Une présentation succincte

Les centaures de la nation Ulmurate sont également nommés les enfants d'Ulmur ou le sabot d'Ulmur. Leur nation repose entre une rivière et la mer, entre la forêt au nord et les plaines au sud.

Les centaures ont trois paires de membres. L'une est pourvue de main, les deux autres se terminent par des sabots.
Les paires médianes et postérieures forment un torse inférieur taillé pour la chasse et les plaines, musclé et solide. Ce torse inférieur est couvert d'une fourrure à l'épaisseur variant fonction des saisons.
Le torse supérieur, situé entre la paire antérieure et la paire médiane est couvert de poils bien plus fins et courts, semblables à ceux qu'un humain, d'un elfe ou d'un tunnelier. En fait, le torse d'un Ulmurate est semblable à celui d'un humain sans jambes, tandis que le garrot évoque le corps d'un cheval sans tête.
Le visage des centaures varie grandement, de la taille et la forme des oreilles à celle du nez. Une abondante crinière recouvre leur dos supérieur. Leur peau et leur fourrure sont usuellement dans des teintes ternes, quoiqu'il arrive parfois qu'un centaure ait les cheveux blonds et la robe de fourrure pâle.
Il est parfois difficile à un centaure de ramasser un objet au sol, mais il leur est aisé de se dresser pour attraper des fruits accrochés haut dans un arbre ou au-dessus d'une étagère. Leur morphologie les aide à sauter les fossés et à traverser les rivières, mais ils ont besoin de davantage d'espace que les humanoïdes les plus répandus.

Il existe trois types d'habitats où l'on trouvera des Ulmurates.

Le premier lieu, unique, est leur lieu le plus sacré, le Bosquet où vit Ulmur et où repose la Pierre de Sagesse. Un village a été construit dans cette clairière et est patiemment entretenu par les descendants des frères et sœurs, cousins et cousines d'Ulmur. On y trouve des chasseurs, des pèlerins venus "traverser les plaines" et d'étudiants en histoire. Ulmur est la mémoire vivante du peuple, mais cette mémoire se fait âgée et commence à se troubler. D'un naturel bon vivant, Ulmur s'inquiète néanmoins pour son peuple et son devenir. Certains souhaiteraient le vénérer en l'absence des Anciens, mais l'honorable vieillard est encore suffisamment vigoureux pour remettre les idées à l'endroit, à coup de bâton s'il le doit.

Le second habitat est aux abords de la forêt et s'étend de génération en génération sur les plaines du sud et de l'ouest. Le bocage est parsemé de villages aux bâtisses en bois solide et de champs de céréales et autres plantes nourricières. Des haies sont plantées par les agriculteurs pour délimiter les cultures et les chemins. De plus de petites forêts sont créées.
La poussée du bocage est favorisée par la magie des plantes que certains centaures maîtrisent grâce aux enseignements des Anciens.

Le troisième habitat, sans cesse repoussé, consiste de plaines, vastes et herbeuses. Des troupeaux de bétail, mené par des centaures souvent jeunes, se déplacent chaque jour dans les étendues aux limites lointaines. Ils arpentent les prairies et vivent sous des tipis rapidement bâtis et promptement démontés.

Il est attendu de chaque centaure de réaliser un pélérinage afin de se présenter face à la Pierre de Sagesse et rencontrer Ulmur. Ceux qui ont des paroles à lui transmettre sont encouragés à le rencontrer, car il est la mémoire du peuple. Pour le temps présent.

Un historique moins succinct

"Ulmur a dit, cette terre sera notre terre et celle de nos descendants. Les siècles en seront témoins.

Autrefois vivaient les Anciens pleins de sagesse. Ils créèrent les hommes, ils créèrent les elfes, ils créèrent les fées, ils créèrent les géants. Les Anciens créèrent la Pierre de Sagesse.
Nos ancêtres vivaient dans l'ignorance, se nourrissant de ce qu'ils trouvaient un jour et en oubliaient l'emplacement le lendemain. Ils passaient dans les prairies et ils fourrageaient dans les forêts. Vêtus de leur fourrure et armés de leurs sabots, ils chassaient le malheureux qui croisait leur chemin et se nourrissaient de sa chair. Que leur proie soit douée d'intelligence ou non n'importait pas pour nos ancêtres. Ils étaient. Ils chassaient. Ils tuaient. Ils étaient.
Les Anciens virent les hardes de nos ancêtres et en furent mécontents. Les Anciens n'apprécièrent pas que nos ancêtres chassent leurs serviteurs. Pire même, les Anciens étaient considérés comme des proies potentielles par nos ancêtres. Une proie bien trop dangereuse. Nos ancêtres étaient des ignorants, des brutes, des sauvages, des tueurs.

