Ebenezer se renfrogna. « Bon ça va... en même temps, il n'y a qu' Isidor qui m'achète ces perles. Prenez-les! »

Il déposa le sac de perles sur le comptoir et se mit à agiter les bras et les doigts en direction de la bourse de Thalaï comme un bébé assoiffé qui voudrait du lait!

Thalai, triomphante de ce duel commercial, prit son temps pour compter les perles sous l’œil impatient et rageur d’Ebenezer. Finalement, l’affreux n’avait plus besoin de délais, mais la goliath prenait plaisir à retarder un peu l’échéance. Satisfaite du compte, elle donna l’argent et s’en retourna chez Isidor pour finir sa mission.
Intriguée par la symphonie des cliquetis de cadenas et de serrure, elle demanda au magicien-forgeron : « Voici les perles. Dites, pourquoi toutes les portes sont fermées à double tour ? Il y a tant d’insécurité, à l’intérieur de la ville ? »

Une fois les perles données, Thalai irait voir l’installation de Sangha, pour vérifier qu’il ne manquait de rien et s’excuser encore de son emprisonnement. Ensuite, elle rejoindrait sa chambre pour dormir : Même si elle se trouvait en ville, la journée du lendemain s’annonçait remplie : Elle avait rendez-vous avec Isidor dès l’aube, et avec le conseil de la ville un peu avant midi.

Si la cage de Sangha n'avait rien du logis de luxe avec mouton fourni que Thalaï s'imaginait, elle pu cependant constater qu'on avait pris soin de ses blessures. Vraisemblablement, on l'avait lavé, des onguents avaient été appliqués sur ses plaies et le tout avait été couvert de pansements bien propres. Sangha ne manqua cependant pas de se plaindre à son amie de la petite cage dont il était prisonnier ; la paille au sol le démangeait et on ne lui avait servi qu'une bouillie infâme avec des rognures de viande.


À l'aube, ce fut un Isidor aussi avenant que la veille qui répondit à Thalaï. Avec patience, il lui expliqua tout ce qu'il avait découvert au sujet de l'attirail qu'elle lui avait apporté.

« La personne à qui appartenait ses objets devaient avoir des intentions bien particulières. » Commença Isidor, l'air assombri.« Ces carreaux d'arbalètes ont été créés dans le seul but de tuer des elfes... » Immédiatement, son rictus redevint plus joyeux. « Si vous enduisez un objet avec le liquide bleu, il devrait émettre une puissante lumière suffisamment forte pour répliquer une journée ensoleillée. L'autre liquide, le rouge, si vous l'ingurgitez entièrement, saura vous protéger du froid, probablement même d'origine surnaturelle. L'arbalète est enchantée, elle sera d'une efficacité redoutable en comparaison d'une arme n'ayant pas été exposée à la magie. D'ailleurs, celle-là, je veux bien vous la racheter, je peux vous en donner 800 pièces d'or. C'est bien moins que ce qu'elle vaut, je vous l'accorde, mais vous ne trouverez personne ici qui vous la rachètera à meilleur prix. »

Thalai sourit aux protestations de Sangha. Il allait mieux, mais elle comprenait que l’action aurait tôt fait de lui manquer. Il faudra que Thalai remercie cette Abigaël.


Le lendemain, comme convenu, elle se rendit chez Isidor au lever du soleil. L’étalage des objets magiques qu'elle avait récupéré lui donna une sensation étrange. Le gibier que chassaient ces gobelins était des elfes. Peut-être des esclaves en fuite ? Curieux, d’envoyer une escouade aussi puissante contre quelques esclaves en fuite…
« Au moins, ces carreaux peuvent servir face aux elfes noirs. »
Au fur et à mesure qu’elle prononçait cette phrase, elle s’aperçut que le liquide bleu aussi pouvait servir contre des elfes noirs, dont l’usage de sortilèges de ténèbres était connu.
Elle formula sa pensée à haute voix. « Il y a peut-être des elfes noirs en fuite, quelque part par ici... » Des elfes noirs peut-être désireux de rejoindre des rangs humains ? Pourquoi pas. « C’était quoi, le parchemin que je t’ai donné ? » Peut-être y aurait-il là un autre indice ?
Thalai pouvait peut-être survoler la région en recherchant ces elfes, ce matin, avant le conseil ?

