Il était 10 heures, l'heure normale à laquelle Sergei émergeait, allongé entre le cadavre d'une bouteille de Jack et un paquet de chips éventré. Natalia n'était pas encore arrivée pour le réveiller mais l'homme se rappela qu'on était jeudi et que le jeudi, elle allait à Little Mockba pour y faire le marché. Mais l'homme se rappela quelque chose... Jeudi, jeudi... Il avait pas rendez-vous pour une séance de photo avec l'équipe à 9 heures? Un coup d'oeil sur le téléphone et les 92 messages en attente confirmèrent ses craintes aussi sauta-t'il prestement dans un slip, évitant de mettre les deux jambes dans le même trou cette fois et s'habilla en quatrième vitesse. Attrapant ses clés et une tasse de café qu'on pourrait qualifier d'irlandais, il sortit précipitamment de chez lui... pour se stopper aussi net, en apercevant les vaisseaux qui flottaient au dessus de la ville... Visiblement, la séance photo allait encore devoir attendre...

Lorsqu'il sortit de chez lui Sergei eut un instant d'hésitation. Y tabasse aujourd'hui le jack.

Constatant que ce qu'il voyait n'était pas une hallucination - pour une fois - il décida de finir son café puis de se diriger vers sa voiture.

Après tout vu la gueule du ciel personne ne ferait trop gaffe à son retard. Il s'installa au volant de sa voiture, fit péter le son de l'auto-radio en ouvrant la fenêtre.

Alexi Laiho gueulait un bon coup pour décrasser les oreilles de Sergei et ce dernier se mit en route vers la patinoire avec le volume à fond.

Partant vers la patinoire, il arriva sans trop d'encombre. Il faut dire que les gens allaient plutôt dans l'autre sens par rapport à lui, préférant s'éloigner des vaisseaux. Sur le parking, il se gara, voyant le bus de l'équipe et surtout, Saul, le manager/entraineur/coach/tortionnaire professionnel de l'équipe qui, du haut de son mètre 10, dévisageait le russe:

« Sergei! Déchet communiste tout juste digne de faire partie de l'équipe de Pripyat. Qu'est-ce que t'as foutu? T'as loupé la séance photo! Tu sais que ça va être retenu sur ton salaire, tout ça?

Avec tes résultats en baisse, ça n'aide vraiment pas à assurer ton image et ta place dans l'équipe, ça...

Qu'est-ce qu'il s'est passé? T'as levé une belette et elle t'a gardé dans son terrier ou quoi? Elle a une sœur qui aime bien les gens verticalement déficient mais qui peuvent être disproportionnés horizontalement? »

Pfff il ouvre encore sa gueule celui là.

Sergei prit son sac contenant son équipement et se dirigea vers les vestiaires. Arrivé à hauteur de Saul il le toisa : « T'es sur qu'il y a que verticalement que t'es déficient ? Puis bon ta disproportion horizontale s'arrangerait p'têtre si t'allait moins souvent au macdal et plus souvent faire du sport. »

Il passa le sac sur son épaule et se remit en route tout en marmonnant : « (En russe) Saleté de caramel yankee, tu mériterais un séjour à Siblag pour t'apprendre le respect. »

Sergei se rendit dans les vestiaires pour se changer. En ouvrant son sac il sortit sa tenue qu'il enfila tant bien que mal.

Posée sous son maillot froissé se tenait une bouteille de vodka qu'il déboucha avant de s'en prendre une bonne lampée. Il poussa ensuite un soupir de satisfaction.

« (En russe) Aaaah. Les produits de la Mère Patrie c'est quand même autre chose »

Il mit son maillot d'entraînement, constata qu'il y avait dessus une énorme tâche d'une sauce quelconque mais décida que ça n'avait pas d'importance.

Sergei alla ensuite sur la glace. Ses partenaires étaient déjà là et semblaient nerveux. Etait-ce l'approche des playoff ou le fait de le revoir alors qu'il n'avait pas mis les pieds sur ses patins depuis une semaine ? Sergei n'en savait rien et s'en moquait.

L'air froid qui montait de la patinoire du Staples Center donna un coup de fouet à Sergei. Il commença par faire quelques allers-retours afin de retrouver quelques sensations de glisse puis entreprit de procéder à quelques séances de tirs. Ses résultats, sans être catastrophiques, n'étaient pas excellents par rapport au talent qu'il avait.

Toutefois Sergei estima qu'avec une semaine de glandouille et un gramme cinq dans le sang il s'en était pas trop mal sorti.

Après une heure passée à se décrasser sur la glace il prit quelques minutes de repos. S'asseyant sur le banc il but une gorgée d'eau, la première depuis quelques jours.

