Ven reprit trois gorgées de cidre de sa chope et la reposa en face de lui. Il s'empara ensuite de plusieurs petits cubes de fromage et commença à les dévorer un par un, tout en faisant agilement courir les doigts de sa main libre sur la table.


Une fois le dernier cube de fromage englouti, il croisa ensuite ses deux mains devant lui.

« Vous savez, ma venue à Ordulin est justement le fruit de ces brigandages, qui, semblent-ils, infestent les routes sembiennes. J'y ai beaucoup perdu: ma place dans la désormais détruite Compagnie de l'Aigle, des compagnons d'arme, de l'or... Bref, rien de bien inhabituel pour une compagnie de mercenaires, me direz-vous... »

Il lança un regard furtif à "Ethane" et Broron avant de continuer.

« Le hasard a voulu que je rencontre en ces lieux hostiles des personnes susceptibles de m'offrir à la fois des réponses... et ce qu'il me semble être des activités qui pourraient à la fois m'apporter or et satisfaction. »

Il sourit avant de lever sa chope à hauteur de sa tête.

« C'est un bout de chemin que j'aimerai faire avec vous, mes amis. Tout ce que j'espère, c'est que vous paverez ce chemin de bonnes intentions... sans pour autant me reconduire à l'enfer. J'y ai déjà survécu une fois, et la deuxième fois pourrait bien être la bonne. »

Il finit sa chope d'une traite et la fit tinter sur la table, d'un air satisfait.
Chatouillant ensuite sa poignée du bout de son index, il regardait distraitement Broron.

Souriant d'un air pincé, Broron réplique : « En ce qui concerne l'or, j'espère bien que vous saurez payez vos frais de séjour. » puis, s'adressant plus particulièrement au barde, il ajoute :
« Pour ce qui est de l'enfer, de la damnation, de la vie qui ne s’arrête pas toujours au trépas, et ce qu'il advient des corps qui ne sont pas incinérés dès qu'ils décèdent ... tant que vous resterez éloignés du château de la Comtesse Iphigénie de Comeaux, vous avez quelques chances d'éviter les tracas. »
Il soupire longuement avant de poursuivre : « Néanmoins, si vous n'êtes pas assez sages pour vous tenir à distance respectable des complications évitables, je connais quelqu'un qui pourrait solliciter vos services.
Mais les miens s'en ressentiraient d'un net surcoût. »

Ven opinait lentement du chef à l'écoute de la proposition sinueuse de leur petit guide.

Visiblement, ce dernier est bien plus que ce qu'il prétend être...

Il laissa planer quelques secondes de silence et se donnant l'air de réfléchir intérieurement, et reprit le fil de la discussion.

« Messire Broron, tout ce que je vois ici, ce sont des individus partageant des intérêts communs; des individus prêts à s'entraider pour résoudre leurs problèmes et leurs questionnements. »

« Et vous semblez être quelqu'un capable de venir en aide à de telles personnes, messire Broron. »

il accrocha le regard de l'halfelin.

« Dans cette optique, nous ne pouvons que nous en remettre à vous, ainsi qu'à vos connaissances. Des connaissances, qui, comme tout le monde le sait, ont parfois un prix bien mérité; prix que beaucoup d'entre nous seraient prêts à payer, si tant est que nous y retrouvions notre compte. »

« Je n'ai pas l'intention de vous faire payer mes informations ... » rétorqua le semi-homme d'un air taquin « Ni même les éventuelles mises en relation qui pourraient vous être nécessaires » ajoute-t-il à l'intention du barde.
« Par contre ... » dit-il à toute l'assemblée en fixant son regard successivement sur chacun des membres du groupe « ... Vous ne ferez pas l'économie de ma « prime de risque » si je dois vous mener dans des quartiers d'accès restreint ou pire ... »

Chose rare chez Père Euthane, il avait un instant ressenti un frisson quant à la peur que faisait naitre chez l'halfelin l'énonciation du simple blason de "La Dame".
Un frisson... pour lui, Chevalier de l'Ordre.