« Et bien… cette arbalète est aussi puissante que mon arc et est magique, en plus. Elle peut aussi m’être utile, j’hésite à m’en séparer. Et si je te vends l’arbalète, les carreaux ne me servent plus à rien. La potion de résistance au froid ne m’intéresse pas non plus. Je peux proposer 1250 pièces d’or pour l’ensemble. Ou peut-être as-tu quelque chose que tu pourrais me vendre en retour ? »
La goliath réfléchit à ce qui pourrait l’intéresser, afin de laisser le temps à Isidor de répondre à sa proposition.

« Le parchemin contient un sortilège qui permet de tenir à distance la vermine... au sens propre je veux dire : les insectes, les arachnides, les vers...

Pour ce prix, je veux bien vous débarrasser de ce bazar! Sentez-vous bien libre de faire le tour pour voir ce qui pourrait vous intéresser! »

L'étalage d'armes n'était pas plus garni que la veille et les armures de mailles n'avaient pas non plus bougé des mannequins sur lesquels elles étaient exposées. Le reste des outils semblaient aussi assez quelconques.

« Si ça vous intéresse, j'ai un aussi un bouquin rempli de parchemins à vendre derrière le comptoir, mais que ça ne s'ébruite pas trop. On n'est pas à Torman, mais n'empêche qu'on n'aime pas trop ceux qui jouent avec la magie par ici. »

Un parchemin repoussant la vermine… Les elfes noirs avaient des affinités avec des araignées géantes, c’était bien connu. Et même la potion qui protégeait du froid… Nathaniel ne lui avait-il pas indiqué que les elfes noirs étaient les alliés du dragon blanc ? Tout concordait avec l’idée d’un groupe de gobelins pourchassant des elfes noirs. Etrange, ça.

Thalai hocha la tête concernant le prix de la transaction avec Isidor. Mais elle revint en partie sur sa décision. « La potion… j’aimerai la garder, finalement. 1200 pièces d’or pour les autres objets, et on s’arrête là ? Sinon, tant pis, et d’accord pour les 1250 pièces d’or pour l’ensemble. » Thalai attendit la réponse, puis l’argent, avant de repartir.

Il lui restait plusieurs heures avant le début du conseil. Thalai avait l’intention de se rendre sur le toit dévasté de l’auberge, de s’y transformer en aigle à l’abri des regards, et de s’envoler pour observer les environs de Dundal. Elle rechercherait des traces dans la neige qui trahirait le passage des elfes. Si tant est qu’ils laissent des traces…
Puis, si elle ne trouvait rien, elle se rendrait chez Nathaniel à l’heure prévue, après s’être transformer en goliath sur le toit de l’auberge.

Du haut de son perchoir, Thalaï n'eut pas le loisir de voir quoique ce soit d'intéressant; ainsi se résigna-t-elle a aller à son rendez-vous avec Nathaniel.

L'élu et la Goliath se rendirent dans un théâtre extérieur à quelques ruelles de la demeure de Nathaniel. À l'entrée, deux lanciers les laissèrent pénétrer dans l'enceinte en saluant Nathaniel et en ignorant Thalaï. Le théâtre formait une arène circulaire entourée d'estrades qui pouvaient sans doute accueillir une centaine de personne à la fois. Au centre, une table ronde était entourée de neuf chaises dont une seule était déjà occupée par une femme aux cheveux bruns nattés dont la robe cyan contrastait avec la grisaille du ciel ennuagé.

« Prenez une place dans les estrades, mais restez près des escaliers, je vous ferai venir au centre durant l'assemblée. » Insista Nathaniel avant d'aller rejoindre la femme au centre sans attendre la réaction de son interlocutrice.

