Désormais conscient de la présence de quelqu'un d'autres, l'alien était en proie à une question existentielle:

Qui pouvait bien dire ce genre de choses comme première approche?

Le Boomer ne bougea pas d'un iota, mais sa chitine vert sombre s'éclaircit et devint plus brillante, jusqu'à ce qu'il disparaisse presque à la vue, prenant la couleur du ciel ou du toit derrière lui.

Ses yeux composés, sans iris ni pupilles, aux multiples couleurs, n'avaient pas cillé, faute de cils, mais il était impossible de savoir vers où ils étaient tournés...Il était clairement perceptibles que tous ses sens étaient tournés vers l'origine de la voix. Un très léger bourdonnement, presqu'imperceptible, monta de son corps insectoïde.

« Jé né connais pas. Personnellement jé préfère les chats domestiques. Sans les poils. »

Si l’insectoïde cherchait à gagner le concours de celui qui pouvait se rendre le plus invisible, il pouvait toujours courir euh... voler. Enfin bref, Vitam ne pouvait que gagner puisqu'elle n'avait jamais rencontré de challenger plus douée qu'elle dans ce domaine. Par contre, l'alien faisait très bien le son caractéristique d'une télé pourvue d'un son parasitaire. Elle ne savait quoi en penser alors dans le doute, la translucide continua la conversation sans en tenir rigueur.

« Vous ne savez pas ce qu'est un Leslie's brownie ? » répondit la voix invisible non sans une certaine stupeur. « Vous avez tort car ce doit être le meilleur dessert du monde. C'est un gâteau au chocolat accompagné d'une boule de glace à la vanille, le tout servi dans une assiette nappée de chocolat fondu et de crème anglaise. Que des bonnes choses quoi !
En tout cas je préfère mille fois ça à la viande de chat. Je crois que j'en ai goûté une fois, avec Kaido, dans une gargote plutôt louche. Beaucoup trop filandreux à mon gout. »

Même si cette dernière remarque lui fit tirer une sorte de grimace de dégoût, l'enthousiasme qui était propre à la revenante lorsqu'elle parlait de nourriture se révéla exceptionnel, de surcroît lorsqu'on prend en compte l'éventuelle dangerosité de l'interlocuteur. Cela dit, la notion de peur chez un fantôme est une chose considérablement abstraite.

« Alors c'est pour ça que vous êtes venu sur Terre ? Pour pouvoir manger du chat ? »

Selon la logique tout aussi abstraite de Vitam, il s'agissait une théorie plausible.

« Dé votre monde sans doute. Mais jé né pense pas que ça batte un sckrukük aspergé de la skragmg d'un gnœg de moins de cinq heures. Avec un peu dé soude pour pas que les nerfs optiques ne rétrécissent. »

Un instant, on aurait dit que la voix de l'alien, outre qu'elle se transforme pour prononcer certain moibs en l'équivalent vocal d'un mélange d'animaux incongrus que l'on passerait dans une moulinette, se teintait d'un peu de nostalgie... Mais un psychologue très fin, donc probablement pas Vitam, aurait ou noter que cette émotion n'avait pas été réellement ressentie. Un souvenir d'émotion, plus vraisemblablement.

« Mais dans tous les cas jé né suis pas venu sur Terre pour manger quoi que ce soit dé particulier. En fait jé suis né sur Terre, alors je me contente d'y vivre maintenant. Comme... Un humain.
Toi aussi tu m'as l'air d'être une terrienne non-humaine. Tou es quoi ? Un lagarnn ? Jé croyais qué vous étiez allergique au chocolat... »

« Allergique au chocolat ? Mon existence serait bien triste, tiens ! »

Songeant aux nombreuses recettes qu'aurait été privée Vitam en cas d’intolérance au cacao, Vitam laissa résonner à travers le bâtiment un rire strident vrillant les tympans, faisant mal aux dents et qui pour un peu, pouvait être ressenti jusque dans les os. Espérons pour l’insectoïde qu'il n'était pas trop sensible des sens sans quoi il allait se payer un sacré mal d'antennes.

Puis la revenante essaya d'être sérieuse au moins deux minutes. Allait-elle y parvenir ?

« Mais revenons à nos assiettes à dess... à nos vaisseaux. Comme t'es né terrien et que ça m'étonnerait que ce soit une joyeuse colonie de vacances uniquement venue pour te faire découvrir de nouvelles activités extra-terrestro-scolaires, pourquoi tes collègues se retrouvent au-dessus de nos têtes ? »

Vitam restait toujours invisible. Pour la simple et bonne raison qu'elle n'avait pas encore pensé à reprendre son projet de se dévoiler au grand jour.

La présence invisible ne répondait par sur ses origines. Ce qui était embêtant quand la moitié des races de l'univers avait des raisons de vouloir votre mort. Mais elle ne semblait pas agressive cela dit.

