« Ah! la civilisation! Ce n’est pas trop tôt! Je commençais à me demander si on ne nous avait pas lancé un mauvais sort pour rallonger le trajet de manière interminable! Bon, où est l'auberge? »

Étant plus intéressée par trouver un lieu ou se reposer, la sorcière ne fit pas grand cas de l'arrivée du deuxième groupe. Elle fit tout de même l'effort de répondre au nain.

« Des chevaucheurs d'insectes géants, une ile de démon, un rodeur louche, et des gardes pas dégourdies. Nous n'avons pas eu le temps d'explorer l'ile non plus. »

Krommigs n'était pas du genre à se répandre, semblait-il. Cela tombait bien parce que Wyvine n'était pas non plus d'humeur en ce moment. Elle synthétisa donc leurs trouvailles en imitant le soldat: en étant la plus confuse possible pour garder un maximum le suspens.

« Bon, et si on allait s'asseoir quelque part pour discuter de tout cela? De préférence avec une boisson fraiche à portée de main. Je ne sais pas pour vous, mais moi, je suis exténuée! »

« Tu as aussi accompagné quelqu'un à un moment Zorck. Je n'ai pas suivi, que t'ont-ils dit ? »

Flora enchaina ensuite :
« Nous avons surtout vu des traces, mais rien de concret. Peut-être que des insectes géants, un des essaims d'insectes, soient venus et aient emporté la jeune Lycia.
Mais nous n'avons rien de concret, seulement des suppositions. Sa sacoche était posée normalement, on a pas vu de traces de lutte. »

« La disparue semble également s'être envolée sans laisser de trace de notre côté. C'est un ami du mari qui a noté la disparition mais ce dernier répond de lui. Bref autant dire que nous n'avons pas grand chose. » soupira Nahyla.

Flora croisa les bras et fit la moue, réfléchissant. Tout cela n'était guère éclairant.

« Un rôdeur mystérieux, des bruits d'insectes volants et deux disparues sans traces ...
Allons à cette maison en deuil. Il doit s'agir de la famille de la troisième disparue, Arondia. »

Pointant la maison, elle commença à talonner doucement Calico pour se mettre en route.

Quand le groupe avança jusqu'à la maison en question, un gamin sortit de son groupe de jeu et s'élança dans l'escalier pour rejoindre l'étage. Après quelques éclats de voix à l'intérieur, un homme et une femme en sortirent, portant tout deux un brassard violet. L'homme, à l'âge indéfinissable tellement le travail aux champs pouvait conserver en bonne forme, observa avec appréhension ce groupe formé de quatre femmes, d'un demi-orque et d'un nain. Le regard rugueux, les traits bruts, il tortillait un chiffon afin de sécher ses mains. Il ne dit mot, attendant que ses interlocuteurs commencent la conversation. Son épouse, enveloppée, restait en retrait.
La troupe faisait sensation. Nombreux étaient les villageois observant la scène sans chercher à intervenir pour l'instant.

Flora jeta un regard en coin à ses compagnons, avant de s'adresser à l'homme, essayant de paraître agréable mais pas ignorante de la peine de la famille en deuil.

« Bonjour. Êtes-vous la famille d'Arondia ?
C'est la garde de Cuvalier qui nous envoie. Pour les recherches. »

Un mélange de surprise agréable, de fatalité et de chagrin passa dans les yeux de l’homme. Du balcon de l’étage, il dominait le groupe. Il regarda les habitants attirés par les nouveaux venus, et affirma : « Arondia est morte. Nous devons faire notre deuil ». Flora venait apporter de nouveaux espoirs qu’il trouvait malvenus.
Mais il dut ne pas vouloir parler devant tout le village, car il ajouta avec dépit : « Montez. Mirtha, sors à boire et à manger. » Ensemble, ils rentrèrent dans leur maison, attendant que les enquêteurs le suivent.

