Après la mort du gobelin, Adjeet ne fit qu'acquiescer timidement, embarrassé d'avoir manqué son attaque comme un gros naze.
Il va falloir que je m'entraîne plus ! Je manque encore de précision. Si je m'étais mesuré à un vrai adversaire, j'aurais pu y passer...
C'est vraiment trop la loose.
Il prit distraitement la dague, se disant qu'il pourrait la fourguer à un marchand et se faire un peu d'argent de poche.

*********


Adjeet retrouva ses camarades et se demanda pendant une seconde où était le hobbit. Voyant la mine déconfite de l'elfette, il se tourna vers l'ogre et prit sa tête dans les mains en inspirant longuement.
VRAIMENT-TROP-LA-LOOSE.
Il tenta de se concentrer sur l'intervention de son sauveur.
« Bah... quelqu'un a une compétence de pistage ? Parce que moi, c'est marron les mectons. »

Numina était plus effrayée que simplement déconfite. L'ogre, qu'elle craignait beaucoup déjà, venait de manger une personne. Heureusement le retour des autres fut une distraction bienvenue, et elle eut tôt fait d'oublier les faits.

Après que Shadax et Adjeet eurent parlé, ce fut le tour de Numina de participer.
Numina désigna le sac à dos de Jean-Charles-Mort, qui avait ramassé leurs affaires en s’apprêtant à partir. Ingénue et innocente, elle demanda à Shadax le sombre pas clair : « C'est pas là qu'ils ont rangé le coffret et le parchemin qu'ils avaient ? Ils les ont fait disparaitre ? »

Shadax se frappa la tête en saisissant son propre sac à dos. Inutile de gratifier la gourde d'un regard noir, elle n'aurait pas comprit, et ça aurait fait mesquin.

« J'avais oublié le coffret ! Le voilà ! »

Il sortit le contenant et le posa au sol, avant de sortir le trousseau de clé obtenu sur le corps du gobelin. Il commença à essayer les sésames les plus à même de correspondre à la serrure.

« De quel parchemin tu parles ? Je n'ai rien vu de semblable, mais on n'a pas forcément fouillé à fond leur sac... »

Il se rappellait maintenant avoir ramassé le coffret dans la précipitation, sans regarder au fond du sac si il restait quelque chose à prendre.

Histoire de commencer par l'action la moins risquée Shadax fouilla tout d'abord le fond du sac de jute des anciens voleurs et nouveaux décédés. Il y avait effectivement un parchemin semi déroulé à l'intérieur. Numina indiqua au groupe que la lecture de celui-ci par le gobelin, bien que sommaire, l'avait plongé dans une nervosité ainsi que dans un scepticisme des plus profonds.

Pour ce qui est du petit coffret le nécromant eut nul besoin de le forcer avec le passe-partout puisque Gloubzik s'en était déjà chargé. Il contenait également d'autres parchemins enroulés, qui étaient -à priori- du même acabit que celui retrouvé à moitié en boule dans le sac.

Un peu déçu, Shadax entama la lecture des parchemins, prêt si nécessaire à faire usage de sa compétence en "runes bizarres".

Charles se risqua à lire les parchemins.
Et si nulle malédiction ou boule de feu farceuse ne vinrent coller à la peau des aventuriers, le texte laissa néanmoins une impression encore plus inattendue que de la magie sur support écrit.


Les autres textes étant tous du même acabit, les anciens employés du ménestrel n'eurent aucun mal à déduire que le coffret, le véritable trésor de la maison, n'était pas la cave à vin (quoique) mais bel et bien ces parchemins qui étaient en réalité les écrits originaux des titres d'Henry Death, véritable star de la scène Indi-Kaiou avant de redevenir le paisible Albert Chouvert. L'ancienneté du papier, les ratures, l'écriture, ainsi que la signature à chaque bas de page ne laissaient effectivement aucun doute quant à leur authenticité.

Est-ce que les voleurs connaissaient un acheteur suffisamment riche et passionné au point d'aller jusqu'au cambriolage ou bien avaient-ils pris le coffret à l'arrache en espérant y trouver quelque récompense pécuniaire à l'intérieur ? Peu de chance que les deux morts et le disparu de leur trio consentent à répondre à cette question qui restera dans l'ordre du mystère.

Toujours est-il que le tout récent groupe d'aventuriers ne trouva que cela en guise de "trésor" dans les parages.