Peu après leur arrivée, la Goliath vit entrer deux autres individus. Elle les avait déjà vu quelque part. C'était les deux femmes, l'une en robe blanche, l'autre en bleu marin ; celles dont Nathaniel avait semblé se sauvé. Maintenant qu'elle pouvait les voir de plus près, Thalaï remarqua une ressemblance frappante entre les deux femmes. Leurs traits étaient en tout point identique, même leurs démarches étaient synchronisées. Bien qu'elles arboraient toutes les deux le même chignon serré, la blanche avait une chevelure noir de jais, alors que l'autre était d'un blond presque éblouissant. Les deux femmes prirent place au centre avec les autres.

Entre temps, quelques paysans avaient pris place dans les estrades de manière éparpillée. Le prochain groupe à entrer qui attira l'attention de Thalaï fut un lot de trois hommes. Le premier était un homme complètement chauve en robe grise avec un air dur et solennelle. Il était suivi de près par un autre élu en jaune portant une lourde moustache tombante, accompagné de l'homme en armure d'écailles bleues que Thalaî avait vu à l'auberge. Les deux élus prirent place au centre alors que l'homme en armure chercha une place dans les estrades. Son regard s'arrêta sur la Goliath qui avait causé tant d'émoi à la taverne et il se dirigea immédiatement vers elle d'un pas fier, le torse bombé. Il s'arrêta juste sous son nez, fit une révérence ridicule et désigna un l'espace vaquant juste à côté de Thalaï: « Permettez !? » Demanda-t-il en soulevant un sourcil d'une manière qui se voulait charmeuse.

Avec toute cette mascarade, la Goliath avait presque manqué l'entrée des derniers élus. Deux hommes à l'air aussi patibulaire qu'Ebenezer. Un en robe noire, l'autre en vert foncé. La dernière à arriver fut la mulâtre en robe rouge sang qui se trouvait également à l'auberge. En entrant, elle jeta un regard sévère en direction de Thalaï et de l'homme en armure d'écailles.

Thalai avait cherché les elfes en survolant les environs de la ville, sans succès.

De retour à Dundal, le stress monta en elle : Nathaniel allait lui demander de parler, et devant du monde, qui plus est ! Neuf membres du conseil, c'était beaucoup. La goliath pâlit encore plus en entrant dans le théâtre : L'assemblée était publique ! Dundal en entier pouvait assister à la séance du conseil !

A la demande de Nathaniel, elle se précipita pour s’asseoir dans les estrades, les jambes déjà flageolantes. Et voici qu'arrivaient de plus en plus de monde, dont certains déjà connus de vue par Thalai. Immense pour les humains, la taille de la demi-géante semblait diminuer à chaque nouvelle personne qui pénétrait dans l'enceinte. La sauvage aurait souhaité se cacher dans un trou de souris si elle avait pu. Le ventre noué, les doigts s'entrelaçant quand elle ne leur rongeait pas les ongles, les yeux cherchant timidement dans l'assistance une aide qu'elle ne trouvait pas, elle sursauta quand l'homme à l'armure d'écaille bleue s'adressa à elle.

« Si les ogresses ne vous dérangent plus... » put-elle répondre après un instant interminable. Bien sûr que les ogres dérangeaient dans ce dernier lieu d'humanité, mais elle n'avait rien trouvé d'autres à dire, accaparée par la « conférence » qu'elle devrait faire plus tard. Mais qu'est-ce que je vais raconter, moi? Mentalement, elle rechercha ce qu'elle avait à dire. Ouais, l'attaque des gobs, et les bateaux, aussi, avec des tonneaux...
La peau de la goliath perdait peu à peu sa couleur grise pour en prendre une plus blafarde. Le brouhaha de l'assistance devenait aussi menaçant qu'un essaim de sauterelles.

Dans un grand fracas, les portes du théâtre se refermèrent. Il ne devait pas y avoir plus d'une dizaine de personnes éparpillées un peu partout dans les estrades ; c'était dire à quel point la politique de la ville intéressait ses habitants.

« Vous n'avez pas l'air bien. » Commenta gentiment le guerrier adjacent à la Goliath.

Pendant ce temps, le débat s'était déjà amorcé entre les élus.