« Mes collègues ? Cé né sont pas mes collègues. Jé né réconnais même pas l'origine dé cette flotte. »

« Ah ? » s'exprima la voix d'un proche et évident désarroi. « Alors tu vas rester planté là comme une souche ? »

L'insectoide lui fit comprendre que ce plan semblait lui convenir. « Ah » répondit à nouveau la fantôme, qui semblait malgré tout avoir une idée derrière la tête.

La translucide s'envola dans les airs, prête à partir. Cependant, elle se retourna avant tout vers l'alien. De ce fait, elle remarqua du coin de l’œil que le hippie avait foutu le camp.

« Mais il faut que tu viennes quand même. Il faut que tu viennes pour "leur" dire que ce n'est pas de ta faute sinon "ils" vont te tomber dessus. Même qu'il parait que tu peux avoir mal. »

Le mandigorn fit quelques pas, s'éloignant de la voix, trop proche à son goût. Quand on ne voyait le monde que comme rempli de potentiels chasseurs, on se méfiait de la promiscuité.

« D'accord... t'es du genre timide, c'est ça ? »

La voix provenait de plus ou moins loin. En réalité, Vitam tournait en rond : Il s'agissait de sa façon de réfléchir.

« Alors j'ai surement une solution à ton problème » déclara t-elle finalement.
« Je connais quelqu'un qui connait très bien les autorités dont tu parles et qui n'est pas du genre à hurler au secours. Je pourrais même t'y emmener incognito si tu me le demande gentiment.
Tout ce que je veux en échange, c'est qu'on aille faire un crochet du côté des assiettes volantes pour aller leur demander pourquoi ils sont là. »

Voir l'alien reprendre sa couleur verte signifiait-il son accord ? Cela rappela néanmoins à la fantôme cette fameuse notion élémentaire de politesse comme quoi il était de bon ton de parler avec son interlocuteur les yeux dans les yeux, chose difficile à réaliser lorsqu'on ne peut vous voir.
La femme sans âge joignit alors ses mains, mais à la place d'une prière, ce fut les extrémités de ses cheveux verts qui firent leurs apparitions, semblables à la venue soudaine d'une nuée de lucioles. Puis ceux-ci s'allongèrent pour finalement dévoiler une humaine à la peau pâle tout ce qu'il y a de plus ordinaire... si on exceptait le fait qu'elle lévitait à 50cm au dessus du sol communément admis.

« Maintenant que j'y repense... c'est la première fois qu'on me qualifie de Lagarnn... ça ressemble à quoi ? »

L'alien regarda la jeune femme apparaître, ses yeux changeant de miroitement, soit à cause d'une émotion quelconque, soit parce qu'il faisait le point sur la demoiselle.



Malduke réfléchissait. La demoiselle lui proposait d'étendre son camouflage optique à lui. Ils pourraient donc se déplacer librement...

« Très bien. Rend-moi incognito. »

Se remettant sur ses jambes, le mandigorn attendit.

« Jé né sais pas à quoi ressemblent les lagarnn. Ils sont naturellement invisibles. Jé crois qu'ils sont recouverts dé fourrure par contre, donc tu n'en es clairement pas oune.
Jé té souis. »

L'alien semblait confiant. Pas très émotif, mais confiant. En fantômette ou en sa capacité à se tirer d'un quelconque traquenard, là était la question.

« Forcément qu'il comprendra, il en a déjà vu d'autres même si entre nous, j'en suis sûre qu'il en rajoute un peu pour se faire mousser !
Il s'appelle Kaido, c'est mon colocataire favori. L'a l'air aimable comme un guichetier du DMV en apparence mais il sait résoudre les problèmes aussi facilement qu'il peut avaler dix kilos de viande. Aux dernières nouvelles on devrait le trouver à UCLA, j'espère qu'il s'y trouve encore. »

« Mais avant tout... »

Vitam lévita vers l’insectoïde puis le toucha à ce qui était considéré comme étant l'abdomen chez les humains. C'aurait pu être un geste anodin pour peu qu'on omettait la sensation de froid que pouvait éventuellement ressentir ce dernier, ainsi du fait que la main de la revenante avait littéralement traversé la chitine verdâtre du mutant venu d'ailleurs.

« Et voilà ! Dorénavant tu attireras autant l'attention qu'un Louis Tully au top de sa forme, ce qui n'est pas peu dire. » Elle considéra un instant les ailes de l'alien avant d’ajouter en les désignant : « Elles ne sont pas en carton-pâte, au moins ? »

Sur ces mots elle décolla, vérifiant tout de même la matière dont été composées les ailes de la cigale géante. Allant plus ou moins au rythme de celui-ci, Vitam se dirigea effectivement vers l'armada venue d'ailleurs : Elle avait toujours voulu voir à quoi ces engins ressemblaient en vrai, sans compter que la transparente avait un guide tout désigné au cas-où elle ne comprendrait pas l'utilité d'un appareil quelconque.