« Merde... »

En un seul mot, Shadax venait de faire part de sa déception, et de décrire la qualité des poèmes qu'ils venaient de trouver. Bien que l'envie d'uriner dans le coffret avant de le renvoyer à Chouvert fut grande, il se dit que leur vieil employeur consentirait peut être à leur donner quelque chose pour ne pas qu'ils dévoilent au monde entier la nullité de sa plume. Il rangea donc tout dans la boite, et se redressa: « On retourne chez Monsieur Chouvert ? Il nous donnera peut être quelque chose pour nous remercier de lui ramener ses oeuvres... Ha oui, et le gobelin ! ! ! »

Shadax se baissa sur le corps qu'il avait traîné derrière lui, et lui coupa les deux oreilles, avant de tendre le corps vers yup-Yup. « Pour ton goûter, grand ! »

Il remisa les oreilles dans sa bourse, attendant l'occasion de toucher une récompense pour l'élimination du peau-verte.

Déçu par l'issue pour le moins ridicule de cette quête, il se dit qu'il n'avait pas buté grand-chose -mis à part quelques araignées- et que c'est pas demain qu'il passerait niveau 2 avec le peu d'XP qu'il avait choppé.
« Bon bah... du coup, on bouge ou waq' ?
Rendons son... oeuvre... à monsieur Chouvert (avec un peu de chance, il nous refera une bonne bouffe) et rapportons les têtes avec nous, on peut essayer de toucher la prime si la milice pense que c'est eux.
Enfin j'dis ça, mais si ça se trouve, c'est même pas eux... »

Il essaye de piquer ma place de chef d'équipe en répétant ce que je propose à sa façon ? Je vais le surveiller lui...

« Hum, ouais, allons y ! »

En tant que leader naturel presque charismatique, Shadax le tueur de gobelin donna l'ordre du retour !

Laissant comme seule trace de leur passage en cette clairière bouteilles et hobbit vidés, le groupe rebroussa chemin chez Monsieur Chouvert, guidé par Adjeet l'agile, avec pour seule consigne tacite de cesser de sniffer l'odeur des fleurs du coin. Repassant ainsi au loin de la route pavée menant à Valtordu, ils purent constater que le bouchon commercial commençait à se dissiper malgré les noms d'oiseaux caractéristiques de cette période de l'année volant de temps à autre dans les airs.

Environ trois quarts d'heure après l'épisode des voleurs, la vue du vieux manoir se profila devant eux. Rien n'avait changé dans ce décor immuable, si ce n'est l'absence du véhicule tracté du guérisseur Archibald. Charles ouvrit la porte de lui-même tel l'intendant qu'il était et le chef de groupe autoproclamé qu'il est maintenant, remarquant également que la tenue de scène sur le mannequin dans le couloir, la guitare collector au dessus de l'âtre de la cheminée, ainsi que le fauteuil à bascule et bien... eux non plus n'avaient bougé en leur absence. C'est par ailleurs sur cette chaise que se balançait Albert Chouvert, alias Henry Death, alias Papi Gâteux (selon Samuel), comme à sa matinale habitude.


Après avoir rendu le coffret contenant les écrits, les aventuriers racontèrent avec force détails les événements de la nuit et du matin, chacun y allant bien entendu de leur petite exagération d'exploits personnels tout en omettant le passage comprenant les menaces à peine dissimulées sur le vieil Archibald. Le maître de maison les écouta attentivement, tantôt curieux des détails proférés par ses anciens invités et employés, tantôt étonné... ou bien amusé, difficile à déchiffrer avec les rides.
Toujours est-il qu'il ne manqua pas de féliciter les aventuriers à l'issue de leur récit.

« Bravo pour votre intervention ! » redit-il à nouveau. « Je n’ai malheureusement plus d’argent pour vous récompenser mais j’ai pensé qu’un livre issu de ma collection personnelle pourrait vous faire plaisir. » Albert se leva, s'approchant lentement de l'imposante étagère de l'imposante bibliothèque de la pièce. « Il s’agît d’ouvrages que j’ai utilisés pendant ma vie d’errance mais maintenant ils vont vous être plus utiles qu’à moi. En effet, je me dois aussi de vous dire que je ne peux pas décemment vous garder à mon service sans pouvoir vous payer. Et les événements récents m’ont prouvés que vous saurez vous débrouiller en partant à l’aventure. Aussi je vous libère de mon service et vous souhaite bonne chance pour l’avenir ! Et n’hésitez pas à passer me raconter vos exploits lorsque, couverts de gloire, vous repasserez dans le coin de ma retraite tranquille. »

L'ancien ménestrel avait extrait du meuble une collection de livres anciens.