- ...on ne peut pas continuer d'attendre tranquillement en surface que la ville soit peu à peu décimée. Prenons exemple sur les nains qui se cachent dans les montagnes ; ils sont en paix au moins. Nous suspendons toutes nos activités pour creuser un réseau de souterrains où nous vivront sous un régime militaire à l'instar de Torman.
- Torman... Ce n'est pas une vie, vivre comme eux.
- Gabriel a raison, il faut reprendre notre territoire en main. Je crois qu'il est l'heure de passer à l'offensive, j'ai justement ren...
- On doit bien pouvoir trouver un terrain d'entente, une harmonie avec ces dragons serait...
- Ta naïveté me lève le coeur Abigaël.
- La résistance est futile, il faut se soumettre pour survivre!
- Tu n'est qu'une larve Isaac, je préfère encore l'innocence d'Abigaël.
- Vous allez m'écouter, oui ? J'allais justement dire que j'ai la preuve qu'on peut tenir tête aux dragons et à leurs sbires. J'ai fait la rencontre d'une femme qui vient des étendus sauvages à l'extérieur de nos murs... Thalaï!!! Vient ici, raconte au conseil comment tu as décimer une armée de gobelin toute seule!

Tandis que Nathaniel faisait signe de la main à Thalaï d'avancer et que le guerrier à côté d'elle profitait du silence soudain pour émettre un lourd sifflement admirateur, tous les yeux se tournaient vers la Goliath.

La goliath écoutait à peine la conversation à la table du conseil. Toute cette « foule » avait la tendance paradoxale de l’isoler. Pourtant, en dehors des autorités de la ville, seule une poignée d’habitants étaient présents. Les gradins, plutôt vides, auraient donné à un barde l’impression de faire un flop, mais ce « public » était au moins deux fois, ou plutôt dix fois, trop nombreux pour une sauvage peu habituée à parler en société. Elle hocha la tête dans un signe à la fois affirmatif et négatif à l’homme à l’armure d’écaille qui s'inquiétait de sa nervosité, tout en cherchant frénétiquement sur sa main droite un reste de bout d’ongle à ronger.

Haaaaa ! C’est à moi ! hurla-t’elle silencieusement quand Nathaniel la présenta. Une sorte d’explosion blanche parcourut son esprit, qui ne devint plus que vide, absence de pensées. Le ventre noué, la respiration coupée, l’épreuve lui semblait plus difficile que l’affrontement des gobelins qu’elle devait raconter. Et je ne peux pas rester là, pour parler ? pensa-t’elle subitement, comme si la solidité de l’estrade pouvait être une protection efficace face à l’agression de tous ces regards tournés vers elle.

Quand avait-elle parlé devant un public aussi nombreux ? Thalai se souvenait : Quand le chef du village la nommait Capitaine, pour une journée. Parmi les goliaths, le Capitaine changeait tous les jours, ce qui permettait à chacun d’acquérir l’expérience de la fonction de chef. Mais les souvenirs de son échec funeste un jour où elle avait eu cette fonction n’aidait en rien la sauvage aujourd’hui. Et c’était il y avait tant d’année ! Et c'était des gens qu'elle connaissait, pas des inconnus !

Elle finit par comprendre que rester assise n’était pas ce que le conseil attendait d’elle. Elle se leva enfin, dans ce silence assourdissant, s’avançant au centre du cercle, isolée au milieu de tant de monde.
« Et bien… heu… c’était pas une armée, hein. S’étaient aventurés qu’à une douzaine de gobelins dans la nature, alors que j’étais avec Sangha, quand même. Ils avaient un gros loup blanc pas malin et qui parlait beaucoup – d’ailleurs, j’ai une peau à vendre – et des lézards qui faisaient de la foudre. » Elle déglutit difficilement, la gorge serrée et pâteuse, avant de poursuivre. « J’aime pas ces animaux qu’en sont pas, en fait. Ils sont pas … d’ici… de la nature… » ajouta-t’elle avec un geste vague vers le ciel.
« Il y avait quatre magiciens. L’un d’eux a failli tuer Sangha, comme ça, pouf, d'un seul sort ! Et un arbalétrier. » Elle secoua la tête. « Pas net, ce gars. Il avait des carreaux pour tuer des elfes, une huile pour faire de la lumière, et un parchemin pour repousser la vermine. M’est avis qu’ils pourchassaient des elfes noirs. Mais je dis ça… » Thalai se tordaient les doigts en tous sens, ne sachant pas si elle devait en dire plus.