Ulmur a dit, respectez vos parents et protégez votre troupeau. Car un troupeau vivant dans la discorde est une bien triste chose. Peut-on encore l'appeler troupeau ?

Les Anciens décidèrent d'user de leurs pouvoirs, et de nos ancêtres ils décidèrent d'exterminer leurs frères, de chasser leurs sœurs, de consumer leurs cousins, de massacrer leurs cousines. Mais les Anciens étaient justes et bons. Aussi avant de faire s'abattre leur châtiment, ils firent s'élever la Pierre de Sagesse au cœur de la forêt.

Le chef de la plus grande harde, Ulmur, découvrit la Pierre. Lui qui ne savait pas lire, apprit les prophéties, les menaces, les secrets et les promesses des Anciens qui étaient inscrits sur la Pierre, il apprit la sagesse. Ulmur, le plus sauvage des sauvages, le plus puissant des chasseurs sut que ses frères, ses sœurs, ses cousins, ses cousines, tous vivaient dans le pêché. Les Anciens étaient plus puissants que toute autre chose.

Aussi Ulmur fit ce que les Anciens attendaient de lui. Il alla à leur rencontre.

Ulmur a dit, œuvrez avec toute la patience dont vous êtes capables. Faites de votre mieux. L'ardeur dont vous faites preuve sera récompensée.

Lorsqu'il entra dans la ville, Ulmur découvrit des choses qu'il n'avait jamais cru possible. Ces êtres qu'il appelait autrefois proies tiraient et portaient des outils, selon les instructions d'autres êtres qui étaient des proies. Ils vivaient en harmonie, organisés, dirigés, unifiés. Pour la première fois, Ulmur observait le produit du travail juste et des connaissances unies.

L'entrée d'Ulmur dans la ville ne passa pas inaperçue. Grand et majestueux, sa stature imposante se repérait de loin. Un centaure, un chasseur sauvage, était entré dans la ville. Mais ces gens n'avaient pas peur comme ils auraient dû. Ils ne cherchaient pas des armes, comme ils auraient dû. Ils laissèrent passer Ulmur et s'écartèrent de son chemin, car sa venue était désirée et un Ancien fit venir Ulmur face à lui.
Ulmur, intimidé par la majesté de l'être, tomba à genoux devant l'Ancien. Dans son langage guttural, Ulmur pria son vis-à-vis d'épargner son peuple. Il supplia l'être de leur donner une chance. Il plaida la cause de son peuple et l'Ancien finit par accepter de laisser une chance au peuple d'Ulmur. Car c'était ce que les Anciens désiraient réellement.

Ulmur dit, venez et écoutez-moi, si vous souhaitez vivre.

Ulmur rassembla les hardes éparses dans la clairière de la Pierre de Sagesse. Il leur fit voir les prophéties et les secrets, les menaces et les promesses qui y étaient inscrits. Et ceux qui étaient venus surent qu'ils vivaient dans l'erreur et le péché.

Certains décidèrent de vivre dans la clairière et de protéger la Pierre de Sagesse des dangers. Certains décidèrent de retrouver ceux qui n'étaient pas venus et les convaincre.
Certains accompagnèrent Ulmur alors qu'il entra au service des Anciens, aux côtés de tous ces peuples qui se consacraient au service des Anciens.

Nos ancêtres voyageaient rapidement car ils étaient portés par le vent et leurs sabots. Les connaissances des Anciens profitait à ceux qui construisirent une ville autour de la Pierre. Nos ancêtres étaient peu nombreux et beaucoup avaient quitté nos terres.
Ulmur, le premier d'entre nous, reçu le don de longue vie. Sortant du cycle des réincarnations, il veuille désormais sur la Pierre de Sagesse.

Ulmur dit, rentrez chez vous, élevez vos fils, élevez vos familles. Ce monde est devenu fou.