Les compagnons ainsi invités montèrent à l’étage par l’escalier qui longeait la maison. Ils entrèrent dans une vaste pièce de vie. La cheminée sur le mur à gauche de l’entrée était le seul élément en pierre parmi tous les murs en bois. Sur les autres murs, divers meubles contenaient de la vaisselle, des outils, ou des sculptures en bois. Dans un angle, un plan de travail servait de cuisine. Se découpant sur le mur de droite, deux portes permettaient d’atteindre d’autres pièces. L’ensemble de la pièce était plutôt sombre en cette fin de journée.
Assis à une grande table centrale encadrée de deux bancs et de deux chaises à ses bouts, l’homme attendait. Mirtha posait suffisamment de verres pour tous, ainsi que des fruits séchés et une cruche remplie d’eau. « Mon nom est Vecter. Vous prendrez de la bière ? » proposa l’homme.

Flora suivit l'homme, après avoir attaché Calico près de l'entrée de la maison.
L'actrice prit un verre et un petit fruit, par politesse, en remerciant leurs hôtes. Elle ne voulait pas paraître trop exhubérante, ça aurait ... fait mauvais ton, ici.

« Oui, merci. Avec plaisir. »

Le demi orc accepta sans faire de manière un verre de bière et demanda simplement :
« Qu'est ce qui vous fait croire qu'Arondia est morte ?
Les deux autres ont juste disparu... »

Neave ne comprenait pas le caractère défaitiste des gens en face d'elle. Si une de ses soeurs ou un de ses frères disparaissaient, elle retournerait la baronnie à n'en plus finir et ferait bien pire si c'était Nahyla qui était concernée. Mais pour autant, elle n'allait pas laisser leur envie de tourner la page la détourner de sa mission. C'est donc pour cela qu'elle réfléchit longuement à la manière de parler, pour ne pas les blesser. Comment ferait Nahyla? Sans doute une répartie fine et probablement bravache. Non, comment ferait sa mère, voilà qui serait mieux. Réfléchissant longuement sur les mots à employer, la jeune femme attrapa un verre qu'elle remplit d'eau, répondant à l'invitation à se servir, en but une gorgée avant de le reposer et de parler. Ca ne serait pas parfait, elle serait hésitante mais elle était à peu près sure que c'est ce que dirait sa mère:

« Il y a eu d'autres disparitions dans la Baronnie et, euh, il est de notre devoir d'établir si un lien existe entre elle, pour prévenir d'éventuels incidents futurs si tel était le cas...

Bien que cela puisse être, enfin, que ce soit pénible pour vous, pourriez-vous nous raconter précisément ce qu'il s'est passé le jour de sa disparition? Ah, et aussi, les jours auparavant? Même le détail le plus insignifiant peut nous aider, je ne sais pas, un éclat de voix, un air préoccupé ou une dispute avec quelqu'un.

Je sais bien que, parmi les chasseurs, nous évitons de donner nos bons coins mais Arondia avait-elle des ennuis avec d'autres personnes concernant la chasse? Quelqu'un d'autre chassait-il le même jour qu'elle?

Si nous voulons éviter que d'autres personnes ne vivent ce que vous vivez, nous avons besoin de votre aide. »

Voilà, elle ne s'en était pas trop mal sortie, du moins, elle l'espérait...

Krommiggs demeurait silencieux, jouant son rôle de garde taiseux. Les autres sauraient mieux rassurer ces gens. Le nain ne comprenait pas le sentiment de fatalité. Pour lui, retrouver les disparues, quel que soit leur sort, et que justice soit faite était une condition nécessaire au travail de deuil. Les humains se laissaient trop souvent dominer par leurs passions.

Vecter passa sa main sur son visage, tentant par tous les moyens de ne pas renvoyer ces malotrus par-dessus la rambarde.
« Vous êtes qui, pour venir ici et remuer notre douleur ? » dit-il, un tremblement, signe de colère, dans sa voix. Son regard s’était fait dur. « Cela fait trois semaines qu’elle n’est pas reparue, et des « disparitions », dues à des bêtes sauvages dans la forêt, il y a en a tous les deux ou trois ans. On ne les retrouve jamais ! »
Son épouse, Mirtha, vint réconforter et calmer son homme en caressant ses épaules, compatissante et triste à la fois.

Il but un trait de bière, avant de maugréer : « Vous la connaissez pas, vous, la vie d’ici, hein… » Ce n’était pas une question.
« Arondia est morte. Il faut maintenant faire notre deuil. » Il finit sa bière. « Et passer à autre chose. »

Flora intervint, afin d'essayer de calmer la situation. Et la famille éplorée.