Subitement, elle ajouta, pensant que Nathaniel s’était fourvoyé avec ce deuxième épisode, quand il disait qu’elle avait vaincu une armée :
« Et en venant ici, j’ai vu six barques remplies de gobelins sur la rivière. Ils avaient des tonneaux. J’ai compté au moins trois magiciens en toge verte parmi eux. Ils s’éloignaient de Dundal. Mais je ne les ai pas combattus, ceux-là ! »

C'est bon ? Je peux retourner à ma place ?

***Haydée***

Si le trajet pour remonter jusqu’à Dundal avait compris son lot d’embûches, de gobelins et d’animaux sauvages, Haydée pouvait se dire qu’il ne s’agissait que d’une marche de santé en comparaison de son exode du Plateau de Sang Bouillant.

Le soleil était haut à cette heure-là et il était difficile de regarder vers le sommet de la palissade de Dundal sans plisser les yeux. Une fois sorti de la forêt, il y avait peu de végétation sur la plaine permettant d’être à couvert. Ainsi, les gardes sur le chemin de ronde n’avaient aucune difficulté à voir arriver quoique ce soit; une armée de gobelin, ou une voyageuse solitaire à l’allure inquiétante.

Un hurlement retentit : « Halte! »

Malgré l’éblouissement, Haydée pouvait constater que plusieurs arbalétriers la mettaient en joue.


***Thalaï***

Comme si ce n’était pas déjà suffisamment difficile pour Thalaï de s’exprimer ainsi en publique, des murmures méfiants s’élevaient de la foule durant son exposée, des regards mauvais se tournaient vers elle et, pour couronner le tout, plusieurs membres du conseil reniflaient d’un air incrédule à plusieurs moments de son récits.

Ce fut un élu en vert foncé qui n’avait toujours pas ouvert la bouche jusqu’ici qui fut le premier à commenter. Thalaï ne pu s’empêcher de lui trouver un air de famille avec Ebenezer l’antiquaire; peut-être était-ce son nez long et son visage ridé.

- C’est ça ton espoir Nathaniel ? Une ogresse confuse ?

La mulâtre en rouge échangea un regard avec Thalaï. Une étrange impression de déjà vu.

- Sale crapule Siméon; pas une ogresse, une Goliath. Corrigea l’homme en gris.

- Peut-être devrions-nous délibérer sur la question. Ton histoire et la sienne ne concordent pas tout à fait Nathaniel. Je propose qu’elle soit mise en détention d’ici à ce que nous rendions notre verdict. Ceux en faveur ?

La femme en bleu foncé aux longs cheveux noirs nattés avait levé la main en même temps que sa proposition. Elle fut imitée tout de suite par les élus en noir et en vert foncé. Nathaniel et ses confrères en gris et en jaune hochèrent négativement de la tête. Puis la femme en blanc aux épais cheveux de jais appuya sa consoeur d’une main levée. La brunette vêtue de cyan eut un regard complice vers Thalaï et hocha la tête à l’instar de de Nathaniel.

Il y avait quatre voies de chaque côté et seule la mulâtre en rouge ne s’était pas encore prononcée.
- Convainquez-moi, mademoiselle! Lança-t-elle a Thalaï en insistant fortement sur le dernier mot.

« Hé ho ! Ch'suis pas une... » Heureusement, l'homme en gris avait repris celui en vert foncé, précisant qu'une goliath n'avait rien à voir avec une ogresse. (en géant) « Endömp ! » ajouta-t'elle avec un brin d'humour, ou d'humeur, dans la langue des ogres.

Thalai était effarée de la tournure des événements. Elle venait raconter l'histoire qu'ils attendaient, à la demande de l'un d'eux, et voilà maintenant que les membres du conseil parlaient de la « mettre en détention ». P'tain. Dundal, c'est pourri comme ambiance.