Un jour, les Anciens disparurent. La magie se fragmenta. Nombre des nôtres disparurent dans le chaos qui suivit la disparition des Anciens. Les autres retournèrent au Bosquet d'Ulmur où se trouvait la Pierre.
Nous étions trop nombreux pour vivre dans la clairière, aussi Ulmur nous dit en nous montrant les plaines au sud et à l'ouest, cette terre sera notre terre et celle de nos descendants. Les siècles en seront témoins. Allez et peuplez-la. Menez vos troupeaux, vos champs et vos enfants, mais n'oubliez pas de revenir un jour à la Pierre, elle représente l'alliance entre notre peuple et les Anciens, elle représente nos péchés et la miséricorde de nos protecteurs. Je ne sais pas ce que nous réserve le futur. J'ignore si les Anciens reviendront un jour. Mais s'ils nous retrouvent un jour, ils verront que nous n'avons pas changé et grande sera leur joie.

Qu'en pensez-vous maître ?"

"Hum, oh ? C'est fini ? J'ai manqué m'endormir. C'est un peu long, mon enfant. Tu insistes bien trop sur mon rôle. Heureusement, tu ne t'attardes pas sur le cycle des réincarnations ou sur la vie au service des Anciens. Ni sur la culture du maïs ou la chasse au cerf. Et puis ces citations à tout va. Certaines ne sont même pas de moi. Très joli tout de même, belle langue. Tu aurais pu devenir orateur, si nous en avions eu besoin. Mais une mémoire d’airain est plus importante qu'une langue d'argent.
Il faut rester concis, concentres-toi sur ton sujet et rien d'autre. Par exemple, voici la parole d'Eltumur : Nous vivions dans le péché, les Anciens nous en ont extrait, nous voilà civilisés, nous vivons apaisés.
Tu comprends ?"

"Tout de même maître, ça manque de détails."

"C'est vrai, c'est vrai. Et bien tu demanderas à Eltumur de t'aider à simplifier ta parole et tu me la représenteras, d'accord ?"

"Eltumur est mort il y a cinq ans maître."

"Il est ... c'est vrai, haha, je me souviens. Tu sais, quand on a vécu aussi longtemps que moi la mémoire se mélange un peu. Pourquoi crois-tu que je ne fais pas que retenir les paroles, que je cherche à les transmettre également ? Je ne suis pas infaillible."

"Ne dites pas ça maître !"

"Haha. C'est gentil de ta part mon enfant. Hahaha. Les faits demeurent mais les mémoires s'échappent. N'oublie jamais ça, à défaut d'autre chose."

Tour 16 : Prêts pour la nuit qui vient

"Et cette 'couverture', à quoi sert-elle ?"

"Elle tient chaud la nuit, maître Ulmur. Vous savez, lorsque le vent se fait fort ou que vous avez traversé un cours d'eau, que les températures chutent. Ces couvertures permettent de se sécher puis en la remplaçant par une seconde, à se tenir au chaud. Afin de ne pas tomber malade."

"Malade ? De telles choses arrivent encore ? Je croyais que nous les avions toutes éradiquées."

"Hélas maître, nous sommes encore loin d'un tel résultat. Même avec la magie et la science médicale que vous nous enseignez, les troupeaux risquent toujours d'attraper quelque chose. Nous manquons de guérisseurs pour traiter chaque problème, surtout les problèmes mineurs. Et beaucoup d'éleveurs partent sans prévenir, ils voyagent beaucoup et craignent les pluies torrentielles qui peuvent s'abattre. Alors avoir chaud, c'est une chose qu'ils apprécient."

"Je comprends, je comprends. Et cette roue, à quoi sert-elle ?"

"Eh bien, nous n'en sommes pas encore sûr maître. Nous essayons de construire des charrettes avec, comme dans vos histoires. Mais je pense qu'il manque quelque chose dans le système car nous n'arrivons pas à les faire tenir. Il faut réussir à les avoir aux bonnes dimensions ou elles ne tiennent pas en place. Et puis elles mettent longtemps à être reconstruites, alors qu'elles s'abiment en seulement quelques années. Il faudrait que plus d'artisans se mettent à en fabriquer, mais puisque ça ne produit aucun résultat, la majorité d'entre eux sont trop occupés et ça ne ..."

"Du calme mon petit, du calme. Ont-ils pensé à utiliser des couvertures pour supporter la charrette sur le torse inférieur ? Si la couverture repose sur le torse inférieur et les brancards de la charrette reposent sur la couverture, il ne devrait plus y avoir de problème de taille."