Une séance simple, il n'y avait rien de tel pour se détendre un peu. Restait à passer par la salle de douche, moment privilégié avec ses camarades de l'équipe où toute la franche-camaraderie pouvait enfin s'exprimer à coup de serviette sur les fesses...

Enfin, ça, c'eut été le programme dans un monde parfait où Sergei eut été apprécié de ses collègues ce, qu'hélas, il n'était pas vraiment. Difficile de travailler avec quelqu'un qui était là quand bon lui semblait et de nouer des liens avec.

C'est donc seul que le russe partit vers les vestiaires pour s'y délasser et se changer...

Sergei profita d'être seul dans la douche pour finir la bouteille de vodka qu'il avait dans son sac et pour s'amuser à faire des formes avec l'eau qui coulait.

Si ses pouvoirs l'effrayaient il parvenait tout de même une fois suffisamment ivre à y trouver un quelconque intérêt. C'est ainsi qu'un dragon d'eau froide à l'aspect plus ou moins réaliste affrontait une licorne d'eau chaude tandis que Sergei mimait les bruits de combat avec la bouche, assis nu sur le carrelage de la douche.

Après s'être amusé pendant quelques minutes il termina sa douche puis se rhabilla afin d'aller acheter un nouveau téléphone comme il l'avait promis à Natalia.

Sortant du stade, il prit donc sa caisse pour rejoindre le magasin de téléphone le plus proche. La rue était commerçante et bondée mais quelque chose captait l'attention de la foule, un type, visiblement bien énervé, qui haranguait les gens:

« Nos amis venus de l'espace sont parmi nous et ce ne sont pas nos amis. J'en ai croisé un tout à l'heure sur l'un des toits de la ville où je travaille et il m'a sauvagement agressé... »

Il n'avait certes pas l'air en bon état mais arborait tout de la tenue du hippie, ce qui jusque là, n'allait pas dans son sens. Mais il révéla son abdomen, sur lequel fleurissait une énorme plaque violette:

« Regardez. Regardez ce que ce monstre m'a fait... Et regardez ça! »

Il sortit alors une espèce de créature insectoïde étrange, tirant des cris de stupeur aux gens qui le regardaient. Celle-ci gesticulaient bizarrement, se contorsionnant entre les mains de l'homme, celui-ci affichant un rictus de plaisir:

« Ils ne sont pas nos amis. Ils ne viennent que pour détruire... Préparez-vous à leur invasion, ils ne viennent pas pren- »

Bonne ou mauvaise chose, ses derniers mots furent coupés par l'explosion de la bestiole qui dévasta tout sur plusieurs mètres, projetant Sergei dans la boutique de téléphone d'où il sortait, atteignant plusieurs magasins...

Ça c'est bon. Plus qu'à aller acheter de quoi boire un coup.

Sergei sortit du magasin et observa vaguement la foule. Au milieu de celle-ci se tenait une espèce de hippie d'allure vindicative qui parlait d'amis venus de l'espace.

Il regarda le ciel d'un œil nouveau. Ah merde c'est pas juste ma cuite. Puis reporta son attention sur le hippie et surtout à l'étrange chose qu'il avait en main.

Qu'est ce qu'il tient ce c...

Avant la fin de sa pensée il fut soufflé par l'explosion et traversa la vitrine du magasin dont il venait de sortir. Autour de lui la fumée et la poussière voletaient dans l'air. Sergei les fit partir d'un geste de la main pour pouvoir respirer.

En se relevant il examina le téléphone qu'il venait d'acheter mais le bruit qu'il entendait en secouant le sac indiquait qu'il était bon pour en racheter un autre.

« Et merde... »

Il ressortit du magasin en passant par la porte comme il en était d'usage.

Dans la rue de nombreux blessés gisaient au sol avec plus ou moins de coupures dues aux vitres des magasins. Près de l'épicentre de l'explosion une odeur de viande grillée se faisait sentir. Sergei eut un haut le cœur et se mit à vomir le peu qu'il avait ingurgité ce matin.

Putain Dimitri. L'odeur du visage de son ancien camarade en train de brûler revint dans sa mémoire le faisant à nouveau vomir.

Après s'être totalement vidé il regarda la foule. Les cris de tous ces gens pleurant et suppliant pour qu'on les aide le paralysèrent.

Il commença à tourner les talons pour fuir.

Sergei voulut commencer à fuir quand il entendit le bruit caractéristique de l'acier en train de se tordre. L'un des bâtiments, avec sa structure de verre et d'acier endommagée par l'explosion, commençait à légèrement ployer. Si il ne faisait rien...

