Prélude

Il est dit que dans les temps de jadis, longtemps avant le Crépuscule des Anciens et la Grande migration, une race de petites créatures fut créée par les Anciens de la cité de Kyervanen. Tant par dérision que pour une meilleure classification de leur nouvelle création, ceux-ci les appelèrent les «Alves», un terme se traduisant par «semi-êtres» ou «demi-portions» dans l’ancienne langue. D’un point de vue physique, les Alves n’étaient pourtant pas si différents des Anciens qui les ont créés. Leurs oreilles étaient certes légèrement plus pointues, leurs yeux un peu plus grands proportionnellement par rapport à leur visage. Seule leur taille, pour moitié moins grande qu’un Ancien, semblait réellement les différencier physiquement de leurs créateurs. Tous ces traits leurs donnaient une apparence quelque peu féérique; certaines légendes racontent d’ailleurs que les Anciens se seraient servis de leur sang et de celui de fées afin de créer les premiers Alves, et que ce serait de cet héritage si particulier que viendrait l’attrait tout naturel des Alves pour l’imaginaire et la magie.

L’existence passée des Alves d’avant le Crépuscule des Anciens demeure assez peu connue et tient en partie du mythe et de la légende. On raconte que les Alves furent créés originellement afin de servir les Anciens dans leurs travaux sur la magie et la magi-tech, leur aisance avec la magie et leur héritage génétique renforçant ce rôle qui leur était tout naturellement destiné. Et que par leur travail, ils acquirent le respect et la reconnaissance de leurs maîtres. Il est dit également que des Alves travaillèrent sur le projet Renaissance, un projet mené par l’Ancien Nidfildr Kinjhal. Que ce projet si prometteur, sensé créer une nouvelle Toile de magie pour remplacer l’ancienne, s’avéra être la catastrophe connue aujourd’hui comme étant le Crépuscule des Anciens.

En réaction au Crépuscule des Anciens, les Alves survivants, race magique par excellence, furent accusés des malheurs ayant frappé l’Empire. Les Anciens ayant disparus, les Alves servirent de bouc-émissaires et rapidement on les persécuta. Traqués et enfermés dans de vastes geôles car jugés trop dangereux aux yeux des races non-magiques, les Alves semblaient être la seconde race à devoir disparaître suite au Crépuscule. Ils y restèrent des mois avant qu’un groupe de résistants Alves, profitant des troubles agitant la cité, ne parvienne aux geôles et ne les libèrent. Profitant de l’obscurité, ils quittèrent la cité de Kyervanen. En s’enfonçant dans la nature, un milieu complètement nouveau pour eux, on raconte que plus d’un Alves jeta un regard vers l’arrière, vers la cité qui avait été leur foyer de toujours, mais qu’aucun ne détourna ses talons; ce foyer leur était devenu hostile, aucun retour en arrière n’était possible. De cette époque, daterait la méfiance des Alves envers les races non-magiques ou n’utilisant pas la magie.

La fuite des Alves dura des mois, une période que les chroniqueurs de cette époque appelèrent la Grande migration. Dû à leur manque de préparation et à leur absence totale de connaissances sur le monde extérieur, un nombre important d’entre eux périrent. Une période de deuils et d’embuches au cours de laquelle les survivants durent apprendre à survivre dans ce nouvel environnement, une période nécessaire et qui porta ses fruits : au fil du temps, les pertes se firent de moins en moins nombreuses. Dans la quatrième année de la Grande migration, une organisation sociale se mit en place dans la cohorte de réfugiés afin de faciliter la cueillette des ressources : c’était la naissance du système des clans familiaux caractérisant encore aujourd’hui la société Alves.

Les décennies s’écoulèrent. Parcourant les pistes des bois et les plaines innombrables, les Alves vécurent une existence entièrement nomade, ne s’attardant à un endroit que pour en récolter des ressources qui leur seraient autrement inaccessibles. Si cette errance leur permis d’éviter l’essentiel des conflits interraciaux succédant au chaos provoqué par le Crépuscule, elle leur retira également le privilège de profiter d’un foyer.