"Le torse inférieur ? Vous .. ce n'était pas le supérieur ?"

"Pour des créatures n'en n'ayant qu'un, bien sûr. Nous en avons deux, si ma mémoire est bonne."

"Je .. je crois que personne n'y avait jamais pensé maître. Pouvez-vous m'excuser ? Je reviens dans quelques heures. Ou jours. Le temps de modifier les créations."

"Fais-donc mon enfant. Je ne vais nul part."

Tour 17 : La bête aux écailles

Les charrettes étaient magnifiques. On s'en servait maintenant pour transporter les récoltes ou le matériel, pour transporter les poulains et parfois comme abri temporaire. Les charrettes étaient utiles. Elles aidaient bien. On pouvait travailler avec plus d'efficacité dans les champs, car il y avait moins de trajets à effectuer.

Le calendrier était une bonne idée. Guidé par l'emplacement du soleil à certaines périodes de l'année à certains moments, on sait mieux organiser les récoltes. C'est un peu plus précis qu'auparavant. Même si les étoiles aident. Les étoiles aident toujours, et d'autant plus maintenant qu'on les étudie avec méthode.

Les maisons solides se couvrent de vitres. C'est pratique. C'est chaud. Il faut sortir dehors pour ouvrir les volets, mais ce n'est un problème qu'en hiver. Et autant les laisser fermer en cette saison. Pour l'éclairage, c'est moins pratique, mais il fait bien trop froid sous la neige. Même avec des couvertures.


"Et puis il y a ces créatures que nous avons découvert sur les côtes. Au début, nous les avions prises pour des rochers. Nous ne sommes pas bien sûr de ce qu'elles sont ni de ce qu'elles mangent, mais de courageux chasseurs ont réussi à capturer l'une des bêtes. Si vous pouviez nous dire ce que vous en pensez, maître ..."
"Bien sûr. Où se trouve donc ce petit animal ?"
"Dans un chariot renforcé, maître. Nous ignorons de quoi ces créatures sont capables."
"Allons allons, je suis sûr qu'il n'y a rien à en craindre. Guide-moi."

"Voilà maître, l'animal se trouve dans cette charrette. Prenez garde, on ignore ses capacités."
"Je suis sûr qu'il n'y a rien à craindre. Voyons-voir ce que .. oh ? Ohoh ? Hinhinhinhinhinhin."
"Maître ?"
"Hinhinhin. Hinhinhin. Crois-moi Umman, il n'y a rien à craindre de cet animal."
"Vous en êtes vraiment sûr ?"
"C'est une tortue, mon enfant. Une gentille tortue tout ce qu'il y a d'herbivore. Plus grosse que celles que je connaissais, tout de même."
"Une ... tortue ?"
"Laisse-moi te parler davantage de ces charmants animaux. Tu verras, il n'y a rien à en craindre."

Tour 18 : Jardin zen

Rundelm considéra l'arbre qui se tenait devant lui. Plus petit qu'un arbuste, plus taillé qu'un bosquet. Une œuvre de chaque jour. Car il n'en n'avait pas qu'un, mais des dizaines à entretenir, à faire vivre. Idéalement ces arbres auraient grandi, grandi, ils auraient formé une forêt qui aurait recouvert le continent.
Mais cela n'était pas souhaitable. Les Ulmurates avaient besoin d'espace pour leurs champs, plus nombreux d'année en année. Et une partie de leur territoire était déjà bloquée par la forêt sacrée, celle qui contenait le Bosquet de la Pierre de Sagesse.
Alors on cultivait de petits bosquets, arrangés dans des parcs comme celui de Rundelm. Et l'on venait l'admirer, comme une forêt en miniature. C'était un lieu reposant, après une journée de travail.
A cette heure-ci, il n'y avait jamais grand monde. Seul un "médecin", ces étranges personnes toujours dissimulées sous leur masque et leur manteau, se trouvait penché sur une fleur violette. Rundelm retint un frisson. Les centaures étaient accueillants, mais les médecins ... il fallait reconnaitre qu'ils ne faisaient pas grand chose pour les mettre à l'aise.
Et il paraissait qu'Ulmur ne se souvenait pas d'eux. D'où venaient-ils ? Peut-être une cité que le maître n'avait pas visité dans sa jeunesse. Tout de même .. il y avait des raisons d'être méfiant. Même pour des gens aussi ouverts que les Ulmurates.