Le duo partit donc en direction de l'armada. A bout d'un kilomètre, le Mandigorn sentit que quelque chose n'allait pas, l'un de ces banelings s'agitait et semblait en plein déséquilibre chimique. Mais le temps de s'en apercevoir et il était déjà trop tard, le petit être avait explosé, la déflagration s'entendant jusqu'ici tandis qu'un nuage de fumée noire était visible en provenance d'un quartier du centre-ville.

« T. »

Impossible de deviner la tête qu'il faisait, invisible comme il l'était, mais l'alien avait lâché un bruit de mécontentement.

Sans plus de discours, il replongea vers l'immeuble sur lequel il était précédemment, et s'y engouffra sans décélérer. Visiblement, il savait où il allait.
Il fallait qu'il récupère ses bébés, pour les replonger en léthargie. Quelle idée de les laisser derrière lui, avec ces stupides humains qui semblaient toujours s'ingénier à agir le plus dangereusement possible pour leur propre santé.

Sans le moindre son, il fallait que Vitam se retourne de temps à autre afin de savoir si l'alien suivait la cadence imposée ou non. Comme tout le monde quoi. Ainsi, invariablement, ce qui devait arriver arriva : La fantôme avait fini par remarquer l'absence de l'extraterrestre alors qu'elle était en train de s'approcher de la fumée noire nouvellement arrivée.

Mais quelle mouche le pique ?

Heureusement, elle pouvait détecter le fruit de sa magie, aussi la transparente n'eut pas grand mal à retrouver la trace de l’insectoïde et le privilège de traverser les obstacles conjugué à une vitesse de vol supérieure à celle du "fuyard" fit qu'elle se retrouva prestement aux côtés de ce dernier. Et pour que l'être venu d'ailleurs parvienne à l'entendre comme il se doit, Vitam manipula l'air alentour afin de reconstituer des mots de phrases. Ce qui, en combinaison avec la vitesse, résulta en une "voix" étrange semblable à celle qu'un vivant pourrait avoir après avoir aspiré une bouffée d'hélium.

« Tu pensais pouvoir te débarrasser de moi aussi facilement, sauterelle ? Ce n'est pas parce que j'ai des plus petites jambes que toi que je suis mauvaise à la course pour autant !
Mais pourquoi tu es revenu ici ? Tu veux emporter quelque chose avant d'aller voir la merguez-party qui a mal tournée ? »

Allez un dé pour voir si mon contrôle des sons fonctionne et si Malduke arrive à comprendre le message Ame13: Magus lance 2d10 et obtient 7 (6, 1)

Malduke partit donc vers la tour, entendant une petite voix l'interroger mais ne pouvant y répondre, sa propre voix sortant éteinte de sa bouche. Arrivé à la première créature, la tension était palpable parmi les bio-bombes...

Le mandigorn se posa à l'étage déserté, au milieu de ses petits dormeurs, et émit l'onde têta sensée les mettre en sommeil. Certains commençaient à s'agiter de panique, et d'autres parce qu'ils croyaiebt lnheure de la reproduction était arrivée et s'apprêtait à polyniser de manière détonnante les environs, sans savoir que Malduke les avait modifié pour qu'ils soient steriles.

âme: Nekhar lance 2d10 et obtient 14 (9, 5)

Le Malduke de compétition y alla en douceur, très en douceur, fredonnant du Barry White pour calmer ses bestioles, qu'il rangea donc sans encombre.

Vitam avait temporairement dissipé sa barrière des sons pour que l'alien ne lui réponde. Elle n'eut qu'une espèce de fredonnement en guise de réplique, et encore il était plutôt adressé aux drôles de petites bêtes qui toutefois, ne manquèrent d'intriguer la revenante.

« Attends laisse-moi deviner... je parie que ce ne sont PAS des lagarnns. »

Bien que cela lui brûlait métaphoriquement les lèvres, elle n'osait demander à l’insectoïde si ces choses sur pattes étaient ses enfants, sans doute pour éviter d'encourir le risque d'accumuler plus d'une boulette dans la journée.

Le mandigorn ramassa les petits vers boursouflés d'un liquide vert, et les posa sur ton ventre, les glissant dans ce qui semblait être des poches ventrales en émettant un stridulement doux.

« Non...cé sont des bilubilus. Dé braves pétites créatures. L'une d'elle a du exploser en bas dé l'immeuble. La question est de savoir comment elle est arrivée là-bas. »

Son visage se rembrunit, et il ressortit de l'étage, et plongea dans les airs, volant vers la rue sinistrée en contrebas.

Réactivant le mutisme volontaire, Vitam s'envola à la suite de l'extraterrestre.