Un siècle après leur départ de Kyervanen, des éclaireurs Alves finirent par tomber sur les ruines d’un antique complexe de recherche magi-tech des Anciens. Ce n’était certes pas la première fois que les Alves trouvaient d’antiques ruines; des voies de métal sinuaient entre les ruines passées de cités souvent anéanties et des tours aux sommets brisés étaient apercevables à intervalles réguliers. Cependant, au coeur de ce complexe, ils trouvèrent un dispositif constitué de deux tours en métal et d'une console. Leur lecture des quelques archives des Anciens ayant survécues leur permirent de déterminer qu'il s'agissait là d'un projet expérimental mené par leurs anciens maîtres, un projet destiné à permettre le voyage instantané entre deux portails forts éloignés. Selon toute apparence, le dispositif en était encore à ses phases de test lorsque le Crépuscule survint et, par miracle sans doute, il avait résisté au cataclysme; le dispositif et sa console semblaient toujours en bon état, seuls l'effet du temps et du climat semblaient les avoir abîmés et encore que légèrement. Il faut se rappeler que le Crépuscule n'était pas loin dans les esprits des Alves et qu'une part des connaissances d'alors subsistait encore, se transmettant de génération en génération. Ainsi, que ce fut par chance ou par réelle connaissance technique, ils parvinrent à faire fonctionner le dispositif.

Sur une île lointaine et oubliée du monde, un portail s'activa. L'air doux et frais de l'aube accueillit les nouveaux venus en provenance du continent, les premiers voyageurs depuis un âge. Un par un, puis par centaines, les petites créatures traversèrent et se déversèrent sur la grande place de ce qui fut jadis un avant-poste Ancien. Les premiers éclaireurs firent le tour des ruines et, s'étant assurés de l'absence de danger immédiat, allèrent rapidement en avertir leurs congénères. Et alors, ils prirent connaissance du nouveau monde qui les entouraient. Les bambous, les ginkos et les cerisiers en fleur. Une rivière coulant non loin. Les embruns de la mer toute proche. Un monde nouveau s'ouvrait à eux, un monde qu'ils escomptaient faire leur. Et deux jours plus tard, bien après la désactivation définitive du portail, les Alves se déplacèrent et s'installèrent non loin de l'embouchure de la rivière; ce fut sur ce site que fut fondée Nobashi et que commença la première renaissance de la magie en ce monde depuis le Crépuscule des Anciens.

Description de la race des Alves
Nés du croisement des gênes des Anciens et de ceux de créatures féeriques, les Aleves constituent l'une des rares race naturellement magique ayant survécu au Crépuscule et aux événements y ayant succédé. Dû à son héritage, cette race demeure petite, faisant 1,08 m de haut en moyenne. De même, leur espérance de vie demeure particulièrement grande, atteignant aisément les 120 ans. Leur stature est svelte et leurs oreilles sont légèrement pointues. Si les cheveux demeurent généralement longs chez les deux sexes, force est de remarquer la quasi absence de pilosité faciale chez cette race.


Mentalité :
Dû à leur histoire passée, la mentalité des Alves demeure grégaire lorsque leur société est menacée de quelque manière que ce soit.


Gouvernement
La première forme de gouvernement des Alves fut celle du système de clans familiaux, où les chefs de famille se réunissaient et discutaient ensemble des principales décision à prendre pour le bien du Peuple. Ce premier gouvernement fut mise en place suite dans le courant de la Grande Migration afin de faciliter la récolte des ressources. Bien plus tard, lorsque les Alves atteignirent l'île Akihiko à l'aide du portail Ancien, ce système fut maintenu, devenant le Grand conseil de Nobashi. Au fil du temps, les clans les moins influents furent graduellement retirés du Grand conseil. En l'An 348, les principales familles dirigeantes étaient les Samukawa, les Kinomoto, les Ichihara, les Tanikaze, les Mizzuki et les Shiraui; l'équilibre des 6 clans devint alors un gage de stabilité politique chez les Alves.