L'étalon secoua sa crinière et chassa ces vilaines pensées de son esprit. Ce soir le chamane du village avait annoncé un spectacle de lumières. Rundelm aimait les lumières. Elles avaient un aspect reposant, comme son jardin. Elles brillaient de mille feu avant de s'éteindre comme une luciole. Elles s'envolaient dans les airs pour parfois y mourir. Des fois elles revenaient, leur auréole déjà diminuée. Qui s'éteignait.

Rundelm se fit la réflexion qu'il devait aller voir le géomaître bientôt. Il avait des idées pour remodeler son jardin, mais sans l'aide du sorcier de la terre, ce serait trop long à mettre en œuvre. Rundelm sourit en pensant à son grand-père. De son temps, on n'avait pas toute cette magie, disait le vieux centaure. Bien sûr grand-père, mais les temps avancent. Ulmur se remémore et les centaures innovent. Leur nombre et la sagesse d'Ulmur se conjuguaient pour améliorer le sort de tous.
Que pouvait-on souhaiter de mieux ?

Leurs ancêtres chassaient des proies maigres et se disputaient. Ils se battaient contre les anciens, ils vivaient comme des sauvages. Vraiment, qui aurait pu vouloir d'une telle vie ?
S'il avait vécu du temps de ses ancêtres, jamais il n'aurait eu le temps de voir pousser son jardin.

Rundelm était satisfait de sa vie. Il observa le médecin partir, de sa démarche claudicante. Puis celui-ci sorti de son champ de vision, le centaure reprit ses tailles.

Tour 19 : C'est petit, ça vole et ça pique.

Mennu était nerveuse. Depuis qu'elle était entrée dans ce bosquet dans un ravin, elle s'était sentie observée. Face à une créature dangereuse, elle aurait pu se battre, elle avait ses sabots, son arc, et même une armure de cuir. Peu de centaures en avaient, c'était une création récente. Mennu était fière d'en avoir une. Ses talents de chasseresse étaient reconnus dans la région. Elle avait vu de la fumée venir de cette ravine, elle espérait qu'il ne s'agissait pas d'un peu.

Aussi faisait-elle partie de ceux qui exploraient maintenant en détail les nouvelles terres, s'assurant qu'il n'y avait pas de danger pour les troupeaux de bétail. Qu'il n'y en n'avait pas non plus pour les nouveaux habitants des terres. Les steppes sont vastes.

Une ombre passe dans le coin de son œil, trop vive pour que Mennu l'aperçoive réellement. La centaure sursaute, nerveuse. Elle a bandé son arc.

« Ça qui ? »
« Ah !! »

Un insecte parlant s'est posé sur le nez de Mennu, prenant la chasseresse par surprise. La flèche part se planter dans un arbre. Dans le mouvement, l'insecte a été délogé. Le voilà qui flotte dans les airs et qui ... une minute. Depuis quand les insectes ressemblent-ils autant à un bipède. Un bipède minuscule, ailé, mais un bipède quand même.

« Qui ça est ? »

C'est de l'ancien. Cette créature parle l'ancien. Pourquoi fallait-il que toutes les créatures que l'on rencontre ces temps-ci parlent l'ancien ? Ils ne pourraient pas essayer de parler centaure, enfin ? Mais non, il fallait que ça soit les grands musclés qui devaient apprendre la langue des petites choses.

« Je ... Mennu. Explorant vallée. Qui ça es ? »
« Moi est Nikip, moi surveiller prédateurs. »
« Tu ... menaces ? »
« Non, non. Menaces dehors. Est prédateur tu ? »
« ... Non. Ami. »
« Ami bon. Moi suivre, moi montre village. »
« Moi .. oui. »

Mennu n'était pas sûre d'avoir tout compris, mais la petite bête semblait vouloir la mener à son village. La centaure délogea sa flèche du tronc où elle s'était plantée et rangea son arc. Elle vérifia que son couteau était facilement accessible, au cas où l'insecte bipède la menait dans un piège.

Mais en guise de piège, Mennu découvrit un minuscule village creusé dans une dizaine d'arbres, abritant les petites choses volantes. Elle était l'étrangère et sa taille immense semblait impressionner les insectes. La majorité portait des armes faites de ... métal ? Et des armures ? Était-ce un ancien savoir ? Voyant que l'une avait un casque porté à l'envers, Mennu se mit à rire. Ils étaient en arme à cause d'elle, manifestement.