Face à l'agressivité des membres du conseil, son sens de la survie prit le dessus en un instant sur sa timidité maladive. Elle nota mentalement ses « soutiens ». La femme naïve habillée en cyan devait être celle qui avait soigné Sangha, la veille au soir. L'égalité du vote remettait la décision dans les mains de la mulâtre de service, la femme en rouge rencontrée la veille, et qui ne proférait qu'ordres, conseils, ou propos désobligeants envers ses collègues.

Dans la nature, face aux bêtes féroces, il ne faut montrer aucune peur, regarder l'agresseur droit dans les yeux, et ne pas reculer ni partir en courant. Ainsi, de la même façon qu'elle s'était montrée hardie à l'entrée de Dundal alors que de nombreuses arbalètes étaient pointées sur elle, Thalai, les mains sur les hanches, tout son poids appuyé sur sa jambe droite alors que son pied gauche battait le sol de façon impatiente, tenait tête à la dame en rouge.
Elle marqua d'un hochement de tête et d'un rapide sourire le « mademoiselle » dont elle avait été affublée. Au moins, la dame avait retenu sa remarque de la veille.

« Convaincre de quoi ? Qu'une faible femme comme moi est capable de ce que j'ai dit? » En voyant sa carrure, ses épaules épaisses et ses muscles saillants, les mots de « faible femme » avaient de quoi faire rire. « Disons que je peux avoir du... mordant... quand je combats... J'ai beaucoup étudié comment Sangha, et d'autres animaux, combattent. Je fais pareil qu'eux. Une douzaine de gobelins, ce n'est pas si gros, comme opposition. Mais les magiciens, c'était difficile. »
Cependant, la sauvage savait qu'il faudrait plus pour convaincre, cette fois, et que ses propos seuls ne seraient pas suffisants. Une démonstration s'imposait pour appuyer des propos desservis par son manque d'habileté dans la prise de parole en public. Mais bon, j'vais pas me transformer en tigre, ça va leur faire peur. Et puis, si je veux pouvoir partir vite...

Un sourire carnassier en coin, elle proposa : « Si vous n'êtes pas convaincue, appelez les gardes, pour m’attraper ! »
Les spectateurs purent voir le visage de Thalai s'allonger vers l'avant, jusqu'à former un bec. Ses bras se rabattirent vers l'arrière tout en grossissant et en se couvrant de plumes. Ses jambes diminuèrent, et la flexion des genoux s'inversa. Également, la taille de la goliath diminua d'une bonne moitié. Un aigle royal, moitié plus gros que la moyenne, se tenait maintenant devant l'assemblée. Seul le collier de plumes et d'os qui entourait le cou de l'animal, ainsi que quelques excroissances osseuses au niveau des épaules, pouvaient permettre de relier le rapace à la goliath.
Thalai s'éleva dans les airs et fit un tour de l'arène du conseil, avant de se poser en haut des gradins.

Dundal, enfin.

Cela faisait des jours qu'Haydée n'avait pas croisé âme qui vive. Elle appréhendait ce contact nécessaire avec la civilisation. La capuche de sa cape de voyage rabattue sur sa tête dissimulait ses cornes pour le moment, tandis que la cape elle-même lui donnait une allure difforme et inquiétante en couvrant les deux grandes ailes rabattues dans son dos.

Elle déposa sa lance à ses pieds, leva lentement les mains en signe d'apaisement et s'arrêta, devant les portes de la ville. Loin dans le ciel au-dessus de Dundal, un corbeau poussa un croassement sinistre.

« Je ne cherche qu'un endroit où me reposer et manger. Je souhaiterais m'entretenir avec vos édiles, j'ai un service à leur proposer. »

***Haydée***

Deux lanciers traversèrent pour rejoindre Haydée.« Vous n'avez rien à craindre si vos intentions sont nobles. Nous allons vous escortez en détention provisoire et vous pourrez voir quelqu'un rendu-là. » Les deux individus avaient l'air drôlement jeunes pour être enrôlés dans la garde; Haydée ne leur aurait pas donné plus de 15 ans.