Néanmoins, en l'An 367, la monté du clan Shiraui devait mener à la première révolution politique des Alves. La découverte récente de nouveaux peuples entraîna une centralisation du pouvoir. Désormais, la chef du clan Shiraui ...


Religion
«Hitsuzen. Un événement naturellement prédestiné. Un état dans lequel d'autres résultats sont impossibles. Un résultat qui ne peut être obtenu par une causalité unique, et où toutes les autres causalités créeraient nécessairement des résultats différents.»

La croyance des Alves, loin des cultes théistes, est entièrement tournée vers la philosophie. Le passé et l’avenir forme un fil qui, s’il est continu, n’est pas forcément immuable. En voyant l'avenir, il est possible de changer une voie qui aurait due être prise, pour autant que cette voie n'eut pas été la seule possible. Ainsi, si l'avenir n'est pas forcément prédestiné, il peut être parfois difficile de le changer. En certaines occasions, le remède peut s'avérer pire que le mal, aussi faut-il agir avec sagesse lorsque l'on tente d'appliquer une mesure pour changer un avenir possible pour un autre.

Tous les Alves ayant un minimum de connaissance en magie a la capacité de faire un rêve prémonitoire magique, bien qu’à fréquence très irrégulière, de manière aléatoire et concernant essentiellement des sujets du quotidien. Les prêtres Alves, si tant est que l’on peut parler de prêtres, sont les Rêveurs, ou les Voyeurs de rêves comme ils sont communément appelés. De tous les membres du peuple, les Rêveurs sont ceux qui sont les plus à même de maîtriser l’art du rêve prémonitoire magique, ceux dont les rêves sont les plus précis et les plus réguliers, et ceux qui se projettent le plus loin dans l'avenir.

Selon les Alves, la venue du Crépuscule des Anciens était, sinon inévitable, tout du moins une possibilité, une probabilité d’autant plus forte en considérant la situation de l’Empire au temps du projet Renaissance; d’une manière ou d’une autre, le temps des Anciens était révolu, et celui des races plus jeunes était arrivé. Afin qu’un nouveau départ puisse être pris, que la civilisation renaisse et fasse peut-être mieux que celles qui l’ont précédées. Néanmoins, un jour viendra également où le temps des Alves finira. Dans quel contexte et à quelle époque, les Rêveurs eux-mêmes ne l’ont pas encore entrevu, mais ce temps arrivera. Il faudra alors choisir quel héritage sera légué aux civilisations à venir, quel souvenir souhaitera-on leur laisser.


Militaire
À l’origine, les Alves étaient une race pacifique, seule leur importait leur travail dans les laboratoires magitech des Anciens; ils n’étaient pas préparés à une éventuelle confrontation armée, jugée illogique selon leurs conceptions d’alors. Leur race vivait dans une tour d’ivoire, loin des violences de ce monde, protégée depuis toujours par les Anciens. Cependant, la chute de leurs maîtres devait changer cela du tout au tout : confrontés à la menace de l’extinction de leur race par celles moins civilisées ou plus empreintes à la barbarie, ils durent apprendre à combattre pour survivre, la seule autre option étant de disparaître. S’ils ne vécurent pas de conflits majeurs suite à leur départ de Kyervanen, ils ne cessèrent toutefois pas de s’entrainer au combat, désirant éviter de répéter l’erreur précédemment commise de croire à la tendresse d'un monde parfois cruel. Aujourd’hui, le maniement de la lame est à leurs yeux autant un sport permettant de garder le corps en santé qu’une nécessité en vertu de leur histoire.

Leur style de combat favori mêle en un tout unique le maniement de la lame et de la magie, en un art du combat vif et rapide, en apparence chaotique mais vivement réfléchi; il s’agit de la voie du Magelame, un combattant léger aux tactiques essentiellement basées sur l’offensive. Armés d’un sabre et protégés par une armure de soie, ces troupes constituent le cœur et l’âme de l’armée alves. Les meilleurs d’entre eux rejoignent les rangs des Maîtres Magelames, qui comptent parmi les plus grands guerriers de leur temps.