« Nous comprenons votre douleur, et nous sommes navrés de venir ainsi. Mais il ne s'agit pas d'une bête sauvage. Le rythme est trop régulier
Cela fait trois semaines que des femmes, s'étant retrouvée isolée, disparaissent sans laisser de trace.
Il n'y avait pas de trace de lutte, là où a disparu Arondia, n'est-ce pas ?

Elle a été enlevée. Je ne veux pas vous donner de faux espoirs. Les chances sont minces. Mais si on ne fait rien, ça ne s'arrêta pas là.
Arondia. Bistane. Lycia. Si on ne fait rien, qui sera la quatrième ? Et la cinquième ? »

Ayant monté le ton pour répéter les noms, Flora radoucit ses paroles.

« C'est pour ça ... nous avons besoin de votre aide.
C'est important. »

Ah! Enfin de bonnes gens avec de bonnes manières! Quelle joie! Quel plaisir!

« Si je prends de la bière? Oh que oui! Par tous les dieux, je les attendus celle-là! Mille mercis!! »

Bon, il leur faut toujours rester debout à papoter pour des raisons que la sorcière ignorait totalement. Car discuter pouvait aussi se faire en position assise, mais on ne pouvait pas gagner toutes les batailles. Wyvine accepta donc gracieusement cette petite victoire. Pour le moment du moins.

La brunette écouta ensuite en silence le brave couple tout en savourant la boisson fraiche. Elle compatissait avec leurs souffrances. Pour tout dire, Wyvine était d'accord avec Vecter que les chances de retrouver leur fille vivante étaient quasi-inexistante. Elle comprenait donc très bien la colère qui l'animait.

« Vous avez raison. Nous ne connaissons pas votre fille, et nous ne pouvons pas imaginer ce que vous traversez en ce moment. Mais croyez-nous que nous ferons tout notre possible pour la retrouver. C'est vrai, peut-être que c'est déjà trop tard pour la sauver, mais ce que nous pouvons faire est essayé. Et abattre la, ou les bêtes qui sont responsable de ces crimes odieux. »

La sorcière hocha la tête. Convaincue par son propre discours. Oui, c'était pas mal. Enfin, il était encore heureux qu'elle puisse encore se convaincre soi-même. Hmm... quoique…

Vecter eut un regard mauvais envers les enquêteurs. « La garde de Cuvalier est déjà venue. Et est-ce que cela a ramené Arondia ? Vous pensez que vous y arriverez ? »
Il consentit cependant à répéter ce qu’il avait déjà dit à la garde. « Arondia était apprentie chez le tanneur. Elle était pas vraiment bonne pour les champs. Elle passait son temps dans les premiers mètres de la forêt. A chasser. Ca, elle ramenait des lapins à la maison, la petite. La dernière fois qu’on l’a vu, elle entrait dans la forêt. Du côté du vieux chêne sur l’écorce duquel a été gravé un cœur. » Il indiqua de la main la direction approximative.
« Mais plutôt qu’y aller, à c’te heure, j’vous conseille de trouver un endroit où dormir. » Et ça ne serait certainement pas chez lui, vu le ton employé.

Flora essaya de répondre sans heurter le gros gaillard ronchon. Qui l'était peut-être à cause de la façon dont Neave avait posé ses questions, maintenant qu'il y pensait. Enfin, ce qui était fait était fait.

« Contrairement à la garde, nous avons les moyens, les compétences et le temps nécessaire pour découvrir ce qu'il s'est passé.
Merci pour vos réponses Vecter.

Où pourrions-nous trouver le tanneur du village ? J'aimerais le rencontrer rapidement.
Il est déjà tard, comme vous dites. Inutile d'attendre une journée de plus. »

« Merci Vecter pour la bière.
Uthgar aide les combattants qui ne baissent pas les bras dans l'adversité et en son nom je requière pour vous son assistance divine »(Zorc lance le sort).
Joignant le geste à la parole, le demi orc posa une main rassurante sur l'épaule du père de la disparue avant de se retirer dans le calme.