât habituellement pas le conflit, surtout quand ce dernier était physique. Ce qu'il pouvait toujours être avec un peu d'imagination. Mais, aussi agressive que puisse être la fée en armure, elle cherchait généralement à atteindre un certain but derrière un différend donné. Que ça soit pour se défouler, prouver qu'elle avait raison ou établir sa domination. Dans le cas présent, elle ne tirait du coup pas de satisfaction particulière du fait que sa camarade partit bouder comme une gamine vexée. Pire encore, même elle pouvait avoir là l'impression d'avoir fait une connerie. Sans aller jusqu'à reconnaître que la connerie en question était ce qu'elle avait dit ou la façon dont elle avait dit. Fallait pas déconner non plus.

Mais les Kosfas étaient bien souvent élevés avec une façon de penser aussi simple qu'honnête, qui les poussait à établir et garder une classification de tous ceux qui avaient le malheur de croiser leur chemin. Pour faire simple, il y avait ceux pour qui elles avaient des sentiments très négatifs et qui, disons-le clairement, allaient pas mal en chier. Ceux qui avaient prouvé leur mérite auprès de la Kosfa et qui pouvaient bénéficier de son aide voir de sa sympathie (le mot était certes osé). Puis un large groupe de gens qui n'étaient ni une menace, ni d'une particulière utilité et qui ne sauraient jamais vraiment à quoi s'attendre si ça n'était au moins un bourre-pif par mois. Les Kosfas ne revenant jamais sur une parole et étant très fidèles à ce qu'ils pouvaient considérer comme un allié, les chanceux de la seconde catégorie étaient plutôt tranquilles. En tout cas relativement parlant par rapport au reste du monde. Et, si Praséo était loin d'être tiré d'affaire, il avait au moins su prouver ses capacités une fois de plus, comme Kola se le confirma en observant les missiles exploser dans le ciel dans un balais son et lumière passablement apaisant (mais probablement juste pour elle). Par conséquent, si le golem n'était pas à l'abris des blagues un peu violentes de sa camarade et de ses remarques sans détour, il n'était au moins pas sur la liste de ceux à qui la Kosfa cherchait délibérément à nuire.

Il lui paraissait donc nécessaire de régler le problème immédiatement. Parce que Kola n'était pas du genre à laisser traîner les choses ou de partir en boudant en balançant une remarque passive-agressive. Non, Kola elle avait été éduquée selon une méthode Kosfa bien particulière de gestion des conflits. Et, comme elle l'aurait fait avec n'importe quel Kosfa qui méritait sa camaraderie, elle s'apprêtait à appliquer ladite méthode sur Praséo. C'était sa manière à elle de partager un bout de culture Kosfa avec le golem. Aussi la fée bondit en direction du golem, le rattrapant rapidement pour s'excuser profusément de ses conneries et reconnaître ses tords. Ah non pardon. Pour l'attraper par la nuque et le plaquer par terre, avec une force volontairement réduite, puis lui tenir la tête en clef de bras tout en le poussant à répliquer, comme le feraient deux gamins jouant à la lutte. Chez les Kosfa, les conflits ça se réglait un peu comme tout le reste : en se mettant sur la gueule.

{ (•̀ㅂ•́) }« Allez pas de bouderies à la con ! Laisse tout sortir ! Comme une vraie Kosfa ! »