« Moi ami », affirma Mennu.
A ces mots, elle en vit plusieurs hocher la tête d'un air entendu. Le village paraissait silencieux, mais ces bruits résonnaient toujours. Comme des chants. Mais ça ne semblait pas venir des insectes. Ou entretenaient-ils un chœur en toute occasion ?
« Bonne .. musique. »
Là encore, les fées approuvèrent. Nikip, qui s'était éloignée, revint avec une pierre entre ses petits bras. Et un mystère s'éclaircit pour Mennu. Les chants venaient de cette pierre, aussi étrangement que cela pouvait paraitre. Était-ce de la magie ? Sûrement. Elle devait en ramener à la maison.

« Je ... aller chercher ami. Toi accepte ? »
Il fallait qu'elle prévienne le Porteur de Parole Lunna, il savait parler l'ancien, lui. Et il était bien plus à même de comprendre les connaissances perdues mises en œuvre ici.
L'être-fée sembla un peu déçu du départ de la centaure, mais il hocha la tête et répondit quelque chose en ancien, que Mennu ne comprit pas bien. Elle fit attention à ne marcher sur personne en repartant, mais les insectes-bipèdes firent tout autant attention à ne pas finir sous ses sabots.

« Je bientôt reviens. »

______


La rencontre entre le centaure Lunna et ces petits êtres qui seraient bientôt appelées les Fées d'Acier le jour-même furent le départ d'une ère de découvertes pour les Ulmurates. Pendant longtemps peu nombreuses, la protection, la nourriture et les soins apportés par les centaures virent bien rapidement le nombre des fées croître. Et les connaissances que celles-ci apportaient s’avérèrent grandement utiles.

Elles surent même activer une machine des anciens découverte par les centaures quelques dizaines d'années plus tôt, que nul n'avait jusqu'alors réussi à faire fonctionner. Et la machine traça de beaux sillons dans la terre.

Tour 20 : C'est petit, ça roule et ça pique.

Les petites fées s'étaient intégrées avec brio à la société centaurine. Si elles n'éprouvaient pas la même révérence que leurs grands amis pour le rôle d'Ulmur et les pêchés passés des grands, n'y étant évidemment pas impliquées, elles étaient d'une nature agréable, enjouée et affichaient une curiosité de tous les instants.
Elles étaient aussi inventives, là où les centaures étaient calmes et lents à innover.
En preuve, leur dernière invention : Le hérisson de guerre.

« Plus vite Rosinante, plus vite ! On va les dépasser. »
« Hum .. non. »
« Allez ! Tu peux le faire ! File comme le vent. »
« Comment veux-tu que ton hérisson me dépasse ? Je suis en train de marcher et il est épuisé rien qu'à suivre mon rythme. »
« Il fait semblant. Pour que tu le sous-estimes et tout ! »
« Je ne crois pas. Tu vas le rendre malade si ça continue. Et puis à quoi ça sert, tu irais plus vite en volant. »
« C'est ... pas tout à fait faux. Tu crois que si j'attachais des ailes à Rosinantes, il irait plus vite ? »
« Quoi ?! C'est quoi cette question ? »
« Une question. »
« Oui mais ... t'es sérieuse ? »
« Bien sûr. »
« Oublies. Et puis d'abord, ce n'est pas inconfortable avec tous ces piquants ? »
« Mais non, il est tout doux Rossinante. Et j'ai mis une selle. »
« C'est vrai, "une selle". Si cette chose est une selle, je suis ta grand-mère. »
« Mamie, tu m'as tellement manqué !! »
« À l'aide ... »

Des efforts lents, mais constants, permirent aux études en géomancie d'influencer leur milieu. Modeler la terre n'était plus qu'une théorie ou une dépense d'énergie considérable pour pas grand chose. Elle devenait une œuvre utile et fonctionnelle, plus efficace que d'utiliser la force de dix centaures pendant le même laps de temps. Et contrairement aux ouvriers, la magie ne nécessitait de nourrir qu'un seul sage.

Il n'y avait rien à dire, car rien ne s'était passé. La vie s'écoulait, comme toujours, et les frontières s'étendaient.