Michael Botaniate, ménestrel au service du comte de Horbourg, avait beau essayer de raisonner sa fille, Flora était déterminée à partir. Ce n'était que la dernière de ses tentatives pour la convaincre de rester, mais il échouerait, comme il avait échoué les précédentes fois. Qu'allait-il faire, l'enfermer ? Zoé, sa mère, avait déjà accepté. Mais si Flora était certaine d'obtenir ce qu'elle désirait, elle ne pouvait pas pour autant rester silencieuse et espérer que son père se lasse.
De taille moyenne, la taille fine, Flora était une jolie blonde aux yeux verts clairs. Ses doigts agiles étaient marqués par des années de manipulation des instruments à corde, sa voix chantante résonnait des multiples récits et contes héroïques qu'elle avait appris à réciter en musique. Vêtue de beaux habits, qu'elle avait elle-même cousu, elle n'était pas du genre à se laisser facilement intimider. Ou raisonner.
« Papa, ce n'est plus une question de théâtre ou de musique. C'est bien plus important. Je n'ai rien contre le théâtre, mais la comédie demeure un amusement. Des personnes sont en danger. Grâce à toi j'ai appris à me défendre. Je ne peux pas rester les bras croisés alors que d'autres risquent la mort.
Avant de courir les ogres, bandits et autres, il faut surtout savoir ce dont il s'agit. Je suis sûre que Cuvalier peut réunir ce qu'il faut de guerriers, de brutes et autres mercenaires. Ça ne suffira pas. Il faut quelqu'un d'instruit, quelqu'un d'intelligent, capable de faire parler les moins loquaces par la douceur et l'astuce. Au nom de Sharess, ils ont besoin de quelqu'un comme moi. »
Faisant mine de se montrer conciliante, Flora poursuivit d'un ton poli mais ferme : « À moins que Pauline, ou toi, ne souhaitiez y aller, il faut que ce soit moi. On ne peut pas laisser nos compatriotes mourir sans rien faire, papa. »
Dans cette pièce à l'écart des cuisines, l'endroit était insolite, mais Flora ne serait pas intimidée. Elle connaissait le château par cœur, elle y vivait depuis des années. La jeune femme, en neuf ans, avait amplement eu le temps d'explorer les lieux, en compagnie de ses amis, enfants des familiers du château. Et Flora, en sa qualité de fille du grand ménestrel de Horbourg, se faisait un devoir de se souvenir de tous les secrets dont elle pouvait avoir vent. Y compris ceux concernant sa jumelle, Pauline.
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