« Ces ouvrages sont très rares, mais je suis certain que vous en ferez excellent usage ! »

Samuel avait suivi la troupe presque brillamment menée par Shadax avec un contentement rare, assez soulagé de pouvoir rentrer à la maison se reposer bien tranquillement. C'est après tout ce qui était le meilleur à la conclusion d'un après-midi passé dans la nature : ne plus y être, dans la nature. Aussi avait-il écouté le vieux homme avec un soupçon de fierté à la réception des compliments de Chouvert, un peu d'intérêt pour le vieux gâteux qui se perdait de nouveau dans les réminiscences de sa fameuse jeunesse et surtout beaucoup d'impatience pour le souper et coucher qui suivraient plus tard dans la journée. Physiquement, ça se traduisait par des hochements de têtes réguliers et un sourire forcé.

« Oui oui voila voila, très bien. »

Puis une soudaine constatation frappa son esprit encore embrumé du speech plein de bons sentiments de leur hôte.

« Heu mais attendez Albert... vous nous foutez dehors tout de suite ou on peut quand même rester ici ce soir ? Voir pour la semaine ? »

Samuel commençait peu à peu à comprendre l'implication de partir à l'aventure. Et ça ne lui plaisait pas trop trop. C'est donc avec une mine déconfite qu'il s'approcha des vieux livres proposés par Albert pour étudier le choix offert en se trifouillant sa barbichette d'un air sérieux. Il finit par en pointer un :

« "Le marchandage chez les nomades", je vois pas plus utile que ça ! »

Adjeet rentrait guilleret, content d'être revenu vivant et quasi indemne de sa première aventure. Il avait eu des repas gratuits et on lui offrait un livre à partager... Bon, ça c'était pas très utile quand on savait pas lire mais si on restait en équipe, le livre pourrait se révéler utile. Au moins à long terme.

Et Adjeet réfléchissait.
Il n'osait pas trop dire à ses désormais camarades qu'il devait rentrer chez lui. C'était carrément la honte.
Et puis il n'osait pas trop rentrer à la maison, parce que son grand-père allait probablement l'étriper, l'éventrer, l'écarteler, l'éliminer et il l'aurait sans doute éténouillé si le verbe avait existé (merci PoC).
Et puis il s'était plutôt bien marré à montrer à tous ses talents de ninja.
Et puis il en avait vraiment trop marre de son vieux chieur de grand-père... Mais merde quoi, il avait bientôt 19 ans et tout ce qu'il avait reçu, c'était des brimades, des coups et des brimades ! Trop naze quoi.
Y en avait plein le cul et il avait l'occasion de prendre son envol sans que ce vieux taré ne l'engueule. Il pourrait se faire plein d'argent avec l'aventure : tout ce qu'il aurait à faire, c'est faire deux-trois donjons, rester derrière, empocher assez d'or pour vivre tout seul et élever des bigorneaux le long d'une plage de sable fin dans une cabane en cocotier, si possible avec des elfettes Vaÿné, connues pour leurs charmes exotiques et leur noix de coco avantageusement placées.
Ça lui prendrait quoi ? Six mois à tout péter et puis il serait tranquille. Il n'aimait pas trop la perspective de devoir marcher à travers le pays mais ce serait toujours mieux que de se faire chier à la cabane familiale où on l'engueulait trois fois par jour.

Et tant pis pour ce qu'il restait dans sa chambre, il n'y avait pas grand-chose de précieux de toutes façons.

C'était décidé, il laissait tout derrière lui, sans se retourner pour bosser six mois sans patron ni grand-père avec à la clé la glande la plus géniale de la terre de Fangh.
Quittant ses pensées décisives, il se rappela de la saveur du porc à la broche.

« C'est vrai. On pourrait rester un peu, nan ? Genre une soirée quoi, tranquille. Et vous pourriez nous parler de votre jeunesse. »
Il dit cette dernière phrase avec une certaine ironie, un sourire au coin des lèvres.

Charles avait un sourire un peu crispé. D'un coté, en tant que pratiquant des Arcanes, il était toujours content d'ajouter un grimoire à sa collection. De l'autre, quelques piécettes auraient permit d'améliorer l'ordinaire, voir d'acheter quelques objets supplémentaires.
Son premier choix portait également sur le "marchandage chez les nomades", mais Samuel avait déjà donné son avis... Il hésita un instant, voulant presque donner une autre proposition par esprit de contradiction, mais il choisit plutôt de conforter le choix de son confrère magicien. C'était l'élément le moins dynamique de leur groupe, et quelques compliments permettraient peut être de maintenir l'étincelle qui l'avait poussé à l'aventure.

