Ley finit son repas en deux-deux, et suis le mouvement pour finalement retourner en salle de réunion. Elle fait une petite moue en remarquant que le Sergent tiens absolument à commencer par un débriefing et un cours sur la survie en milieu polaire. Cette fois elle fait cependant l'effort de s'assoir sur une table - les chaises à proximité étant trop petites à son goût - en restant proche du reste du groupe. Par réflexe, sans réfléchir, elle laisse Olya parler en première, étant elle-même absente. Elle a toujours eu du mal à faire deux trucs à la fois, et sa digestion l'occupe bien !
Rapidement, elle finit toutefois par s'en mordre les lèvres. Olya a visiblement du mal a répondre aussi précisément que le souhaite Hearthbreaker, qui commence à s'agacer peu à peu. Elle les laisse échanger, toujours en retrait, et toujours par réflexe. La guerrière fait la même erreur en entendant Marvin prendre la parole : elle se tait en supposant qu'il saura donner plus d'info, notamment par rapport à l'apprentissage lié aux chiens de traineau. Après tout, c'est lui l'expert sur le sujet... !
Mais c'était sans compter sur son manque d'expérience en milieu militaire et son apparente allergie à leur mode de fonctionnement. Il n’arrive pas non plus à satisfaire le sergent ; pire encore, il s'énerve et l'insulte, ce qui ne fait que rendre ce dernier encore plus bouillant de rage. En entendant les voix monter, Ley ne peut s'empêcher de détourner brièvement la tête en se maudissant intérieurement. Elle s'était promise de prendre un peu plus les rennes, de gérer et d'unifier le groupe, et de servir d'interface avec les militaires.
Et au lieu de ça, elle digère et se tait, esclave de ses habitudes et de son manque d'initiative. Esclave de ses habitudes et de son manque d'initiative : cette pensée résonne en elle comme une claque mentale. Elle redresse le buste dans un geste soudain, et fait enfin entendre sa voix.
« Tout le monde se calme. »
Elle n'élève pas la voix, contrairement à Marvin et Harthbreaker. Son ton est calme, et pourtant d'une fermeté dans laquelle elle met toute sa force de volonté. Elle ne donne pas l'impression de dicter un ordre, bien plus d'énoncer un fait, comme si le simple fait de le dire suffisait à le rendre vrai. Elle enchaîne rapidement avant que quiconque ait le temps de protester ou de hurler de nouveau.
« On recommence depuis le début.
A partir de maintenant Sergent, j'aimerais que vous me considériez comme l'interface entre vous et notre groupe de runner. Mes compagnons ont de nombreuses qualités et de nombreux talents, mais l'échange de type militaire n'en fait pas partie. Je m'en charge, histoire d'éviter que le ton monte de nouveau et que d'autre insultes ne fusent, ce qui ne nous mènera nul part.
Je vais reprendre point par point ce qu'a évoqué Marvin.
Nous connaissons les bases du saut en parachute. Nous avons appris comment s'en servir, comment et quand le déclencher. D'un point de vue théorique c'était vraisemblablement suffisant. D'un point de vue pratique, certains d'entre nous ont eu du mal à juger le moment d'ouverture du parachute et l'ont ouvert un peu trop tôt ou un peu trop tard. Nous avons également tous eu plus ou moins de mal à atterrir sans nous faire de mal, c'est-à-dire à amortir notre chute. Quant à X.Y., elle a préféré se transformer en aigle plutôt que de descendre en parachute. Quand elle a compris que c'était une mauvaise idée, c'était déjà trop tard : le froid avait déjà abimé ses poumons. »
Elle tourna sa tête et son regard vers X.Y. un court instant, comme pour chercher confirmation, avant de revenir aux yeux du sergent. Elle poursuivit.
« Nous savons comment monter un campement, ce qui comprend : - Monter les tentes. - Découper des blocs de glace. - Utiliser les blocs de glaces pour bâtir des igloos et des murs protecteurs contre le vent.
Je pense que nous sommes plutôt bons sur ce point. A deux réserves prêts, peut être : - Nous mettons encore pas mal de temps à découper les blocs de glace. - Nous avons un peu de mal à nous organiser et à savoir comment monter le camp de manière optimale.
L'inuit nous a cependant donné quelques astuces : - Bien protéger les tentes et notamment leur entrée du vent grâce aux murs. - Ne pas placer les objets et aliments susceptibles d'être mangés ou mâchés avec les chiens. - Placer les tentes et igloo de façon à créer un triangle isé.. équilo... truc. Un triangle, quoi. »
Elle avait définitivement un problème avec les mathématiques et la géométrie.