Plus tard, en l'An 360 AC, un nouveau type de combattant est apparu suite aux découvertes effectuées dans le domaine de la magie : les mages de guerre. Armés d'un bâton en Sakura et de leurs sorts, ces unités légères d'attaque à distance ont pour but principal d'offrir un appui tactique aux troupe de magelames, en servant d'artillerie magique comme de générateur de champ de protection.

Pour les Alves, la guerre n’est pas objet de conquête, du moins pas forcément; il s’agit le plus souvent de régler un problème, et si nécessaire de l’éliminer à sa source. Pour que le peuple vive, sans crainte de devoir subir à nouveau la répression des races barbares et ignorantes de la magie. Afin de vivre en paix à nouveau, loin de toute menace.



Ressources :

Sciences :

Technologies :

Merveille et héros :

Armée :

Indicateurs (début du Tour 25) :

Tour 20

Yazuha, du clan Mizzuri, se tenait à la rambarde de la tour du temple en cette matinée de l’An 288 AC. L’aube était fraîche, la rosée printanière couvrait encore les planches du balcon. Son kiseru à la main, duquel s’élevait un doux filet de fumée âcre, elle avait les yeux plongés dans le lointain, vers l’ouest. Elle surveillait un groupe d’explorateurs partis avant le levant, tout du moins s’imaginait-elle les surveiller puisqu’ils avaient depuis longtemps quitté son champ de vision.

Elle prit une bouffée de son kiseru, songeuse. La veille, le commandant de l’expédition, Tomorodashi du clan Temura, lui avait demandé conseil afin que lui et les siens reviennent sains et saufs de leur expédition. Après avoir demandé son prix, la jeune prêtresse était partie se coucher et avait rêvée, d’un songe prémonitoire comme les hauts-prêtres du temple lui avait enseignée. Le rêve lui avait paru tout d’abord morne et ennuyant, Tomoradashi et son équipe passant tout près de ruines anciennes sans trop les remarquer. Puis, elle vit une éventualité, un futur possible. À son réveil, elle en avait averti Tomorodashi, et celui-ci était parti avec son équipe.

Yazuha ignorait si elle avait bien fait, si ce futur possible qu’elle avait indiqué à Tomorodashi allait être aussi fructueux qu’elle l’espérait. Peut-être qu’elle les avait envoyée sans le vouloir dans un piège mortel. Néanmoins, il était trop tard pour faire marche arrière; l’expédition était déjà loin et ce futur prédit ne pourrait plus être modifié, tout du moins plus de cette manière. Tout ce qu’elle pouvait faire était d’attendre et d’espérer qu’ils reviennent en vie.

* * * * *
La journée était bien avancée lorsque l’équipe de Tomorodashi parvint à la caverne indiquée par Yazuha. En apparence insignifiante, son entrée en pierre brute recouverte partiellement par la végétation ressemblait davantage à celle de la tanière d’un quelconque prédateur qu’à celle d’un antique complexe des Anciens. Néanmoins, ils s’y engagèrent, faisant confiance en cela aux prédictions de la prêtresse. Marchant en rangs serrés, ils finirent par atteindre le fond de la caverne au bout de longues minutes. En cet endroit, les explorateurs eurent la surprise de découvrir un petit dispositif ancré dans le mur.

Trois jours durant, ils essayèrent de faire fonctionner le dispositif, sans grand résultat. Cela semblait peine perdue. Le quatrième soir, il fut donc décidé qu’ils quitteraient la grotte le matin venu et qu’ils reviendraient plus tard avec des spécialistes en magie-tech Ancienne. Néanmoins, au cours de cette dernière nuit, alors que tout le monde était endormi, Tomorodashi effectua un dernier essai avec l’aide de quelques compagnons. Et ils réussirent. Une lumière éblouissante éclaira la caverne, réveillant tous ceux qui s’y trouvaient. Tomorodashi et quelques autres avaient disparus.

