Le gros humanoïde volant atterri lourdement aux côté des elfes assommés. Après les avoir délestés de toutes leurs affaires, il réveilla le premier à coup de baffe. Assez doucement, donc. Puis il lui demanda d'une voix grondante quelques renseignements :

« Mes excuses de vous réveiller, mais pourriez vous m'informer du but de votre voyage ici ? qu'alliez vous faire à la baie ? Répondez rapidement et sans mentir, et je vous promet que je vous laisserai un vêtement avant de vous abandonner dans la montagne. »

***Ranar***

Ranar dû poireauter longtemps avant qu'un des elfes noirs daigne se réveiller. Il lui fallut un autre bon moment avant de répondre aux interrogations du demi-dragon, sans doute le temps que son cerveau cesse de rebondir dans sa boîte crânienne. Sur la défensive, il finit par balbutier: « Prendre la mer... Tout ce qu'on veut, c'est d'échapper au mode de vie de notre culture et prendre un nouveau départ en Darmanie, loin du joug d'Etharifel la blanche... Tu vas vraiment nous abandonner sans nos affaires? Apparemment, le fruit est tombé loin de l'arbre dans ton cas aussi! » Il conclut sa dernière phrase en plaçant ses mains devant son visage, comme pour se protéger d'une autre torgnole.

Une fois encore, Thalai rugit, mais de rage et de désespoir, cette fois, en voyant Sangha, son fils, tomber sous les coups ennemis. La vie, la mort, tout cela était le cycle naturel des choses, et Thalai savait que les animaux mourraient plus souvent de mort violente que de vieillesse. Mais Sangha était la personne a qui elle se confiait, à qui elle parlait, tous les jours. Sa mort serait terrible pour la goliath.
(en animal) « Sor co ae ntimbactr ! » hurla-t’elle, les larmes montant à ses yeux.
Cependant, désormais, la goliath savait où se trouvait le gobelin invisible. Sangha, dans son dernier souffle, avait été surpris de constater la présence du magicien face à lui. Egalement, des traces de pas dans la neige ne laissaient aucun doute sur sa présence derrière ce petit arbre.
Thalai décida de défaire cet être maudit. Elle s'occuperait de cet arbalétrier décidément trop habile plus tard. D’un bond, elle sauta pour recouvrir de son propre corps celui sans vie de Sangha. De là, elle griffa tant qu’elle put l’endroit supposé où se trouvait le petit magicien.

***Thalaï***

Le premier coup de griffe ne rencontra que de l'air, mais dès le second, Thalaï sentit ses griffes déchirer la peau comme un couteau passe à travers un drap de soie. Avant même que le corps du gobelin ne touche le sol, il était redevenu visible, le visage à jamais figé dans l'expression de surprise qu'il avait eu en constatant que la tigresse l'avait repéré. Les viscères à l'air, il s'effondra dans la neige déjà rougie par le combat. Si cela procura sans doute une grande satisfaction à la guerrière, elle n'eut guère le temps de se réjouir. Les flèches et les carreaux sifflaient toujours autour d'elle. De leurs côtés les adeptes de la magie continuaient leurs incantations. L'un d'eux invoqua un épais nuage de brouillard dans lequel il disparu; ses compatriotes en profitèrent pour se cacher derrière. L'autre, avant d'aller se cacher derrière le nuage, pointa Thalaï de son index en hurlant « HALTE! » en langue commune. Thalaï sentit qu'il essayait de lui imposer sa volonté.

Le chef gobelin mort, Thalai se tourna vers ses autres adversaires. Ils vont tous payer la mort de Sangha !
L'un des magiciens tenta cependant de lui imposer sa volonté, de s'adresser directement à son esprit pour l'immobiliser. Thalai résista du mieux qu'elle pouvait, luttant contre l'autre grâce à la chaleur du corps de l'animal qu'elle considérait comme son fils, et qui était juste sous son corps. L'image de Sangha étendu, baignant dans son sang, provoquait une vague de rage et de fureur qui tentait de s'opposer au désir irrésistible de rester sur place.

(en animal) « At ! » rugit-elle entre ses crocs. Ce simple mot suffit à sortir Thalai de sa torpeur. Elle avait vaincu le magicien dans son combat contre la possession.

Toute de fureur, sans tenir compte du petit archer qui s’interposait, elle se précipita vers l’arbalétrier trop habile et tenta de l’écraser d’un coup de griffe. D'un œil mauvais, elle surveillait le nuage, prête à bondir sur le premier magicien qui oserait en sortir...

Témoins de l'hécatombe, le gobelin nez-à-nez avec Thalaï se laissa tomber au sol, implorant la pitié de la Tigresse. L'autre archer avait pris ses jambes à son coup tout comme un des jeteurs de sorts qui avait émergé du nuage avec ses clones illusoires.

