Les années n'avaient pas été faciles après la mort de ses parents. Seule, elle n'avait eu d'autre choix que de remettre sa vie à celui qu'elle estimait responsable de leur mort.
Hubert.
La plupart du temps, elle comprenait aussi qu'il avait été son sauveur, car seule, jamais elle n'aurait survécu dans cette ville.
Elle avait tenté d'aller voir les gens de la caravane, mais quand elle arriva le lendemain de la mort de ses parents, la caravane avait disparu. Les chariots étaient partis sans les attendre. Tous les chariots. Même le sien. Elle pleura des jours et des jours, elle n'avait même pas eu de corps à enterrer, de tombes à visiter, trop petite qu'elle était pour avoir pu savoir ce qui était arrivé à la dépouille de ses parents. Durant ces jours interminables, Hubert lui apportait tant bien que mal à manger : un quignon de pain là, une croûte de fromage ici, et parfois un peu de bière.
Plus d'une fois elle se fit agresser, soit qu'elle marchait sur les platebandes d'autres voleurs, ne faisant pas assez attention à la limite des quartiers, soit qu'on lui jetait des pierres, avec sa tête de petite mendiante crasseuse, soit qu'elle servait de défouloir pur et simple. Plus d'une fois, Hubert l'avait tirée de ces mauvais pas. Parfois, elle rentrait dans un sale état et il faisait ce qu'il pouvait pour être gentil avec elle.
Oui, Hubert avait été son sauveur, et ça n'avait pas dû être facile pour lui. D'ailleurs, ça ne devait pas tous les jours être facile pour lui. D'autant plus que lorsqu'elle faisait son cauchemar, elle lui jetait des regards mauvais. C'était plus fort qu'elle, et il le savait. Il savait aussi qu'un jour elle devrait partir, à cause de ça, pour quitter ces affreux souvenirs. Il ne savait pas comment elle se débrouillerait, mais il faudrait bien qu'elle parte, même si cela l'attristait. Car pour lui, elle était la fille de celui qui l'avait sauvé, celui qui ne l'avait pas donné aux monstres, celui qui était mort à sa place. Et chaque regard mauvais d'Ashley le lui rappelait cruellement. Jamais elle ne pourrait l'aimer comme il l'aime, mieux vaudrait qu'elle parte un jour. Il n'oublierait pas, mais il ferait tout comme. Après tout, si la vie avait été tendre avec lui, ça se saurait.
Ce matin-là, Ashley regarda Hubert d'un œil accusateur et triste. Elle ne pouvait pas s'en empêcher. Heureusement, il faisait comme si de rien n'était. Ce jour-là, donc, elle fit un peu traîner les choses. Juste pour montrer que ce ne serait pas une nuit facile. Finalement, elle répondit « Allons-y. »
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