Aelykogre était nerveux. Outre le fait d'être bredouille après autant de temps, avoir dépensé autant, aussi bien en argent qu'en énergie, il était injuste, à ses yeux, que leur piste s'arrête tout bonnement là, comme par enchantement. Et que les nécromants se soient comme volatilisé.

Kelem', pourquoi nous abandonnes-tu maintenant ?

Mais plus encore, ce qu'il craignait, c'était le cataclysme que provoquerait, sans nul doute, la frustration ahurie d'Aerélys. C'était sa sœur qui s'était lancée après ces crapules, elle qui était la plus motivée, elle qui était la plus acharnée. Voir sa proie disparaître ainsi ne manquerait pas de la rendre folle de rage.

Kelem', pourquoi m'abandonnes-tu maintenant ?

Une rapide œillade en direction de sa compagne confirma bientôt ses soupçons...

Aerélys s’était réjouie d'enfin repartir à la traque des ses ennemis. Elle suivit la piste avec difficulté mais enthousiasme. Lorsque celle-ci s'arrêta elle chercha aux alentours et ne trouva rien. Dans un premier temps elle refusa d'y croire mais lorsque l'évidence s'imposa elle se senti vide. Encore, une fois de plus où ces enfoirés s’échappaient. pendant encore combien de temps allaient ils disparaitre?

Elle senti la colère l'envahir et chercha quelque chose sur quoi exprimer sa rage, elle repéra un arbre mort, déraciné, elle se dirigea vers lui, enleva l'étoffe lui enserrant les épaules et dégaina. Elle leva l'épée au dessus de la tête et « RHAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA!!!! » Elle abattit l'épée sur le bois, elle s'y enfonça légèrement, elle releva l'épée et recommença. « ENCORE! ENCORE! J'EN AI MARRE!! On va leur courir après pendant combien de temps encore?! Pourquoi on a pas droit à notre vengeance? Hein! POURQUOI?!! »

Elle s'acharna sur le tronc jusqu'à être en sueur et s'effondra dos à l'arbre qu'elle venait de massacrer en soupirant. Elle jeta un regard noir aux alentours et, après s'être assurée que personne d'autre qu' Aelykorge n'était présent elle dissimula son visage entre ses mains et fondit en larme.

Le soldat posa sa hallebarde contre une branche. Il s'agenouilla ensuite derrière son amie et la prix dans ses bras.

« Je suis désolé, 'Lys... Tellement désolé... »

C'est bien ce que je craignais...

Il la serra un peu plus fort contre lui, comme pour lui assurer qu'il ne l'abandonnerait jamais.

Elle se laissa aller contre son ami et céda un peu plus, elle commença à sangloter et attendit que ça passe sans se forcer à arrêter. Lorsque le flot de ses larmes se fut tari, elle se redressa et regarda Aelykogre d'un air embarrassé.

« Je suis désolée 'Ogr, vraiment. » Elle soupira. « Tu as une idée de ce qu'on pourrais faire maintenant? On est un peu paumés là. » Elle soupira de nouveau, plus profondément. « C'est pas vraiment mon genre mais je demanderais bien un miracle à notre cher Kelem'... »

Elle se rendit compte que ses yeux étaient encore humides et que son nez coulait, elle soupira une troisième fois, d'exaspération cette fois et sortit une pièce de tissu coincée dans sa ceinture et s'en servit comme d'un mouchoir.

Aerélys s'était reprise entre temps. Elle se redressa, les yeux encore rougis de rage.

« Allons-y alors. Ce n'est pas comme si on avait le choix, n'est-ce pas ? »

Elle et son compère se dirigèrent vers le village, le pas traînant, démotivés par leurs vaines recherches.

Le duo se mit donc en route vers ce fameux village dont Aelykogre avait parlé. Il leur fallut encore deux jours pour gagner l'endroit. En fait, il ne s'agissait pas d'un village, mais d'une ville. Une ville splendide, toute de pierre construite. Les bâtiments étaient magnifiques et présentaient une finition rare. Ce n'est que quand ils approchèrent un peu plus qu'ils purent s'apercevoir qu'il s'agissait en fait d'une ville naine. Deux nains casqués gardaient l'entrée armés de lances.