« Pour les soins des chiens-loups, nous savons : - Comment et avec quoi les nourrir, c'est-à-dire nourriture des packs C et poisson pêché sur place. - Comment vérifier leur pattes pour s'assurer qu’elles ne sont pas trop abimées et que les bêtes sont en état d'avancer. - Comment les atteler. »
Elle marqua une pause pour se souvenir de la suite, puis continua :
« Évidemment, nous avons également appris comment pécher le poisson qui peut servir à nourrir tant les chiens que nous. En détail : - Comment assembler le harpon. - Comment percer le trou dans la glace. - Puis la pêche au harpon en elle-même.
Nos résultats ont été très inégaux de ce point de vue là. Plus qu'une question de compétence, je crois qu'il s'agit d'un problème de capacité physique : assembler le harpon avec des gants épais demande de la dextérité, percer le trou beaucoup de force, et pêcher de l'habileté et des réflexes. Lucas, Marvin et moi, plus performants physiquement, avons bien mieux réussit qu'Olya si j'ai bonne mémoire. Plus de théorie ne changerait guère de chose de ce point de vue là ; je suis d'avis que dans pareille situation les plus aptes devraient pêcher pour le groupe, tandis qu'un second groupe serait charger de monter le camp, de s'occuper des chiens, ou d'autres tâches annexes. »
Elle jeta un regard à Marvin au moment d'aborder le sujet de la conduite de traineau. Il avait beau être nouveau dans le groupe, et n'être visiblement pas tout à fait un atout lorsqu'il s’agissait de communiquer avec les militaires, elle le respectait vraiment pour la rapidité avec laquelle il avait réussit à apprendre des astuces sur le maniement des chiens et des longes. Elle aurait bien aimé qu'il participe au debriefing sur la conduite, mais elle avait des doutes sur sa capacité à rester calme si le sergent ne le trouvait de nouveau pas assez précis. Elle préféra donc leur donner tout deux une occasion de souffler et de se calmer, au moins pour cette fois, et continua sur sa lancée.
« Et finalement, la conduite de traineau. Je crois que si il y a bien UN apport théorique supplémentaire dont nous aurions besoin, c'est sur ce sujet. Là encore, l'inuit nous a donné des bases, mais seul Marvin semble avoir vraiment réussit à intégrer de manière concrète son enseignement. Dans le détail : - Nous avons appris comment tenir les longes, et comment nous positionner. - Nous avons appris à donner des directions aux chiens avec les longes. - Nous avons appris comment gérer le terrain, en fonction de ses inégalités.
Du moins en théorie. En pratique, nous avons presque tous encore beaucoup de mal. Le mieux serait sûrement de continuer à pratiquer jusqu'à être au point, mais nous n'avons pas ce temps. Toute astuce ou truc théorique - nous permettant de mieux gérer nos appuis ou de mieux anticiper les réactions des chiens par exemple - serait bienvenue. »
Son ton laissa penser qu'elle avait terminer, mais elle reprit rapidement la parole, comme pour ajouter quelque chose qu'elle avait oublié.
« Oh, et c'est également très basique mais l'inuit a tenté de nous faire comprendre le danger du froid. Il nous a donné la consigne principale à ce sujet : ne jamais parler, sauf à l'intérieur d'une tente ou d'un igloo. Ceux qui sont arrivés dans le pire état sont ceux qui ont malgré cela... mal estimé le froid. Vu la douleur qu'ils ont du ressentir, je doute qu'ils commettent de nouveau la même erreur. En revanche, cela reste un problème concernant l'équipement. Le froid avait gelé nos commlink lorsque nous avons voulu nous en servir. Et j'ai un doute sur la résistance des armes à feu. L'inuit n'a donné aucun enseignement sur ce point.
Dans la catégorie des leçons utiles, il serait également bon de ne pas oublier celles de votre Doc' : rester solidaire, soudés, et prendre soin les uns des autres. Nous devons êtres capables de nous réconforter, de partager au sujet de nos anxiétés, de nos peurs, de nos nuits et de nos rêves. Ce n'est pas accessoire : ça fait partie du processus de survie. Une fois dehors, il n'y aura plus la moindre place pour la moindre part de haine, de colère, de rancœur, de timidité ou de pudeur. Tout cela peut nous tuer aussi sûrement que le froid, alors autant s'y faire le plus tôt possible. »
Elle marqua une pause puis acheva :
« Je pense avoir tout dit. Des questions, Sergent... ? »
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