***Thalaï***

Des murmures s'élevèrent de la foule suite à la transformation et à l'envolée de la Goliath; mi-surpris, mi-inquiets. Certains murmures devinrent des cris, de peur ou de colère tandis qu'un débat semblait faire rage au centre parmi les membres du conseil. SILENCE! Finit par hurler la seule membre du conseil qui n'avait pas encore voté. Descendez de là! Le vote est en votre faveur! Cria-t-elle à Thalaï alors que le tumulte semblait se calmer pour obéir à son injonction.

Thalai hésita à descendre. Pouvait-elle faire confiance à cette dame en rouge, qui encore une fois, ne proférait qu’ordres agressifs ?
Finalement, elle se décida. Il devait maintenant être clair qu’elle était effectivement capable de se battre contre quelques gobelins. Et que chercher à l’emprisonner serait à la fois dangereux et improductif. En un vol élégant et majestueux, elle descendit jusqu’à se poser devant la table du conseil. Là, elle redevint la goliath timide qu’elle était.

Déjà, elle regrettait cette décision. Finalement, elle était bien, là-haut, à dominer la scène, plutôt qu’à se trouver au centre des attentions, au milieu de ce qui pouvait presque s’apparenter à une arène, face à un public dont la moitié des membres étaient contre elle. Sous forme d'aigle, elle était libre, alors que placée au cœur des débats, elle se sentait à la merci des autres. Sa main droite caressait nerveusement son bras gauche qu’elle tenait verticalement le long de son corps.
Penaude, Thalai jeta un regard en arrière, afin de voir le soldat en armure qui s’était assis à côté d’elle. Elle essaya de percer ce qu’il pensait, comme si cela pouvait être d’un quelconque réconfort. Elle s'en voulut aussitôt d'avoir fait ce geste, et se tourna rapidement vers la tablée et celle qui agissait comme si elle était la maîtresse de Dundal.

Le spectacle de Thalai, demi-géante, massive, musclée, se tenant penaude face à la Dame en Rouge, beaucoup plus frêle que la goliath, mais ô combien plus sûre d’elle, avait de quoi étonner. Cependant, personne ne pouvait maintenant oublier que la sauvage avait une puissance cachée, que sa timidité voilait, mais qui était bien réelle.

En détention mon mignon ? C'est une blague j'espère ?

La voix d'Alecto éclata dans la tête d'Haydée qui se jeta à genoux, les mains sur les oreilles. On doit manger. Laisse nous faire ! Les lèvres de la jeune femme se mouvaient sans qu'aucun son ne sorte de sa bouche. Drôle de spectacle pour les jeunes soldats face à elle.

TU as besoin de manger. Moi, si tu t'affaiblis, je prendrai le contrôle, ma petite... Tu aimeras bien, pas vrai ? Et ils sont charmants ces soldats. On pourrait... « NON ! »

Pas la peine de hurler, tu vas les effrayer. Je suis curieuse de voir l'intérieur de ce village de toutes façons.

La voix se tut.

Haydée se releva en ramassant sa lance, gênée, elle s'assura que sa capuche tombait le plus bas possible sur son front, en évitant le regard des soldats elle s'avança : « Excusez moi... Oui, en détention, bien sûr. Pourrai-je avoir quelque chose à manger là-bas ? J'ai de quoi payer ! »

Elle marqua un temps hésitation.

« Vous pouvez me mettre des fers si vous le souhaitez, avant de rentrer dans votre village... Oui, ce serait bien. J'ai des menottes et une chaîne dans mon sac si vous voulez. »

La voix de la jeune femme était envoûtante, onctueuse et triste à la fois.

@Thalaï:

L'élue en rouge avança vers Thalaï d'un pas déterminé, l'air furieuse. Elle ne semblait pas intimidé le moins du monde face à la carrure de Thalaï, contrairement à plusieurs autres membres du conseil. Soyons claire. Je vois mal quelle différence, même marginale pourrait faire une demi-géante aigle-garou dans notre lutte et je n'ose d'ailleurs imaginer quel genre d'union sordide peut mener à un tel résultat. Cela dit une chose est sûre, c'est que je préfère encore me battre que de fuir ou de me soumettre et à cet égard, et cet égard seul, je crois que nous nous ressemblons; deux guerrières entourées d'abrutis. Elle ferma un moment les paupières, le temps de prendre un bonne inspiration, puis les rouvrit l'air plus serein, mais toujours sévère.Ne vous éloignez pas trop. Nous aurons sans doute bientôt des projets vous incluant. ROMPEZ!