Thalai voyait ses ennemis fuir, ou implorer sa clémence. Mais aurait-elle pu l’implorer, elle, si la situation avait été inversée ? Certainement pas.

La goliath savait ce qu’il se passerait si elle laissait filer certains de ses adversaires. Ils feraient leur rapport à des « supérieurs ». D’autres gobelins viendraient, pour la pourchasser. En sachant pertinemment de quoi elle était capable. En sachant pertinemment quelles étaient ses faiblesses. En sachant qu’elle était blessée.
Si elle avait été seule, il lui aurait suffit de se transformer en oiseau et de semer les gobelins. Si Sangha avait été encore debout, il aurait pu courir, bondir, et ils auraient semé d’éventuels poursuivants. Mais Sangha était là, gisant à ses côtés. En partant, elle devrait tirer le corps de Sangha derrière elle, laissant des traces encore plus nettes dans la neige. Il serait facile pour eux de la suivre. Ils n’auraient qu’à choisir le bon moment pour attaquer, quand elle voudrait se reposer, par exemple.
Avec Sangha à terre, fuir les gobelins était impossible.

Elle n’avait pas le choix. C’était une question de survie. Aucun gobelin ne devait être rescapé de cette rencontre. Et surtout pas ces magiciens. C’était la dure loi de la nature, même si Thalai aurait agi différemment contre d’autres adversaires, moins retords, plus reconnaissants envers celle qui leur aurait laissé la vie sauve…
De rage d’être obligée de faire ce qu’elle devait faire, elle décapita d’un coup de patte le gobelin implorant – Elle ne pouvait le laisser vivant, si proche de Sangha - , et contourna le nuage pour poursuivre en priorité le magicien. Ce faisant, elle regarda où était passé le deuxième.

Ranar fit alors pendant quelques minutes tout un spectacle de contorsions et de théatralisme dans l'expression de ses sentiments :
Raaaah, non mais c'est pas vrai ! Et voilà, des drows en pleine rédemption, qui tente de faire un nouveau départ, de sauver leur vie, d'améliorer l'image même de leur peuple, et moi j'arrive et je détruit tout ! Honte sur moi ! Calamité et terrible destin que le mien ! Je ne mérite pas mon héritage ! Comment pourrais-je sauver le monde avec une telle absence de conscience ?! Serais donc un dragon blanc plutôt qu'un argent ? Et on s'étonne que je souhaite rester isolé dans les montagnes ! Je ne fais que le mal, même seul et solitaire... Je dois expier.

Il saisit le drow et le serra fort (mais pas trop) contre lui. D'énormes torrents de larmes coulant sur sa peau écailleuse, il s'excusa platement :

« Oh, je suis tellement désolé ! Vraiment ! J'ai faillit vous tuer sur la simple supposition que vous êtiez méchants ! Honte sur moi, j'aurais dû d'abord vous demander si vous étiez méchants ! Vite, je n'ais rien pour vous soigner ici, je vous emmène à votre destination. »

Sans même lui demander son avis, Ranar détacha ses victimes, les couvrit de son propre manteau en plus des leur, et les emmena dans ses bras vers leur destination.

***Ranar***

Un drow inconscient sur une épaule, un drow qui aurait souhaité l'être sur l'autre, Ranar pris la direction de la baie. Alors qu'il voyait à peine la plage gelée, eut un indice que quelque chose clochait; un indice suffisamment gros pour que même lui s'en rende compte; aussi gros qu'un mammouth... mais avec des écailles... et des ailes! Il était encore loin, mais il n'était pas nécessaire d'avoir un œil de faucon pour repérer un dragon blanc de cette taille en train de survoler la baie, plus au sud.



***Thalaï***

L’instinct de survie de Thalaï l'avait poussé à éloigner la menace... définitivement! Après avoir égorgé le jeteur de sort qu'elle poursuivait, elle se félicita de s'être écouté en apercevant un gobelin accroupit près de Sangha, près à l'écorcher vif. Il ne lui fallut pas plus de quelques minutes pour retrouver tous les gobelins auxquels elle avait eu à faire. Elle n'eut pas l'esprit tranquille pendant tout le reste de sa soirée. Que serait-il arrivé s'il elle n'était arrivé qu'un instant plus tard auprès de Sangha ?