Rentrer dans le vif du sujet avait débloqué quelque peu ce jeu de non-dit, mais les réponses avait été claires sur le fait qu'il fallait encore rester discret. Une qualité qui ne lui appartenait toujours pas.
Le fameux Ven semblait, lui, bien plus à l'aise dans ce rôle, aussi Père Euthane se tût pour laisser au barde avancer en chemin connu.
Père Euthane avait cependant noté les quelques informations partagées par Broron quant à la Comtesse Iphigénie de Comeaux et sur les services demandés.

Une réflexion lui traversa l'esprit:
Comment un mal aussi grand que celui que nous semblons rencontrer peut-il se développer avec tant d'homme autour de lui pour l'arrêter?
Il aurait fallu que les hommes se lèvent afin de l'arrêter plutôt que de rester au sol maintenu par la peur qui les tiraille.
Mais à y réfléchir, peut-être était-ce cela le rôle de ce groupe nouvellement formé?
Se lever face à ce mal, la peur mise sur le côté, pour l'empêcher de proliférer encore plus.
...

D'un pas lourd, l'aubergiste atteignit le grenier, chargé d'une incroyable baignoire pliable en tissu.
Il la déposa en haut des marches et fit le tour du grenier pour lui choisir un emplacement.

S'il y avait une chose qu'il n'aimait pas, c'était qu'on délivre des informations dangereuse facilement, et Loradan continuait de se méfier de ce guide. La suspicion était peut être exagérée, mais il avait vite remarqué comme il était facile d'extorquer avec la loi derrière soi dans cette ville. Et ce guide, au final, venait justement de demander une "prime de risque". Le vengeur allait répondre quelque chose, quand il fut arrêté par la venue de l'aubergiste, apportant la baignoire.

Il se dirigea vers celui-ci et lui demanda, se remémorant les indications du guide :

« Loin de moi l'idée de vous contrarier, mais souhaitez vous que j'apporte la baignoire dans un coin particulier afin que mon maître se baigne au plus tôt ? »

Il faut vite se débarrasser de ce tenancier qui possède deux oreilles et deux yeux de trop pour que nous réglions nos affaires.

L'aubergiste regarde l'elfe, un peu surpris ... le moment de flottement passé, il lui sourit pour lui répondre :
« Posez-la où vous trouvez ça plus pratique,
c'est justement l'emplacement le plus convenable que je cherchais ...
je m'en vais vous chercher l'eau chaude ... »
Sur ces mots, il redescend paisiblement, abandonnant la baignoire aux bons soins de l'elfe.

« Merci bien pour vos services. » répondit Loradan.

Il avait posé son sac au pied d'une des paillasses derrière Ven et il ne souhaitait pas être importunés par les clapotis de l'eau ou les allées et venues qui ne manquerait pas de laisser de l'eau au sol. Il s'affairait à déposer la baignoire à l'opposé de sa paillasse (disons en haut à droite) et laissa le temps à l'aubergiste de quitter les escaliers. Quand il fut sûr de ne plus être à sa portée d'oreilles, passant à proximité du guide, il déclara :

« Votre prime de risque ne posera pas de problème, si tant est qu'elle reste décente. Je m'engage à la payer moi même, à hauteur de mes moyens. » adressa t il ensuite plus pour le reste du groupe que pour le guide lui même.

Il se doutait qu'il se ferait extorqué mais cela lui permettrait aussi de cerner un peu plus la nature de ce demi homme.

« Je vous rassure tout de suite « Mon Bon Seigneur », ... » commence le guide en souriant de façon particulièrement commerciale
« ma « Prime de Risque » ne s'élèvera qu'à hauteur des risques encourus.
Et j'apprécierais fortement qu'il n'en soit pas question du tout. »
il sifflote un air connu avec le regard taquin avant de conclure :
« Comme je vous l'ai dit, ce ne sera nécessaire que si je dois vous mener là où vous n'êtes pas supposés circuler ...
Mais je ne sais toujours pas quelles sont vos intentions,
ni si Ordulin est pour vous un simple « point de passage » ou votre finale « destination » ... »

