Zahug attendait, dissimulé à l'orée des bois. La sève montait dans les arbres, irradiant de la terre la plus froide et la plus basse vers les feuilles les plus hautes et les plus vertes. Il entendait la vie bruire, les oiseaux s'époumoner et tourbillonner dans le vent, les rongeurs fureter avec adresse, l'humus respirer. Il sentait l'odeur du compost humide, des spores et du lichen, du bois tendre. Alors qu'il attendait la nuit, il se sentit empli d'une immense passion pour cette vie primale. Une part de lui était attristée à l'idée de la quitter, de laisser sa vie d'ermite et de revenir au monde.
Mais derrière ce bonheur de ne faire qu'un avec la nature se trouvait aussi une part de honte : il avait laissé sa mission s'éloigner, il avait laissé sa raison d'être en ce monde s'étioler comme du sable entre les doigts. Il était un traqueur, et il était plus que temps qu'il se comporte comme tel. « Oh, élémentaire, tu vas donc nous quitter ? Nous étions devenus proches, tous les deux. Es-tu sûr des raisons qui te poussent à reprendre ta traque, à chercher cet enfant ? Je vois des choses, beaucoup de choses, et j'ai vu la fin de ce chemin : tu ne vas pas l'apprécier, élémentaire. » Cela faisait bien longtemps qu'il n'avait pas entendu cette voix diaphane, le murmure de la forêt de Blantronc et de l'esprit qui l'habitait. Il réalisa que son attente s'était muée en communion patiente, et que l'esprit lui offrait un dernier échange, intime et profond, avant qu'il abandonne sa vie d'ermite.
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