Les crocs de sa forme de panthère encore sanguillonants, Thalai revint vers Sangha après avoir tué les derniers de ses adversaires.
Sangha avait échappé de peu à la mort, dans ce combat, mais tout n’était pas fini. D’autres gobelins pouvaient venir, aussi la goliath tentait de calculer en combien de temps elle aurait à faire face à une nouvelle menace.
Il était probable que ces gobelins ne soient pas seuls… Ils allaient être attendus. Mais quand ? Leur supérieur ou leurs épouses s'inquiéteraient (si tant est qu'un gobelin puisse s'inquiéter du sort de l'un de ses congénères) au moins une à deux heures plus tard. Puis ils enverraient des éclaireurs, qui reproduiraient le parcours de cette patrouille, pour arriver jusqu’à Thalai. Voyant le carnage, il était probable qu'ils n'attaqueraient pas, et qu'ils rentreraient faire leur rapport. Là, une décision serait prise, d’envoyer une force capable de la vaincre, ou de la laisser partir… Puis, il faudrait réunir cette force, et qu’elle arrive jusqu’à cette grotte…
Avec tout cela, Thalai estima qu’elle pouvait passer la nuit sans risques. Il ne faudrait cependant pas trainer au-delà de midi dans ce coin… Elle espérait seulement ne pas faire de mauvais calculs.

La goliath reprit forme humanoïde, puis fabriqua un brancard avec des branchages. Elle y tira Sangha dessus. Il ne fallait pas que le corps du tigre se refroidisse trop, aussi le recouvrit-elle de sa propre couverture. Puis elle tira le brancard jusqu’à l’intérieur de la grotte et le feu.
Enfin, elle sortit pour fouiller les cadavres, à la recherche de quelques informations sur le nombre de gobelins présents, ou leur lieu de résidence. Une carte de la région serait une trouvaille sans prix…

***Thalaï***

La nuit avait été éprouvante, tourmentée. Le sommeil de la Goliath avait été léger et régulièrement interrompu. Aussi ne trouva-t-elle plus le sommeil avant le lever du jour, il faisait encore un peu noir dehors. Les paupières de son ami félin était entrouverte, mais il avait encore l'air d'un chaton à l'agonie.

Thalai dormit mal. Le sentiment de culpabilité la rongeait. Elle avait été naïve, la veille au soir, en pensant attaquer une force faible. Elle avait pensé que le loup, qui s’était présenté seul, représentait la menace la plus dangereuse, alors qu’il n’en avait rien été. Et Sangha en avait payé les pots cassés. Il s’en était fallu de peu qu’il rejoigne les forêts immenses du paradis…
En réfléchissant, la goliath se demanda si les morceaux de viande qu’elle avait trouvé dans la grotte n’étaient pas un appât destiné à attirer un prédateur, pour permettre à cette tribu de gobelin de chasser. Le loup était censé faire fuir la bête directement dans sous les flèches des archers…

L’anxiété de Thalai ne disparut vraiment que quand l’animal ouvrit un œil, le lendemain matin. Il lui faudrait plus d’une semaine pour revenir à son maximum d’énergie, mais c’était un début.
(en animal) « Ssua aled sum ntauren’castemnde, em quexind memarp ? » ironisa-t’elle, après un soupir de soulagement. « Tu m’as fait peur… »

Après ses prières à la nature matinale, la goliath ouvrit les deux fioles pour en humer le contenu. Le liquide rouge ne lui plut pas, mais l’huile avait une odeur exquise. En tout cas, elle garda ces deux élémentas, ainsi que le parchemin, l’arbalète et les carreaux. Cet arbalétrier était habile… son arme est peut-être magique. Mieux que mon arc, en tout cas…

(en animal) « Set mamose sud mestunt. At quexind sure efecarari son iomuomuaccomios ? »
Plus question de passer à travers les ruines infestées de gobelins. Thalai avait désormais l'intention de contourner cette zone en rejoignant le fleuve, légèrement au Sud, puis de remonder vers Dundal.

Ranar se posa précipitamment à couvert pour se cacher du dragon. Puis il s'adressa à son compagnon vert.

« Un dragon blanc survole l'endroit que vous visez ! Qu'est ce que ça signifie ? Il vous attends ou vous le rejoignez ? Ne me dites pas qu'il va vous emmener ailleurs pour refaire votre vie... »

***Thalaï***

Sangha était encore en piètre état, mais il avait suffisamment récupéré pour reprendre la marche. Si la nuit était le pire moment pour se trouver à l'extérieur, les étendus sauvages n'étaient guère hospitalières même le jour. Cette région était partagée entre les gobelins et les elfes noirs, et peu d'autres êtres vivants pouvaient se vanter de pouvoir s'y aventurer. Même la faune locale était en disparition; il était rare de croiser un animal sauvage dans ces forêts. Il était même surprenant que les gobelins n'aient pas encore déforesté la région.