« Aye, qui êtes-vous et que faites-vous là ? » demandèrent-ils à l'approche des deux étrangers.

Voyant à son visage maussade que sa soeur n'était pas prête à répondre, Aelykogre prit la parole.

« Nous venons nous noyer dans l'alcool, » expliqua d'une voix monotone le guerrier.

Les paroles de son ami plurent à Aerélys... Boire pendant une journée complète, chez des nains, peuple réputé pour sa bière. Être saoule, se forcer à lâcher prise pendant quelques heures. C'était ça qu'il lui fallait!
Elle se reposerait et repartirait sur des bases propres (si tant est qu'elle ne vomisse pas).

« Très bien entrez ! L'auberge s'trouve sur la rue principale, just' derrière moi ! » leur répondit-il tout en les invitant à entrer dans la cité.

Ils entrèrent donc tous les deux et se dirigèrent vers l'auberge. La rue était bondée, des nains s'affairaient ci et là, transportant des caisses ou des barriques, négociant au prix fort les étoffes en soie de l'étalage d'un marchand ou encore discutant et riant à voix haute en arpentant la rue. On pouvait apercevoir de temps en temps un humain. L'ambiance était gaie, si ce n'était les deux disciples de Kelemvor, visiblement déçus et abattus.

L'ambiance qui régnait dans la rue n'était rien comparée à celle de l'auberge dans laquelle ils entrèrent. Le vacarme était presque insoutenable. Des nains jouaient aux cartes ou aux dés, d'autres chantaient à tue-tête des refrains nanesques ou peut-être en patois, difficile de distinguer la différence pour un néophyte. Deux-trois serveurs s'affairaient aux différentes tables pour satisfaire les gosiers visiblement sans fonds des petits hommes.

Ca sentait le houblon, mais également la viande. Le gibier pour être plus précis. Sans doute quelque sanglier était en train de rôtir pour le repas du soir.

Les deux compères avisèrent une table reculée et s'y installèrent.

Aerélys posa ses affaire sur la table et se rendit vers l'aubergiste pour commander à boire et à manger, au prix le plus bas possible, malheureusement, ils devaient économiser le or le plus possible.

Elle retourna à la table et attendit qu'on les serve.
En attendant elle grattait le bois de la table avec l'ongle de son index en semblant réfléchir intensément.

Au bout de quelques minutes elle regarda son ami.

« Je vais boire, je vais boire et me bourrer la gueule. Je vais monter sur la table, chanter des chansons paillardes, rire comme une imbécile, si je cherche à me déshabiller, je te demande de m'en empêcher. Demain, une fois la gueule de bois passée, ça ira mieux. »

Aelykogre lança un regard déçu à sa sœur. S'il devait veiller à ce qu'elle n'aille pas trop loin, il devrait être raisonnable, tant en terme de nourriture que de boisson. Or, ce sont deux des plus grands traits de la culture naine. Il lui faudrait être raisonnable. Et Aelykogre n'aimait pas être raisonnable. Ni raisonné. Mais la raison a ses raisons que la raison ignore, aussi émit-il, résigné, un

« Ça va... » dépourvu de l'enthousiasme et de l'engouement dont il faisait habituellement preuve dans ce genre d'établissement.

Aerélys vit l'air déçu de son ami.

« On fera l'inverse demain soir si tu veux.... Quoi que, si j'enlève mes vêtements j'ai mon armure en dessous...
Ho et puis merde!! C'est don, on se démonte la tronche ce soir et tant pis, de toute façon, je garde mon épée à porté et si il y en a un qui veut me violer je lui tranche les noix! »

« Qu'attendons-nous alors ? »

Cependant, ses pensées étaient toutes autres.

Il faudrait qu'au moins un de nous doit rester... conscient. Il ne faudrait pas que nous nous attirions plus d'ennuis que ceux que nous avons maintenant.