Ayant tourné les talons il avait commencé à partir de la place quand soudain le bruit l'alerta. Il leva les yeux vers cette tour... Ce monstre menaçait de s'effondrer et d'emmener avec lui tous les passants.

Barre toi, tu peux rien faire. En plus tu dois acheter à boire. lui rappela Vilmy.

Une nouvelle fois Sergei avait affaire à sa conscience alcoolique comme il se plaisait à l'appeler quand il avait le temps.

Vilmy, la femme de feu,... Si elle prenait la parole cela voulait dire que...

Et abandonner ainsi tous ces gens ? Qu'en pensera Natalia ?

Gagné... Après Vilmy c'était au tour de Goudmy d'intervenir.

Comme à chaque fois Vilmy la salua par une volée d'insultes tandis que Goudmy l'ignorait et tentait de raisonner Sergei.

Vos gueules putain, j'ai pas le temps pour vos conneries. songea-t-il en se prenant la tête entre ses mains.

Sergei continua de s'éloigner de la place, fuyant les cris et les pleurs quand une remarque de Goudmy le glaça :

Es-tu sûr que Natalia n'est pas là parmi les blessés ?

Pourquoi elle serait là ? Je lui ai dit que j'allais acheter le téléphone.

Mais est-ce qu'elle t'a écouté ? Ce n'est pas la première fois que tu lui fais une promesse que tu ne tiens pas...

Puuuuutain.

Barre toi. Elle te raconte des conneries. Pourquoi tu voudrais que Natalia soit aussi con ?

Pourquoi con ? Elle est gentille, elle veille sur toi. Elle sait que tu as besoin du téléphone. Elle a très bien pu venir ici... Et toi tu l'abandonnerais ? Même toi tu n'est pas aussi lâche.

Sentant que la conversation tournait à l'avantage de Goudmy Vilmy décida de disparaître : Moi je me casse, vous êtes trop cons.

Sergei retourna au milieu des blessés cherchant sa nourrice du regard sans la voir.

Et maintenant je fais quoi ??? se demanda-t-il paniqué ?

Sers toi de ta force, après tout si tu as ces capacités c'est sans doute pour une bonne raison non ? Mais avant tout dis aux gens de fuir et envoies un signal je sais pas, sers toi de ta tête.

Goudmy disparut à son tour et Sergei se retrouva seul au milieu de la rue. Et j'ai même pas à boire... Fais chier

Il mit ses mains en porte-voix puis hurla au milieu de la foule : « La tour va s'écrouler. Ceux qui peuvent foutez le camp. »

Puis il usa de ses pouvoirs bien qu'il les déteste. Il fit apparaître des flammes dans ses mains qu'il expédia en l'air telles des fusées éclairantes.

Une fois ceci effectué il prit une énorme inspiration puis se concentra. Il ferma les yeux et commença à bouger les mains.

Un grondement sourd se fit entendre et le sol commença à vibrer. Des gouttes de sueur coulaient le long du front de Sergei tandis qu'il plaça ses paumes vers le ciel. L'eau commença à sortir des bouches d'égouts, des bâtiments à proximité et des bornes à incendie.

Au bout de l'effort Sergei dirigea ainsi toute l'eau sur le bâtiment qui menaçait de s'effondrer, créant des colonnes de glace afin de soutenir la structure en attendant une meilleure solution.

Sergei fit appel à ses pouvoirs, après avoir respiré longuement. Les colonnes de glace se matérialisèrent, bloquant l'immeuble juste un instant... Avant de commencer à s'effriter lentement sous le poids. Il allait falloir quelque chose de plus solide pour le maintenir en place plus longuement...

Les gens, voyant la chute annoncée, commençaient à s'éloigner comme ils pouvaient mais peu se préoccupaient des blessés ni même de savoir si il restait des gens à l'intérieur...

Et merde...

Visiblement son petit manège était insuffisant.

Evidemment débile... C'est comme si t'essayais d'empêcher ta carcasse de poivrot de s'écrouler en t'appuyant sur une brindille. Si déjà tu veux aider les gens fais le au moins correctement espèce de couillon.

Piqué au vif Sergei se concentra plus intensément. Il leva le bras gauche pour créer de la terre et de son bras droit il tenta d'en faire des pylônes d'une hauteur suffisante.

Après avoir aligné suffisamment de colonnes de terre pour colmater le trou causé par l'explosion il entreprit de chauffer l'air pour solidifier son montage.

Formant une barrière de terre, le russe put colmater la brêche et maintenir l'immeuble en équilibre. Un souci de réglé, n'en restait plus que 99...