* * * * *
Les membres de l’expédition revinrent quatre jours plus tard. Parmi eux, quelques-uns manquaient toujours à l’appel. En outre, Tomorodashi avait disparu, visiblement sans laisser de traces. Yazuha, elle, savait pourquoi. Elle n’avait pas tout dit au chef de l’expédition; afin de réaliser ce futur possible, la rêveuse lui avait volontairement cachée certaines informations. Néanmoins, elle ne pouvait cesser de se demander si elle avait fait le bon choix.

* * * * *
En ouvrant les yeux, Tomorodashi découvrit un tout nouvel environnement. En lieu et place de la caverne humide dans laquelle il se trouvait un instant plus tôt, une grande salle de conception Ancienne prenait place. À ses côtés, une poignée de compagnons se réveillèrent également, paraissant tout autant surpris que lui de leur nouvel emplacement. Cependant, l’heure n’était pas aux apitoiements; il était leur chef et il se devait d’agir en tant que tel, de trouver un moyen de permettre aux siens de revenir dans leur foyer. Apercevant une plateforme dotée d’une console, Tomorodashi s’y dirigea et pianota quelques touches après avoir traduit sommairement quelques termes anciens, la dernière part des indications obscures de Yazuha.



Au même moment, un hologramme bleuté envahi la presque totalité de la pièce. Des planètes, des coordonnées, des trajectoires orbitales et plusieurs autres informations que les Alves ne purent comprendre apparurent. Néanmoins, à force de d’examiner ces données innombrables, ils en comprirent suffisamment pour développer les bases de la cartographie et pour comprendre le cycle des saisons, et plus particulièrement le cycle associé à leur planète.

* * * * *
Deux jours après être arrivés dans cette pièce, Tomorodashi et ses compagnons parvinrent à en ressortir grâce à un dispositif similaire à celui qu’ils avaient trouvé dans le fond de la caverne. En sortant au dehors, ils s’attendaient à ressentir à nouveau l’air frais du printemps, à sentir le parfum des cerisiers en fleur et des orchidées. Ils se disaient que le temps des semailles du riz devait approcher. Aussi, telle fut leur surprise de découvrir que les feuilles des arbres tombaient et que la nature en soit se préparait déjà à l’hiver; leurs deux jours avaient en réalité duré un peu plus de six mois. Six mois durant lesquels tout le monde les avaient crus disparus corps et biens, tout le monde sauf Yazuha qui, du haut de la tour du temple, guettait toujours leur retour.

Tour 20 (suite)

Assise sur l’herbe printanière du parc du temple, Yazuha attendait Tomorodashi. Elle lui avait donné rendez-vous sous son arbre préféré, un cerisier noueux aux fleurs d’un blanc limpide, afin de discuter de ce qu’il avait vu; peut-être avait-elle des questions à lui poser, ou peut-être que la recherche de sa compagnie seule pouvait expliquer ce rendez-vous impromptu. À ses côtés, un panier d’osier chargé d’onigiris fraîchement cuisinés patientait, pour l’occasion d’un repas agréable pris à l’extérieur. Le printemps s’annonçait doux; les fleurs des cerisiers venaient à peine d’éclore que certaines perdaient déjà leurs pétales, tombant en une neige florale éphémère.

* * * * *
Tomorodashi arriva à l’heure telle que convenue, un peu trop de l’avis de la rêveuse.

« Il me semble que tu n’as pas vieillis depuis notre dernier tête-à-tête. » Lui dit-elle, l’accueillant d’un sourire.

« Ne reviens pas sur cette histoire, Yazuha. » L’explorateur légèrement embarrassé s’installa aux côtés de la prêtresse, allant jusqu’à se coucher sur le sol, le regard rivé sur la frondaison blanche du cerisier. Depuis son retour de l'exploration de l'an dernier, on n’avait cessé de le bombarder de questions sur ce qui lui était arrivé. Une nouvelle équipe d’explorateurs avait même été envoyée dans le tunnel afin de vérifier ses dires, mais le dispositif refusait depuis de se réactiver. Sommes toutes, c’était sa parole contre les croyances populaires qui était en jeu, même si nul ne pouvait dénier les savoirs qu’il avait rapporté de son étrange épopée.