Nathaniel ponctua rapidement l'ordre de sa collègue: Je vous rejoindrez dans quelques minutes, je crois pouvoir faire quelque chose concernant votre ami Sangha. L'air plus amical que n'importe qui qu'avait rencontré Thalaï à Dundal jusqu'à présent.

@Haydée:

Les jeunes soldats se regardèrent, décontenancés. « Euh, non; je crois que ça ira. » Commença l'un d'eux, avec peu d'assurance. « Vous n'êtes pas en état d'arrestation. Vous savez avec ce qui courre à l'extérieur, on nous a simplement demandé de faire un contrôle à l'entrée pour les individus qui ont l'air louches.... » L'autre lui jeta un regard appuyé qui le fit rougir lorsqu'il réalisa le peu de délicatesse de sa remarque. « Il n'y aura rien à manger, mais si tout se passe bien vous serez libre en un rien de temps et vous pourrez aller vous acheter ce qu'il faut. »

On amena la jeune femme au pénitencier où on indiqua à un bureaucrate qu'elle était en attente de probation. Celui-ci précisa qu'aucun conseiller n'était disponible actuellement, mais que ça ne devrait pas tarder.

« Vous nous laissez vos armes et vos affaires ici. On vous les rendra dès que vous aurez été approuvée. »

Mais… pas un garou ! Et tu causes pas de mes parents comme… Et Sangha, il a beau ne pas réagir très vite de la tête, il n’est pas abruti. La véritable maîtresse des lieux continuait son numéro, ne laissant pas le temps à la goliath de réagir verbalement. Ce qu’elle n’avait pas envie de faire de toute façon : Trop de gens la regardaient. En privé, elle aurait répondu qu’elles se rejoignaient aussi sur le sale caractère, mais là, ce n’était pas possible pour elle de prendre la parole avec une voix assurée.

Thalai mit quelques secondes à comprendre que la dame en rouge, dans son phrasé d’ordres et de mises en garde, venait en fait de lui faire un compliment, en la comparant à elle. La sauvage ne faisait pas partie des « abrutis » qui l’entouraient.
Je m’en contenterai. se dit-elle avec un pincement en coin de bouche.

Thalai obéit avec empressement à l’ordre qu’elle attendait : Enfin, elle ne serait plus sur le devant de la scène. Elle serait sortie du conseil si Nathaniel - qui, lui, faisait partie des « abrutis » - ne lui avait pas parlé de Sangha. Elle hocha donc de la tête et retourna s’assoir auprès de l’homme à l’armure, en attendant la fin du conseil.

Sous sa capuche, Haydée esquissa un sourire. Le jeune garde lui avait dit quelque chose d'extrêmement gentil, sans s'en apercevoir, probablement. Quant à sa remarque sur son apparence louche, elle ne compris même pas pourquoi l'autre garde avait eu un regard courroucé à l'égard de son camarade : il n'y avait là que la simple vérité.

Elle n'insista pas pour les chaînes, mais confia dès l'entrée dans le village, sa lance au premier garde et avança lentement, en regardant le sol devant elle, se concentrant sur les bottes du garde devant elle.

Au pénitencier, elle obéit sans sourciller au fonctionnaire, sans toutefois se débarrasser de son ample cape de voyage. « Combien de temps pensez-vous que je doive rester ici ? Voulez-vous que j'attende dans cette cellule ? » elle désigna une grille en fer entrouverte, visible dans le couloir sur la gauche du bureau.

Elle espérait intérieurement qu'on ne lui demanderait pas d'enlever sa cape... ni de retirer sa capuche. Les cornes et les ailes d'Alecto avaient du mal à être acceptée en général.