Tour à tour intimidé par son retour en ville, ahuri par l'oppressif système citadin puis benoîtement nostalgique de sa contrée natale, H'elix s'était, depuis leur arrivée, fait tout petit. Plus petit que d'habitude s'entend. Une attitude que ses habitudes professionnelles encourageaient naturellement.
Une fois le ventre bien plein et l'âme au chaud, dans cette petite auberge à sa taille aux accessoires artisanaux halfelins pendouillant des murs qui rappelaient sa bien lointaine campagne, il reprit pied avec la dure réalité de son environnement immédiat. Le grenier n'était qu'un cataplasme de fortune qui ne parvenait pas parfaitement à camoufler la plaie béante qu'était cette citée entière.
La conversation s'était d'ailleurs sacrément assombrie.
« J'aurais bien aimé profiter un tantinet plus de notre proverbiale et chaleureuse hospitalité halfeline avant de nous attaquer aux choses sérieuses, » souffla-t-il discrètement.

La mélodie jouée par le guide sur le rebord de la table lui trottait dans la tête. Que lui disait le rythme de l'affable guide ?
Il lui valait mieux s'acquitter de cette obsession avant de s'attaquer à la nouvelle dynamique de groupe d'un amalgame de participants qui avait d'ailleurs soudainement beaucoup évolué.


« Il ne nous appartient pas de decider de notre destination finale, Monsieur Broron ! Laissons aux dieux leur facétieux plaisir. »lance-t-il tout de même au guide avec un sourire de connivence.

Une fois qu'il eut fini de placer la baignoire, Loradan revint vers la tablée, écoutant attentivement et scrutant les gestes du Guide. Après tout, ce petit bonhomme pouvait peut être avoir les mêmes ambitions que lui même.

« Je puis vous rassurer en vous disant que le quotidien d'Ordulin, en l'état, ne sera ma destination finale que si je trépasse ici. Mais je n'ai pas peur de mourir du moment que je sers mon Dieu jusqu'à mon dernier souffle. Et lutter contre le mal fait partie de mes plus profondes motivations. La façon dont sont traitées les elfes ici me fait penser à une machination drow. Et si drow il y a, alors je me dois de rester ici quelques temps. Mais initialement, pour ma part, Ordulin n'était qu'un point de passage. Pour les autres, je ne saurais dire... »

Il leva la tête vers le reste de la troupe, les interrogeant du regard. Il reprit une grappe de raison et égraina la grappe avant d'ajouter, à destination du guide :

« Vous aviez parler d'un paquet à transporter ? »

« J'ai de nombreux cousins dans le mitan » vous confie le semi-homme
« et ... les courriers sembiens ne respectent que ... « très anecdotiquement » la confidentialité des missives et colis qu'on leur confie ... »

« Je ne suis pas certains qu'ils respectent beaucoup de choses et de monde à vrai dire. »

Il repensa à la façon dont les gardes l'avait méprisé, le rôdeur et lui. Et il imaginait assez facilement que dans tous les cas, il y aurait bien eu autre chose pour leur faire tirer un peu d'argent, elfe ou pas.

« Mais j'aime parcourir la région afin de ... me rendre compte de ... qui visite et occupe les lieux dirons nous. Je pourrais me charger de faire votre livraison si je peux quitter Ordulin en vie. Et dans quelle ville se trouve donc votre cousin ? »

Souriant d'un air malicieux, le guide rétorqua : « j'ai de nombreux cousins, répartis dans tout le Mitan ...
Quelle que soit votre destination et votre itinéraire, j'aurai quelques choses à vous faire porter ... »

« Je vois ... »répondit Loradan et fixant d'un œil entendu le guide. « Vous ne ferez pas l'économie de ma « prime de risque » si je dois mener quelque chose dans des endroits d'accès compliqué ou pire ... Mais je vous offre gracieusement l'assurance de ma confidentialité concernant vos affaires. Et même de nos rencontres. »

Il n'avait aucune idée de où cela pouvait l'amener, mais ce genre de missions coller très bien à ses prérogatives. Le principal soucis serait de revenir à Ordulin régulièrement et il faudrait remédier à cela.

« Ordulin mène une politique intolérable à mes yeux. Je ne sais s'il est possible de changer la moindre coutume mais, si cela était possible, je dois avouer que j'en serais très satisfait. Quelle est la raison de l'animosité envers les elfes ? Pour que les "propriétaires" d'elfes soit devenus ainsi, j'imagine qu'une propagande de masse a dû être menée. Savez vous qui en serait l'investigateur ? »