Vigilante, Thalaï réussie cependant à traverser la forêt jusqu'au fleuve puis commença à la remonter. Elle estima qu'il lui faudrait tout au plus la moitié de la journée pour rejoindre Dundal... si tout allait bien. Son expédition ne se déroula cependant pas sans accroc. Descendant le fleuve dans six grandes barques, une flotte complète de gobelins passaient par là. La goliath jugea que ses sens l'avaient avertis avant d'être visible par les gobelins sans doutes occupés à manœuvrer.


***Ranar***

« Vous pouvez me déposer? » Demanda l'elfe conscient.

« C'est Etharifel la blanche, Seigneur des montagnes de Kossaryss. Les elfes noirs lui doivent allégeances... Vous pouvez nous laisser ici, nous trouverons un autre itinéraire seuls. »

Une fois la réponse du tigre obtenue, Thalai se mit en route. Afin de brouiller les pistes de ses ennemis, et aussi afin de « prendre de la hauteur » par rapport à la situation, elle se transforma en aigle, devant Sangha. Ce dernier, habitué à ces modifications d’apparence, savait qu’il devait la suivre.

Ainsi passaient les heures : Thalai partait en reconnaissance en profitant de sa vitesse accrue, choisissait les meilleurs chemins pour Sangha, et revenait les lui indiquer. Ce faisant, elle s’assurait qu’aucune créature ne guettait le tigre.
Egalement, il lui arrivait de passer au-dessus de la cime des arbres, afin de vérifier l’absence de danger. C’est au cours de l’une de ces rondes qu’elle découvrit les barques de gobelins.

Redescendant se cacher entre les branches d’un arbre, elle estima le nombre de gobelins présents dans ces navires. Puis elle revint faire signe à Sangha de se diriger vers un abri sûr avant qu’il ne soit repéré. Une fois l’abri rejoint, Thalai vola autour de son ami pour lui indiquer de rester sur place, et une fois qu’elle se fut assurée qu’il avait compris, elle revint observer les embarcations : Qui semblaient les chefs ? Y avait-il des marchandises particulières ?

Thalaï n'observa rien de distinctif dans les barques, si ce n'était plusieurs barils attachés ensemble. Les matelots gobelins étaient visiblement armés et elle compta au moins trois gobelins en toge verte, dans trois barques différentes.

Thalai s’était déplacée souvent ces dernières années. Elle avait parfois combattu, mais elle avait su aussi ne pas combattre lorsque la violence était inutile. Et c’était le cas, aujourd'hui, face à ces gobelins trop nombreux.
Thalai se demandait pourquoi cette région présentait une telle activité gobeline, avec autant de magiciens. Trois, encore, dans ces barques ! Ou était-ce des renforts, recherchant la patrouille qu'elle avait défait ?

Restant cachée entre les branches de son arbre, elle attendit que les embarcations s’éloignent pour aller chercher Sangha et poursuivre sa route vers Dundal. Elle userait du même stratagème, volant devant le tigre, et revenant périodiquement pour lui indiquer la meilleure route...

En remontant, la forêt comptait de moins en moins de feuillus. Au terme de leur périple, Thalaï et Sangha émergèrent de la forêt, arrivant dans une plaine qui, sans le couvert des arbres, aurait dû être recouverte d'un tapis de neige bien plus épais. Cela dit, la plaine avait visiblement été piétinée de nombreuses fois par de nombreuses personnes.

Le soleil crépusculaire se cachait derrière la palissade de bois entourant la ville. De nombreux soldats faisaient des vas-et-viens le long de cette dernière; lanternes à la main. À partir des cieux, sous sa forme d'aigle, Thalaï arrivait à distinguer une muraille de pierre qui séparait le cercle intérieur au centre de la ville du cercle extérieur protégé par la palissade. Les bâtiments rectangulaires s'entassaient en hauteur et il semblait y avoir bien peu d'activité à l'intérieur des murs. Peut-être était-ce à cause de l'heure tardive ?

Thalai revint voir Sangha, et par des tours autour de lui, lui indiqua de rester en place. Elle ne souhaitait pas que le tigre soit abattu à vue par des gardes dès qu’il approcherait.
Quand Sangha eut compris qu’il devait rester à couvert des arbres, l’aigle revint vers le sol de cette plaine piétinée, pour observer les traces de pas. Elle se posa à côté de certaines, essayant de se représenter les personnes ou les créatures qui les avaient faites.
Puis elle retourna vers les murailles, pour confirmer de visu que ces gardes étaient bien humains, ou au moins humanoïdes approchants. Si elle en voyait qui discutaient, elle tenterait de se poser non loin pour écouter discrètement leur conversation, et « ressentir » l’ambiance de cette cité.