Pour lui, cette exploration faisait partie de l’histoire ancienne.

« Yazuha… Tu savais ce qui allait se passer? Avant mon départ, je veux dire? »

« Disons que j'en avait une petite idée… »

Il la regarda d’un air interrogateur, ce à quoi elle répondit par son sourire le plus narquois.

« Parfois, il faut forcer le destin. Que ce serait-il passé si je t’avais tout dit à ton avis? »

« Déjà, je n’aurais pas été embarqué dans cette histoire… » Répliqua Tomorodashi, d'un air grognon. Et il songea rapidement à ce qu’il venait de dire : effectivement qu’il n’aurait jamais utilisé le dispositif s’il l’avait su. Qui aurait été assez fou pour le faire sachant ce qui allait arriver? Peut-être était-ce la raison du silence de Yazuha, celle d’envoyer un individu afin de recueillir des connaissances des Anciens. Mais quand même…

Les rêveurs sont-ils tous aussi manipulateurs qu’elle?

Il jeta un regard du côté de la prêtresse, qui lui relança un sourire comme si elle lisait dans ses pensées (ce qui pouvait tout aussi bien être le cas).

Finalement non. Estima-t'il quelque peu désappointé. Visiblement, ça doit être un trait de caractère connu d’elle seule.

« Onigiris? » Lui proposa soudainement Yazuha en lui tendant le panier en osier.

« Oni...giris? »

Décidément, elle venait de changer de sujet de conversation. Peut-être qu'il ne s'agissait que d'une histoire passée pour elle aussi, une histoire où lui, Tomorodashi, avait joué le rôle de pantin. Il faut savoir qu'il était vraiment tombé dans le piège de Yazuha, et il avait la certitude que ce ne serait pas la dernière fois. Néanmoins, en la regardant et à bien y penser, il se demanda si il serait capable de lui en vouloir un jour pour ça.

* * * * *
Le pique-nique eut donc cours. Tout autour d'eux, les pétales de cerisiers tombaient, balayés par le souffle léger du vent. Au bout d'un moment, ils reprirent leur conversation.

« J'ai cru comprendre que maître Hamane avait développé une nouvelle technique de combat durant mon absence. Le kenjutsu, si je ne me trompe pas. » Commença Tomorodashi.

« Hamane Shugo? Si tu les auraient vus, lui et ses disciples... Ils n'avaient pas trouvé de meilleur endroit que le parc du temple pour s’entraîner. Après quelques jours, les hauts-prêtres leur ont poliment demandé de changer d'emplacement; je suppose qu'ils devaient être fatigués d'entendre des lattes claquer à tout bout de champs. »

« Et Hamane n'a pas répliqué? » S'enquérit l'explorateur.

« Je vois que tu le connais bien. Oui, il a répliqué, pour le meilleur comme pour le pire. Surtout pour le pire. » Elle soupira. « Et maître Hideki n'a eu de plus pressant que de lui montrer une technique de son cru à coup de branche de cerisier; il parait que l'effet a été magique. »

« Maître Hideki? C'est le vieux? Je croyais que c'était un pacifiste. »

« Il faut croire que cet état a dû lui passer puisqu'il est maintenant en guerre contre maître Hamane. Je suppose qu'à force d'entendre des lattes se fracasser et de s'en retrouver incapable de rêver, ça a dû lui donner des idées. »

Et ils en rirent de bon coeur. Ils étaient encore jeunes.