« Très bon choix Sam ! Les autres sont intéressants bien sûr, mais celui ci me semble plus utile pour une compagnie presque débutante comme nous. Regardez au dos: Permet d'obtenir aisément jusqu'à 10% de réduction pour celui qui maîtrise les techniques décrites dans le présent ouvrage...
Si on compte une moyenne de 50 Po par grimoire, on pourra acheter un autre livre "gratuitement" à chaque fois qu'on dépensera 500Po, rien qu'avec les économies réalisées. C'est fabuleux ! »

Sans laisser le temps à Albert de répondre, il se rendit en cuisine en lançant par dessus son épaule: « Je vais préparer le repas ! ! ! »

Manquerait plus que le vieux les mette à la porte...

« Hmm... Un repas concocté par Charles est des plus tentants mais pour le reste... » fit Albert en rangeant les bouquins non choisis avant de se retourner vers les aventuriers, Shadax excepté puisque étant parti vers la cuisine sans crier gare.
« Si je puis vous donner un conseil, vous devriez plutôt mettre vos compétences au service des autorités ou bien à de puissants mécènes plutôt qu'à une attente vaine ou facultative. Pourquoi ne pas aller profiter de la foire au boudin qui débute demain ? Cet événement attire du monde, donc les convoitises, et de ce fait, certains seraient sots de refuser l'aide ou la protection que vous pourriez leur prodiguer contre quelques espèces sonnantes et trébuchantes. Si jamais vous attendez trop longtemps je pense que vous perdrez une occasion en or de vous faire connaitre, et l'homme de scène que j'étais jadis peut vous dire à quelle point la réputation est une chose importante. »

Pour faire passer le temps de cuisson, Albert mentionna sa jeunesse à la demande du jeune Adjeet, une des rares personnes ici présente qui ne faisaient pas parti de ses ex-employés. Il parla avec force mots de ses voyages, où, de soir en soir, de lieu en lieu, de tournée en tournée Albert peaufina ses talents naturels, apprenant toujours de nouvelles chansons, de nouveaux instruments... Puis l’apogée de sa carrière avec les « Rouges envies » où, leader du groupe, compositeur, chanteur, il connu la célébrité, la richesse, et les femmes de petites vertus sous le pseudonyme d'Henri Death jusqu'à ce que les années et les soucis de santé l'incitèrent à se retirer de la scène une bonne fois pour toutes... C'était le bon vieux temps...

« Mais assez parlé temps qui passe, allons plutôt profiter de ce déjeuner aux saveurs si particulières ! »

Ce n'est que lorsque l'ancien intendant ramena les gamelles que les invités presque pas pique-assiette comprirent que les "saveurs" décrites par Monsieur Chouvert étaient à prendre au sens figuré. En effet, la vorace attaque de la veille sur les provisions n'avait pas laissée beaucoup de survivants comestible, ce qui avait contraint Charles à composer avec les légumes du jardin afin de cuisiner un ragoût "façon LeFourbe" en quantité suffisante.

Un petit verre de Rince-Gueule pour marquer le coup et les adieux de circonstances plus tard, les aventuriers quittèrent le coquet manoir (quoique plutôt délabré) d'Albert avec des souvenirs plein le cœur et l'estomac. Si ceux-ci se décidaient à suivre le conseil du ménestrel à la retraite, le temps de marche leur permettraient de bien digérer le "gueuleton".

« Akalaaaa, dépoooooom, dépooiiiiiir hédésse coubi doubi doooooooooooooouuuuuuuuuuu »

En entendant parler de foire au boudin, l'ogre fit la seule chose à faire, il partit en sens inverse, en direction de la foire en agitant les bras au ciel et en braillant de joie.

« Et bien je crois que la décision est prise... »

Le départ de Yup-Yup soulagea Charles. Il pensait en effet qu'aller à Valtordu était une bonne idée, mais suivre les conseils d'un vieil excentrique le ferait passer pour un faible... Grâce à l'ogre, il pouvait sauver les apparences tout en écoutant Albert.

Il ramassa donc son baluchon et emboîta le pas à Yup-Yup, laissant à M.chouvert le soin de débarrasser et de faire la vaisselle.

« En route pour Valtordu !!! »

Adjeet décrocha après 3 minutes d'histoires de tournées et de groupies et en profita pour utiliser sa technique du Harukanajime, aussi connu sous le nom du sommeil invisible : piquer un somme sans en avoir l'air.

Il se réveilla lorsque tout le monde se leva et dit au revoir à M. Chouvert de loin, prit son sac en esquivant le Rince-Gueule pour aller pisser un coup et sortir quand il verrait qu'il y aurait du mouvement.