Tour 21
An 312 AC (Après le Crépuscule)

Le soleil d'été était au zénith. Une journée idéale pour sommeiller à l'ombre d'un arbre, de songer au passé et à l'avenir. Malgré ses nouvelles responsabilités de haute-prêtresse depuis le décès de maître Hideki, Mizzuki Yazuha s'était endormie à l'ombre de son cerisier favori, dans le parc du Temple des Rêveurs de Nobashi. La Rêveuse profitait ainsi des dernières chaleurs de l'été, de la caresse du vent et du bruit des insectes environnants. Elle savait qu'on viendrait la chercher plus tard pour une affaire de commerce, une prédiction d'un songe passé, aussi ne s'inquiétait-elle pas de de faire la sieste en toute impunité. Par la faute de Tomorodashi, son ancien amant, (et en partie de la sienne, elle devait l'avouer), Yazuha s'était faite une réputation de femme malicieuse et intrigante mais agissant généralement pour le bien de son peuple; de fait, on requerrait sa présence pour traiter avec un commerçant d'une autre race, d'autant plus si ce commerçant avait une apparence des plus louches. En attendant, elle profiterait de son sommeil, tout en se remémorant du passé.

* * * * *

Au cours des années ayant suivies l'étrange expédition de Tomorodashi, les sages alves s'activèrent à repousser les limites de leurs connaissances de la magie profane. Le fruit de leur labeur aboutit à la découverte du registre de l'invocation. Bien qu'aucun sort n'eut été clairement décris jusqu'à présent, des essais parfois hasardeux donnèrent des résultats intéressants et une idée du potentiel énorme de ce registre. Les sages indiquèrent d'ailleurs leur désir de continuer plus en avant leur exploration de ce registre au Conseil de Nobashi.

Autre fait marquant des dernières années, l'expédition menée par Torugawa Isuho au nord de Nobashi déboucha sur la découverte d'un important gisement de cristaux. Un échantillon de ceux-ci, d'un éclat bleuté et émettant une faible lueur magique, furent ramenés à la capitale pour être analysés. Après maintes analyses, on détermina que ces cristaux naturels devaient être semblables aux cristaux artificiels employés jadis par les anciens dans leur magitech; une fois retravaillés, ces cristaux pourraient remplir le même rôle que leurs équivalents artificiels. Une colonie fut donc fondée afin de coloniser le nouveau territoire exploré et d'en exploiter les cristaux qui y étaient présents.

* * * * *

À SUIVRE...

Un fier navire longe les côtes Alves.

Sur le pont, d'habiles marins sont à la manœuvre, sans effort apparent.
D'autre admirent simplement le paysage en dessinant.
L'équipage est vêtu d'ample chemises blanches et de pantalons ajustés aux couleurs vives.

Tour 24


Ayase Shiraui
An 348

Appuyée non-nonchalamment contre la rambarde ceinturant le deuxième étage du Sanctuaire du Conseil, Ayase Shiraui, fille de Kanate Shiraui, écoutait les principaux chefs de clan discuter du financement prochain d’une Académie de la magie à Seribashi. Les voix s’élevaient, le débat semblait encore reprendre une tournure chaotique. Les Sumeragi s’opposaient encore aux Mizzuki. Les Tsuyuri optaient pour un financement de la bibliothèque par les fonds de Seribashi. Les Tachibana proposaient un financement commun, de la part de toutes les cités. Et c'était sans parler des autres motions et débats.

Son père le lui avait dit : le Conseil était trop divisé pour effectuer efficacement la tâche qui lui incombait, soit diriger le Peuple. Trop d’opinions diverses, trop d’intérêts à défendre, trop de voix au chapitre du pouvoir, et aucun compromis. Sur tout, et absolument tout. Une crise politique était inévitable selon lui, une crise politique où les Shiraui auraient un rôle majeur à jouer.


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Yazuha Mizzuki
An 349

«La veille, un grand voilier est arrivé au large de nos terres. À son bord, des commerçants et des explorateurs d'un peuple de navigateurs inconnu jusqu'alors. Après avoir abordé une de nos jonques de pêche, ils furent guidés jusqu'au port de Nobashi

Ils semblent inoffensifs, incapable de manier une lame avec efficacité. De grands rêveurs, des voyageurs.